Violence conjugale dans un contexte de pandémie

À l’heure actuelle, les effets de la pandémie de COVID-19 sur la violence subie par les femmes et les enfants demeurent peu connus. Puisque la violence conjugale est bien présente au Québec et que les enfants peuvent y être exposés, notamment durant la période périnatale, la violence conjugale demeure une préoccupation pour la sécurité, la santé et le bien-être de la population1-5.

Des données recueillies par Statistique Canada depuis le début de la pandémie permettent de dresser un portrait partiel de la situation au Canada :

  • En avril, une femme sur 10 (9,9 %) et un homme sur 20 (6 %) a déclaré ressentir beaucoup ou énormément d'inquiétude à propos de la possibilité de vivre de la violence familiale pendant la crise6.
  • Entre la mi-mars et le début juillet, plusieurs services d’aide aux victimes ont déclaré une hausse du nombre de victimes de violence familiale ayant eu recours à leurs services6.
  • Entre mars et juin, une hausse de 12 % des demandes d’intervention policière associées à des situations de conflits ou des querelles dans un domicile privé a été observée6.

La prudence est de mise dans l’interprétation des statistiques policières en raison de la sous-déclaration des incidents et d’autres facteurs qui influencent le signalement de la violence conjugale (ex. : pratiques policières, accès aux services). Certains auteurs font d’ailleurs ressortir les difficultés pour certaines victimes à demander de l'aide en raison de l'isolement, de la réduction des contacts avec la famille et les proches et de la peur de l'agresseur avec lequel elles résident7, ce qui pourrait contribuer à une sous-déclaration.

Bien que des données précises sur la pandémie de COVID-19 soient encore limitées8, des études réalisées en contexte de crise ou d’urgence humanitaire pointent vers une augmentation de la violence conjugale pendant et après des situations extrêmes9-11. L’augmentation de la violence conjugale serait attribuable en partie à l’isolement social, aux conséquences économiques de la crise et à la réduction du revenu qui fragiliserait la situation des femmes9-11.

En plus d’exacerber les inégalités entre les hommes et les femmes8,12, facteur reconnu comme associé à la violence faite aux femmes13-16, le confinement et les mesures d’urgence exceptionnelles mises en place pour contrer la pandémie de COVID-19 peuvent :

  • exacerber un contexte de violence conjugale existant17-21 (ex. : la situation de télétravail offre au partenaire violent des moyens supplémentaires de contrôle sur sa partenaire22),
  • augmenter l’exposition des enfants et des adolescents à cette violence, notamment par leur retrait de milieux soutenants, tels que les services de garde et l’école17,23-25,
  • rendre plus difficile une séparation pour les femmes victimes17,
  • accroître le risque de violence au sein d’un couple en raison de l’amplification de certains facteurs associés à la violence conjugale (ex. : consommation d’alcool et de drogues, précarisation de la situation économique, problèmes de santé mentale) et de l’affaiblissement du réseau social17-21,24.

Face aux conséquences anticipées de la crise sur la violence conjugale, de nombreux experts sont préoccupés par les mesures à prendre pour en mitiger les effets8,24,26,27. Certaines pistes d’actions ressortent.

  • Renforcer un message sociétal de non-tolérance à la violence et sensibiliser la population sur les risques de violence conjugale en les invitant à être vigilants et bienveillants19,20,28.
  • Agir sur les facteurs de risque les plus criants et sur les facteurs susceptibles de protéger les victimes. Dans cette perspective, il faut :
    • Déployer des mesures pour atténuer les effets, notamment économiques, de la crise sur les enfants, les femmes et les familles20,29,30.
    • Informer et sensibiliser les professionnels de la santé et l’ensemble des acteurs intersectoriels aux risques de violence, au repérage des situations et à l’orientation vers les ressources et les services disponibles19,20,23,29-31.
  • Maintenir l’accès aux services d’aide et d’hébergement pour les victimes en s’assurant qu’ils soient considérés comme des services essentiels et que les modalités et les informations pour joindre les services soient diffusées8.
  • Les ressources doivent disposer de l’information nécessaire pour prévenir la transmission de la COVID-19, ainsi que du matériel et des équipements de protection individuelle (EPI) pour appliquer les mesures de contrôle de la COVID-1932. Pour plus d’information sur la prévention de la COVID-19 dans les organismes communautaires, consulter :
  • Compiler les données sur la violence subie afin d’obtenir une compréhension fine du problème et de pouvoir mieux planifier les services destinés aux victimes et aux auteurs de violence8.

Quelques ressources et outils

Dernière mise à jour : Novembre 2020

Références

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