Encadré 1 − Quelques éléments de la perspective des parcours de vie

 

Dimension temporelle et sociohistorique

La temporalité est une dimension centrale de la perspective des parcours de vie. La prise en compte du temps qui passe implique un horizon temporel qui s’étend sur l’ensemble de la vie (de la naissance à la mort), et même d’une génération à l’autre [5,7]. Les parcours de vie sont historiquement et socialement situés et s’observent à travers une cohorte de personnes nées à la même époque, qui traversent certains changements sociaux, au sein d’une culture donnée, suivant la même séquence et au même âge [10]. La perspective du parcours de vie rappelle aussi que les vies sont interreliées, c’est-à-dire que ce que vit une personne est lié à ce que sa famille, son entourage, et même son groupe social vit ou a vécu [11].

La perspective des parcours de vie examine aussi comment les premières étapes et expériences de la vie façonnent la santé tout au cours de la vie, et possiblement à travers les générations [6,12,13]. Elle met en exergue l’importance et la spécificité de tous les stades de la vie, ce qui implique que les trajectoires de santé s’améliorent, se maintiennent ou se dégradent sur toute la durée de la vie [14], et que les expériences qui ont une influence surviennent à tout moment dans la vie [5].

Moments clés ou timing

La perspective des parcours de vie insiste sur l’importance de certaines périodes décisives de la vie d’une personne sur le développement et la santé [6,12–15]. Il existe des périodes sensibles ou critiques du développement, relativement limitées dans le temps, mais particulièrement réactives aux expériences et aux environnements [4], telles que les phases initiales et la petite enfance. D’un point de vue préventif, ces moments constituent une fenêtre d’intervention prioritaire [16]. Le timing réfère également à la séquence des expériences et aux liens entre celles-ci, afin de saisir l’influence des expériences sur le parcours de vie.

Facteurs de risque et de protection

La complexité des parcours de vie fait en sorte que les facteurs de risque et de protection sont envisagés comme faisant partie d’un processus dynamique à travers le temps [15]. Les facteurs de risque compromettent la santé en augmentant la vulnérabilité, alors que les facteurs de protection peuvent venir atténuer l’effet d’expériences adverses et augmenter la résilience [14]. Dans cette perspective, les trajectoires ne sont pas statiques, mais constituent plutôt un continuum d’expositions, d’expériences et d’interactions [17], ce qui permet de prendre en considération l’accumulation de facteurs [12] et la possibilité que des expériences positives puissent atténuer l’effet d’expériences préjudiciables pour la santé, et ainsi briser la chaîne de risque [15].

Cumul

Le cumul réfère aux effets sur la santé de la combinaison de multiples expositions, tant positives que négatives, tout au cours de la vie [4]. L’effet cumulatif peut être additif ou multiplicateur [7]. Dans une perspective des parcours de vie, les effets cumulatifs sont examinés en intégrant une dimension temporelle, c’est-à-dire en observant comment les expériences se combinent, s’additionnent ou se multiplient au cours de la vie, en faisant ressortir les liens qui existent entre les différents stades ou les différentes étapes de la vie. La prise en compte des trajectoires, des transitions, des tournants et des expériences qui se cumulent dans le temps amène à considérer l’effet cumulatif des expériences en tant que facteurs de risque, ce que certains nomment la « chaîne de risque » [6,17]. Plus encore, elle amène un éclairage sur les mécanismes susceptibles d’expliquer les effets sur la santé d’expériences cumulées tout au cours de la vie, et permet aussi de mieux comprendre la reproduction des inégalités sociales et de santé [6]. Le cumul peut également être envisagé en référence à la concentration des expériences à un moment ou à un stade précis de la vie.