Introduction

Préambule

Le présent chapitre vise à faire état d’une situation qui est d’autant plus complexe qu’elle est extrêmement sensible. Les auteures tiennent à préciser qu’elles ne peuvent prétendre avoir réussi à rendre pleinement justice à cette thématique avec toute l’exhaustivité requise. De plus, les exigences du processus d’édition pour le présent ouvrage font également en sorte que le texte a principalement été rédigé par des professionnelles non autochtones. Bien qu’il ait été relu, commenté et corrigé par de nombreuses personnes issues d’organisations visant à représenter les intérêts des diverses populations autochtones au Québec, ce texte est limité par l’absence d’un réel savoir expérientiel de la part des personnes qui doivent, au quotidien, faire face aux situations décrites ici.

Qu’ils résident ou non dans une communauté, les populations autochtones vivent d’importantes et de persistantes disparités sociales et de santé en comparaison avec le reste de la population canadienne [1–6]. Des écarts sont généralement observés pour les maladies chroniques, certaines maladies infectieuses, ainsi que pour plusieurs indicateurs de santé des jeunes enfants [7]. Cela est également vrai pour la prévalence de la violence.

Même s’il existe une grande diversité au sein des Nations et des communautés autochtones, la prévalence de la violence dans ces milieux est une préoccupation de santé publique majeure. Ainsi, à l’instar des autres disparités de santé observées dans les populations autochtones, la fréquence et la sévérité de la violence vécues dans certaines communautés sont le reflet du cumul d’un plus grand nombre de facteurs, dont certains d’entre eux se manifestent de façon plus importante. De plus, les populations autochtones se distinguent du reste de la population ailleurs au pays par leur histoire collective marquée par les politiques colonialistes visant leur assimilation et leur exclusion sociale. Cette histoire collective a mené à un cumul de facteurs associés à la violence collective, interpersonnelle et à celle auto-infligée.

L’objectif poursuivi dans ce chapitre est double. Il s’agit d’abord de bien décrire la violence vécue en milieu autochtone et les multiples enjeux qui la caractérisent, ce qui permettra de mieux comprendre la genèse et le cycle de perpétuation de la violence dans ces contextes. Aussi, même si les déterminants proximaux de ces comportements chez les Autochtones semblent similaires à ceux que l’on retrouve dans d’autres populations (problèmes de santé mentale, consommation d’alcool, antécédents personnels d’abus ou de violence familiale, etc.), leurs causes profondes diffèrent en raison de leur contexte historique et politique.

Les causes historiques qui expliquent les situations actuelles doivent être reconnues si l’on désire développer des interventions susceptibles d’être efficaces à long terme. Différentes actions doivent également se poursuivre afin d’offrir aux enfants et à leur famille un contexte de vie sécuritaire permettant le développement de leur bien-être. Ces actions, comme il sera discuté, doivent s’appuyer sur la force de résilience des cultures et la mobilisation des collectivités autochtones afin de favoriser leur rôle actif dans la création de solutions innovantes. Et pour favoriser leur pleine réalisation, ces actions doivent être inscrites dans un contexte qui soutient pleinement les peuples autochtones dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination [8].

« Nous parlons de tant de niveaux de violence, de tant de générations perdues, et tout cela est couvert par des couches de silence... Pour aller de l’avant, nous devons faire face à toutes les choses dont les gens ne veulent pas parler. Nous devons tirer les leçons des vies perdues. Nous devons renverser la situation. » [traduction libre]

Beverley Jacobs, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, août 2009 [9]