Interventions pour promouvoir la santé mentale de la population

Qu’est-ce que la promotion de la santé mentale?

Rappelons dans un premier temps que la santé mentale va bien au-delà de l’absence de troubles mentaux; elle peut se définir comme une disposition qui permet à chacun de ressentir, de penser et d’agir de manière à jouir de la vie, à faire face aux difficultés du quotidien et à contribuer à la vie de sa communautéinspirée de 1,2. Cette conceptualisation implique un changement dans la façon d’intervenir3,4.

Pour plus de détails, voir la section Définir la santé mentale.

Auparavant, l'intervention en santé mentale était davantage axée sur les soins et services, à portée plutôt individuelle et exclusivement destinée aux personnes vivant avec des troubles mentaux. On suggère maintenant de mettre en œuvre une approche universelle en faveur de la promotion de la santé mentale de tous et toutes, en complémentarité avec des interventions ciblées, des actions préventives, curatives et de rétablissement3,4.

Dans cette perspective, la promotion de la santé mentale suppose d’agir sur les conditions favorables à la santé mentale de toute la population, de façon équitable, sans minimiser le soutien nécessaire pour les groupes et individus qui éprouvent des problèmes particuliers5.

La promotion de la santé mentale implique l'action au sein des systèmes de santé et services sociaux, mais également au sein de multiples secteurs de la société (p. ex. : éducation, fiscalité, logement, arts, urbanisme, etc.). Ces efforts peuvent soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques favorables à la santé mentale, favoriser l'inclusion sociale en milieu scolaire, soutenir les initiatives de développement communautaire de même que les milieux de travail, favoriser l'intégration des actions de promotion de la santé mentale dans les systèmes de soins, viser le développement des compétences parentales, etc. Des exemples plus détaillés portant sur différents types d'interventions sont proposés plus loin. Voir Pistes d'interventions en promotion de la santé mentale.

Balises pour l'intervention en promotion de la santé mentale

Certaines balises facilitent la compréhension de la logique de la promotion de la santé mentale. 

La santé mentale fait partie intégrante d'une santé globale. La promotion de la santé mentale reconnaît que la santé physique et la santé mentale s'influencent l'une et l'autre6.

La promotion de la santé mentale accorde une attention particulière aux facteurs structuraux7,8. Des exemples clés sont la promotion de l'inclusion sociale, la réduction de la discrimination et des violences interpersonnelles, ainsi que la facilitation de l'accès équitable aux ressources économiques9,10.

Comme la prise en compte de l'équité dans les interventions se réalise de diverses manières11. On peut certes agir sur les déterminants structuraux, mais également améliorer les milieux de vie ou intervenir auprès des groupes en situation de défavorisation. Un moyen complémentaire consiste à adopter une approche qui vise l'ensemble de la population, tout en conservant une lentille équité : l'universalisme proportionné. Cette approche stipule que les actions universelles devraient tenir compte des besoins différenciés de groupes ou d'individus; elles devraient ainsi être ajustées selon une ampleur et une intensité proportionnelles au degré de défavorisation et de besoins au sein de la population12.

Selon la Charte d'Ottawa de l'Organisation mondiale de la santé13, pour être efficaces, les interventions en promotion de la santé devraient être conçues de façon socioécologique et systémique. Cela signifie de viser plusieurs déterminants à la fois et en continu, d'utiliser différentes stratégies complémentaires et d'éviter l'implantation partielle ou fragmentée de programmes ou d'interventions14–16. Ce principe s'applique également à la promotion de la santé mentale9,17,18.

En quoi une approche intégrée est-elle primordiale?

L'exemple d'interventions relatives à l'écoanxiété en milieu d'enseignement : 
Un programme éducatif visant à réduire l'écoanxiété qui mise uniquement sur les stratégies individuelles sera généralement insuffisant pour promouvoir la santé mentale19. Il risque, en outre, de produire des conséquences nuisibles à certaines personnes. Par exemple, la promotion des « petits gestes verts » peut mener à un sentiment de culpabilité, une hypervigilance ou être perçue comme un déni des responsabilités collectives19.

Ainsi, d'autres stratégies cohérentes entre elles devraient être mises en œuvre et agir également sur les environnements favorables : initiatives d'écogestion (alimentation écologique, compostage, mobilité active, etc.), intégration de contenus d'écoéducation qui favorisent la « réorganisation de sens » (p. ex. : pédagogie axée sur les alternatives socioéconomiques et la pédagogie de l'espoir19,20, la participation étudiante aux politiques scolaires, les activités visant à influencer les politiques locales et provinciales, etc. Ces stratégies, prises ensemble, sont susceptibles d'influencer positivement des composantes de la santé mentale, telles que la maîtrise de son environnement, la cohérence, la contribution et l'intégration sociale, les relations positives avec les autres et, au final, réduire l'écoanxiété et promouvoir la santé mentale.

 

Plusieurs leviers visant la santé mentale sont sociaux et politiques. Les acteurs politiques ou les personnes intervenant dans divers secteurs, comme l’éducation, l’économie, le logement, les arts et la culture, le système judiciaire, l’urbanisme et le milieu communautaire, mènent des actions qui ont des effets sur la santé mentale. Cependant, ces actions ne sont pas toujours définies, nommées, pensées ou évaluées en ces termes. Une vision intersectorielle à différents niveaux (politiques, institutions, milieux de vie) est souhaitable afin de répondre à cet enjeu9. L'approche de « la santé dans toutes les politiques », qui inclut la santé mentale, est un exemple d'initiative institutionnelle qui s'inscrit dans cette perspective9,10.

L’adoption d’une approche axée sur le parcours de vie considère en particulier certaines étapes de vie comme étant fondamentales pour la santé mentale. On y retrouve, par exemple : l'entrée à l’école, la transition primaire/secondaire, le début de la vie adulte, la transition vers la retraite, etc. Cette approche considère que ce qui arrive à un moment est susceptible de se répercuter plus tard dans la vie, d’où l’importance d’interventions qui visent différentes phases de la vie21.

Les interventions sont plus pertinentes et pérennes lorsqu'elles intègrent les personnes concernées, puisque cela favorise une meilleure adaptation aux contextes et aux besoins individuels et collectifs. Leur participation permet également de renforcer le pouvoir d'agir en donnant aux personnes un plus grand contrôle sur leur vie, lequel est une composante fondamentale de la santé mentale22.

Cette façon d’envisager l’intervention repose sur l'idée que le traitement des symptômes d'un trouble mental est nécessaire, mais insuffisant pour améliorer la santé mentale de la population. Ainsi, axer l’action sur les forces et les atouts des individus et des communautés (les ressources), c’est reconnaitre l'importance d'agir sur les déterminants structuraux (comme le colonialisme et les inégalités sociales), tout en encourageant des interventions qui favorisent les relations sociales soutenantes et le pouvoir d'agir23. Ces interventions peuvent prendre la forme de politiques publiques favorables à la santé mentale, la création d'espaces communautaires sécuritaires, le soutien aux actions collectives visant à influencer les politiques publiques, le renforcement des compétences sociales22, etc.

Des pratiques culturellement appropriées (notamment, - mais non exclusivement, - auprès des communautés autochtones) sont essentielles. Elles sont facilitées par des processus réellement participatifs15,24.

L’inclusion d’indicateurs de mesure de la santé mentale (aussi appelée santé mentale positive) est pertinente pour la planification, le suivi et l'évaluation de nombreux programmes et stratégies, en plus de nourrir la recherche.

Pistes d'Interventions en promotion de la santé mentale

Les pistes d'intervention suivantes visent le niveau structurel, les milieux de vie (milieux d'enseignement, de travail, communautaires, et de soins), les dimensions relationnelles de plusieurs milieux, et enfin, le niveau individuel.

Des références de publications québécoises et canadiennes sont fournies afin d'approfondir certains types d'intervention.

Interventions visant des déterminants de niveau structurel (contexte global et systèmes)

Les interventions visant les niveaux structurels sont, par exemple, des politiques publiques (programmes, plans, etc.), des lois, et des régulations qui peuvent agir en faveur de la santé mentale. Cela inclut des activités visant à influencer ou informer ces politiques, de même que des initiatives visant à influencer d'autres déterminants structuraux, tels que les normes sociales (p. ex. : campagne de sensibilisation, initiatives destinées à informer les médias en matière de santé mentale, etc.). 

Malgré qu'il soit difficile (mais pas impossible) d'évaluer les effets positifs des politiques publiques sur la santé mentale8, certains d'entre eux sont mieux documentés et les politiques associées sont identifiées comme des pratiques prometteuses. On retrouve, par exemple :

  • La législation et les réglementations en milieu de travail qui améliorent la sécurité d'emploi, qui intègrent les droits des travailleurs et travailleuses et augmentent leur autonomie, qui adoptent des mesures anti-harcèlement, et plus largement, qui intègrent la santé mentale en matière de santé et sécurité au travail9;
  • Les politiques publiques favorisant l'accès au logement abordable et de qualité6,17,25;
  • L'amélioration de l'accès à des services éducatifs de qualité dès la petite enfance pour les familles à faibles revenus26, qui réduisent l'effet des expériences négatives dans l’enfance, entre autres choses, lesquelles sont associées à une mauvaise santé mentale et à la présence de troubles mentaux.

Malgré le manque de données probantes sur l'efficacité des interventions visant les déterminants structuraux (puisque peu étudiées, entre autres8,9), la promotion en santé mentale à cette échelle demeure primordiale — étant donné l’influence reconnu de ces déterminants8.

Pour aller plus loin :

Interventions visant des milieux de vie

Certaines interventions ciblant les milieux de vie sont associées à des améliorations de la santé mentale4,9,21,27–33. Quelques pistes d'interventions sont proposées ici, par types de milieux :

Milieux scolaires et d'enseignements

L'école et les institutions d'enseignement sont des milieux privilégiés pour la promotion de la santé mentale. Elle se réalise, dans l'idéal, par des approches globales de la santé et vise le développement et l'épanouissement de la population étudiante.
Ces approches peuvent inclure des interventions prometteuses qui favorisent, par exemple :

  • l'équité, l'inclusion et un climat sécuritaire34, telles que les initiatives visant à prévenir et réduire le choc culturel pour la population étudiante internationale35, soutenir les comités étudiants de défense des droits ou de soutien aux personnes étudiantes faisant partie d'un groupe marginalisé, sensibiliser les équipes des services à la vie étudiante aux préjugés et aux biais, etc.36;
  • le soutien social, telles que les initiatives de soutien par les pairs et paires — jumelage, mentorat, etc.37;
  • le développement des compétences personnelles et sociales38, incluant les comportements prosociaux, la pensée critique (p. ex. : la compréhension du phénomène de « positivité toxique »35), les enjeux associés à la stigmatisation, etc.
  • les aménagements favorables au bien-être associés à la qualité de l'air et au bruit, aux espaces actifs et sécuritaires, etc.39.

Au Québec, le Projet Épanouir (promotion de la santé mentale positive en contexte scolaire), ou les démarches se basant sur le référent ÉKIP (Santé, bien-être et réussite éducative des jeunes), sont des exemples de cadres de référence qui visent à orienter les interventions en promotion de la santé mentale.

Pour aller plus loin :

Milieux de travail

Il est souvent recommandé d’intégrer la santé mentale au sein des pratiques de santé et de sécurité au travail, ciblant les milieux et le soutien aux individus9.

Par exemple, il est reconnu que l'organisation du travail et les pratiques de gestion — telles que la faible participation aux décisions, les exigences psychologiques élevées et l'insécurité d'emploi — peuvent avoir des effets négatifs sur la santé mentale et physique des personnes40. Les interventions visant à réduire ces risques psychosociaux ont le potentiel d'améliorer la santé mentale.

Pour aller plus loin :

Milieux communautaires

Les interventions communautaires peuvent produire des résultats positifs sur le plan de la santé mentale et sur le plan social. Celles-ci soutiennent la capacité communautaire, l’empowerment individuel et collectif, les liens sociaux et les collaborations entre divers milieux et la communauté.
Parmi les pratiques documentées comme prometteuses9, on retrouve par exemple :

  • Des interventions associées au développement communautaire, « un processus à long terme basé sur des valeurs visant à résoudre les déséquilibres de pouvoir et à provoquer un changement fondé sur la justice sociale, l'égalité et l'inclusion »22, traduction libre. Cela peut prendre la forme des programmes d'aménagement d'espaces verts menés par les groupes communautaires (notamment pour favoriser l'accessibilité aux personnes vivant avec un handicap, les lieux de rencontre, les activités créatives, etc.), des initiatives associées au logement social et écologique (incluant des lieux destinés aux familles, etc.)22;
  • Des interventions axées sur les centres communautaires qui visent la santé et le bien-être. Les pôles communautaires, tels que les centres de vie saine, offrent généralement de multiples activités et services qui abordent la santé ou les déterminants plus larges de la santé, dont la plupart sont ouverts à l'ensemble de la communauté22;
  • des programmes d’empowerment des jeunes menant à une meilleure équité associée au genre, une réduction de la violence entre partenaires intimes et une réduction de la pauvreté9,21.

Pour aller plus loin :

Les milieux de soins de santé primaires

Les milieux de soins primaires sont des portes d’entrée importantes pour la promotion de la santé mentale. On y retrouve des interventions prometteuses9, par exemple :

  • La formation des prestataires de soins de santé pour le repérage et les interventions brèves à l'égard (1) de la consommation d'alcool; et (2) de la dépression et la détresse psychologique9;
  • L'intégration de la promotion de la santé mentale dans les services de soins prénataux et postnataux de routine, y compris les programmes de visites à domicile pour les parents. Cela inclut le repérage et les interventions ciblées à l'égard de la dépression postnatale, le suivi du développement de l'enfant et le soutien à l’expérience parentale9,26.

Interventions visant les dimensions relationnelles au sein de divers milieux

Ces interventions visent à accroître la qualité des relations, tant au sein de la famille que dans la communauté. Elles sont transversales, au sens qu'elles ne sont pas limitées à un milieu en particulier. Elles comprennent :

  • Les interventions qui améliorent les relations entre les parents et leurs enfants, de la petite enfance à l'adolescence et aux étapes de transition9,14,21,27,30;
  • Les habiletés (ou compétences) parentales, qui ont été reconnues comme l'un des facteurs les plus importants pour faciliter un bon départ dans la vie, et par conséquent, la santé mentale et la santé physique tout au long de la vie41;
  • Les interventions dans divers milieux de vie qui favorisent l’inclusion, des relations interpersonnelles signifiantes, les réseaux d'entraide, le bénévolat, la participation sociale, le capital social, etc.9,27,30,42.

Pour aller plus loin :

Interventions au niveau individuel

Les interventions visant les individus sont orientées vers le développement de ressources et atouts individuels. Il s’agit, par exemple, d’interventions visant la promotion de l'estime de soi, du sentiment d’efficacité personnelle, de la capacité d'adaptation aux aléas de la vie, de la résilience, des processus de pensée positifs, ainsi que des compétences personnelles, sociales, socioémotionnelles, etc.9,30,43.

Les interventions visant le niveau individuel sont aussi orientées vers des habitudes de vie qui améliorent et protègent la santé mentale. Il s’agit, par exemple, d’interventions qui ciblent l'activité physique, la saine alimentation, les bonnes pratiques de sommeil, etc.9,30,43.

Pour aller plus loin :

Comment favoriser le déploiement de la promotion de la santé mentale?

Promouvoir la santé mentale de manière cohérente et efficace implique d'accorder une attention particulière à la formation et aux conditions favorables à l'action, c'est-à-dire aux structures, politiques, mandats et budgets dédiés. Des opportunités d'échanges entre acteurs des terrains et chercheurs devraient aussi être favorisées pour soutenir les pratiques9,44. Cela peut se traduire par :

  • L'approche des « pratiques apprenantes », qui fait référence aux processus de mobilisation des connaissances et la rétroaction au sujet de l'implantation de programmes ou d'interventions. En mettant de l'avant les relations entre les milieux de pratique et de recherche, elles permettent de générer, de façon itérative et continue, des connaissances visant à mieux comprendre et appliquer ce qui fonctionne ou non, avec qui, comment, pourquoi et quand.
  • Des communautés de pratiques comme stratégie complémentaire. Il s'agit d'espaces de collaborations entre acteurs et actrices de différentes localités, qui permettent d’échanger à propos des meilleures pratiques et des enjeux rencontrés en promotion de la santé mentale.

Effets de la promotion de la santé mentale

Si elles sont mises en œuvre de manière appropriée, les interventions en promotion de la santé mentale ont le potentiel de :

  • susciter des effets positifs en termes de santé mentale pour l'ensemble de la population31,45,46;
  • contribuer à l’amélioration des capacités psychosociales, incluant celles des personnes qui vivent avec un trouble mental47–50;
  • favoriser la réduction des risques de survenue et d’aggravation des troubles mentaux51;
  • être associées à une réduction des problèmes sociaux, comme la délinquance, la maltraitance des enfants, le taux de décrochage scolaire, la prévalence de maladies chroniques, l’utilisation des services de santé, le nombre de jours de travail perdus, etc.31,41,52–55

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