L’insécurité alimentaire selon deux définitions : impact sur la minorité francophone canadienne à travers divers déterminants socio-économiques

Charles Dabone
Ewa Makvandi, Louise Bouchard, Malek Batal

 

Contexte :
L’insécurité alimentaire (IA), un déterminant majeur de la santé des populations, a été longtemps investiguée dans les régions de pénurie alimentaire. Actuellement, c’est une problématique préoccupante dans les pays industrialisés avec entre autres conséquences l’augmentation des maladies chroniques. Le Canada n’est pas en reste avec diverses couches vulnérables éprouvant l’IA plus que d’autres. En vue de mieux cerner le problème, des efforts continus sont mis en œuvre dont l’utilisation d’une nouvelle définition. Cependant, l’impact de cette dernière reste à être connu au sein de différentes strates de la population dont la minorité francophone du Canada. L’objectif de la présente étude était d’évaluer l’étendue de l’IA selon la définition actuelle de Santé Canada et celle utilisée auparavant basée sur le modèle de l’USDA, au sein des couches francophones minoritaires par rapport à la majorité anglophone.

Méthode :
Les données de l’Enquête sur la Santé dans les Collectivités Canadiennes (ESCC) de 2007 et 2008 ont été utilisées pour examiner l’IA au niveau du ménage.

Résultats :
Un algorithme de langue (parlée à la maison, apprise et comprise, d’interview, de préférence) a été utilisé pour caractériser la population francophone en situation minoritaire. Sur la base du « Module d’Enquête sur la Sécurité Alimentaire des Ménages », l’ancienne définition de l’insécurité alimentaire (4 catégories) et la nouvelle définition (3 catégories) ont été utilisées pour estimer l’IA. Avec le logiciel SAS 9.2 la méthode Bootstrap d’estimation de la variance a été utilisée pour les analyses qui ont été considérées comme significatives à p<0,05.

Conclusion :
L’échantillon comprenait 4,5 % de ménages francophones et 95,5 % de ménages anglophones. Alors que moins de francophones étaient âgés de 18-30 ans comparativement aux anglophones (16.5 % vs 20.9 %), il y en avait plus qui étaient âgés de 51-70 ans (31.7 % vs 25.1 %). Par rapport aux anglophones, significativement plus de francophones vivaient en milieu rural (30.5 % vs. 16.9 %) et avaient un niveau d’éducation en dessous du secondaire (24.2 % vs 21.9 %). En appliquant la nouvelle définition de l’IA, sa prévalence a augmenté de 1,7 % chez les francophones (de 6,6 % à 8,3 %) et de 1,5 % chez les anglophones (de 6,5 % à 8 %). Avec la nouvelle définition, l’IA affectait significativement plus les francophones les plus âgés (7,7 vs 6,2, p<0.05), vivant en milieu rural (8,6 % vs 6,2 %, p<0,01) et ceux avec une formation postsecondaire (18,7 % vs 10,7 %, p<0.05). En stratifiant selon diverses variables sociodémographiques, les plus fortes augmentations ont été notées chez les francophones qui consommaient de l’alcool au moins une fois/mois (3,1 %), fumaient quotidiennement (3,7 %), percevaient leur santé générale et mentale comme mauvaise (4,6 % et 9,9 %, respectivement), recevaient l’aide sociale et l’assurance emploi (6,1 % et 8,0 %, respectivement) et les ménages composés d’un seul parent avec un enfant de moins de 25 ans (3,4 %).