Qu'est-ce que la santé mentale?

Définir la santé mentale 

La santé mentale peut se définir comme une disposition qui permet à chacun de ressentir, de penser et d’agir de manière à jouir de la vie, à faire face aux difficultés du quotidien et à contribuer à la vie de sa communautéinspirée de 1,2.

Le plus souvent, la santé mentale est abordée par deux approches : hédonique (relative aux émotions) et eudémonique (relative au fonctionnement individuel et social). Pour le chercheur Corey Keyes3, la santé mentale globale peut se décliner en trois dimensions, qui réfèrent elles-mêmes aux approches hédonique et eudémonique :

  • Approche hédonique :
    • Le bien-être émotionnel : relatif au sentiment de bonheur et à la satisfaction envers la vie. 
  • Approche eudémonique :
    • Le bien-être psychologique : relatif au sentiment de compétence, de sens et de cohérence avec ses valeurs. 
    • Le bien-être social : relatif au rapport à la communauté et à la société, notamment au sentiment d'appartenance. 

Définie de cette manière, la santé mentale ne se limite pas à l’absence de troubles mentaux (p. ex. : dépression, troubles anxieux ou troubles de la personnalité). Étant donné que la notion de santé mentale est souvent associée à celle de trouble mental, on parle parfois de santé mentale positive pour l’en distinguer.

L'Organisation mondiale de la Santé (2001, p. 21) définit les troubles mentaux comme des « affections cliniquement significatives se caractérisant par un changement du mode de pensée, de l’humeur (affects) ou du comportement associé à une détresse psychique et/ou à une altération des fonctions mentales ».

Distinguer la santé mentale des troubles mentaux : le modèle du double continuum

La santé mentale a longtemps été conçue comme simplement l'absence de troubles mentaux. Adopter cette conception impliquerait :

  • qu'une personne exempte de troubles mentaux serait en bonne santé mentale, et, à l'inverse,
  • qu'une personne qui présente des troubles mentaux ne pourrait jouir d'une bonne santé mentale.

On penche davantage aujourd’hui pour une conceptualisation où santé mentale et troubles mentaux ne sont pas à l’opposé d’un même continuum. Ils peuvent coexister.

Cette perspective implique :

  • qu'une personne vivant avec un trouble mental peut présenter un certain niveau de bonne santé mentale4;
  • qu'une personne vivant sans trouble mental peut présenter une santé mentale sous optimale qui nuit à sa vie quotidienne4.

Le modèle du double continuum permet d'illustrer cette conceptualisation. On retrouve un axe vertical pour les fluctuations de santé mentale, et un axe horizontal pour les degrés de troubles mentaux (voir figure 1).

Figure 1 Le modèle des deux continuums : santé mentale et troubles mentaux4

sante-mentale-keyes

Le modèle du double continuum reflète que :

  • Le continuum horizontal représente l'absence, la présence et la sévérité des troubles mentaux, tandis que le continuum vertical décrit le niveau de santé mentale, de « languissante » (minimale ou mauvaise), à « florissante » (optimale ou bonne)5,6.
  • Pour bien caractériser les états de santé mentale, il est nécessaire de considérer à la fois la présence et la sévérité de troubles mentaux et le niveau de santé mentale3,6.
  • Selon ce modèle, les personnes qui présentent une santé mentale florissante combinée à une absence de troubles mentaux sont considérées en état de « santé mentale complète »7,8.
  • La présence d’un trouble mental diagnostiqué peut être compatible avec divers degrés de santé mentale, allant jusqu’à la possibilité d’une santé mentale florissante7.
  • Une mauvaise santé mentale n’est pas synonyme ou équivalente à un trouble mental6,9–11.
  • La santé mentale et les troubles mentaux peuvent être mesurés de façon distincte (voir la section Données et mesures), bien que ces mesures soient parfois fortement corrélées (p. ex. : un niveau faible de santé mentale — une santé mentale languissante — est associé à un risque plus élevé de présenter des symptômes dépressifs).

Mieux saisir les niveaux de la santé mentale

Le continuum de la santé mentale est divisé en trois grands niveaux : une santé mentale languissante, modérée ou florissante5,7,9.

La santé mentale florissante

Les personnes qui présentent une santé mentale florissante combinent :

  • un haut niveau de bien-être émotionnel (p. ex. : émotions positives fréquentes; satisfaction envers des domaines de la vie); 
  • un niveau optimal de fonctionnement psychologique (p. ex. : sentiment que sa vie a une direction, un sens, une signification; sentiment de contrôle sur ses conditions de vie); 
  • un niveau optimal de fonctionnement social (p. ex. : acceptation des différences entre les humains; sentiment d'appartenir à une communauté)3,4

Les personnes présentant une santé mentale florissante (sans troubles mentaux dans les 12 derniers mois) sont celles qui rapportent le moins d’absentéisme au travail, de maladies physiques chroniques, d'entraves aux activités de la vie quotidienne et une plus faible utilisation des soins de santé9.

La santé mentale languissante 

Les personnes qui présentent une santé mentale languissante ressentent « un état de vide dans lequel [elles] n’éprouvent qu'un faible niveau de bien-être émotionnel, psychologique et social, sans nécessairement rencontrer les critères diagnostiques d’un trouble dépressif »3,12

Les répercussions d'une santé mentale languissante, au niveau individuel, peuvent être semblables à celles associées à un diagnostic de trouble mental courant, c'est-à-dire : 

  • des problèmes affectifs (p. ex. : affect plat, sensation d’ennui, de vide); 
  • des problèmes cognitifs (p. ex. : difficulté à résoudre des problèmes, à se concentrer); 
  • des problèmes de santé physique, une forte utilisation des services de santé, de la difficulté à accomplir son travail, etc.13

Des liens entre la santé mentale et les troubles mentaux 

  • Le niveau de santé mentale est prédictif du risque de dépression plus tard dans la vie7,10,12,14–18
  • Ce risque, de même que les limitations associées à une santé mentale autre que florissante, justifient l’utilité des interventions en promotion de la santé mentale populationnelle (intégrant une lentille équité) visant à améliorer la santé mentale de l’ensemble de la population, y compris les personnes présentant des troubles mentaux. 

Références 

  1. Organisation mondiale de la Santé. Santé mentale : renforcer notre action. 2022.
  2. Agence de santé publique du Canada. Promotion de la santé mentale. 2014.  
  3. Westerhof GJ, Keyes CLM. Mental Illness and Mental Health: The Two Continua Model Across the Lifespan. J Adult Dev juin 2010 [cité 9 juin 2016];17(2):110‑9.
  4. Keyes CL. The next steps in the promotion and protection of positive mental health. CJNR (Canadian Journal of Nursing Research). 2010;42(3):17‑28. 
  5. Keyes CLM. The mental health continuum: from languishing to flourishing in life. J Health Soc Behav. juin 2002;43(2):207‑22. 
  6. Doré I, Caron J. Santé mentale : concepts, mesures et déterminants. smq. 2017 [cité 20 févr 2023];42(1):125‑45.
  7. Keyes CLM. Mental Illness and/or Mental Health? Investigating Axioms of the Complete State Model of Health. Journal of Consulting and Clinical Psychology . 2005 [cité 19 oct 2021];73(3):539‑48.
  8. Keyes CLM, Grzywacz JG. Health as a complete state: the added value in work performance and healthcare costs. J Occup Environ Med. mai 2005;47(5):523‑32. 
  9. Keyes CLM. Promoting and protecting mental health as flourishing: A complementary strategy for improving national mental health. American Psychologist. 2007;62:95‑108. 
  10. Keyes CLM, Eisenberg D, Perry GS, Dube SR, Kroenke K, Dhingra SS. The relationship of level of positive mental health with current mental disorders in predicting suicidal behavior and academic impairment in college students. J Am Coll Health. 2012;60(2):126‑33. 
  11. Morrison PS, Liu I, Zeng D. Well-being and ill-being on campus. International Journal of Wellbeing. 3 oct 2023 [cité 29 janv 2024];13(3).
  12. Keyes CLM. The nexus of cardiovascular disease and depression revisited: the complete mental health perspective and the moderating role of age and gender. Aging Ment Health. mai 2004;8(3):266‑74. 
  13. Westerhof GJ, Keyes CLM. Mental Illness and Mental Health: The Two Continua Model Across the Lifespan. J Adult Dev. juin 2010;17(2):110‑9. 
  14. Capaldi CA, Varin M, Dopko RL. Facteurs déterminants du bien-être psychologique et social chez les jeunes au Canada : étude des associations avec les facteurs sociodémographiques, le contexte psychosocial et la consommation de substances. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2021 [cité 17 févr 2021];41(2):41‑50.
  15. Julien D. Quels sont les liens entre un environnement social favorable et la santé mentale positive des jeunes ? Résultats d’une enquête auprès des élèves du secondaire du Québec. Zoom santé. 2021;(69):1‑16.
  16. Keyes CLM, Dhingra SS, Simoes EJ. Change in Level of Positive Mental Health as a Predictor of Future Risk of Mental Illness. Am J Public Health. déc 2010 [cité 9 juin 2016];100(12):2366‑71.
  17. Keyes CL, Simoes EJ. To flourish or not: Positive mental health and all-cause mortality. American journal of public health. 2012;102(11):2164‑72. 
  18. Traoré I, Street MC, Camirand H, Julien D, Joubert K, Berthelot M. Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2016-2017 : résultats de la deuxième édition : Tome 3 La santé physique et les habitudes de vie des jeunes. Québec: Institut de la statistique du Québec; 2018.
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