Le processus de dévoilement de la violence sexuelle

Faits saillants

  • Le dévoilement de la violence sexuelle est un processus complexe et graduel. Il peut survenir dans divers contextes et être fait de manière délibérée, spontanée ou accidentelle, surtout chez les enfants.
  • Les personnes qui dévoilent une violence sexuelle le font généralement auprès d’une personne de leur entourage (p. ex. membre de la famille, amie ou ami, partenaire intime).
  • Peu de personnes signalent l’évènement vécu à la police ou à des services d’aide professionnels.
  • La majorité des infractions sexuelles déclarées par la police sont signalées plus d’un mois après la survenue de l’évènement.
  • Plusieurs obstacles peuvent entraver le dévoilement de la violence sexuelle, comme la culpabilité ou la honte ressentie suite à l’évènement vécu, la peur de ne pas être cru, la crainte des conséquences négatives pour soi, son entourage ou la personne auteure et la crainte du processus judiciaire et des contacts avec la police.
  • La manière de réagir lorsqu’une personne victime, qu’elle soit enfant ou adulte, dévoile une expérience de violence sexuelle est importante, car elle influence son rétablissement. Les réactions négatives sont susceptibles de nuire à son rétablissement et de la freiner dans sa recherche d’aide, alors que les réactions positives favorisent son rétablissement et sa capacité d’adaptation.

Au Québec, toute personne adulte qui a des motifs raisonnables de croire qu’une ou un enfant (personne âgée de moins de 18 ans) est victime de violence sexuelle a l’obligation de le signaler immédiatement à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) de sa région. Il n’est pas nécessaire d’avoir la certitude que la violence sexuelle a eu lieu. La DPJ s’assurera de prendre le signalement, de l’évaluer et de s’assurer que l’enfant a le soutien nécessaire.

Pour faire un signalement, vous pouvez appeler la DPJ de votre région, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. En cas d’urgence, composez le 9-1-1.

Un aperçu du dévoilement de la violence sexuelle

On parle de dévoilement lorsqu’une personne victime de violence sexuelle partage à une autre personne la situation qu’elle a vécue, que ce soit de manière formelle, informelle, délibérée, spontanée ou en réponse à une invitation à le faire1. Une personne peut dévoiler ce qu’elle a vécu à une personne de son entourage (p. ex. amie ou ami, partenaire intime, membre de la famille), à la police, à une professionnelle ou un professionnel (p. ex. médecin, infirmière, psychologue, travailleuse ou travailleur social) ou à toute autre personne. De nombreuses personnes victimes choisissent toutefois de ne pas dévoiler ce qu’elles ont subi, et ce, pour de nombreuses raisons.

Il arrive couramment qu’une personne victime qui dévoile une ou des expériences de violence sexuelle à une personne de son entourage décide de ne pas signaler l’évènement à la police. On estime que seulement une agression sexuelle sur 20 (5 à 6 %) est déclarée à la police chaque année2,3, ce qui fait en sorte que les données policières ne sont pas représentatives du nombre réel des cas d’agression sexuelle survenant dans une population. Au Québec, 5 747 infractions d’agressions sexuelles ont été déclarées par la police en 2020. Les femmes représentaient 88,9 % des personnes victimes et les hommes 96,8 % des auteurs présumés d’agressions sexuelles4.

Graphique 1 - Répartition des personnes victimes d'infractions sexuelles, selon le délai de signalement à la police, 2020a

 

aDonnées actualisées
Source : ministère de la Sécurité publique. Données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC)

Parmi toutes les infractions sexuelles déclarées par la police (ce qui inclut les agressions sexuelles et les autres infractions d’ordre sexuel), un peu plus de la moitié des personnes victimes ont rapporté l’évènement dans un délai de plus d’un mois (30 jours). Parmi celles-ci, une proportion considérable l’a fait plus d’un an après avoir subi l’évènement5.

Même dans les cas où l’agression sexuelle est rapportée à la police, le signalement ne met pas toujours fin à l’agression sexuelle et ne conduit pas nécessairement à une enquête formelle6, ce qui explique, pour certaines et certains, leur décision de ne pas signaler l’évènement ou les évènements vécus à la police.

Les raisons évoquées pour ne pas faire un signalement à la police sont diverses. Y figurent la volonté de ne pas être embêtée ou embêté par la police ou le processus judiciaire et de ne pas vouloir que d’autres personnes soient au courant de l’évènement. Certaines personnes peuvent également avoir des préoccupations au sujet du processus formel de plaintes, de la police et du processus judiciaire (p. ex. croire que le signalement ne ferait pas de différence, que la police jugerait que l’incident n’est pas assez important ou que la personne auteure ne serait pas reconnue coupable ni punie de façon adéquate)2,3,7,8.

Un processus de dévoilement complexe

Le dévoilement est un processus complexe, interactif et graduel qui se déroule tout au long de la vie; il ne s’agit pas d’un évènement unique9–12. Pour les personnes victimes qui dévoilent une ou plusieurs expériences de violence sexuelle à l’âge adulte, ce processus implique notamment le fait de peser les bénéfices et les risques associés à ce dévoilement11, de décider de parler de ce qu’elles ont vécu pour la première fois à une autre personne puis, selon la façon dont le premier dévoilement a été reçu, de décider d’en reparler, ou non, à d’autres personnes. Bien que la décision de dévoiler soit un choix personnel, plusieurs facteurs influencent la probabilité de dévoiler la violence sexuelle subie à une personne de son entourage ou à la police13. Par exemple, la minimisation de l’évènement ou des évènements vécus, la crainte de ne pas être crue, des sentiments de honte et de culpabilité, la crainte des conséquences négatives sur soi ou sur les autres, la crainte du processus judiciaire ou des contacts avec la police sont tous des facteurs pouvant influencer le dévoilement2,3,14,15.

Le dévoilement d’une violence sexuelle, qu’il soit fait à l’enfance ou à l’âge adulte, peut susciter des réactions chez les personnes qui le reçoivent. La nature de ces réactions a un impact important sur les personnes victimes, puisque le fait de recevoir des réactions positives peut favoriser leur rétablissement et leur capacité d’adaptation16,17, alors que des réactions négatives peuvent nuire à leur rétablissement, augmenter leur sentiment de honte et nuire à leur recherche d’aide18,19.

Références

  1. Ullman, S. E. (2003). « Social reactions to child sexual abuse disclosures: A critical review », Journal of Child Sexual Abuse, vol. 12, n° 1, p. 89‑121.
  2. Cotter, A. (2021). La victimisation criminelle au Canada, 2019, [en ligne], Statistique Canada, « Juristat », (consulté le 10 décembre 2021).
  3. Cotter, A., et L. Savage (2019). La violence fondée sur le sexe et les comportements sexuels non désirés au Canada, 2018 : Premiers résultats découlant de l’Enquête sur la sécurité dans les espaces publics et privés, [en ligne], Statistique Canada, « Juristat », (consulté le 10 décembre 2021).
  4. Ministère de la Sécurité publique (2022). Criminalité au Québec – Infractions sexuelles en 2020, [en ligne], Québec, Gouvernement du Québec, (consulté le 21 mars 2023).
  5. Ministère de la Sécurité publique (29 septembre 2022). Délai entre la perpétration d’une infraction sexuelle et le signalement à la police [document inédit].
  6. Bottoms, B. L., L. C. Peter-Hagene, M. A. Epstein, T. R. Wiley, C. E. Reynolds et A. G. Rudnicki (2016). « Abuse characteristics and individual differences related to disclosing childhood sexual, physical, and emotional abuse and witnessed domestic violence », Journal of Interpersonal Violence, vol. 31, n° 7, p. 1308‑1339.
  7. Conroy, S., et A. Cotter (2017). Les agressions sexuelles autodéclarées au Canada, 2014, [en ligne], Statistique Canada, « Juristat », (consulté le 17 janvier 2023).
  8. Cohn, A. M., H. M. Zinzow, H. S. Resnick et D. G. Kilpatrick (2013). « Correlates of reasons for not reporting rape to police: Results from a national telephone household probability sample of women with forcible or drug-or-alcohol facilitated/incapacitated rape », Journal of Interpersonal Violence, vol. 28, n° 3, p. 455‑473.
  9. Alaggia, R., D. Collin-Vézina et R. Lateef (2019). « Facilitators and barriers to child sexual abuse (CSA) disclosures: A research update (2000–2016) », Trauma, Violence & Abuse, vol. 20, n° 2, p. 260‑283.
  10. Draucker, C. B., et D. S. Martsolf (2008). « Storying childhood sexual abuse », Qualitative Health Research, vol. 18, n° 8, p. 1034‑1048.
  11. Easton, S. D., L. Y. Saltzman et D. G. Willis (2014). « “Would you tell under circumstances like that?”: Barriers to disclosure of child sexual abuse for men », Psychology of Men & Masculinity, vol. 15, n° 4, p. 460‑469.
  12. Manay, N., et D. Collin-Vézina (2021). « Recipients of children’s and adolescents’ disclosures of childhood sexual abuse: A systematic review », Child Abuse & Neglect, vol. 116, n° Pt 1, p. 104192.
  13. Azzopardi, C., R. Eirich, C. L. Rash, S. MacDonald et S. Madigan (2019). « A meta-analysis of the prevalence of child sexual abuse disclosure in forensic settings », Child Abuse & Neglect, vol. 93, p. 291‑304.
  14. Morrison, S. E., C. Bruce et S. Wilson (2018). « Children’s disclosure of sexual abuse: A systematic review of qualitative research exploring barriers and facilitators », Journal of Child Sexual Abuse, vol. 27, n° 2, p. 176‑194.
  15. Stoner, J. E., et R. J. Cramer (2019). « Sexual violence victimization among college females: A systematic review of rates, barriers, and facilitators of health service utilization on campus », Trauma, violence & abuse, vol. 20, n° 4, p. 520‑533.
  16. Ullman, S. E., et L. Peter-Hagene (2014). « Social reactions to sexual assault disclosure, coping, perceived control, and PTSD symptoms in sexual assault victims », Journal of Community Psychology, vol. 42, n° 4, p. 495‑508.
  17. Guyon, R., M. Fernet, É. Dussault, A. Gauthier-Duchesne, M.-M. Cousineau, M. Tardif et N. Godbout (2021). « Experiences of disclosure and reactions of close ones from the perspective of child sexual abuse survivors: A qualitative analysis of gender specificities », Journal of Child Sexual Abuse, vol. 30, n° 7, p. 806‑827.
  18. Elliott, S. A., K. L. Goodman, E. S. Bardwell et T. M. Mullin (2022). « Reactions to the disclosure of intrafamilial childhood sexual abuse: Findings from the National Sexual Assault Online Hotline », Child Abuse & Neglect, vol. 127.
  19. MacIntosh, H., K. Fletcher et D. Collin-Vezina (2016). « “I was like damaged, used goods”: Thematic analysis of disclosures of childhood sexual abuse to romantic partners », Marriage & Family Review, vol. 52, n° 6, p. 598‑611.

Rédaction : Maude Lachapelle, conseillère scientifique, INSPQ
Catherine Moreau, conseillère scientifique, INSPQ 
Collaboration : Dominique Gagné, conseillère scientifique, INSPQ
Révision externe : Roxanne Guyon, Ph. D., professeure adjointe en sexologie à l’Université Laval
Jacinthe Dion, Ph. D., professeure titulaire en psychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières

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