Prévention

Les initiatives visant la prévention de la violence envers les athlètes en contexte sportif se sont multipliées au cours des dernières années [58]. Au Canada, diverses initiatives ont notamment porté sur l’éthique dans la pratique sportive, comme la Stratégie pour l’éthique dans le sport de Sport-Canada [160], l’initiative Sport pur [161], le volet « Prise de décisions éthiques » du Programme national de certification des entraîneurs [162] ou le mouvement « Entraînement responsable » de l’Association canadienne des entraîneurs et du Centre canadien pour l’éthique dans le sport [163]. D’autres initiatives ont plutôt porté sur la problématique spécifique de la violence en contexte sportif, notamment le programme Respect et sport qui offre de la formation en ligne aux entraîneurs, aux bénévoles et aux parents [164], ainsi que le programme Dis-le! de Hockey Canada qui vise à prévenir l’intimidation, le harcèlement et les mauvais traitements au hockey [165]. Des initiatives ont également émané du système sportif québécois, par exemple la mise en ligne de la plateforme Web SportBienÊtre visant à informer et à sensibiliser les acteurs du milieu sportif à la violence interpersonnelle dans ce contexte [166], ainsi que la création de l’organisme Sport’Aide qui vise à assurer un leadership dans la mise en œuvre d’initiatives favorisant le maintien d’un environnement sportif sain, sécuritaire et harmonieux pour les jeunes sportifs du Québec [167]. D’autres initiatives plus ciblées sont également présentes au Québec, que ce soit pour combattre l’homophobie dans le sport [168] ou la violence au hockey mineur [169,170]. Les instances gouvernementales québécoises ont également publié divers documents sur les questions relatives au harcèlement et aux agressions sexuelles en contexte sportif [171–174]. Il faut également savoir que le Québec possède une Loi sur la sécurité dans les sports, laquelle a été créée pour veiller à ce que la sécurité et l’intégrité des personnes dans les sports soient assurées [175]. Le sport est également inclus dans les plans d’action québécois en matière de lutte à l’intimidation, à l’homophobie et aux agressions sexuelles [176–178].

Certaines initiatives ont été évaluées de façon empirique. Par exemple, le programme Franc-Jeu (Fair-Play) [169] vise à diminuer le nombre d’infractions et l’incidence des comportements violents dans le hockey mineur par la mise en place d’un système de classification des points au classement général. L’efficacité de ce programme a été évaluée par le gouvernement du Québec, et les résultats de l’évaluation montrent que Franc-Jeu peut être considéré comme un outil efficace pour promouvoir les valeurs saines du sport, mais qu’il ne semble pas contribuer à réduire la fréquence des transgressions des règles [77]. D’autre part, l’évaluation de la formation « Respect et sport », réalisée auprès de 1 091 entraîneurs, montre que les participants perçoivent que le programme a eu un impact sur leurs pratiques en lien avec les principales thématiques de la formation [179]. Pour ce qui est de la formation « Prise de décisions éthiques » du Programme national de certification des entraîneurs, Stirling et ses collaborateus ont observé que la vaste majorité des entraîneurs interviewés ayant complété la formation se disaient satisfaits de la formation et rapportaient que cette dernière avait eu des répercussions sur leurs prises de décisions. Toutefois, les entraîneurs ont précisé que le module bénéficierait de l’addition de plus de contenu informatif sur les divers types de dilemmes éthiques (Stirling et al., 2012). Dans une seconde phase de l’étude, 3 742 entraîneurs ont rempli un questionnaire en ligne au sujet de la formation. Les résultats indiquent que les dilemmes éthiques les plus rencontrés par les entraîneurs sont en lien avec l’esprit sportif (92,1 %), la maltraitance des athlètes (78 %) et l’équité (77 %). Finalement, 86,3 % des entraîneurs désirent avoir plus d’informations sur la maltraitance des athlètes, 71,5 % sur le dopage et 69,2 % sur les problématiques relatives à la santé et à la sécurité [180]. Bien que certaines initiatives aient vu le jour et que d’autres ont même été évaluées, encore trop peu d’évaluations robustes des programmes et des interventions existent à ce jour, que ce soit au Québec, au Canada ou ailleurs [181].

Parent et El Hlimi ont analysé le contexte du sport au Québec afin de tenter de mieux comprendre les problèmes et les défis au regard de la protection des jeunes athlètes en matière de violence. Ils font état des constats suivants, à savoir qu’une attention plus grande devrait être portée à la protection des jeunes dans le contexte sportif, à la fois par les instances responsables du sport et par les instances de protection de l’enfance, et qu’il existe des mécanismes utiles (ex. : Loi sur la sécurité dans les sports) ainsi que des leviers intéressants pour agir (ex. : règles d’attribution du financement gouvernemental aux fédérations sportives) afin de mieux protéger les jeunes sportifs, mais que ces mécanismes et moyens sont sous-utilisés [182].

Afin de mieux prévenir le phénomène de la violence envers les sportifs, plusieurs experts ont suggéré des pistes intéressantes. Entre autres, plusieurs reconnaissent la nécessité de dresser un portrait exhaustif de la violence vécue en contexte sportif par les athlètes [58,88,89,182]. Ces données permettront de baser les interventions subséquentes sur des données probantes [183,184]. Actuellement, nous n’avons pas ce portrait au Québec et au Canada. D’autres suggestions incluent des interventions plus spécifiques sur le plan législatif et des droits de l’homme, comme de mieux encadrer la pratique des enfants athlètes d’élite (ex. : limitation du nombre d’heures de pratique), de créer un règlement international visant spécifiquement à protéger les droits des enfants athlètes d’élite, ainsi que de mettre en place un ombudsman des athlètes [27,132–135]. Au Québec, Parent, Redmond-Morissette et El Hlimi ont développé un cadre québécois de prévention de la violence envers les jeunes athlètes [185]. En se basant sur l’analyse de la littérature et utilisant l’approche de l’intervention ciblée [186], Parent et ses collaborateurs ont souligné l’importance d’agir à la fois sur les facteurs comportementaux et environnementaux à la base de la violence envers les jeunes en contexte sportif. Ce cadre suggère des actions autant pour les athlètes, les parents, les entraîneurs, les administrateurs sportifs que pour les décideurs publics, les instances de protection de la jeunesse et la population en général [185]. Aux niveaux individuel et relationnel, il ressort de leur analyse qu’il est important de : a) amener les intervenants sportifs à utiliser des méthodes d’entraînement et d’encadrement saines et sécuritaires qui respectent le développement des jeunes; b) créer des conditions favorables au dévoilement de gestes de violence; c) créer un environnement sain offrant du soutien sans pressions excessives; d) promouvoir un climat de pratique axé sur une approche démocratique (empowerment). Aux niveaux organisationnel et social, il apparaît important de : a) amener les organisations sportives, les décideurs publics et la communauté sportive et de protection de la jeunesse à s’intéresser au problème de la violence afin de mieux le comprendre, le prévenir et le gérer; b) valoriser la non-violence dans le sport.