Antoine RODE
Contexte :
Symbole des difficultés d'accès aux soins et d'une moindre utilisation des soins par les populations précaires, la problématique du « non-recours aux soins » prend progressivement place dans les débats français sur les déterminants des inégalités sociales de santé. Notre communication s'inscrit dans ce champ, en proposant une analyse sociologique des processus sociaux qui amènent des personnes, tout au long de leur parcours de vie, à se priver ou à ne pas solliciter des services de santé. L'hypothèse principale est que, au-delà des analyses qui expliquent le non-recours aux soins par le poids de diverses contraintes vécues au moment présent, ces comportements trouveraient leur origine dans l'intériorisation progressive de normes de santé, transmises par les différentes instances de socialisation avec lesquelles chaque personne est en contact.
Méthode :
La communication s'appuie sur une enquête qualitative réalisée au cours de notre recherche doctorale. Le corpus est constitué d'une centaine d'entretiens sociologiques menés avec des personnes identifiées comme étant en situation de non-recours aux soins, par des indicateurs que nous présenterons, et définies comme précaires au sens du « score EPICES ».
Résultats :
Cet angle d'analyse du non-recours aux soins, relevant le poids du passé dans la détermination des pratiques de santé, nous permet de comprendre pourquoi il reste toujours des personnes vulnérables à l'écart du système de santé. Elle illustre en cela une des limites des politiques françaises de lutte contre les inégalités sociales de santé, qui se sont principalement attachées à faciliter l'accès aux soins sans agir sur les capacités, inégalement réparties, des individus.
Conclusion :
Une partie des personnes rencontrées ne perçoit pas le non-recours aux soins comme un problème ou un risque pour leur santé. Ce constat s'explique notamment par le fait que le non-recours est renvoyé à une « habitude », c'est-à-dire à une continuité dans leurs pratiques de santé depuis l'enfance. Cela s'observe particulièrement sur deux points : l'usage de l'automédication et la référence à une logique curative de recours aux soins. Dans ce processus, le rôle de la famille nous semble central, en fournissant un ensemble de ressources et de guides déterminant les conduites en matière de santé.