Définition de l’agression sexuelle

Il n’existe pas de définition universelle de l’agression sexuelle, et différentes perspectives peuvent être utilisées pour la définir. Dans toutes les formes d’agression sexuelle, une condition nécessaire est que la victime n’ait pas consenti aux gestes sexuels commis, qu’elle était incapable d’y consentir ou de les refuser, ou encore qu’elle n’avait pas l’âge de consentir.

Une prise de pouvoir dans un rapport de force inégal 

La définition des agressions sexuelles adoptée initialement par le gouvernement du Québec dans les Orientations gouvernementales en matière d’agression sexuelle [10] montre la diversité des situations d’agression sexuelle, et affirme qu’il s’agit d’un acte de pouvoir et de domination de nature criminelle. Selon cette définition « une agression sexuelle est un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée ou, dans certains cas, notamment dans celui des enfants, par une manipulation affective ou par du chantage. Il s’agit d’un acte visant à assujettir une autre personne à ses propres désirs par un abus de pouvoir, par l’utilisation de la force ou de la contrainte, ou sous la menace implicite ou explicite. Une agression sexuelle porte atteinte aux droits fondamentaux, notamment à l’intégrité physique et psychologique et à la sécurité de la personne » (p. 22). Cette définition s’applique, peu importe l’âge, le sexe, la culture, la religion et l’orientation sexuelle de la personne victime ou de l’agresseur sexuel, peu importe le type de geste à caractère sexuel, le lieu ou le milieu de vie dans lequel il a été fait, et quelle que soit la nature du lien existant entre la personne victime et l’agresseur sexuel. On parle d’agression sexuelle lorsqu’on utilise certaines autres expressions telles que viol4 et abus sexuel5

Un acte criminel

Au Canada, le Code criminel permet d’établir les situations qui constituent des crimes à partir de différentes infractions à caractère sexuel, dont celles d’agression sexuelle (tableau 1). Ce qui fait la différence entre un contact sexuel et une agression sexuelle au sens de la loi est le consentement [11]. Le consentement est l’accord volontaire de toute personne qui participe à une activité sexuelle, et doit se manifester clairement par les paroles ou le comportement [12]. Une personne ne peut donner son consentement, notamment si elle est incapable de le formuler (ex. : handicap, intoxication à l’alcool), s’il est donné par abus de confiance, de pouvoir ou d’autorité (ex. : sous menaces), s’il est donné par une personne en situation de dépendance, ou s’il est donné par une personne de moins de 16 ans, sauf dans les cas d’exception spécifiquement prévus. De plus, il doit être exprimé personnellement; le consentement d’un tiers n’étant pas valide [12]. La loi fait des distinctions en fonction de l’âge des victimes en prévoyant des infractions criminelles spécifiques pour les agressions sexuelles commises sur les mineurs (ex. : art. 151 contacts sexuels). La plupart des infractions sexuelles du Code criminel constituent des formes d’agression sexuelle.

Formes et contextes des agressions sexuelles

L’agression sexuelle peut prendre plusieurs formes, selon la nature des gestes qui sont commis (tableau 1), mais aussi selon le lien entre la victime et la personne qui commet l’agression sexuelle (tableau 2). L’agression sexuelle peut survenir avec ou sans contact physique, selon différents niveaux de sévérité dans les actes commis, et peut aussi être décrite selon qu’elle survient dans la famille immédiate ou élargie, à l’extérieur de la famille (ex. : par un conjoint ou une conjointe) ou dans un contexte thérapeutique. En plus de ces dimensions, les expériences d’agression sexuelle peuvent également varier grandement d’une victime à l’autre, selon leur durée et leur fréquence [13]. Au Canada, le Code criminel prévoit pour sa part un ensemble d’infractions sexuelles pour lesquelles un individu peut faire face à des accusations criminelles.

Tableau 1 - Formes d’agression sexuelle selon la nature des gestes impliqués

 

Formes d’agression sexuelle

Description6

Exemples de manifestations

Exemples d’infractions criminelles

Agression sexuelle avec contact

Agression sexuelle avec pénétration

(rapport sexuel avec pénétration)

  • Acte de pénétration, même légère, de la vulve ou de l’anus en utilisant une partie du corps (pénis, doigt, langue) ou un objet;
  • Acte de pénétration, même légère, de la bouche par le pénis.
  • Contacts oraux-génitaux;
  • Pénétration orale, vaginale ou anale par une partie du corps ou un objet.
  • Agression sexuelle simple (art. 271);
  • Agression sexuelle armée (art. 272);
  • Agression sexuelle grave (art. 273);
  • Contacts sexuels (art. 151);
  • Inceste (art.155 (1)).

Agression sexuelle avec tentative de pénétration

  • Tentative de commettre une agression sexuelle avec pénétration, mais qui n’a pas été complétée. Des attouchements sexuels sont habituellement commis.
  • Attouchements sexuels commis dans l’intention de commettre une pénétration.

Attouchements sexuels

  • Contacts sexuels* qui incluent des attouchements sexuels intentionnels, commis directement sur la victime ou par-dessus ses vêtements.
    * N’incluent pas les touchers requis pour les soins habituels ou dans le cadre des besoins quotidiens d’un enfant.
  • Baisers à caractère sexuel;
  • Attouchements sexuels : aux parties génitales (ex. : pénis ou vulve), à l’anus, aux aines, aux seins, aux cuisses, aux fesses;
  • Frotteurisme.

Agression sexuelle sans contact

Agression sexuelle sans contact

  • Agression sexuelle qui n’inclut pas de contact physique de nature sexuelle.
  • Exposition forcée à des actes sexuels (pornographie ou activités sexuelles réelles);
  • Exhibition ou dévoilement des organes sexuels;
  • Inciter un enfant à se toucher, se masturber;
  • Faire un enregistrement visuel d’un enfant dans un contexte sexuel.
  • Corruption d’enfants (art. 172);
  • Action indécente (art. 173 (1));
  • Exhibitionnisme (art.172 (2));
  • Voyeurisme (art. 162).

Formes d’agression sexuelle selon le lien entre la victime et l’agresseur

Différentes formes d’agression sexuelle peuvent être déterminées en fonction du lien entre la victime et l’agresseur. Le Code criminel canadien ne tient toutefois pas compte de ce lien, sauf dans le cas de l’infraction d’inceste7 ainsi que des agressions sexuelles commises sur des mineurs.

  • Agression sexuelle intrafamiliale
    Particulièrement pour les victimes mineures, on parle d’agression sexuelle intrafamiliale lorsque l’agresseur est un membre de la famille immédiate ou élargie (père, mère, conjointe du père, conjoint de la mère, membre de la fratrie, grands-parents, oncle, tante, cousin, cousine).
  • Agression sexuelle extrafamiliale
    On parle d’agression sexuelle extrafamiliale lorsque l’agresseur n’est pas un membre de la famille immédiate ou élargie. Parmi les agressions sexuelles extrafamiliales, on retrouve les agressions commises par une connaissance, soit une personne qui fait partie de l’entourage de la victime (ex. : professeur, gardien, ami, collègue, voisin, etc.), et les agressions commises par une personne inconnue de la victime.
  • Agression sexuelle dans un contexte conjugal
    Une agression sexuelle peut être commise dans le cadre d’une relation conjugale entre des partenaires de tous âges, ce qui constitue une forme de violence conjugale de nature criminelle. Le « viol conjugal » est d’ailleurs un acte criminel depuis 1983, ainsi que toute autre forme d’agression sexuelle entre conjoints. L’agresseur et la victime d’agression sexuelle peuvent donc être mariés, unis civilement, conjoints de fait ou des partenaires d’une fréquentation amoureuse.
  • Inconduite sexuelle dans un contexte thérapeutique
    Le fait pour un professionnel de la santé (physique et psychologique), pendant la durée de la relation professionnelle qui s’établit avec la personne à qui il fournit des services, d’abuser de cette relation pour avoir avec elle des relations sexuelles, de poser des gestes abusifs à caractère sexuel ou de tenir des propos abusifs à caractère sexuel, qui constituent un acte dérogatoire à la dignité de sa profession, et qui sont formellement interdits par le Code des professions8 et pourrait être jugés par la justice comme une agression sexuelle au sens du Code criminel canadien [14]. Ainsi, même les relations intimes réciproques et égalitaires entre un professionnel de la santé et un client ne sont pas possibles à cause du déséquilibre de pouvoir entre eux.
  1. Depuis 1983, au Canada, l’infraction d’agression sexuelle (art. 271, art. 272 et art. 273) remplace l’infraction de viol. Dans ce contexte, l’utilisation du terme « viol » est désuète et inexacte, et devrait plutôt être remplacée par « agression sexuelle impliquant une pénétration ». Toutefois, nous reconnaissons que l’usage du mot « viol » est courant pour faire référence à une agression sexuelle avec pénétration, et qu’il en demeure l’équivalent francophone du terme « rape » en langue anglaise.
  2. Ce terme est celui utilisé couramment pour désigner une agression sexuelle à l’endroit d’un mineur. Dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ), selon l’article 38 d), il y a abus sexuel « lorsque l’enfant subit [ou est à risque de subir] des gestes à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, de la part de ses parents ou d’une autre personne, et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation » (Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., chapitre P-34.1). L’abus sexuel n’est pas une infraction au sens du Code criminel canadien. Son utilisation peut donc porter à confusion lorsqu’il est question d’agression sexuelle envers des mineurs.
  3. Ces gestes sexuels sont des agressions sexuelles dans les cas où une personne n’y consent pas ou est incapable d’y consentir (notamment en raison de son âge dans le cas des mineurs) ou de refuser.
  4. Dans le Code criminel canadien, réfère à des rapports sexuels avec une personne liée par consanguinité (père, mère, enfant, frère, sœur, grand-père, grand-mère, petit-fils, petite-fille) (article 155.1).
  5. L.R.Q. chapitre C-26, Code des professions, article 59.1.