Dosage biologique (fiche technique)

Les données disponibles montrent que le dosage biologique des PFAS n’est pas indiqué pour la population générale. Les incertitudes concernant la signification clinique de certains effets physiologiques observés et les difficultés d’interprétation des dosages biologiques justifient de poursuivre la conduite clinique standard usuelle, sans égard aux concentrations de PFAS mesurées par ces dosages.

Méthodes analytiques pour le dosage biologique des PFAS

Le dosage biologique des PFAS est plus fréquemment réalisé dans le sérum et le plasma. Le Centre de toxicologie du Québec (CTQ) offre l’analyse d’une dizaine de ces composés dans ces matrices. Les résultats sont interprétés en fonction des limites dans les composés analysés et les matrices sélectionnées ainsi que dans les méthodes analytiques disponibles (NASEM, 2022).

Les PFAS peuvent être analysées dans différentes matrices biologiques (sérum, plasma, sang, urine, lait, etc.) (NASEM, 2022). Le sérum et le plasma sont comparables pour la mesure, entre autres, du PFOA et du PFOS. Il s’agit des meilleures matrices pour la mesure de certaines PFAS à plus longue chaîne et ayant une longue demi-vie biologique (p. ex. PFOA et PFOS) (NASEM, 2022). L’urine peut s’avérer un choix pertinent pour la mesure de celles à plus courte chaîne et demi-vie (p. ex. PFBA et PFBS) (ITRC, 2022; OECD, 2011, 2013). Il demeure cependant de l’incertitude quant aux matrices à privilégier pour mesurer les PFAS avec des demi-vies plus courtes. Certaines PFAS sont détectées majoritairement dans certaines matrices (p. ex. PFHxA dans le sang total) (Poothong et al., 2017). Le nombre de composés analysés varie selon les méthodes analytiques utilisées.

Les méthodes analytiques disponibles pour les matrices corporelles présentent certaines limites, entre autres quant à leur sensibilité et au coût des analyses. Il est important de sélectionner des laboratoires et des méthodes qui rencontrent des critères d’assurance et de contrôle de la qualité établis afin d’assurer la validité des résultats (ISO, 2017).

La recherche dans ce domaine se poursuit afin de cibler les composés prioritaires auxquels la population est exposée. Le CTQ poursuit ses travaux sur le développement de nouvelles méthodes analytiques pour les PFAS émergentes.

Utilité du dosage biologique des PFAS en contexte québécois

Sur le plan populationnel, certains critères existent afin d’expliciter les avantages et les inconvénients d’utiliser à large échelle des tests paracliniques comme le dosage biologique des PFAS. Ces critères ont trait à la maladie ciblée (p. ex. l’incidence, la prévalence, la sévérité), au test paraclinique (p. ex. la validité, la fiabilité, la disponibilité et l’accessibilité) et aux options pour le dépistage/diagnostic (p. ex. la validité, la précocité, le caractère invasif) et le traitement (p. ex. l’efficacité et la disponibilité).

Le résultat du dosage biologique des PFAS ne renseigne pas sur la source ni sur la période d'exposition (p. ex. si elle est toujours actuelle). Il ne permet donc pas d’établir une stratégie ciblée afin de limiter l’exposition. Par ailleurs, de nombreuses limites existent actuellement quant à l’utilisation élargie du dosage biologique des PFAS.

Citons notamment :

  • L’incertitude quant aux effets cliniques reliés à l’exposition;
  • L’absence de valeur seuil valide reconnue pour interpréter le résultat du test et quantifier le risque de maladie chez l’individu, lié au manque d’informations sur les niveaux de concentration produisant des effets cliniques mesurables pour les différents composés et les mélanges;
  • Le coût du test et la faible validité démontrée de certains tests de dépistage subséquents pour les maladies ciblées.

Utilité pour l'individu

Pour une personne chez qui une forte exposition a été documentée, avant de considérer un dosage biologique des PFAS, il est important de prendre en compte d’une part les avantages et la valeur ajoutée et, d’autre part, les inconvénients de se soumettre à un tel test et aux investigations subséquentes qui pourraient en résulter. Des personnes fortement exposées sont, par exemple, celles consommant une eau avec une importante contamination avérée ou des travailleurs dans une industrie utilisant ces produits (NASEM, 2022).

Les bénéfices évoqués pour les personnes peuvent inclure l’autonomie dans leurs soins, l’augmentation du pouvoir d’agir pour réduire l’exposition et la diminution du stress lié à l’incertitude entourant l’exposition. Un intérêt médico-légal pour confirmer et quantifier son exposition pourrait aussi justifier le recours au test. Les inconvénients potentiels sont, par exemple, les difficultés d’interprétation du test de dosage des PFAS, les effets iatrogéniques possibles des investigations subséquentes ainsi que l’augmentation du stress lié aux craintes d’effets néfastes des PFAS.

Les avantages et les inconvénients de procéder à un dosage biologique des PFAS doivent idéalement faire l’objet d’une discussion entre un clinicien habileté sur ce sujet et son patient, ceci afin de faciliter une prise de décision éclairée. Cependant, pour les personnes plus fortement exposées, selon les connaissances actuelles, une caractérisation de l’environnement à risque accompagnée de conseils visant la réduction de l’exposition pourrait suffire. La population générale peut également bénéficier de ces conseils visant la réduction de leur exposition.

Les informations disponibles ne permettent pas de déterminer des bénéfices à utiliser le dosage biologique avec comme seul objectif d’explorer une imprégnation biologique chez un patient, sans plus d’informations disponibles sur une potentielle exposition environnementale ou occupationnelle importante. Les avantages potentiels seraient alors limités et les inconvénients possiblement présents. Dans l’éventualité où un résultat de test ne démontre pas un niveau anormalement élevé en PFAS, il ne devrait pas être refait, sauf si l’exposition se modifie (NASEM, 2022).

Utilité pour la population

Des mesures sanguines ou sur d’autres matrices corporelles faites dans le cadre de projets de biosurveillance populationnelle (p. ex. l’Enquête canadienne sur les mesures de santé [ECMS]; voir la fiche Sources d’exposition aux PFAS) ou dans un milieu de travail à risque pourraient être utiles afin de générer des données d'exposition dans différents lieux, groupes de personnes et sur plusieurs années. Ces données pourraient par la suite servir au besoin, entre autres comme valeurs de comparaison contemporaines pour les résultats des tests de dosage chez les individus lorsque réalisés. Elles ne pourraient cependant pas servir à interpréter les résultats quant aux effets potentiels sur la santé. Ces données pourraient aussi permettre de valider les effets populationnels à long terme de certaines mesures de contrôle communautaires, comme l’interdiction d'utilisation de ces produits (voir la fiche Limiter l’exposition aux PFAS ). Une utilisation des tests de dosage biologique des PFAS pourrait aussi contribuer à la recherche.

Conduite à tenir en fonction des résultats des tests

Étant donné l’exposition généralisée de la population à ces composés depuis de nombreuses années, la majorité des personnes présentent des traces biologiques de PFAS. La relation entre les concentrations sériques de PFAS et les différents effets physiologiques est de mieux en mieux documentée pour les PFAS les plus étudiées (p. ex. les PFOA, PFOS, PFHxS et PFNA). Ces dernières sont actuellement moins utilisées, mais elles persistent dans l’environnement (voir la fiche Sources d’exposition aux PFAS). Malgré cela, la signification clinique de ces effets physiologiques (p. ex. la diminution des anticorps ou l’augmentation des enzymes hépatiques) demeure parfois incertaine. De plus, les effets néfastes des PFAS émergentes, qui continuent à être utilisées et qui peuvent se retrouver dans les matrices biologiques, sont moins bien documentés.

Ces contraintes rendent difficile l’établissement de valeurs seuils valides pour guider l’interprétation des résultats des tests biologiques. Il n’existe actuellement pas de ligne directrice canadienne sur les quantités sériques en PFAS à respecter.

En l’absence de telles valeurs, les données de biosurveillance populationnelle ou, si elles ne sont pas disponibles, celles d'études épidémiologiques sur des populations similaires, peuvent servir afin de comparer les résultats des tests. Cela permettrait de savoir si l’exposition du patient est élevée par rapport à celle de la population générale (ATSDR, 2019). Cela ne renseigne cependant pas le patient sur le risque de maladie encouru lié à un niveau corporel donné de PFAS.

Sur la base de certains effets physiologiques et cliniques observés à la suite de l’exposition aux PFAS, les National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine (NASEM, 2022) des États-Unis ont proposé des lignes directrices afin d’interpréter les résultats des dosages sériques. Elles considèrent la somme de sept PFAS et elles permettent de classer les résultats en trois catégories selon deux seuils. Elles proposent une conduite clinique préventive pour chacune de ces catégories :

  • Première catégorie : la somme des PFAS sériques atteint moins de 2 ng/ml. Les auteurs préconisent alors la conduite clinique standard usuelle;
  • Deuxième catégorie : la somme des PFAS sériques est supérieure à 2 ng/ml et inférieure à 20 ng/ml. Les auteurs suggèrent la réduction de l’exposition lorsqu’on en connaît la source. Cela vaut particulièrement pour les femmes enceintes. Cette démarche doit s’accompagner d’une priorisation de certaines pratiques cliniques préventives recommandées par des organismes reconnus. Il faut alors surveiller la dyslipidémie, l’hypertension de grossesse et le cancer du sein dans les standards de pratique usuels;
  • Troisième catégorie : la somme des PFAS sériques s’élève à 20 ng/ml ou plus. En pareil cas, en plus de la réduction de l'exposition suggérée pour la deuxième catégorie, les NASEM recommandent de bonifier la conduite clinique standard usuelle avec des investigations supplémentaires pour la dysthyroïdie, le cancer du rein, la colite ulcéreuse et le cancer testiculaire.

Ces recommandations d’experts des NASEM (2022) se basent sur des études épidémiologiques sur les effets à la santé associés aux PFAS pour proposer des investigations supplémentaires. Elles ne font pas partie des pratiques standards de dépistage selon l’âge établi pour la population canadienne et états-unienne (ATSDR, 2019). Elles ne répondent pas non plus nécessairement aux critères détaillés plus haut pour réaliser un test de dépistage dans la population ou pour un individu avec des niveaux sériques jugés élevés en PFAS.

  • Pour le cancer du rein, la recherche de sang dans les urines chez les personnes de plus de 45 ans constitue le test de dépistage paraclinique suggéré par les NASEM (2022). Elles précisent que ce test ne possède pas une bonne spécificité pour la détection du cancer du rein. La prévalence populationnelle de ce cancer est très faible, ce qui diminue la valeur prédictive positive (VPP) du test de dépistage avec l’analyse d’urine. Ce dépistage comporte également des inconvénients, comme l’utilisation éventuelle de tests diagnostic coûteux (p. ex. la tomodensitométrie) avec des effets secondaires potentiels (annexe 1). La palpation abdominale à la recherche d’une masse affiche quant à elle une faible sensibilité pour la détection du cancer du rein. Elle pourrait donc entraîner de la fausse réassurance;
  • Pour le cancer testiculaire, aucun questionnaire ou examen clinique ne permet de le détecter précocement de façon valide. De plus, la détection précoce ne garantit pas un meilleur pronostic selon les informations disponibles (NASEM, 2022). L’utilisation d’une imagerie par ultrasons dans ce contexte peut aussi engendrer des coûts supplémentaires pour le système de soins. L’U.S. Preventives Services Task Force ne recommande donc pas le dépistage du cancer testiculaire;
  • Pour la colite ulcéreuse, les NASEM (2022) suggèrent de repérer la symptomatologie concordante avec un questionnaire au patient, outil qui n’est pas validé pour le sujet;
  • Finalement, pour la dysthyroïdie, faute de preuves suffisantes, les organisations qui édictent les lignes directrices de dépistage canadiennes et américaines ne recommandent pas de la dépister chez les patients asymptomatiques, puisqu’il n’est pas démontré que cela modifie le pronostic de la maladie.

Étant donné les incertitudes sur certains effets à la santé et les concentrations sériques auxquelles ils se produisent et les difficultés d'interprétation de ces tests, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) considère qu’à l’heure actuelle, les données ne justifient pas que les cliniciens modifient leur approche clinique en fonction des résultats des dosages biologiques de PFAS. Toutes les personnes soucieuses de leur exposition aux PFAS peuvent bénéficier de conseils prodigués par une organisation de santé publique ou par un clinicien habilité quant à la réduction de leur exposition (voir la fiche Façons de limiter l’exposition).

Les personnes symptomatiques continuent d’être traitées pour leur condition clinique selon les pratiques standards usuelles de soins et en considérant l'ensemble de leurs facteurs de risque. Les personnes asymptomatiques bénéficient des pratiques standards de dépistage selon l’âge établi pour les populations canadiennes et états-uniennes. Les raisons édictées plus haut ne justifient pas de procéder à d’autres investigations en contexte préventif.

D’autres regroupements de chercheurs et de cliniciens états-uniens proposent également le dosage sérique des anticorps des maladies évitables par la vaccination. Pour l’instant, il faut éviter cette pratique, puisque comme précisé par von Holst et al. (2021), on observe une diminution des anticorps en réponse à la vaccination, mais sans effet démontré dans les études sur l’efficacité vaccinale ou la diminution de la protection conférée par le vaccin. De plus, il n’y a pas d’intervention indiquée à la suite d’une constatation d’une diminution d’anticorps sérique, la revaccination n’étant pas recommandée sur cette base.

Références

  1. Agency for Toxic Substances and Disease Registry. (2019). PFAS: an overview of the science and guidance for clinicians on per-and polyfluoroalkyl substances (PFAS).
  2. International Organization for Standardization. (2017). General requirements for the competence of testing and calibration laboratories.
  3. Interstate Technology & Regulatory Council. (2022). Per-and Polyfluoroalkyl Substances Technical and regulatory Guidance.
  4. National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine. (2022). Guidance on PFAS testing and health outcomes.
  5. Organisation for Economic Co-operation and Development. (2011). OECD portal on perfluorinated chemicals.
  6. Organisation for Economic Co-operation and Development. (2013). Synthesis paper on per- and polyfluorinated chemicals (PFCs).
  7. Poothong, S., Thomsen, C., Padilla-Sanchez, J. A., Papadopoulou, E. et Haug, L. S. (2017). Distribution of novel and well-known poly- and perfluoroalkyl substances (PFASs) in human serum, plasma and whole blood. Environ. Sci.Technol., 51, 13388-13396.
  8. von Holst, H., Nayak, P., Dembek, Z., Buehler, S., Echeverria, D., Fallacara, D. et John, L. (2021). Perfluoroalkyl substances exposure and immunity, allergic response, infection, and asthma in children: review of epidemiologic studies. Heliyon, 7(10), e08160.

 

Auteurs :
Caroline Huot, Stéphane Perron et Julien Michaud-Tétreault, Institut national de santé publique du Québec.

Révision scientifique :
Stéphane Caron, Éric Gaudreau, Fabien Gagnon, Pierre Dumas et Vicky Huppé (Institut national de santé publique du Québec),
Sonia Boivin (Direction de santé publique de l’Estrie)
Julie Brodeur et Yun Jen (Direction de santé publique de Montréal)
Gille Delaunais (Direction de santé publique de l’Outaouais)
Christiane Dupont (ministère de la Santé et des Services Sociaux)
Michel Savard (Direction de santé publique des Laurentides)
Yannick Auclair, Julie Brunet et Julie Lessard (Institut national d’excellence en santé et services sociaux)
Marc-André Verner (Université de Montréal)
Jin Hee Kim, Vince Spilchuk, Rena Chung, Alvin Ching et Wai Leung (Public Health Ontario).

Citation suggérée pour la présente fiche :
Caroline Huot, Stéphane Perron et Julien Michaud-Tétreault. (2023). Dosage biologique. Dans Les substances per et polyfluoroalkylées (PFAS). Institut national de santé publique du Québec. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/pfas/dosage-biologique.

Dernière mise à jour :