Évolution de l’habitation et des conditions de logement au Québec

De l’organisation des services d’hygiène publique à la fin du XIXe siècle aux dernières modifications du Code de construction, l’évolution de l’habitation et des conditions de logement au Québec au cours des dernières décennies a connu une progression notoire.

Hygiène et salubrité

D’abord dévolus aux municipalités, les pouvoirs et responsabilités en matière de services de santé, d’hygiène publique et de salubrité ont progressivement été encadrés par des autorités gouvernementales provinciales (en 1887 par le Conseil d’hygiène de la province de Québec, qui devient le Service provincial d’hygiène en 1921). La volonté d’appliquer une réglementation uniforme – mesures d’hygiène minimales – et d’étendre les services de santé à la quasi-totalité du territoire habité de la province rencontre cependant une certaine résistance de la part des municipalités, qui ne voient pas encore les bienfaits des mesures sanitaires imposées, constatent leur perte d’autonomie dans ce domaine et craignent une augmentation des dépenses reliées à ces nouvelles mesures (Guérard, 1996).

L’implantation dès 1926 des Unités sanitaires, qui se chargent à la fois de la surveillance des mesures d’hygiène publique et de la médecine préventive, fait graduellement passer la gestion des services de santé et de l’hygiène publique des municipalités à ces nouvelles entités. Les Unités sanitaires permettent de normaliser les services sur la majeure partie du territoire, tant en milieu urbain que rural, et de promouvoir la médicalisation de la société québécoise (Guérard, 1996). Leur abolition au début des années 1970 permet la mise sur pied graduelle des départements de santé communautaire (DSC) et des centres locaux de services communautaires (CLSC), ce qui a notamment eu pour effet d’éloigner administrativement les organisations de santé publique des responsables municipaux (Dufour-Turbis, Levasseur, et al., 2015), ces derniers étant jusqu’alors impliqués dans les services de santé et d’hygiène publique.

Les restructurations subséquentes du réseau de la santé ont continué à modeler le système : d’abord, en 1993, avec la fusion de nombreux DSC et CLSC et la création de 18 directions de santé publique (DSP); puis, en 2003, avec l’intégration de celles-ci aux agences régionales de santé et de services sociaux (ASSS); et, en 2005, avec l’intégration des CLSC aux centres de santé et de services sociaux (CSSS). En 2015, dans le cadre de nouvelles fusions, les DSP et les CSSS ont été regroupés en centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) et en centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS).

Au fil du temps, les responsabilités ayant trait à la santé de la population ont été graduellement transférées du secteur municipal vers le réseau de la santé tel qu’il existe aujourd’hui. Les compétences en matière de salubrité et de conditions de logement sont cependant restées sous la responsabilité des municipalités. De nos jours, la Loi sur les compétences municipales (chapitre C-47.1) désigne les municipalités comme étant les autorités compétentes en matière de salubrité. Bien que les municipalités puissent adopter des règlements sur la salubrité et les nuisances (articles 55 et 59), elles n’y sont cependant pas contraintes par la loi. Pour plus d’informations sur ces responsabilités, consultez la section Municipalités.

La figure 1 illustre les principaux jalons dans l’histoire de la salubrité et de l’hygiène au Québec depuis 1836, tels que présentés précédemment.

Figure 1 - Salubrité, hygiène et changements dans les organisations concernées au Québec au fil des ans


Source : Dufour-Turbis, Levasseur, et al., 2015

Habitation et normalisation

En ce qui concerne le domaine de l’habitation, de nombreux développements législatifs et réglementaires ont permis d’améliorer les conditions de logement au Québec. Avant d’être une compétence provinciale, la réglementation de la construction était sous la responsabilité municipale. La variété des règlements municipaux et l’absence de règlement de construction dans certaines municipalités ont mené à la publication d’un premier Code national du bâtiment du Canada en 1941, sous les auspices du Conseil national de recherches Canada (CNRC) (Hansen, 2013). L’adoption de ce code ou d’une adaptation de celui-ci par les provinces canadiennes au fil des ans a permis d’uniformiser les prescriptions relatives aux nouveaux bâtiments et d’améliorer la qualité des habitations construites.

Les dispositions actuelles du Code de construction et du Code de sécurité du Québec encadrent tous les aspects liés à la structure des bâtiments, précisent des normes pour l’étanchéité et l’isolation de l’enveloppe des bâtiments et touchent certains aspects pouvant affecter la qualité de l’air à l’intérieur des habitations, dont la ventilation, le chauffage et la climatisation.

Bien que la responsabilité des principales normes pour la construction des bâtiments incombe au gouvernement provincial, les municipalités ont tout de même la possibilité d’adopter un règlement de construction en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (article 118). Ce règlement permet aux municipalités de déterminer notamment les matériaux pouvant être employés dans la construction, les normes de résistance, de salubrité, de sécurité et d’isolation des bâtiments construits sur leur territoire. Les normes édictées dans le règlement municipal doivent être supérieures ou équivalentes à celles contenues dans le Code de construction du Québec. L’adoption d’un tel règlement est utile aux municipalités afin de s’assurer que les bâtiments seront durables et respecteront les standards désirés.

Des préoccupations relatives à l’efficacité énergétique des habitations ont vu le jour au cours des dernières décennies. L’accroissement de l’efficacité énergétique des bâtiments d’habitation s’explique principalement par la volonté de réduire les coûts en énergie. En effet, au Canada, le chauffage à lui seul mobiliserait près de 60 % de la consommation énergétique résidentielle (SCHL, 2012). De plus, les améliorations à l’enveloppe des bâtiments contribuent à l’amélioration du confort des occupants et à la protection de l’environnement (p. ex. réduction des émissions en carbone). Ces changements viennent cependant de pair avec une étanchéisation accrue des bâtiments, ce qui réduit les échanges d’air entre l’intérieur et l’extérieur (par infiltration de l’air dans les interstices des bâtiments). Afin de maintenir une bonne qualité de l’air intérieur, il est important de compenser cette réduction des échanges d’air par une ventilation adéquate du milieu intérieur. Dans le cas contraire, les contaminants pourraient se retrouver piégés dans l’enceinte des bâtiments et contribuer à la dégradation de la qualité de l’air respiré par les occupants.

Enjeux actuels et problématiques en émergence

Le vieillissement du parc immobilier québécois − notamment dans les villes possédant de vieux quartiers qui n’ont pas été suffisamment rénovés − et l’émergence de nouvelles problématiques associées aux milieux habités (p. ex. manque de ventilation, composés chimiques volatils dans certains matériaux, punaises de lit) façonnent désormais le secteur de l’habitation dans plusieurs régions du Québec. Le rapport du directeur de santé publique de Montréal 2015 rapporte qu’en 2014, environ 3,4 % des ménages faisaient face à une problématique de punaises de lit, la majorité des ménages affectés étant locataires (CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, 2015). De plus, aucun secteur de l’île de Montréal ne serait épargné par les infestations (incluant les punaises de lit, les coquerelles et les rongeurs). L’emploi d’insecticides et de produits chimiques pour régler les problèmes d’insectes ou d’animaux indésirables est une autre problématique en émergence puisque l’utilisation inappropriée de ces produits peut représenter un risque en raison de la toxicité de plusieurs d’entre eux.

Les changements climatiques constituent un autre enjeu qui fait désormais partie intégrante des réflexions entourant la construction et la rénovation des habitations. En effet, le parc immobilier devra s’adapter aux effets des changements climatiques anticipés au Québec, qui incluent des augmentations des températures, des précipitations et des événements extrêmes, ces prédictions variant en fonction des régions (Ouranos, 2015). Des préoccupations reliées à l’efficacité énergétique, à l’empreinte carbone et à la qualité des milieux de vie dans les bâtiments d’habitation amènent ce secteur à revoir ses pratiques et ses méthodes (Rosenzweig et al., 2015). Les dernières décennies ont ainsi vu apparaître de nombreux systèmes de certification des bâtiments (p. ex. LEED, BREEAM, Novoclimat) et des produits et matériaux (p. ex. GREENGUARD, Ecologo, Energy Star). Ces certifications assurent aux consommateurs et aux promoteurs que les produits et les bâtiments sont fabriqués ou construits en respectant certains critères prédéfinis tels que la responsabilité environnementale des matériaux (p. ex. proviennent de forêts gérées de manière durable), l’efficacité énergétique, la réduction des émissions tout au long du cycle de vie ou encore le maintien d’une bonne qualité de l’air intérieur (p. ex. par le choix de matériaux à teneur réduite ou nulle en composés organiques volatils [COV]). 

Les nombreux produits et substances chimiques disponibles sur le marché qui se retrouvent dans les habitations et dont les effets sur la santé sont parfois méconnus représentent un enjeu de taille au regard de la qualité de l’air intérieur dans les habitations d’aujourd’hui. Des substances qui ne semblaient pas poser de problème il y a quelques années, comme les retardateurs de flamme dans les produits d’ameublement, font maintenant l’objet d’évaluations des risques sanitaires et environnementaux en raison de leur potentielle toxicité (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail [Anses], 2015). D’autres produits actuellement sur le marché pourraient subir le même sort dans les prochaines années en raison des progrès de la science et de la conscientisation du public face aux enjeux reliés à la qualité de l’air intérieur.

Enfin, la présence de radon dans les sous-sols québécois a mené à une prise de conscience dans les dernières années et conduit les gouvernements à initier différentes campagnes de prévention et de sensibilisation de la population aux risques associés au radon. Des mesures d’atténuation peuvent être mises en place dans les habitations qui présentent des concentrations supérieures à la ligne directrice de 200 becquerels par mètre cube (Bq/m3) recommandée par Santé Canada (Santé Canada, 2009).