Conséquences sur la santé

La violence conjugale affecte la santé et le bien-être de l’ensemble de la population. De nombreuses études québécoises, canadiennes et en provenance d’autres pays (ex. : États-Unis, Royaume-Uni) ont documenté les conséquences de la violence conjugale sur la santé à partir d’échantillons cliniques ou populationnels [1,127]. Le tableau 5 en dresse un inventaire.

Tableau 5 - Conséquences de la violence conjugale sur la santé

Types de conséquences Problèmes de santé

État de santé mentale 

  • Dépression [1,127]
  • Idéations suicidaires [1,127]
  • État de stress post-traumatique [84,127]
  • Anxiété [127]
  • Détresse psychologique [127]

Santé sexuelle, reproductive et périnatale 

  • Grossesse non désirée, interruption volontaire de grossesse (IVG) [1]
  • Troubles gynécologiques [127]
  • Infections transmissibles sexuellement (ITS) dont virus d’immunodéficience humaine (VIH)* [127]
  • Fausses couches [128]
  • Faible poids à la naissance, naissance prématurée [1,129]

Habitudes de vie dommageables / à risque

  • Problèmes liés à la consommation d’alcool [1,127]
  • Tabagisme [130]
  • Comportements sexuels à risque d’ITS ou du VIH [130]
  • Automédication et prise d’antidépresseurs [127,131]

Problèmes de santé chroniques

  • Douleurs chroniques [127]
  • Troubles gastro-intestinaux [127]
  • Fatigue chronique [127]
  • Troubles du sommeil [127]
  • Syndrome du côlon irritable [127]
  • Allergies, problèmes respiratoires [127]
  • Maladies cardiovasculaires ou problèmes de circulation sanguine (incluant l’accident vasculaire cérébral) [127,130]
  • Cholestérol élevé [130]
  • Asthme [130]
  • Arthrite, fibromyalgie [127,130]
  • Mauvais état de santé perçu [127,128]

Blessures, limitations et décès

  • Blessures physiques : ecchymoses, coupures, égratignures, fêlures, fractures, lésions internes, etc. [1,9,70]
  • Limitations fonctionnelles [127,130]
  • Tentatives de suicide et suicides [1,127]
  • Décès par homicide [1,2]

* Les études ayant démontré une association entre le VIH et la violence conjugale proviennent principalement de pays en voie de développement, où l’infection est endémique. La situation pourrait être différente en contexte canadien.

Effets de la violence conjugale sur la santé physique

Au Canada, en 2014, 40 % des femmes et 24 % des hommes victimes de violence conjugale physique ou sexuelle ont indiqué avoir été blessés physiquement14 [70]. La proportion pour les femmes s’apparente aux observations dans d’autres pays puisqu’on y estime à environ 42 % la proportion de femmes victimes de violence conjugale ayant subi des blessures physiques. Les blessures à la tête, au cou et au visage sont parmi les plus fréquentes, suivies par les blessures musculo-squelettiques et aux organes génitaux [1].

Outre les blessures physiques, la violence conjugale entraîne toute une gamme de problèmes de santé chronique, notamment parce qu’elle semble associée à l’adoption de comportements à risque pour la santé (consommation abusive d’alcool, tabagisme, comportements sexuels à risque) [1,127,130]. Les femmes victimes de violence conjugale sur une période plus longue tendent d’ailleurs à se percevoir en moins bonne santé physique et mentale [128]. Des conséquences sur la santé sexuelle, reproductive et périnatale ont également été documentées. Au Québec et au Canada, plus de 10 % des femmes vivent de la violence conjugale pendant qu’elles sont enceintes ou dans la période périnatale [131–133]. Or, la violence conjugale lors de la grossesse, en plus de compromettre la santé et le bien-être de la mère [134,135], peut également engendrer différentes conséquences sur la santé de l’enfant à naître (ex. : faible poids à la naissance ou naissance prématurée) [129].

Ultimement, la violence conjugale peut mener à des décès, principalement de femmes et d’enfants [136], mais aussi de personnes dans l’entourage des victimes ainsi que du partenaire violent dans les cas d’homicides-suicides [137]. En 2014, au Québec, 26 tentatives de meurtre en contexte conjugal ont été perpétrées par un homme et 6 l’ont été par une femme. La totalité des homicides conjugaux ont été commis par des hommes envers une conjointe ou une ex-conjointe (11 homicides de femmes) [9]. Par rapport aux hommes victimes de violence conjugale, les femmes victimes rapportent davantage ne pas se sentir en sécurité et craindre pour leur vie ou celle de leurs enfants [128].

Chez les femmes victimes de violence conjugale, on observe une persistance des conséquences sur la santé même lorsque la violence prend fin [127]. Ainsi, la violence conjugale mène à une trajectoire de santé hautement compromise, et ce, même des années après que la violence ait cessé. À l’échelle mondiale, chez les femmes âgées de 15 à 49 ans, la violence conjugale arrive au troisième rang des facteurs de risque réduisant l’espérance de vie (mesurée en année de vie ajustée en fonction de l’incapacité) [138].

Effets de la violence conjugale sur le fonctionnement social et l’état de santé mentale

Au-delà des conséquences directes sur l’intégrité physique des personnes, la violence conjugale entraîne des perturbations dans la vie des victimes (ex. : absentéisme au travail, difficultés dans les études ou au travail) (41 % des femmes contre 25 % des hommes) et des bouleversements émotifs (ex. : colère, déception, « déprime », crainte, « être sous le choc ») [70]. Ces conséquences peuvent générer de l’instabilité résidentielle et des difficultés financières compromettant directement et indirectement la santé des femmes [139].

La violence conjugale génère du stress, de la tristesse, de la peur et de l’anxiété chez les personnes qui en sont victimes, et fragilise leur estime de soi [131]. Plus encore, les problèmes de santé mentale persistants (dépression, anxiété, état de stress post-traumatique), qui sont parmi les conséquences de la violence conjugale les plus fréquemment documentées [127], compromettent à plus long terme la santé physique et le bien-être des victimes [136]. Une étude réalisée à partir de données canadiennes a démontré que les femmes subissent davantage ces conséquences que les hommes. Les différences seraient attribuables, selon les auteures, au fait que la violence subie par les femmes répondrait davantage aux caractéristiques de la violence conjugale sévère15 et comportant du contrôle coercitif [20].

Dans l’ESG 2014, 16 % des victimes de violence conjugale (22 % pour les femmes et 9 % pour les hommes) ont déclaré au moins trois des symptômes de l’état de stress post-traumatique [70]. La prévalence de ces symptômes augmente en fonction de la nature (formes et sévérité) des expériences de violence subie et leur caractère récurrent (tableau 6), ce qui laisse entrevoir un effet cumulatif à travers le temps qui modulerait l’ampleur et la persistance des conséquences sur la santé physique et mentale des victimes [127,136].

Tableau 6 - Symptômes de l’état de stress post-traumatique chez les victimes de violence conjugale, selon la nature de la violence conjugale

  Trois symptômes ou plus de l’état de stress post-traumatique
Violence conjugale Hommes (%) Femmes (%) Total (%)

Victime de violence physique ou sexuelle au cours des cinq dernières années

9

22

16

Nombre d’incidents (1 reprise)

nd

nd

4

Nombre d’incidents (2 à 10 reprises)

nd

nd

19

Nombre d’incidents (10 reprises ou plus)

nd

nd

36

Avoir subi une agression sexuelle, avoir été battu, étranglé ou menacé avec une arme à feu ou un couteau

nd

nd

32

Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale sur la victimisation, 2014 [70].

Effets de la revictimisation

Les données récentes de l’ESG 2014 démontrent que les Canadiens et les Québécois qui ont vécu de la violence conjugale de la part d’un conjoint ou d’un ex-conjoint rapportent souvent avoir vécu des mauvais traitements dans l’enfance [70,140]. Une étude réalisée auprès d’un petit échantillon de femmes canadiennes, portant sur les effets cumulatifs des expériences de violence conjugale, semble démontrer la variété des trajectoires de victimisation des femmes victimes de violence conjugale, ainsi que leurs différences sur le plan socioéconomique et quant à l’ampleur des conséquences sur la santé [141]. Comparativement aux femmes qui n’ont pas été maltraitées dans leur enfance, les victimes de violence conjugale qui l’ont été rapporteraient des manifestations plus sévères d’anxiété et de dépression à l’âge adulte [142]. Cet effet d’interaction indique que la revictimisation jouerait un rôle important dans les mécanismes expliquant les séquelles psychologiques de la violence conjugale. 

En somme :

  • La violence conjugale affecte la santé et le bien-être des femmes18. Diverses études provenant de différents contextes et réalisées auprès de populations variées ont démontré un large éventail de conséquences, incluant des blessures, des problèmes de santé chroniques, des troubles mentaux et des répercussions sur la santé reproductive. Ces observations réitèrent l’importance de prévenir la violence conjugale pour améliorer la santé et le bien-être de la population.
  • Les expériences de violence semblent avoir un effet cumulatif sur la santé des victimes. Plus encore, les conséquences de la violence conjugale peuvent persister même après que la violence conjugale ait cessé.
  • Les conséquences de la violence conjugale dépassent largement celles vécues par les victimes directes. Les enfants qui sont exposés à la violence conjugale sont plus susceptibles de présenter un ensemble de séquelles affectant leur fonctionnement et pouvant perdurer à l’âge adulte.
  • Certains groupes de la population peuvent présenter une vulnérabilité accrue à la violence conjugale en raison d’un cumul de caractéristiques les rendant plus fragiles aux conséquences de la violence conjugale et moins susceptibles d’obtenir de l’aide.
  1. Les types de blessures physiques les plus fréquents étant des ecchymoses, des coupures, des égratignures et des brûlures [128].
  2. La violence conjugale sévère se caractérise par le fait de vivre de façon fréquente tous les comportements violents documentés dans l’étude, dont ceux les plus sévères dans l’échelle (ex. : avoir subi une agression sexuelle, avoir été battu, étranglé ou menacé avec une arme à feu ou un couteau) [19]. 
  3. Voir section sur l’ampleur de la violence conjugale dans ce chapitre.
  4. Certains auteurs utilisent le terme « maltraitance ».
  5. Les conséquences de la violence conjugale sur la santé des hommes ont été moins étudiées, mais certaines études laissent présager qu’elles pourraient être de même nature, mais moins fréquentes, notamment compte tenu des manifestations et de la nature de la violence conjugale qui seraient différentes. L’étude des conséquences de la violence conjugale vécue par les hommes demeure peu abordée en recherche [178].