Le non-recours aux services de soins prénatals : expériences de femmes vivant dans la commune rurale de Kokologho au Burkina Faso

Marietou Niang
Sophie Dupéré, Emmanuelle Bédard

Contexte et objectifs

L’utilisation non optimale des services de soins prénatals est un problème crucial de santé publique, considérant les forts taux de mortalité maternelle et néonatale au Burkina Faso. En effet, malgré une amélioration nette de la couverture des soins prénatals durant ces dernières années, le recours à la première consultation prénatale se fait tardivement à partir du sixième et septième mois de grossesse et peu de femmes effectuent le minimum des quatre visites recommandées. Cette situation est plus remarquée dans les zones rurales. Cependant, peu d’études effectuées au Burkina Faso se sont intéressées aux femmes qui sont à la marge du système de soins.

Description et population visée

L’objectif de cette étude était de comprendre les motifs de non-recours aux services de soins prénatals, en s’intéressant aux femmes âgées de 18 ans et plus qui ont renoncé ou qui ont recouru tardivement aux consultations prénatales dans la commune rurale de Kokologho.

Méthode

La recherche qualitative inspirée de l’ethnographie a été adoptée pour cette recherche. La collecte des données a eu lieu d’octobre 2013 à janvier 2014. Les méthodes utilisées sont vingt-deux entrevues individuelles semi-dirigées avec des femmes qui sont en recours tardif aux soins prénatals complétées par de l’observation participante et huit entrevues informelles avec des informateurs clés identifiés dans la communauté. La typologie explicative du non-recours, développée par l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), a été utilisée comme cadre conceptuel.

Résultats et outils développés

L’analyse thématique a révélé quatre barrières qui entravent le recours effectif aux soins prénatals par les femmes rencontrées :

  1. le manque de connaissance du calendrier et de la visée des soins prénatals
  2. la perception de la grossesse et des soins prénatals
  3. les barrières socioéconomiques : paiement direct des consultations prénatales et manque d’autonomie des femmes, et
  4. la perception de la qualité des soins prénatals.

Conclusion et recommandations

La typologie explicative du non-recours adoptée pour cette recherche a permis de comprendre que le non-recours n’est pas seulement dû à des contraintes liées à l’accès à l’offre publique, mais il est un rapport social entre l’offre et les utilisateurs. Nos résultats suggèrent qu’au-delà des barrières socioéconomiques, l’antagonisme entre les normes sociales et les normes médicales entourant la grossesse et les soins prénatals entrave le recours effectif aux consultations prénatales. Aussi, les défaillances du système de soins et de la politique d’exemption des soins préventifs durant la grossesse contribuent à éloigner certaines femmes des services de soins prénatals. De ce fait, le non-recours aux soins prénatals ne résulte pas seulement de facteurs liés à l’individu, mais de différents facteurs socioculturels, politiques et institutionnels. Nos résultats soulèvent l’importance d’effectuer d’autres études portant sur le non-recours aux services de soins prénatals au Burkina Faso, afin de déceler les obstacles et les échecs du système de santé (Dupéré et al., 2012; Rode, 2010) et de s’interroger sur la pertinence et l’effectivité des services de santé publique (Warin, 2010).