Secteurs d’activité où la violence est plus répandue

Cette section examine les secteurs d’activité où la violence en milieu de travail, qu’elle soit interne ou externe, est la plus répandue selon la revue de littérature effectuée portant sur des données de plusieurs pays. Les secteurs concernés sont les suivants : la santé, l’éducation, le travail auprès du public, puis le travail domestique. Les principales études recensées pour chacun de ces secteurs sont identifiées. Un portrait plus spécifique de la situation au Québec est présenté dans la section 3 de ce chapitre. Aussi, une attention particulière est portée sur la composition de genre de ces secteurs, certains étant majoritairement représentés par des femmes, et d’autres par des hommes.

Secteurs de la santé et de l’éducation5

En examinant la littérature portant sur la violence en milieu de travail entre 1978 et 2004, Estrada et ses collaborateurs [53] ont observé un changement sur le plan des secteurs d’activité étudiés dans les écrits portant sur la violence externe, passant du secteur de la vente au détail, qui prédominait jusque dans le milieu des années 90, aux secteurs de la santé et de l’éducation. Ce résultat s’expliquerait, selon les auteurs, à la fois par une augmentation de l’exposition à la violence dans ces secteurs, et par une diminution de la tolérance à la violence. Toutefois, en étudiant les enquêtes suédoises, les auteurs ont aussi remarqué que malgré une augmentation de la violence dans les secteurs de la santé et de l’éducation, les déclarations des incidents de violence à la police dans ces secteurs d’activité ont diminué avec le temps [54,55]. En Finlande, des résultats similaires dans les analyses ont été rapportés, avec une augmentation de la violence externe à l’endroit des travailleurs, et plus particulièrement des travailleuses, dans le secteur de la santé [36]. La littérature nord-américaine relate des augmentations similaires de violence dans les secteurs de la santé et de l’éducation, et une diminution de la violence dans les secteurs de la vente au détail [56]. Ces deux secteurs sont également parmi les principaux secteurs touchés par la violence au travail au Québec, comme présenté dans la section « ampleur » de ce chapitre.

Une littérature considérable aborde la question de la violence à l’égard des différents travailleurs du secteur de la santé en milieu hospitalier, en clinique privée, en institution psychiatrique, ou autre environnement de ce secteur (par exemple, Boyle et collab., 2007 [57]; Bayman et Hussain, 2007 [58]; El Ghaziri et collab., 2014 [50]; Hanson et collab., 2015 [59]). Les études incluent la violence physique, les menaces de violence et différentes formes de violence psychologique. Elles considèrent la violence commise par les collègues, les patients et leur famille. L’ensemble des études recensées stipule que la violence est un risque associé à la profession de soignant et à d’autres métiers exercés dans les milieux de travail du secteur de la santé.

Les enseignants sont également la cible de diverses formes de violence. De récentes études menées au sein de plusieurs pays, dont le Canada, ont documenté la prévalence de la violence physique et psychologique perpétrée aux enseignants par les étudiants, leurs parents ou par d’autres enseignants [7,60–69].

Travail avec le public

Au Canada et aux États-Unis, les associations syndicales représentant les travailleurs du transport ont dénoncé une augmentation de la violence physique faite à leurs membres, ce qui a mené à des modifications législatives, dont un amendement au Code criminel canadien. Il existe une abondante littérature à propos de la violence à l’égard des conducteurs d’autobus, laquelle a été identifiée comme un facteur de risque pour la santé et la sécurité des travailleurs du transport public [70]. Aux États-Unis, les chauffeurs de taxi sont également disproportionnellement touchés par la violence, avec un taux d’homicide quatre fois plus élevé que pour d’autres groupes de travailleurs [71]. Aussi, une récente revue de la littérature sur la violence dans l’industrie hôtelière, incluant la violence physique ainsi que le harcèlement psychologique et sexuel, révèle que les travailleurs de ce secteur sont fortement affectés par la violence au travail [72].

Au Québec, une étude menée en centres de détention montre que les agressions des détenus à l’égard des agents de services correctionnels sont relativement rares et que lorsqu’elles surviennent, il s’agit généralement d’agressions physiques relativement mineures et de violence psychologique [73]. Cependant, une autre étude portant sur les agents des services correctionnels au Québec conclut que le harcèlement psychologique entre les membres du personnel est particulièrement élevé [74]. Une étude menée auprès de la même population a conduit au développement d’une typologie des formes de violence interpersonnelle [75].

Par ailleurs, une étude danoise comparant la violence physique et les menaces de violence dans quatre secteurs d’activité, soit l’éducation spécialisée, la psychiatrie, les soins auprès des personnes âgées et les prisons, conclut que les travailleurs des prisons sont moins exposés à la violence physique que les travailleurs des autres catégories d’emploi à l’étude. De plus, les travailleurs des prisons sont plus susceptibles d’être menacés que d’être victimes de violence physique. Des quatre secteurs ciblés par l’étude, le secteur des prisons est le seul dont la majorité des travailleurs sont des hommes [7].

Au Royaume-Uni, une étude portant sur les différences de genre dans l’exposition des policiers à la violence interne et externe conclut qu’il n’y a aucune différence entre la violence faite aux hommes et aux femmes exerçant le métier de policier, et ce, peu importe la forme de violence [76].

Travail domestique

Les travailleuses et travailleurs domestiques, et particulièrement ceux qui vivent dans les résidences de leurs employeurs, sont reconnus pour être vulnérables aux mauvais traitements, incluant les agressions sexuelles et d’autres formes de violence. Cette situation a été documentée dans la littérature [77,78], ce qui a mené à l’adoption, en 2011, de la convention 189 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques, et traitant explicitement de la violence et des sévices dont ils sont victimes (Organisation internationale du travail Convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, article 5).

  1. Voir le chapitre 7 sur la violence à l’école.