Encadré 1 - Exemples d'initiatives québécoises

Programme de prévention du suicide du Service de police de la Ville de Montréal qui a sauvé des vies [79]

En 1997, le Service de police de la Ville de Montréal a mis sur pied un programme pour prévenir les suicides des membres du service de la police. Le programme original comprenait une demi-journée de formation sur le suicide pour tous les policiers, une formation d’une journée pour les superviseurs et les représentants syndicaux, la mise sur pied d’un service d’aide téléphonique fourni pour les policiers et les policières bénévoles, et une campagne publicitaire de sensibilisation et de promotion de la prévention du suicide. Le programme a été créé par un comité paritaire des représentants syndicaux et des gestionnaires du Service de police, avec le soutien des psychologues qui travaillent pour le Service de police, ainsi que plusieurs consultants. Tous les 4 178 membres du Service de police ont participé au programme. La campagne de promotion et les activités de formation avaient comme objectif de promouvoir l’utilisation des ressources existantes et l’importance de la solidarité en matière de prévention du suicide. Les programmes ont été adaptés à la culture propre et à l’environnement de travail. Pendant les 11 années avant le début du programme, de 1986 à 1996, le taux de suicide des policiers de Montréal était légèrement plus élevé que celui des autres policiers de la province, soit 30,5 par 100 000 par année à Montréal, contre 26,0 par 100 000 pour les autres. Pendant les 12 années qui ont suivi la mise en œuvre du programme à Montréal, de 1997 à 2008, le taux de suicide des policiers à Montréal a diminué de 78,9 % pour atteindre 6,42 par 100 000 par année. Pendant la même période, les autres policiers au Québec qui n’ont pas bénéficié de ce programme ont vu leur taux de suicide augmenter de 11,4 % pour atteindre 29,0 pour 100 000; les différences entre les changements de taux à Montréal et les autres policiers de la province sont significatives (p < 007) [79]. Depuis 2009, le Service de police de la Ville de Montréal a continué à améliorer le programme et à assurer son implantation pour l’ensemble des membres du service. Ce programme a été cité par l’Organisation mondiale de la santé comme l’un des meilleurs exemples d’un programme efficace de prévention du suicide en milieu de travail [1]. Ce programme a également servi comme modèle pour d’autres programmes à la Gendarmerie royale du Canada et pour d’autres services de police au Canada et ailleurs dans le monde.

Suivi avec un logiciel personnalisé de téléphone intelligent des personnes ayant fait une tentative de suicide [65,80]

Les recherches indiquent que les personnes qui ont fait une tentative de suicide constituent l’un des groupes les plus à risque de faire une autre tentative et de mourir par suicide [1]. De nombreuses recherches rapportent qu’un suivi après que la personne quitte l’hôpital – même des suivis simples par cartes postales, messages textes ou brefs appels téléphoniques – peut diminuer l’incidence de récidive. Au Québec, Labelle, Bibaud-De Serre et Leblanc ont développé une méthode novatrice d’aide aux personnes souffrant de dépression et qui ont fait une tentative de suicide, par la mise sur pied d’une application pour iPhone nommée @Psy Assistance, ayant trois objectifs : 1) informer la personne des ressources disponibles; 2) augmenter l’appropriation du pouvoir (empowerment) par l’autogestion des problèmes avec un moniteur de ses propres émotions, des suggestions d’activités, la restructuration cognitive et la résolution de problèmes; et 3) assurer la sécurité de la personne par plusieurs moyens : information sur les signes de danger, les stratégies d’adaptation et le soutien personnel et professionnel disponible faisant partie d’un plan de protection, possibilité de géolocalisation dans une situation d’urgence, et appels automatisés envoyés aux personnes en mesure d’apporter de l’aide en situation de crise [65]. Actuellement, cette application mobile est utilisée par les personnes déprimées qui quittent l’hôpital après une tentative de suicide. Une évaluation scientifique des effets est en cours.

Collaborations pour assurer le suivi étroit des personnes à risque suicidaire (Agence de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent) [81]

Le rapport du comité d’experts sur l’organisation des soins en santé mentale recommande le développement d’un suivi étroit intégré dans les communautés pour les personnes qui sont et qui ont été en danger grave de passage à l’acte suicidaire [82]. Le suivi étroit, selon le guide des bonnes pratiques en prévention du suicide [77], est une mesure qui vise à s’assurer qu’une personne qui quitte une organisation ayant effectué la gestion de sa crise suicidaire doit avoir accès à un suivi rapide et intensif. Plusieurs régions du Québec ont implanté des services de suivi étroit pour la clientèle à potentiel suicidaire élevé. Par exemple, la région du Bas-Saint-Laurent a développé un modèle régional de suivi étroit qui a été évalué en 2008 [81]. Ce projet a inclus une formation des médecins susceptibles de référer aux services de suivi étroit intégré, les ententes entre différents organismes de la région en santé mentale et en prévention du suicide, et la formation des intervenants pour effectuer le suivi. Cela a impliqué le développement de nombreux protocoles cliniques et ententes entre les services de la région. L’évaluation a démontré un consensus parmi les gestionnaires et les intervenants désignés quant à la compréhension du suivi étroit, ainsi qu’à la pertinence et l’efficacité de ce suivi. Le premier contact est effectué dans un délai prévu de 72 heures entre le moment où la personne donne son accord pour le suivi et la prise de contact pour prendre rendez-vous avec l’intervenant. Ce programme a assuré que les références aux différents services, incluant les centres de prévention du suicide et autres organismes communautaires, sont toujours acceptées et priorisées. Les médecins et les intervenants se disent satisfaits du suivi étroit, et ce programme semble bien répondre aux besoins de la population. Les services de suivi étroit sont basés sur les meilleures pratiques recommandées par l’Organisation mondiale de la santé [1] et, avec l’implantation de tels services de suivi étroit dans différentes régions du Québec, le potentiel est grand de diminuer la récidive, les tentatives de suicide et les décès par suicide des personnes vulnérables.

En amont de la prévention du suicide : un nouveau programme québécois pour apprendre aux enfants à l’école primaire des stratégies d’adaptation (Passeport : S’équiper pour la vie) (www.passeportsequiperpourlavie.ca/language/fr/accueil)

Le suicide est souvent considéré comme une stratégie d’adaptation utilisée par une personne qui souffre énormément, et qui ne conçoit pas d’autres stratégies d’adaptation permettant de diminuer sa souffrance et d’améliorer sa situation. Des recherches indiquent que les personnes qui font des tentatives de suicide ont un moins grand répertoire de stratégies d’adaptation pour faire face aux problèmes de leur vie, et ont souvent tendance à utiliser des stratégies peu efficaces [83]. Cette observation suggère que si on était en mesure d’augmenter le répertoire de stratégies d’adaptation efficaces des individus, ces derniers seraient moins à risque de recourir aux comportements suicidaires lors de situation de crise et pour diminuer leur souffrance. « Passeport : S’équiper pour la vie » est un nouveau programme développé au Québec grâce à une subvention de l’Agence de la santé publique du Canada, qui vise à aider les enfants de 9 à 11 ans à augmenter leur répertoire de stratégies d’adaptation efficaces. Ce programme, animé par les enseignants à l’école, comprend diverses activités et jeux amusants dans lesquels les enfants apprennent à identifier et à communiquer leurs émotions, à trouver de nouvelles stratégies d’adaptation qu’ils peuvent utiliser dans différentes situations, ainsi qu’à évaluer eux-mêmes l’efficacité de ces stratégies pour les aider à se sentir mieux et améliorer les situations problématiques. Les recherches indiquent qu’en comparaison avec un groupe témoin, les enfants qui participent à ce programme utilisent davantage de stratégies d’adaptation, ont une plus grande intelligence émotionnelle, et adoptent plus de comportements favorisant la réussite scolaire. En plus de ces bénéfices à court terme, il est possible de croire que lorsque ces enfants deviendront adolescents, puis adultes, ils continueront à avoir un plus grand répertoire de stratégies d’adaptation efficaces, et seront par conséquent moins à risque d’avoir recours aux comportements suicidaires lorsqu’ils seront aux prises avec des difficultés. Ce type de programme est en cohérence avec les efforts déployés au Québec pour offrir une approche globale de la santé en contexte scolaire.