Déterminants sociaux de la santé mentale des jeunes Inuit du Nunavik

Andrew Gray
Faisca Richer

Contexte et objectifs

Depuis les années 1950, la population inuite du Nunavik a été confrontée à des efforts de colonisation intensifs de la part des gouvernements en place et donc à des changements sociaux et culturels extrêmement rapides. Or, depuis, on observe une augmentation extrêmement rapide des taux des problèmes de santé mentale, dont le suicide, et ce, surtout parmi les jeunes. Pourtant, les études épidémiologiques publiées jusqu’à présent se sont penchées surtout sur la description des pathologies, de même que sur l’identification des facteurs de risque psychologiques et comportementaux individuels, et ce, sans tenir compte du savoir expérientiel des populations elles-mêmes qui identifient plutôt de nombreux facteurs sociaux et culturels à la source de leur mal-être collectif, ainsi que leur résilience. La présente étude vise à estimer l’impact individuel et collectif de nombreux déterminants sociaux sur certaines mesures de santé mentale des jeunes inuits du Nunavik.

Description et population visée

Une modélisation multiniveau a été prévue pour caractériser les éléments individuels et contextuels qui pourraient influencer la santé mentale positive ainsi que les tendances suicidaires des jeunes inuit, chez qui on voit les taux les plus élevés des problèmes de santé mentale et de suicide.

Méthode

À l’aide des données de l’Enquête Qanuippitaa? de 2004, il a été possible d’estimer les associations existant entre l’estime de soi et les idées suicidaires, d’une part et, d’autre part, plusieurs facteurs, mesurés à l’échelle communautaire, individuelle, et du ménage. Pour ce faire, des modélisations par régression multiniveau linéaire et logistique avec imputation multiple ont été utilisées. Une consultation a été faite auprès d’informateurs clés au Nunavik, ce qui a permis de guider le choix des déterminants à prioriser, et les résultats ont ensuite été interprétés en collaboration avec des représentants des communautés du Nunavik.

Résultats et outils développés

Les résultats les plus novateurs incluent, du point de vue épidémiologique, les effets protecteurs du sentiment de fierté culturelle, la pratique d’activités traditionnelles, et du capital social au niveau communautaire, de même que les effets néfastes des barrières à la participation aux activités traditionnelles, du surpeuplement des ménages, et des taux élevés de violence dans les communautés.

Conclusion et recommandations

Ces résultats confirment les perspectives des Inuit sur la question des causes des problèmes de santé mentale, et permettent d’élargir la portée de l’analyse épidémiologique de la santé mentale des Inuit. Ils renforcent de plus le besoin pour des interventions de promotion de santé mentale chez les jeunes qui répondent à ces besoins à la fois individuels et collectifs. Ces résultats ont été transférés au Comité de promotion de la santé mentale au Nunavik, pour informer leurs recommandations et pour soutenir leurs arguments quant à l’action intersectorielle sur les déterminants sociaux de la santé spécifiques à ces communautés.