Julie Loslier
Pierre Paquin, Éric Lampron-Goulet, Marie-Christine Aumais, Audrey Bertrand-Bovet, Catherine Baillargeon, Maude Poiré-Côté, Josiane Therrien, Anne-Sophie Tousignant
Contexte :
Le Québec se situe au premier rang des provinces canadiennes en terme de nombre de suicides. Malgré une diminution des taux notée depuis 2000, cette problématique demeure une priorité en santé publique. Autant chez les hommes que chez les femmes, le groupe des 35-49 ans est le plus touché au Québec comme en Montérégie. Le suicide est un phénomène complexe. Malgré certains facteurs associés identifiés, aucun modèle théorique ne fait l'unanimité. Au Québec, les rapports des coroners sont une source privilégiée de données. Cependant, ces professionnels n'ont aucune obligation de les uniformiser quant à l'information qui y est présente. Les objectifs du projets étaient donc les suivants :
- À partir des rapports de coroners disponibles (2003-2008), identifier les facteurs associés au suicide pouvant être utiles à une intervention préventive en santé publique.
- Préciser la fréquence (%) d'annotation de certains facteurs associés au suicide dans les rapports de coroners.
- Formuler des recommandations pour les coroners de la Montérégie afin de les sensibiliser à l'importance de préciser ces facteurs associés.
Méthode :
Le devis est une étude descriptive transversale. La population cible est constituée des coroners du Québec susceptibles d'investiguer le suicide d'un résident de la Montérégie. La population à l'étude est constituée des 32 coroners ayant produit des rapports reçus à la DSP entre janvier 2006 et août 2008 concernant des résidents de la Montérégie décédés par suicide. L'information pertinente au sujet du suicide et des facteurs associés a été colligée à l'aide d'une grille de saisie, puis validée. Certains facteurs associés plus importants dans une optique d'intervention en santé publique ont été retenus par l'équipe de recherche comme variables à analyser.
Résultats :
Certaines informations obligatoires sont présentes dans la totalité des cas, soit l'âge, le sexe et le lieu de résidence de l'individu, en plus du moyen utilisé, du lieu et de la municipalité du suicide. Les autres renseignements étant à la discrétion du coroner, elles se retrouvaient dans les rapports dans un pourcentage moindre. L'information à propos de l'occupation était présente dans 51,6% des cas et celle sur la verbalisation de l'intention suicidaire dans 39,8% des cas. En ce qui a trait aux renseignements sur les armes à feu, le type d'arme était mentionné dans 78,1% des rapports tandis que le propriétaire et le lieu d'entreposage de l'arme dans 40,6% des cas. Concernant les antécédents médicaux, l'état de santé mentale était spécifié dans 69,2% des cas, l'état de santé physique dans 35,5% des cas, les antécédents de consultations psychiatriques dans 21,5% des cas, la date de la dernière consultation dans 16,8% des cas et les antécédents de consultations avec un omnipraticien dans 10,8% des cas. L'information sur les tentatives de suicide était présente dans 34,4% des cas tandis que la précision sur le moyen utilisé était présente dans 56,1% des cas. À propos des événements stressants, 67,7% des informations sur les problèmes personnels étaient mentionnées ainsi que 7,2% de celles concernant les comportements délictueux. Dans la catégorie des habitudes de vie, il était possible de retrouver les renseignements sur l'abus de substances dans 24,7% des cas, la précision sur le type de substance(s) utilisée(s) dans 52,1% des cas, sur l'abus d'alcool dans 29% des cas et sur le jeu pathologique dans 55,2% des cas.
Conclusion :
Une meilleure compréhension des liens entre certains facteurs de risque et le suicide permettrait de mieux orienter les actions préventives. Bien que les coroners possèdent des outils pour documenter ces informations, elles demeurent sous déclarées dans les rapports. D'abord, l'occupation, le(s) moyen(s) utilisé(s) lors du suicide, la verbalisation de l'intention suicidaire, les antécédents médicaux (psychiatriques et physiques), les consultations avec un médecin et la date de la dernière consultation seraient des éléments pertinents à inclure dans les rapports de coroners. De plus, il serait intéressant de connaître les informations sur les tentatives suicidaires, le moyen utilisé lors de la tentative, l'hospitalisation suite à la tentative ainsi que l'information sur les tentatives et les suicides des proches. Enfin, l'abus aigu ou chronique de substance(s) (alcool ou drogue(s)) et le jeu pathologique sont des facteurs associés sur lesquels la santé publique peut intervenir et une meilleure connaissance de leur contribution à la problématique du suicide permettrait de mieux cibler les interventions. Au termes de ces observations, diverses recommandations ont été diffusées auprès de l'ensemble de coroners du Québec.