Coliformes fécaux
Définition
Les coliformes fécaux, ou coliformes thermotolérants, sont un sous-groupe des coliformes totaux capables de fermenter le lactose à une température de 44,5 °C. L’espèce la plus fréquemment associée à ce groupe bactérien est l'Escherichia coli (E. coli) et, dans une moindre mesure, certaines espèces des genres Citrobacter, Enterobacter et Klebsiella (Elmund et al., 1999; Santé Canada, 1991; Edberg et al., 2000). La bactérie E. coli représente toutefois 80 à 90 % des coliformes thermotolérants détectés (Barthe et al., 1998; Edberg et al., 2000). Bien que la présence de coliformes fécaux témoigne habituellement d’une contamination d’origine fécale, plusieurs coliformes fécaux ne sont pas d’origine fécale, provenant plutôt d’eaux enrichies en matière organique, tels les effluents industriels du secteur des pâtes et papiers ou de la transformation alimentaire (Barthe et al., 1998; OMS, 2000). C’est pourquoi il serait plus approprié d’utiliser le terme générique « coliformes thermotolérants » plutôt que celui de « coliformes fécaux » (OMS, 1994; Robertson, 1995). L’intérêt de la détection de ces coliformes, à titre d’organismes indicateurs, réside dans le fait que leur survie dans l’environnement est généralement équivalente à celle des bactéries pathogènes et que leur densité est généralement proportionnelle au degré de pollution produite par les matières fécales (CEAEQ, 2000). Par ailleurs, puisque les coliformes fécaux ne prolifèrent habituellement pas dans un réseau de distribution, ils sont utiles pour vérifier son étanchéité, permettant de détecter une contamination fécale découlant par exemple d’infiltrations d’eau polluée dans les canalisations (AWWA, 1990). Ils sont aussi de bons indicateurs de l’efficacité du traitement de l’eau, mais comme leur nombre est moins élevé que celui des coliformes totaux, ces derniers leur sont préférables pour cette fonction (Robertson, 1995).
Méthodes d'analyse
Les laboratoires québécois utilisent habituellement la méthode de filtration sur membrane (FM), sur milieu gélosé m-FC, qui comprend une étape d’identification présomptive et de dénombrement, puis une étape de confirmation sur la base d’un contrôle de la qualité (au moins 5 fois par mois); la première étape donne des résultats après 24 heures alors que la seconde nécessite 48 heures. Pour la première étape, après filtration d’un volume de 100 ml (pour l’eau traitée), la membrane est incubée (44,5 ± 0,2 °C) sur le milieu m-FC gélosé. Après 24 heures, les coliformes fécaux forment des colonies bleutées alors que les autres bactéries capables de croître dans ces conditions forment des colonies grises ou de couleur crème (CEAEQ, 2000; Clesceri et al., 1998). Il importe ici de noter que la détection des coliformes fécaux peut être influencée négativement par une trop grande présence de bactéries hétérotrophes aérobies et anaérobies facultatives (BHAA – voir la fiche BHAA) si leur nombre dépasse 1000 unités formatrices de colonies (ufc)/ml (Geldreich et al., 1972). Quant à l’étape de confirmation, elle débute habituellement par le prélèvement de colonies sur la gélose m-FC, lesquelles sont incubées sur une gélose BHI (infusion coeur-cervelle – milieu d’enrichissement) pendant 24 heures à 35 °C, puis soumises au test de l’activité cytochrome oxydase qui doit être négative. On procède finalement à l’incubation dans un bouillon contenant un substrat chromogénique (MUG) qui, scindé par l’enzyme β-glucuronidase, donne une coloration bleutée au bouillon, sous rayonnement ultraviolet, après 24 heures d’incubation à 35 °C (Bitton, 1999; CEAEQ, 2000; Clesceri et al., 1998); cette fluorescence permet d’identifier spécifiquement l'E. coli (voir la fiche Escherichia coli) qui compose habituellement de 80 à 90 % des coliformes fécaux (Eckner, 1998; Elmund et al., 1999). Il est possible de procéder directement et plus rapidement à la phase de confirmation, sans passer par l’étape de l’identification présomptive, mais le résultat sera non quantitatif, de type « présence-absence ».
Normes et recommandations
Le Règlement sur la qualité de l’eau potable (point 1a de l’annexe 1 du règlement) (Gouvernement du Québec, 2001), les recommandations canadiennes pour la qualité de l’eau potable (Santé Canada, 2001) ainsi que les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS, 2000) et celles de l’agence de protection de l’environnement des États-Unis (US EPA, 2001) précisent qu’aucun coliforme fécal ne doit être présent dans un échantillon d’eau potable. Le règlement québécois précise aussi que 50 % des échantillons doivent être prélevés en bout de réseau (article 12), l’autre moitié pouvant être prélevée à divers endroits déterminés par l’exploitant; la détection d’un seul coliforme fécal/100 ml entraîne un avis immédiat de faire bouillir l’eau (article 36).
Risque sanitaire
La détection de coliformes fécaux dans une eau traitée doit faire sérieusement soupçonner une contamination d’origine fécale (Elmund et al., 1999; Santé Canada, 1991). La présence de coliformes fécaux peut être une indication de la présence de micro-organismes entéropathogènes (Zmirou et al., 1987), comme les salmonelles (Santé Canada, 1991) et le virus de Norwalk (Craun, 1986; Fattal et al., 1983; Goodman et al., 1982). Le risque est plus particulièrement lié aux réseaux qui ont un traitement minimal, comme une simple chloration; des vérifications effectuées au Québec sur de petits réseaux ont confirmé la présence d'E. coli dans 95 % des échantillons positifs en coliformes fécaux (travaux effectués au Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec, ministère de l’Environnement). Par contre, dans les réseaux qui ont un traitement plus élaboré (floculation, sédimentation, filtration et chloration), la majorité des coliformes fécaux appartiennent à une espèce autre que l'E. coli. (voir le paragraphe suivant). Toutefois, puisqu’il n’est pas toujours possible de déterminer rapidement la nature des coliformes fécaux, le Règlement sur la qualité de l’eau potable du Québec précise donc que toute détection de coliformes fécaux doit donc entraîner immédiatement un avis d’ébullition de l’eau.
Il importe de noter que certaines espèces de coliformes, comme Klebsiella pneumoniae, sont souvent reconnues comme étant des micro-organismes pathogènes en milieu hospitalier (Edberg et al., 2000), mais les souches retrouvées en milieu naturel ne sont habituellement pas les mêmes et n’ont pas un pouvoir pathogène aussi important (Archibald, 2000). En période estivale, en particulier lorsque la température de l’eau dépasse 15 °C, des proliférations de bactéries sont parfois observées de manière récurrente dans certains réseaux de distribution. Il est alors possible que l’énumération révèle des coliformes fécaux qui n’ont pas une origine fécale; leur présence fausse ainsi l’interprétation du test. C’est pourquoi, il peut devenir nécessaire de procéder à l’étape de confirmation pour détecter la présence d'E. coli, qui est en fait l’indicateur véritablement recherché; dans ce contexte l’emploi de milieux de culture spécifiques à l'E. coli permet d’éviter ce problème (Letterman, 1999).
Références
- Archibald, F. (2000) The presence of coliform bacteria in Canadian pulp and paper mill water systems – a cause for concern? Water Quality Research Journal of Canada, 35(1) : 1-22.
- AWWA (1990) Water quality and treatment. American Water Works Association, 4e édition, 1194 p.
- Barthe, C., J. Perron et J.M.R. Perron (1998) Guide d’interprétation des paramètres microbiologiques d’intérêt dans le domaine de l’eau potable. Document de travail (version préliminaire), ministère de l’Environnement du Québec, 155 p. + annexes.
- Bitton, G. (1999) Wastewater Microbiology. John Wiley & Sons, 578 p.
- CEAEQ (2000) Recherche et dénombrement des coliformes fécaux; méthode par filtration sur membrane. Centre d’expertise en analyse environnementale, Gouvernement du Québec, 24 p.
- Clesceri, L, AE Greenberg et AD Eaton, ed. (1998) Standard methods for the examination of water and wastewater. American Public Health Association, American Water Works Association et Water Environment Federation, 20e édition, pagination multiple.
- Craun, GF (1986) Statistics of waterborne outbreaks in the U.S. (1920-1980). Dans : Craun, GF, édit., Waterborne diseases in the United States, CRC Press, p. 73-160.
- Eckner, KF (1998) Comparison of membrane filtration and multiple-tube fermentation by the Colilert and Enterolert methods for detection of waterborne coliform bacteria, Escherichia coli, and enterococci used in drinking and water quality monitoring in southern Sweden. Applied and Environmental Microbiology, 64 : 3079-3083.
- Edberg, SC, EW Rice, RJ Karlin et MJ Allen (2000) Escherichia coli : the best biological drinking water indicator for public health protection. Journal of Applied Microbiology, 88 : 106S-116S.
- Elmund, GK, MJ Allen et EW Rice (1999) Comparison of Escherichia coli, total coliform and fecal coliform populations as indicators of wastewater treatment efficiency. Water Environ. Res., 71 : 332-339.
- Fattal, B, RJ Vasl, E Katzenelson et HI Shuval (1983) Survival of bacterial indicators organisms and enteric viruses in the Mediterranean coastal waters off Tel-Aviv. Water Research, 17 : 397-402.
- Geldreich, ED, HD Nash, DK Reasoner et RH Taylor (1972) The necessity of controlling bacterial populations in potable waters : community water supply. Journal of American Water Works Association, septembre : 596-602.
- Goodman, RA, HB Greenberg, TE McKinley et JD Smith (1982) Norwalk gastroenteritis associated with a water system in a rural Georgia community. Archives of Environmental Health, 37 : 358-360.
- Gouvernement du Québec (2001) Règlement sur la qualité de l’eau potable www.menv.gouv.qc.ca/eau/potable/brochure/index.htm
- Letterman, R.D. (1999) Water Quality and treatment; a handbook of community water supplies. American Water Works Association, McGraw-Hill, 1050 p.
- OMS (1994) Directives de qualité pour l’eau de boisson; volume 1 – recommandations. Organisation mondiale de la Santé, 2e édition, 202 p.
- OMS (2000) Directives de qualité pour l’eau de boisson; volume 2 – critères d’hygiène et documentation à l’appui. Organisation mondiale de la Santé, 2e édition, 1050 p. Accessible à : www.who.int/water_sanitation_health/GDWQ/Summary_tables/
- Robertson, W (1995) Utilités et limites des indicateurs microbiologiques de la qualité de l’eau potable. Dans : Air intérieur et Eau potable, sous la direction de Pierre Lajoie et Patrick Levallois, Presses de l’Université Laval, p. 179-193.
- Santé Canada (1991) La qualité bactériologique. Document de support aux « recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada ». Accessible à : www.hc-sc.gc.ca/ehp/dhm/dpc_eau_qualite/eauguide.htm
- Santé Canada (2001). Résumé des recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada, 7 p. Document accessible en format PDF à : www.hc-sc.gc.ca/ehp/dhm/catalogue/dpc_pubs/sommaire.pdf
- US EPA (2001) National primary drinking water standards. United States Environmental Protection Agency, document # EPA 816-F-01-007. Accessible à : www.epa.gov/safewater/mcl.html
- Zmirou, D, JP Ferley, JF Collin, M Charrel et J Berlin (1987) A follow-up study of gastro-intestinal diseases related to bacteriologically substandard drinking water. American Journal of Public Health, 77 : 582-584.
Fiche rédigée par : Pierre Chevalier et les membres du Groupe scientifique sur l’eau de l’Institut national de santé publique du Québec
Mise à jour : mai 2003