Facteurs de risque et de protection

Plusieurs études ont exploré les facteurs de risque liés à la victimisation et à la perpétration de la VRA [35]. Dans la présente section, les études prenant appui sur un devis longitudinal, plutôt que sur un devis transversal, seront principalement abordées. Puisque dans ces études les facteurs de risque et de protection ont été mesurés avant que la VRA ne soit perpétrée ou que l’individu en ait été victime, il est possible d’établir avec une relative certitude qu’ils sont des prédicteurs de la VRA. Ces études ont déterminé que plusieurs facteurs prédisent la victimisation et la perpétration des filles et des garçons3.

Facteurs de risque pour la victimisation

Les facteurs de risque étudiés peuvent être regroupés en trois catégories : 1) les facteurs individuels; 2) les facteurs liés aux milieux de vie; 3) les facteurs environnementaux. Certains sont communs aux garçons et aux filles, tandis que d’autres sont spécifiques à l’un ou à l’autre (tableau 3).

Tableau 3 - Facteurs de risque et de protection pour la victimisation

Type de facteur

Facteurs tirés d’études longitudinales

Individuel

Risque

Garçons et filles

  • Être plus âgé [37] (risque augmentant avec l’âge)
  • Comportements antisociaux [38], [39], [40]*, [41]*
  • Avoir des comportements à risque [37]
  • Avoir des amis ou une sœur plus âgée qui a des comportements à risque [37]
  • Avoir une opinion favorable à la VRA [42]
  • Nombre élevé de partenaires sexuels [43]*
  • Symptômes d’anxiété [44]
  • Faible score de quotient intellectuel (QI) [38]

Garçons

  • Troubles de conduite [38], [39]
  • Victimisation chronique VRA (pour VRA physique grave) [45]
  • Récurrence de la victimisation [40]*, [41]*
  • Précocité des premières expériences sexuelles [39]
  • Faibles compétences en lecture [38]
  • Faible estime de soi (pour VRA physique si consommation d’alcool [45])

Filles

  • Comportements délinquants ou d’agression envers des pairs [38], [39], [40]*
  • Décrochage scolaire [38]
  • Visionner des films pornographiques [46]
  • Puberté précoce [45]
  • Symptômes de dépression [45]

Protection

Filles

  • Obtention de bons résultats scolaires [43]*

Milieux de vie

Risque

Milieu familial

Garçons et filles

  • Victime d’agression sexuelle [47]
  • Punition physique et violence verbale dans la famille [42]
  • Maltraitance vécue dans l’enfance [39], [45], [48]*, [49]

Garçons

  • Parents peu chaleureux [38]
  • Problèmes de santé mentale chez la mère [38]

Filles

  • Exposition à la violence conjugale [39], [41]*, [45], [42], [48]*, [50]*, [51]*

Pairs

Garçons et filles

  • Affiliation avec des amis victimes de VRA [45], [50]*
  • Victimes de violence [44]
  • Victimes de harcèlement sexuel [52]
  • Affiliation avec des pairs déviants ou violents [37], [42], [47], [53]*
  • Affiliation avec des pairs qui consomment de la marijuana [37]
  • Affiliation avec des pairs qui ont eu au moins une relation sexuelle [42]

Garçons

  • Relation amoureuse hostile avec des chicanes (si opinion favorable à la VRA) [40]*

Filles

  • Relations amoureuses avec des relations sexuelles [54]

Quartier et communauté

Garçons et filles

  • Hétérogénéité ethnique du quartier [55]
  • Instabilité résidentielle [55]

Protection

Garçons et filles

  • Supervision de la mère [37], [45]
  • Être proche de ses parents [48]*

Environnemental

Risque

Garçons et filles

  • Exposition à différents médias violents [56]

Filles

  • Visionnement de pornographie [57]

Protection

nd

Les nombres suivis d’un astérisque (*) sont des études longitudinales n’ayant pas été recensées par Foshee et Reyes [36], même si elles ont été publiées avant 2011.

Facteurs individuels : Les études longitudinales ont démontré que certaines caractéristiques individuelles prédisent la victimisation en contexte de VRA, et ce, indépendamment du sexe de la victime. Le fait d’être plus âgé, d’avoir des comportements à risque (ex. : aller à des fêtes où il y a de la consommation d’alcool ou des activités sexuelles, ou être actif sexuellement), d’avoir des amis ou une sœur plus âgée qui adoptent des comportements à risque [37], d’avoir plus de partenaires sexuels [43]* et d’avoir des symptômes d’anxiété [44] sont autant de facteurs prédisant la victimisation. D’autres facteurs de risque, comme le fait d’avoir des comportements antisociaux [41]* et d’avoir un faible score de QI [38], ont été identifiés. Les normes sociales ont fait l’objet de quelques études longitudinales dont les résultats indiquent qu’avoir des opinions favorables au sujet de la VRA [42,46] et qu’adhérer à des stéréotypes liés au genre augmente le risque qu’a un adolescent de subir de la VRA [45].

Certains facteurs ont été identifiés comme augmentant le risque d’être victime de VRA, mais seulement chez les garçons. Ainsi, avoir des comportements antisociaux tôt dans son développement, agresser ses pairs et avoir des troubles de conduite prédisent la victimisation des garçons en contexte amoureux [38,39], la victimisation chronique pour la VRA physique grave [45]*, ainsi que la récurrence de la victimisation chez ceux qui avaient une attitude favorable à la VRA [40]. Pour un garçon, de premières expériences sexuelles précoces [39] ou de faibles compétences en lecture [38] prédisent également sa victimisation. De plus, avoir une faible estime de soi prédit la victimisation physique sévère et cette faible estime de soi, conjuguée à de la consommation d’alcool, prédit la victimisation chronique pour cette même forme de violence [45]*.

D’autres facteurs ont été identifiés comme augmentant le risque de vivre de la VRA, mais uniquement chez les filles. Les comportements de délinquance ou d’agression envers ses pairs [38–40,58], le décrochage scolaire [38], le visionnement de films pornographiques [46]* et la précocité de la puberté [58] sont autant de facteurs qui augmentent le risque qu’une adolescente soit victime de VRA, tout comme la dépression qui prédit aussi leur victimisation chronique [45]*.

D’autres facteurs, tels que la consommation d’alcool et de drogues, les attitudes à l’égard de la VRA, ainsi que la dépression (chez les garçons) sont des facteurs pour lesquels les résultats obtenus ne convergent pas. Des efforts devront être déployés dans les prochaines années afin d’explorer l’ensemble de ces facteurs dans des études longitudinales, et ce, pour obtenir un portrait plus juste des différentes variables qui ont un rôle à jouer dans la victimisation chez les adolescents.

Facteurs liés aux milieux de vie : Plusieurs facteurs liés au milieu familial, aux pairs, au milieu scolaire, ainsi qu’au quartier ou à la communauté ont été identifiés par les études longitudinales comme augmentant le risque qu’ont les adolescents d’être victimes de VRA.

Milieu familial : Certaines caractéristiques du milieu familial dans lequel l’adolescent évolue ont été examinées pour connaître leur influence sur la VRA subie. Avoir été maltraité durant l’enfance est associé à un risque plus élevé d’être revictimisé dans le contexte des relations amoureuses [49]. Par exemple, l’étude longitudinale de Gómez a rapporté que les filles et les garçons victimes de maltraitance durant l’enfance étaient significativement plus à risque que leurs pairs d’être victimes de la VRA à 22 ans (et de la perpétrer) [59]. Morris et ses collaborateurs ont semblablement identifié que les adolescents qui se trouvent dans une famille où la violence verbale et la punition physique sont employées sont plus à risque d’être ultérieurement revictimisés dans leurs relations amoureuses [42]. De plus, avoir vécu une agression sexuelle prédit aussi les expériences de VRA [47,60], ce risque accru s’expliquant en partie par les symptômes de stress post-traumatique [61]. Une autre forme de violence que vivent les jeunes au sein de leur famille est l’exposition à la violence conjugale; ceux qui y sont exposés sont plus à risque d’être ultérieurement victimes de VRA [50]*, [41]*, [48]*, [42]. Cependant, ce facteur n’a pas été rapporté comme significatif pour les garçons par toutes les études menées à ce sujet [45], [51]*, [39].

Être victime d’une forme de violence autre que la VRA est un facteur qui augmente considérablement le risque d’être victime de VRA. Hamby, Finkelhor et Turner ont, par exemple, rapporté dans leur étude menée auprès de 1 680 adolescents que tous les jeunes qui avaient indiqué avoir été victimes de VRA physique avaient aussi été victimes d’au moins une autre forme de violence (maltraitance physique, agression sexuelle durant l’enfance, agression sexuelle par un partenaire en situation d’autorité). Plus particulièrement, les victimes de VRA qui ont participé à cette étude ont rapporté en moyenne deux fois plus d’autres types de violence que leurs pairs qui n’en avaient jamais vécu [62].

Certains facteurs liés au milieu familial permettent de prédire uniquement la victimisation des garçons. Ainsi, avoir des parents qui font peu de démonstrations affectives ou avoir une mère qui a des problèmes de santé mentale [38] sont des caractéristiques de la famille qui augmentent le risque qu’a un jeune d’être victime de VRA.

Pairs : L’influence des pairs a aussi été étudiée comme facteur de risque de la VRA subie. Tant chez les filles que chez les garçons, le fait d’être affilié à des pairs déviants [42], [53]*, à des pairs qui ont des comportements violents [42], qui consomment de la marijuana [37] ou qui ont déjà eu au moins une relation sexuelle [37] sont autant de facteurs qui prédisent le fait d’être victime de VRA. De plus, avoir des amis victimes de VRA prédit le risque d’en être victime [45]*, mais Arriaga et Foshee ont soutenu que cela était dû à la sélection des amis plutôt qu’à leur influence (les victimes de VRA choisiraient des amis qui ont été victimes de VRA) [50]*. Aussi, être victime de violence [44] ou de harcèlement sexuel [52] par ses pairs sont des facteurs de risque de la VRA subie, les formes de harcèlement les plus communes étant les commentaires sexuels, les blagues, les gestes, les regards, le fait d’être touché, agrippé ou pincé de manière sexuelle, ainsi que pour les garçons de recevoir des insultes homosexuelles et pour les filles des commentaires au sujet de leur corps. Peu de différences entre les garçons et les filles ont été rapportées dans la littérature concernant l’influence des pairs comme facteur de risque de la victimisation. Toutefois, se trouver sexuellement active dans une relation amoureuse prédirait uniquement la victimisation des filles [54].

Les facteurs de risque les plus étudiés par les études transversales se rapportent aux caractéristiques des pairs et de la famille. La méta-analyse de Garthe et ses collaborateurs synthétise 27 études, dont 10 longitudinales, portant spécifiquement sur trois facteurs de risque les plus fréquemment rapportés dans la littérature comme étant théoriquement ou statistiquement liés à la VRA : la VRA vécue par les pairs, les comportements agressifs ou antisociaux des pairs, et le fait d’être victimisé par ses pairs. Ces trois facteurs présentent des tailles d’effet significatives, et le fait de les avoir vécus est associé à un risque plus élevé de vivre la VRA [63]. Notons par ailleurs qu’une méta-analyse de Hébert et ses collaborateurs s’est intéressée aux facteurs liés à l’histoire de victimisation pendant l’enfance, de même qu’aux différents facteurs de risque liés aux pairs. Au total, 87 études pertinentes (18 longitudinales) ont été analysées, et les résultats révèlent que l’agression sexuelle, la négligence par les parents, l’abus psychologique, l’abus physique et l’exposition à la violence conjugale présentent des tailles d’effet significatives, et que les jeunes qui les ont vécus rapportent un risque plus élevé de subir les différentes formes de VRA. De même, la méta-analyse révèle des tailles d’effet significatives quant à l’association entre la victimisation par les pairs, le harcèlement sexuel et l’affiliation avec des pairs déviants et la VRA subie [64].

Quartier et communauté : Les facteurs de risque de la violence subie qui sont liés à la communauté et au quartier dans lequel évoluent les adolescents ont peu été étudiés longitudinalement à ce jour, même si plusieurs études transversales se sont penchées sur le sujet. Foshee et ses collaborateurs ont toutefois mené une étude afin d’explorer les interactions entre certaines caractéristiques de la famille et du quartier. Cette étude a été réalisée auprès d’un échantillon de 3 236 adolescents de la 8e à la 12e année habitant des milieux ruraux. Les données ont révélé que l’hétérogénéité ethnique du quartier prédirait la VRA physique, mais pas les autres caractéristiques du quartier mesurées (désorganisation sociale, violence, instabilité résidentielle, désavantage économique) [55]. Concernant les interactions entre les variables, avoir des parents qui font peu fréquemment des démonstrations affectives, conjugué à de l’instabilité résidentielle (déménagements nombreux) dans le quartier habité, prédirait la VRA physique subie [55]. L’absence d’effet observé par Foshee et ses collaborateurs [55] pour certaines caractéristiques du quartier a également été rapportée par Jain et ses collaborateurs. Ces derniers sont arrivés à la conclusion qu’habiter un quartier où l’on est exposé à la violence ou qui est désavantagé économiquement ne peut prédire la victimisation [65]. Finalement, la recension systématique de Johnson et ses collaborateurs sur les caractéristiques du voisinage et la VRA a synthétisé les résultats de 20 études (dont 6 étaient longitudinales). Ils ont conclu que la proportion de logements inhabités dans un secteur, les caractéristiques sociodémographiques de la population, l’accessibilité aux points de vente d’alcool et les problèmes sociaux (tels que la criminalité du voisinage) ne sont pas des facteurs de risque de la victimisation [66].

Facteurs liés aux environnements (sociétaux) : Encore peu d’études longitudinales ont examiné en quoi les facteurs socioculturels (ex. : les normes, les médias, les mœurs), économiques (ex. : les investissements gouvernementaux, les variations dans l’économie d’un pays) et législatifs (ex. : les lois et politiques) ont un impact sur la VRA. De rares études se sont toutefois penchées sur l’influence qu’ont les contenus médias sur la victimisation. Concernant l’impact du contenu média comme facteur de risque, Raiford et ses collaborateurs ont mené une étude auprès des filles, et ont statué qu’avoir visionné des films pornographiques dans les trois derniers mois prédit la victimisation dans l’année qui suit [46]. Malgré ce résultat, la manière dont cette exposition à la pornographie influence la victimisation demeure inconnue. Connolly et ses collaborateurs ont pour leur part rapporté qu’une plus grande fréquence d’exposition au contenu jugé agressif (par une autoévaluation) dans différents types de médias (télévision, films, musique, magazines, Internet) permettait de prédire, trois ans plus tard, la victimisation (une exposition plus grande était associée à plus de victimisation) [67].

Facteurs de risque pour la perpétration

Pour mieux comprendre le phénomène de la VRA, il est nécessaire d’examiner les facteurs qui augmentent le risque que les adolescents exercent cette violence au sein de leurs relations, et non pas seulement les facteurs qui influencent le risque qu’ils en soient victimes. Plusieurs études longitudinales ont été menées à ce sujet (voir le tableau 4 pour un résumé), et leurs résultats concernant les facteurs de risque individuels, liés aux milieux de vie ainsi qu’à l’environnement seront présentés dans les prochains paragraphes. 

Tableau 4 - Facteurs de risque et de protection pour la perpétration

Type de facteur

Facteurs tirés d’études longitudinales

Individuel

Risque

Garçons et filles

  • Détresse émotionnelle [68]*
  • Symptômes dépressifs [43]*, [69], [70]
  • Symptômes anxieux [69]

Garçons

  • Comportements antisociaux [38], [39], [71], [72], [3], [73]
  • Précocité des premières expériences sexuelles [39]
  • Faible score de QI [38]
  • Décrochage scolaire [38]

Filles

  • Comportements antisociaux [39], [69] et attitude favorable à la VRA [40]*
  • Consommation d’alcool et de drogues [38], [39], [74]

Protection

Garçons et filles

  • Obtention de bons résultats scolaires [43]*
  • Empathie [43]*
  • Niveau d’intelligence verbale élevée [43]*

Milieux de vie

Risque

Milieu familial

Garçons et filles

  • Conflits dans la famille [38]
  • Exposition à la violence conjugale [75]

Garçons

  • Discipline parentale sévère ou inconstante [38], [3], [73], [76]
  • Manque de supervision parentale [71], [72], [3], [74]
  • Manque d’affection parentale [38], [73]
  • Témoin de conflits entre les parents [68]*, [77]

Filles

  • Recevoir des punitions physiques [78]

Pairs

Garçons et filles

  • Amis qui ont des comportements violents ou déviants [42], [63]
  • Amis qui utilisent la VRA ou qui en sont victimes [63], [50]*, [69]

Garçons

  • Affiliation avec des pairs qui vivent de la VRA [45], [69]
  • Affiliation avec des pairs délinquants et violents physiquement [45]

Quartiers et communautés

Garçons et filles

  • Présence de comportements déviants dans le voisinage [36]*

Protection

Garçons et filles

  • Acquisition de connaissances sur la VRA dans la famille [75]
  • Relation positive avec la mère [43]*
  • Supervision de la mère [37]
  • Mère a des attitudes conservatrices au sujet de la sexualité de son adolescent [37]
  • Sentiment d’appartenance au milieu scolaire [43]*
  • Contrôle social du voisinage [36]*

Environnemental

Risque

Garçons et filles

  • Exposition à différents médias violents [67], [56]

Protection

nd

Les nombres suivis d’un astérisque (*) sont des études longitudinales n’ayant pas été recensées par Foshee et Reyes [36], même si elles ont été publiées avant 2011.

Facteurs individuels : Les adolescents qui vivent de la détresse émotionnelle [68]*, qui rapportent des symptômes dépressifs [43]*, [69], [70] ou anxieux [69] sont plus enclins à exercer des comportements violents envers leur partenaire. Toutefois, leur estime d’eux-mêmes, ainsi que les stéréotypes de genre qu’ils endossent, ne prédiraient pas leur perpétration de la VRA [74], tout comme le genre auquel ils appartiennent [69], [79]*. Il en serait de même pour leurs habiletés interpersonnelles [74], malgré le fait que ces dernières aient été associées par de nombreuses études transversales à la perpétration [36,80].

Dans les études longitudinales répertoriées, certains facteurs ont été identifiés comme étant des prédicteurs de la perpétration de la VRA uniquement chez les garçons. Ainsi, le fait d’avoir été initié tôt à des pratiques sexuelles (c.-à-d. en 8e année) prédit la perpétration [39], tout comme avoir un faible score de QI à l’âge de 7, 9 et 15 ans, ou avoir décroché de l’école à 15 ans [38]. Aussi, le fait d’avoir des comportements délinquants ou antisociaux (ex. : désobéir à ses parents, faire du vandalisme, avoir des problèmes de comportement, être mis en état d’arrestation ou être judiciarisé, avoir recours à la violence envers ses pairs, consommer de l’alcool ou des drogues) est un prédicteur de la perpétration de la VRA  [38,39,71–73,81]. Toutefois, les attitudes qu’entretiennent les adolescents à l’égard de la VRA contribuent moins clairement au risque qu’ils utilisent cette violence, puisque les résultats présentés par les études à ce sujet sont contradictoires ; ils sont parfois significatifs  [74], parfois non significatifs [80]. Par exemple, alors que Foshee et ses collaborateurs ont identifié qu’avoir un haut niveau d’acceptation de la VRA est un facteur de risque de la perpétration [74], Wolfe et ses collaborateurs sont quant à eux parvenus à la conclusion que les attitudes à l’égard de la VRA en 9e et en 11e année ne permettent pas de prédire la perpétration de la VRA un an plus tard [80]. Ainsi, même si de nombreuses études transversales ont établi un lien entre les attitudes positives à l’égard de la VRA et sa perpétration [51]*, [82], les études longitudinales menées à ce sujet tracent un portrait beaucoup moins constant du lien entre ces variables.

Chez les filles, avoir des comportements antisociaux, notamment le fait d’agresser physiquement ses pairs [39,69] ou d’être violente fréquemment avec eux [69] sont des prédicteurs de la perpétration de la VRA. De plus, la consommation d’alcool [74] et de drogues [38,39] a généralement été identifiée comme un prédicteur de la perpétration de la VRA chez les adolescentes, une seule étude recensée étant arrivée à des conclusions contraires [83]. L’impact de la dépression comme facteur de risque est également mitigé. Alors que plusieurs études transversales ont corrélé la dépression à la perpétration de la VRA [84], [74], [70]*, une seule étude longitudinale [69] a identifié que la dépression pouvait prédire la perpétration des filles, alors qu’une autre a écarté ce facteur [74].

Facteurs liés aux milieux de vie : Plusieurs études longitudinales ont examiné les facteurs de risque liés aux milieux de vie qui prédisposent les adolescents à exercer la VRA. Certaines caractéristiques de la famille, des pairs, du milieu scolaire, ainsi que du quartier ou de la communauté où vivent les adolescents ont été identifiées.

Milieu familial : Les caractéristiques des familles des adolescents ont été largement étudiées dans des devis longitudinaux. Tant chez les filles que chez les garçons, être exposé à des conflits entre les parents [68,77] ou à de la violence conjugale [75], [42], [68]* constitue un facteur de risque de la perpétration. L’impact de l’exposition à la violence conjugale demeure toutefois à explorer dans un contexte longitudinal, puisque peu d’études ont considéré dans leur devis l’examen de variables qui auraient pu modifier le lien entre l’exposition à la violence conjugale et la perpétration (ex. : la structure familiale, l’ethnicité, la fréquence de l’exposition, la sévérité de la violence). De plus, le fait d’être victime de maltraitance a été identifié comme prédisant la perpétration de la VRA par certaines études longitudinales [39] et plusieurs études transversales [85], alors que certaines études longitudinales ont conclu que cette caractéristique pouvait être un facteur de risque seulement pour certains individus en lien avec des caractéristiques sociodémographiques particulières [78].

Certaines caractéristiques des familles semblent toutefois avoir un impact uniquement sur la perpétration de la VRA des garçons. Les familles où la discipline parentale est sévère [73,81] ou incohérente [73,76], où il y a un manque de supervision parentale [71,72,74,81], ou dans lesquelles les parents démontrent peu d’affection [38,73] augmentent la probabilité que leur adolescent utilise la VRA. Pour les filles, recevoir des punitions physiques [38,78] est un facteur de risque.

Pairs : Certaines caractéristiques des pairs fréquentés par les adolescents et les adolescentes ont aussi été identifiées comme des facteurs de risque de la perpétration. Avoir des amis qui ont des comportements violents [42,63] ou déviants [42] ont largement été documentés par la littérature comme étant des facteurs de risque de la perpétration de la VRA. De plus, fréquenter des pairs qui utilisent la VRA [50]*, [69],  [63] ou même qui en sont victimes [74] augmente également le risque d’en exercer au sein de ses propres relations amoureuses.

Certains facteurs de risque liés aux pairs ont été identifiés comme étant significatifs seulement chez les garçons. Ainsi, avoir des amis qui sont violents physiquement ou qui ont des comportements délinquants est un facteur de risque de la perpétration, mais seulement chez ceux qui ont une attitude favorable à la VRA [40]*. Avoir des pairs qui vivent de la VRA (comme victime ou comme agresseur) est également un prédicteur de la VRA perpétrée par des garçons  [45]*. Par exemple, le nombre d’amis qui exercent de la VRA qu’a un adolescent prédit le risque qu’il utilise lui aussi la VRA [69].

Garthe et ses collaborateurs ont publié une méta-analyse qui porte sur 27 études qui ont examiné les facteurs de risque liés aux pairs les plus souvent étudiés : la VRA vécue par les pairs, les comportements agressifs ou antisociaux des pairs, ainsi que la victimisation de l’adolescent par des pairs. Cette méta-analyse en arrive à conclure que ces trois facteurs sont associés de manière significative à la perpétration de la VRA [63].

Quartier et communauté : Les facteurs de risque liés aux milieux, quartiers ou communautés dans lesquels les adolescents vivent ont été moins étudiés longitudinalement et ils divergent fréquemment, possiblement en raison des différences quant aux échantillons étudiés et aux outils de mesure utilisés (Johnson et al. 2015). Ainsi, alors que certaines études ont relevé que vivre dans un quartier économiquement désavantagé n’avait pas d’impact sur la perpétration [86]*, [65], [87], une autre rapporte que ce facteur augmente le risque de perpétrer la VRA chez les filles [88]. Foshee et ses collaborateurs ont quant à eux identifié que les comportements déviants dans le voisinage constituent un facteur de risque pour la perpétration [36]*. D’autres facteurs qualifiant les milieux de vie ont été étudiés sans pouvoir conclure à leur effet significatif sur la perpétration de VRA : la ségrégation résidentielle, l’instabilité résidentielle, le niveau de crime dans le quartier et l’efficacité collective [87], ainsi que la violence perçue dans le quartier [65]. Enfin, Johnson et ses colaborateurs ont publié une recension de la littérature qui porte spécifiquement sur les facteurs de risque liés aux quartiers dans lesquels évoluent les adolescents. Malgré le peu d’études disponibles à ce sujet, leur synthèse de 20 études (dont 6 longitudinales) a soulevé que la disponibilité de l’alcool (présence et nombre de commerces) et les problèmes présents dans le quartier, notamment la criminalité, sont associés à la perpétration de la VRA [66].

Facteurs liés aux environnements (sociétaux) : Peu d’études ont mesuré l’influence des facteurs environnementaux (société et culture, économie et lois) sur la perpétration de la VRA. L’influence de l’exposition à la violence dans les médias a cependant été examinée par quelques études, mais les résultats obtenus à ce jour ne semblent pas converger. Ferguson, San Miguel, Garza et Jerabeck, ainsi que Ferguson, Garza, Jerabeck, Ramos, et Galindo ont rapporté à ce sujet que l’utilisation de jeux vidéo violents n’était pas associée à la perpétration [57,89], alors que Connolly et ses collaborateurs ont plutôt conclu qu’une utilisation plus importante de plusieurs types de contenu agressif (émissions de télévision, films, musique, vidéos) était associée à plus de perpétration de VRA un an plus tard [67]. Cette étude a été reproduite en considérant plus de types de médias et a permis de prédire, trois ans plus tard, la perpétration, ainsi que la victimisation [56].

Facteurs de protection

Il y a peu d’études qui ont exploré les facteurs de protection de la VRA, tant perpétrée que subie. Les quelques facteurs individuels, environnementaux et liés aux milieux de vie qu’il a été possible de recenser dans des études longitudinales seront présentés, suivis des données disponibles à ce sujet qui proviennent de méta-analyses.

Facteurs individuels : Les facteurs de protection liés aux caractéristiques personnelles des adolescents ont rarement fait l’objet d’études longitudinales. Néanmoins, il est reconnu à ce jour qu’avoir de bons résultats scolaires, plus d’empathie et une intelligence verbale plus développée [43]* est associé à moins de risque de perpétrer de la VRA, et chez les filles, avoir de bons résultats scolaires est associé à un moindre risque d’être victimes [43]*.

Facteurs liés aux milieux de vie : Certains facteurs du milieu familial permettent de réduire le risque qu’a un adolescent d’être victime de VRA. Une bonne supervision parentale de la mère [37] ou être affectivement proche de ses parents [48]* sont des facteurs de protection qui ont été identifiés par des études longitudinales. Certaines caractéristiques de la famille constituent quant à elles des facteurs de protection de la perpétration. Pouvoir acquérir au sein de la famille des connaissances au sujet des relations amoureuses est un facteur de protection de la VRA physique et psychologique exercée par les adolescents [75]. Il a aussi été recensé qu’une relation positive avec la mère [43]* et le fait que la mère soit au courant des déplacements de l’adolescent, d’avec qui il se trouve et de comment il utilise ses temps libres [37] peut diminuer le risque que ce dernier exerce de la VRA. De même, avoir une mère qui a des attitudes conservatrices à propos de la sexualité de son adolescent a un effet protecteur [37]. De plus, entretenir un sentiment d’appartenance à son milieu scolaire [43]* agit également comme un facteur de protection pour prévenir la perpétration. Finalement, Foshee et Reyes ont indiqué que le contrôle social4 qu’exerce le voisinage d’un adolescent est aussi un facteur de protection [36]*.

Facteurs environnementaux : L’influence des politiques, des lois et des règlements mis en place au sein des milieux, ainsi que l’influence de la culture en tant que facteur de protection de la VRA ne semblent pas avoir fait l’objet d’études, tant transversales que longitudinales. Pourtant, il est facile de croire que de vivre dans un milieu où les comportements violents sont clairement proscrits réduit le risque d’en être victime. Aux États-Unis, les politiques de plusieurs États en matière de prévention de la VRA prévoient que les écoles adoptent des règlements pour favoriser l’implantation de programmes, la formation du personnel qui intervient auprès des adolescents, le soutien offert aux victimes, etc.  [91]. Les programmes de prévention mis en place peuvent également être considérés comme un facteur de protection; ils seront abordés dans la section Prévention.

De nombreux facteurs de protection explorés par des études transversales n’ont pas encore fait l’objet d’études longitudinales (voir à cet effet les tableaux 3 et 4), et trop peu de facteurs environnementaux ont été étudiés à ce jour (même par des études transversales) pour qu’il soit possible d’avoir une idée juste de leur contribution dans le phénomène de la VRA. Les facteurs de protection, qu’ils soient de nature individuelle, environnementale ou associés aux milieux de vie, auraient avantage à être plus amplement explorés par des recherches longitudinales.

Finalement, mentionnons que la méta-analyse de Hébert et ses collaborateurs a rapporté que malgré qu’une importante hétérogénéité soit notée quant aux tailles d’effet, le soutien parental, la supervision parentale et le soutien des pairs sont significativement associés à une prévalence moindre de VRA subie [64]. Concernant la VRA perpétrée, la recension des écrits de Johnson et ses collaborateurs a déterminé par la synthèse de 20 études (dont 6 longitudinales) que le sentiment d’appartenance éprouvé par l’adolescent envers son voisinage, de même que le contrôle social exercé par ce dernier sont des facteurs de protection [66].

À ce jour, seuls quelques facteurs de protection de la VRA, tant subie que perpétrée, ont été identifiés par la littérature. Pourtant, en connaître davantage à ce sujet pourrait permettre d’adapter les programmes de prévention de la VRA de manière à ce qu’ils développent prioritairement les forces que possèdent les adolescents et celles qui sont présentes dans leur environnement, plutôt que de s’attaquer principalement aux aspects qui augmentent le risque que les jeunes vivent ou infligent de la VRA.

En somme, les études longitudinales ont démontré que certaines caractéristiques des adolescents (ex. : comportements à risque), de leur famille (ex. : maltraitance), des pairs qu’ils fréquentent (ex. : comportements antisociaux), ainsi que de leur milieu de vie (ex. : médias violents) influencent le risque qu’ils ont de subir la VRA ou de l’utiliser envers leur partenaire. Ainsi, tous ces acteurs gravitant dans la vie des jeunes, ainsi que le milieu dans lequel ils se développent, devraient être pris en considération pour prévenir la VRA. Toutefois, d’autres facteurs, dont la contribution est moins claire ou donnent lieu à des résultats inconsistants dans les différentes études longitudinales réalisées (notamment la consommation d’alcool et de drogues, les attitudes à l’égard de la VRA, les symptômes dépressifs et l’exposition à la pornographie) devront faire l’objet d’études additionnelles afin de mieux comprendre s’ils ont un rôle à jouer dans la VRA, et comment ils peuvent être abordés dans les programmes de prévention.

  1. Tous les facteurs de risque et de protection de la VRA présentés dans cette section, qui proviennent d’études publiées avant 2011, sont issus d’une entrée de Foshee et Reyes dans l’Encyclopedia of adolescence [36], et sont rapportés de manière à respecter les propos de ces auteurs. Les facteurs provenant d’études publiées après cette entrée (c.-à-d. après 2011) ont été recensés spécifiquement pour l’élaboration du présent chapitre, et permettent de mettre à jour les données présentées par Foshee et Reyes à ce sujet. De plus, certaines études publiées avant 2011 (identifiées par un astérisque) n’avaient pas été incluses dans le texte de Foshee et Reyes, mais les facteurs de risque qu’elles présentent ont été considérés dans ce chapitre.
  2. Le contrôle social s’exerce quand, au moment de violer une loi un individu rencontre une résistance d’origine sociale qui l’empêche d’agir ou, au moins, le fait hésiter » [90]. Ainsi, dans ce contexte, le contrôle social est la surveillance indirecte des adolescents qui est occasionnée par la seule présence des habitants d’un quartier [36].