La récidive chez les personnes ayant commis des agressions sexuelles
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Faits saillants
- Pour un individu, une nouvelle infraction sexuelle, judiciarisée ou non, peut être considérée comme une récidive.
- Une définition large ou restreinte de la récidive peut donner lieu à des taux de récidive différents dans les études.
- Les paramètres permettant de définir la récidive chez les personnes ayant commis des agressions sexuelles sont multiples.
- Les personnes ayant commis des agressions sexuelles ne présentent pas toutes le même niveau de risque de récidive.
- Les études démontrent que le fait de suivre un traitement peut réduire le risque de récidive d’une personne ayant commis des agressions sexuelles.
Qu’entend-on par récidive chez les personnes ayant commis des agressions sexuelles?
Plusieurs comportements peuvent être considérés comme une récidive, notamment une nouvelle condamnation pour le même type d’agression, pour une agression sexuelle d’un type différent, pour un délit de violence et pour un délit de n’importe quelle nature.
Les paramètres permettant de définir la récidive chez les personnes ayant commis des agressions sexuelles sont multiples et doivent être clarifiés pour déterminer s’il y a récidive et quelle en est sa nature. Cette notion est cruciale pour interpréter correctement les données statistiques sur la récidive. Ainsi, on devrait toujours s’attarder à la définition précise qui accompagne une donnée statistique avant de la comparer ou de l’interpréter.
Dans la plupart des études, le chercheur détermine plusieurs paramètres pour établir le type et les taux de récidive : un taux de récidive générale (délits de tous types), récidive sexuelle, récidive violente et récidive sexuelle et violente (taux combiné). Dans certaines études, seules les infractions sexuelles ayant donné lieu à une condamnation sont retenues, alors que pour d’autres études, les infractions judiciarisées et non judiciarisées le sont.
Une définition de la récidive peut s’appuyer sur plusieurs critères comportementaux1.
On devrait toujours s’attarder à la définition précise qui accompagne une donnée statistique concernant la récidive des personnes ayant commis des agressions sexuelles avant de la comparer ou de l’interpréter.
- D’un point de vue juridique, on considère une récidive comme étant le fait pour un individu de commettre une infraction de même nature que celle qu’il a perpétrée dans le passé. Le critère est légal : une nouvelle infraction enregistrée dans les dossiers judiciaires ou des services policiers est considérée comme une récidive.
- Une définition large de la récidive peut s’appuyer sur des critères comportementaux, indépendamment du contexte judiciaire. Les chercheurs considèrent alors qu’il y a une récidive sur la base que des comportements d’agression sexuelle ont eu lieu, que ceux-ci soient judiciarisés ou non. Ils peuvent aussi inclure des comportements de nature autre que sexuelle. Par exemple, des comportements de violence conjugale pourraient être considérés comme une récidive chez une personne ayant commis un inceste.
- Une définition restreinte s’appuie sur des critères comportementaux plus spécifiques. Chez un individu qui a commis une infraction sexuelle, judiciarisée ou non, peuvent être considérées comme une récidive toute nouvelle infraction de nature sexuelle et toute infraction violente connexe au délit initial. La nouvelle infraction deviendra une récidive s’il y a présence de certains éléments de nature sexuelle lors de la perpétration du délit. Un individu qui agresse sexuellement une femme et qui, lors d’un second délit, commet des voies de fait à l’endroit d’une femme qui a repoussé ses avances, par exemple, sera réputé être un récidiviste. Les éléments de similarité sont le même type de victime et l’expression de l’agressivité envers une femme.
En bref, plusieurs comportements peuvent être considérés comme une récidive, notamment une nouvelle condamnation pour le même type d’agression (agression sexuelle envers une femme), pour une agression sexuelle d’un type différent (attouchement sexuel/exhibitionnisme), pour un délit de violence (meurtre/voies de fait) et pour un délit de n’importe quelle nature (vol, fraude, etc.)1,2.
Des zones grises subsistent cependant. Par exemple, si les comportements d’agression sont agis avec la même victime pendant une période continue de deux ans (âge de 6 à 8 ans), la personne est-elle considérée comme récidiviste? Au sens de la loi, non. En revanche, si les agressions sexuelles à l’endroit de la même victime ont eu lieu pendant une première période (âge de 6 ans) et une deuxième période (âge de 8 ans), elle est considérée une récidiviste au sens de la loi. D’un point de vue clinique, le fait d’avoir commis des agressions sexuelles sur une longue période, et ce, indépendamment qu’il s’agisse d’une ou de plusieurs victimes reflète une « fixation » de la problématique sexuelle. Le terme « fixation » rend compte de la persistance de ces comportements, des processus psychologiques associés (par exemple, fantasmes sexuels déviants) et d’un risque accru de récidive.
Quelle est l’ampleur de la récidive chez les agresseurs sexuels?
Considérations dans l’interprétation des taux de récidive
- Étant donné que les définitions retenues pour étudier le risque de récidive font varier le taux de récidive, il est important de connaître la définition de la récidive à laquelle se réfère le chercheur. De fait, les écarts qui subsistent dans les taux d’une recherche à l’autre pourraient être attribuables d'une part à une simple question du choix d’une définition large ou restreinte de la récidive.
- Par ailleurs, il est important de se rappeler qu’un grand nombre d’infractions ne sont pas déclarées aux services policiers et que celles-ci ne peuvent être comptabilisées dans les statistiques officielles. Les taux de récidive rapportés dans les études sont donc toujours plus bas que le taux réel de récidive.
- L’étendue de la période de suivi des dossiers fait aussi varier les taux de récidive. La période de suivi correspond au temps écoulé entre la date d’une libération de sentence d’emprisonnement et le moment où le chercheur vérifie s’il y a eu récidive. Le calcul de la période de suivi doit exclure le temps où il était impossible pour la personne de récidiver (emprisonnement, hospitalisation en milieu fermé). De façon absolue, une plus longue période de suivi accroît inévitablement la probabilité qu’un individu commette un nouveau délit.
Taux de récidive chez les personnes ayant commis des agressions sexuelles
- En ce qui concerne les taux de récidive, une méta-analyse de dix études3 indique que la plupart des 4 724 personnes ayant commis des agressions sexuelles n’ont pas récidivé. Une autre méta-analyse4 ayant permis d’analyser les données recueillies dans 79 études (pays nord-américains, européens et asiatiques) rapporte les taux de récidive suivant : 12,4 % de récidive sexuelle (72 études), 17,5 % de récidive violente (sexuelle et non sexuelle) (36 études) et 30,1 % de récidive générale (40 études). La période de suivi moyenne des dossiers était de 68 mois. Bien que les qualités méthodologiques de cette étude soient rigoureuses, ces proportions demeurent sous-estimées parce que les infractions commises ne sont pas toutes connues, donc recensées.
- Comme on peut le constater dans l’étude de Harris et Hanson (2004)3, l’estimation globale de la récidive sexuelle s’est accrue avec le temps, se chiffrant à 14 % après cinq ans, 20 % après 10 ans et 24 % après 15 ans selon les données officielles. Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes de personnes ayant commis des agressions sexuelles envers des adultes et ceux en ayant commis envers des enfants.
- Toutefois, les personnes ayant commis des agressions sexuelles envers des garçons dans un contexte extrafamilial ont présenté un taux de récidive significativement plus élevé après 15 ans que celles qui ont perpétré l’inceste (35 % contre 13 %). Les résultats de cette étude ont également démontré que la probabilité de récidive d’un individu diminue au fur et à mesure que la période d’absence de récidive augmente. Une recherche récente confirme à nouveau que ce ne sont pas tous les types de délinquants sexuels qui présentent le même niveau de risque de récidive5.
Quels sont les facteurs de risque associés à la récidive?
Les nombreuses recherches sur la récidive des personnes ayant commis des agressions sexuelles ont servi à établir deux types de facteurs de risque de récidive :
- les facteurs statiques référant au passé ou aux antécédents de la personne (par exemple : les antécédents judiciaires ou le fait d’avoir été victime d’agression sexuelle)6;
- les facteurs dynamiques référant aux facteurs de la vie courante ou des effets du traitement qui font augmenter ou réduire le risque de récidive (par exemple : un problème de dépendance à l’alcool ou une crise émotionnelle à la suite d’une séparation qui augmentent le risque, ou bien une réinsertion sociale réussie qui réduit le risque)7.
On comprendra qu’un facteur dynamique stable et persistant — comme l’alcoolisme — nécessite habituellement un traitement plus long pour abaisser le risque.
Ajoutons que des auteurs5 ont identifié des facteurs psychologiques qui sont suffisamment validés empiriquement pour être considérés comme des facteurs de risque.
Facteurs psychologiques associés à un plus grand risque de récidive chez les personnes ayant commis des agressions sexuelles :
- Intensité des préoccupations sexuelles
- Violence sexualisée
- Attitudes soutenant les agressions sexuelles
- Manque d’intimité émotionnelle avec des adultes
- Difficultés à résoudre des problèmes
- Influences sociales négatives
- Préférences sexuelles pour les enfants prépubères ou jeunes pubères
- Présence de multiples paraphilies (ex. : voyeurisme, fétichisme, etc.)
- Concordance émotionnelle avec celle des enfants
- Manifestations d’impulsivité
- Opposition aux règles et à l’encadrement légal
Quelle est l’efficacité des traitements contre la récidive?
- Le fait de bénéficier d’un traitement, ce qui est de plus en plus courant pour les délinquants sexuels considérés à haut risque de récidive, devrait diminuer le taux de récidive7.
- Hanson et ses collaborateurs (2002)8 soulignent que les traitements ayant montré une meilleure efficacité sont associés à une baisse des taux de récidive de 17 % à 10 % après une période de suivi des dossiers d’environ cinq ans.
- Une étude récente9 a permis de comparer les taux de récidive à court terme chez 413 personnes ayant commis des agressions sexuelles qui ont suivi des programmes de thérapie similaires (pour les délinquants à haut risque, environ 200 heures, et à faible risque, 100 heures). Au total, 12 % ont récidivé sur une période de 2 à 4 ans et la plupart des récidives étaient de nature sexuelle. Selon les chercheurs, les pesronnes ayant été évaluées comme « collaborant au traitement » seraient significativement moins nombreuses à avoir commis une récidive que ceux considérés « réfractaires au traitement » (9 % contre 15 %).
Conclusion
- De meilleures connaissances des facteurs de risque de récidive ont pour effet d’améliorer l’évaluation des personnes ayant commis des agressions sexuelles afin de déterminer quelles sont les conditions de l’encadrement légal (longueur de la sentence, conditions de suivi, etc.) et les modalités de traitement appropriées.
- Dans l’application des traitements, il est primordial de cibler la réduction des facteurs de risque, mais récemment, on oriente également les interventions sur d’autres facteurs dits « facteurs de protection » qui sont spécifiquement associés à la non-récidive10. On envisage donc qu’il sera possible d’affiner davantage les évaluations du risque de récidive, de mieux planifier les interventions de thérapie et d’améliorer l’efficacité des traitements.
- Sur le plan de la prévention élargie, on cherche à impliquer les proches des personnes ayant commis des agressions sexuelles à être vigilants en leur enseignant quels sont les facteurs clés à surveiller lorsqu’une personne purge sa sentence dans la communauté. De cette façon, les proches peuvent signaler une augmentation du risque, demander de l’aide et appliquer les mesures de protection enseignées pour éviter une nouvelle agression pour eux-mêmes ou d’autres personnes.
Références
- Proulx, J. et Lussier, P. (2001). La prédiction de la récidive chez les agresseurs sexuels.Criminologie, 34, 9–30.
- Proulx, J., Tardif, M., Lamoureux, B. et Lussier, P. (2000). How does redidivism risk assessment predict survival? Dans D.R. Laws, S.M. Hudson et T.Ward (dir.), Remaking relapse prevention with sex offenders: A sourcebook (pp. 466-484). Thousand Oaks: Sage Publications.
- Harris, A.J.R. et Hanson, R.K. (2004). La récidive sexuelle : D’une simplicité trompeuse (Rapport pour spécialistes ; no 2004-03), Ottawa, Ontario, Sécurité publique et protection civile Canada.
- Hanson, R.K. et Morton-Bourgon, K.E. (2007). L’exactitude de l’évaluation du risque: Une méta-analyse. Rapport pour spécialistes N° de cat.: PS4-36/2007F).Ottawa, ON: Sécurité publique Canada. ISBN : 978-0-662-73541-0.
- Mann, R. E., Hanson, R. K., & Thornton, D. (2010). Assessing risk for sexual recidivism: Some proposals on the nature of psychologically meaningful risk factors. Sexual Abuse: A Journal of Research and Treatment, 22(2): 191–217.
- Hanson, R. K., & Morton-Bourgon, K. E. (2004). Les prédicteurs de la récidive sexuelle : Une méta-analyse à jour. (Rapport pour spécialistes nº 2004-02).Ottawa, ON: Sécurité publique Canada.
- Hanson, R. K., & Harris, A. (2000). Where should we intervene? Dynamic predictors of sexual offense recidivism. Criminal Justice and Behavior, 27, 6-35.
- Hanson, R.K., Gordon, A., Harris, A., Marques, J. K., Murphy, W., Quinsey, V. et Seto, M. (2002). The 2001 ATSA report on the effectiveness of treatment for sexual offenders. Sexual Abuse: A Journal of Research and Treatment, 14(2), 169-194.
- Beech, A.R., Mandeville-Norden, R. et Goodwill, A. (2012). Comparing recidivism rates of treatment responders/nonresponders in a sample of 413 child molesters who had completed community-based sex offender treatment in the United Kingdom, International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, 56(1), 29–49.
- Vries Robbé, M. de, Vogel, V. de et Spa, E. de (2011). Protective factors for violence risk factors in forensic psychiatric patients. A retrospective validation study of the SAPROF. International Journal of Forensic Mental Health, 10(3), 178-186.
Auteurs : Monique Tardif , Ph.D., Professeure titulaire, Université du Québec à Montréal
Jo-Annie Spearson-Goulet, M. A., candidate au doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal
Mise à jour des termes : Maude Lachapelle, conseillère scientifique, INSPQ (2024)