Conséquences à court et à long terme de la maltraitance

Les effets à court et à long terme de la maltraitance sur la santé mentale et physique ainsi que sur le développement cognitif et neurobiologique sont importants, et ce, peu importe la forme [140–142]. Le tableau 6 présente une synthèse de l’ensemble des effets selon la sphère développementale concernée. À noter que, tout comme c’est le cas pour les facteurs de risque, la trajectoire développementale des enfants victimes de maltraitance doit être envisagée à la lumière des notions d’équifinalité et de multifinalité; les différentes formes pouvant mener à des conséquences similaires ou, inversement, une même forme pouvant mener à des conséquences différentes, selon les cas [143–146]. Par ailleurs, les impacts différenciés de la maltraitance sont aussi inhérents à leur chronicité et à leur cooccurrence. Ainsi, plus une forme de maltraitance est considérée comme sévère, qu’elle se présente tôt dans la vie de l’enfant, qu’elle est récurrente et qu’elle survient en cooccurrence avec d’autres formes, plus les impacts à court et à long terme sont importants [35,141,143,146,147] et irréversibles au plan neurobiologique [140].

Tableau 6 - Principales conséquences à court et à long terme de la maltraitance [140–142,146,148–152]

 

Court terme (enfance)

Long terme (adolescence et âge adulte)

Socioaffectif

  • Troubles internalisés (ex. : faible estime de soi, isolement, anxiété, dépression)
  • État de stress post-traumatique
  • Faibles habiletés sociales
  • Antipathie
  • Troubles de l’humeur
  • Difficultés dans la reconnaissance et la compréhension des émotions
  • Troubles externalisés (ex. : agressivité, conduite antisociale/délinquante, impulsivité, hyperactivité)

Comportemental

 

  • Abus de substances (ex. : drogues, alcool)
  • Comportements sexuels à risque/ Infections transmises sexuellement (ITS)

Cognitif

  • Problèmes de langage (ex. : retard de langage, prononciation difficile)
  • Déficits au niveau des fonctions cognitives (ex. : apprentissage, attention, mémoire, fonctions exécutives, fonctions visuo-spatiales, résolution de problèmes, raisonnement abstrait)
  • Difficultés scolaires
  • Décrochage scolaire

Neurobiologique

  • Dérèglement des systèmes biologiques de réponse au stress
  • Altération de la maturation du cerveau
  • Vulnérabilité au développement de maladies psychiatriques

Physique

  • Blessures physiques et retards développementaux
  • Troubles alimentaires (ex. : obésité, boulimie, retard de croissance)
  • Maladies pulmonaires chroniques (ex. : asthme)
  • Maladies cardiovasculaires (ex. : cardiopathies ischémiques)
  • Syndrome du côlon irritable

Un autre élément important à considérer dans l’analyse de la trajectoire développementale des enfants victimes de maltraitance concerne le cumul des expériences vécues à la fois en raison de la cooccurrence des différentes formes de maltraitance, ou en raison de leur combinaison avec d’autres événements de vie aversifs considérés comme ayant un potentiel traumatique (ex. : vivre un désastre naturel, décès, incarcération ou hospitalisation d’un parent). À cet égard, les résultats des études sur la polyvictimisation soulignent que l’accumulation des victimisations, incluant la maltraitance, est plus importante que leurs formes individuelles pour expliquer les troubles internalisés ou externalisés [59,153]. Dans la même veine, certains chercheurs postulent que les facteurs de risque présents dans la famille contribuent également à expliquer les impacts de la maltraitance sur l’enfant [134,135]. Le cumul peut aussi concerner les expériences de maltraitance qui s’échelonnent et évoluent tout au long de l’enfance et de l’adolescence; on sait d’ailleurs que la maltraitance est un facteur de risque connu de la revictimisation [49] et de la polyvictimisation. En outre, les risques de victimisation répétée sont d’autant plus importants lorsque la première victimisation a été vécue en bas âge comparativement à l’adolescence [49]. Les résultats de l’étude québécoise de Cyr et ses collaborateurs indiquent aussi que les deux catégories de victimisation les moins prévalentes, soit la victimisation sexuelle et la maltraitance, ont été vécues de manière disproportionnée par les polyvictimes en comparaison des jeunes non-polyvictimes [59]. Finkelhor et ses collaborateurs ont aussi souligné que ces deux catégories de victimisation pourraient indiquer un risque d’exposition accrue à la victimisation plus large [47]. Enfin, l’effet cumulatif peut être transporté à l’âge adulte et contribuer ainsi au cycle de l’adversité et de la violence [154].