Encadré 1 − ESSIMU : Une enquête portant sur les violences sexuelles en milieu universitaire au Québec

Manon Bergeron et Marie-France Goyer, Université du Québec à Montréal

Devant l’absence de données québécoises récentes sur les violences sexuelles en milieu universitaire (VSMU), une équipe de recherche interuniversitaire et interdisciplinaire a mené l’Enquête sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU) [31]. Son objectif consistait à établir un portrait des situations de VSMU rapportées par les étudiants et les employés. Cette étude a été réalisée dans six universités québécoises francophones et compte un échantillon de 9 284 répondants et répondantes. Le questionnaire utilisé a permis de rendre compte d’un large éventail de manifestations de violences sexuelles, qu’elles se soient produites à l’intérieur ou à l’extérieur des murs de l’université d’appartenance. La mesure de victimisation sexuelle sélectionnée [32] distinguait le harcèlement sexuel (comportements verbaux et non verbaux qui traduisent des attitudes insultantes, hostiles et dégradantes), les comportements sexuels non désirés (comportements verbaux et non verbaux offensants, non désirés et non réciproques, incluant tentative de viol et agression sexuelle) et la coercition sexuelle (chantage ou menaces en retour de récompenses).

Cette étude nous apprend que les VSMU concernent directement un grand nombre de personnes travaillant ou étudiant dans les six universités. Au total, 36,9 % des répondants et des répondantes à l’enquête ont rapporté au moins une forme de victimisation sexuelle commise par une autre personne affiliée à l’université. Les résultats démontrent le phénomène de cooccurrence des VSMU puisque 16 % des personnes ayant répondu à l’enquête ont vécu deux ou trois formes de violence sexuelle : 18 % de l’échantillon a rapporté exclusivement des gestes de harcèlement sexuel; 3 % exclusivement des gestes de comportements sexuels non désirés; 13 % des gestes de harcèlement sexuel et des comportements sexuels non désirés; et 3 % de l’échantillon a rapporté les trois formes. Seulement 9,6 % de ces personnes ont dénoncé ou signalé la situation aux instances de leur université, ce qui démontre que les statistiques institutionnelles ne sont pas le reflet de l’ampleur de la problématique.

Certains groupes semblent plus susceptibles de subir des VSMU : les femmes (40,6 %), les personnes de minorités de genre (55,7 %), les personnes s’identifiant à la diversité sexuelle (49,2 %), les personnes déclarant avoir un handicap ou un problème de santé ayant un impact dans leur vie quotidienne (46,1 %), et les étudiants de l’international (41,6 %). Ces résultats appuient la nécessité d’offrir des services d’aide appropriés pour toutes les personnes victimes de VSMU.

En plus des personnes ayant vécu une forme de VSMU, 25,7 % des personnes ayant répondu à l’enquête ont rapporté avoir été témoins ou avoir reçu une confidence de la part d’une autre personne membre de la communauté universitaire ayant vécu une situation de VSMU. Ces personnes ont un rôle actif à jouer dans le soutien aux victimes, mais aussi dans la prévention et la dénonciation.

Parmi les participants et les participantes ayant vécu de la VSMU, 9,2 % ont rapporté avoir vécu des conséquences s’apparentant au trouble de stress post-traumatique (ex. : faire des efforts pour éviter des situations rappelant l’événement ou être constamment sur leurs gardes), et 47,3 % ont rapporté d’autres types de conséquences (ex. : difficultés à poursuivre leurs activités à l’université).

Ces données doivent inciter les instances gouvernementales et institutionnelles à se mobiliser autour du problème bien réel de la violence dans l’enseignement supérieur. Dans une perspective de tolérance zéro, les auteures de l’étude recommandent la mise en place de stratégies de prévention dont les suivantes : 1) des politiques institutionnelles spécifiques aux VSMU; 2) des campagnes de sensibilisation adaptées aux différents groupes fréquentant les campus; 3) des mécanismes de signalement et de dénonciation fonctionnels et sécuritaires; 4) des formations à l’intention des différents intervenants, mais aussi à l’intention de l’ensemble de la communauté susceptible de recevoir des confidences ou d’être témoin; 5) des services de soutien spécialisés accessibles à l’ensemble de la communauté dans un délai raisonnable. Le fait que les actes de VSMU soient davantage perpétrés contre les femmes ou les personnes issues de minorités de genre rappelle la nécessité de poursuivre la lutte aux inégalités de genre.