Surveillance fœtale durant le travail - Fiche complète

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Objectif de la surveillance fœtale

L’objectif de la surveillance de la santé fœtale durant le travail est de déceler tout signe de détresse du fœtus afin de pouvoir intervenir précocement. Le bien-être du fœtus dépend surtout des échanges placentaires d’oxygène entre la circulation fœtale et la circulation maternelle. L’oxygène se rend dans tous les tissus du fœtus, dont le cerveau. Le cerveau est particulièrement sensible aux baisses de concentration d’oxygène et réagira en modifiant la fréquence cardiaque fœtale.

Aucune méthode connue en ce moment ne nous permet d’évaluer directement l’apport en oxygène au cerveau du fœtus durant le travail et l’accouchement1,2. La surveillance fœtale permet de reconnaître et d’évaluer les changements de fréquence cardiaque qui précèdent les modifications au cerveau et de réagir à temps afin de prévenir les dommages au cerveau, tout en limitant les interventions non nécessaires, dont la césarienne3.

Au moment des contractions utérines, la circulation dans le placenta diminue normalement de 50 %. La plupart des fœtus tolèrent bien cette baisse d’oxygénation et ne démontrent pas de signes de détresse. Jusqu’à 80 % des femmes en travail ont des tracés du cœur fœtal s’écartant de la normalité à un moment ou à un autre; ceux-ci ne sont pas nécessairement associés à l’ hypoxie ou à l’asphyxie fœtale4.

Les méthodes de surveillance fœtale

La surveillance fœtale peut se faire par auscultation intermittente (AI) ou monitorage fœtal électronique (MFÉ). L’AI associée à la palpation de l’utérus est la méthode recommandée de surveillance fœtale pendant le travail spontané dans le cas d’une grossesse normale de plus de 36 semaines chez une femme en santé avec absence de facteurs de risque3.

L’AI est aussi la méthode privilégiée de surveillance fœtale jusqu’à 41 semaines et 3 jours lors d’un travail spontané sans facteurs de risque. Après 41 semaines 3 jours, l’AI est privilégiée si le test de réactivité fœtale (TRF), le volume de liquide amniotique ainsi que les résultats de l’évaluation sont normaux3.

La surveillance fœtale et la présence d’une professionnelle de la santé

(Voir la fiche Travail et accouchement, section L'accompagnement en cours de travail)

Le suivi durant le travail requiert la présence d’une infirmière ou d’une sage-femme dont les fonctions combineront la surveillance fœtale et le soutien physique et affectif. Les résultats de recherche démontrent que le soutien et l’accompagnement durant le travail ont le potentiel d’améliorer la santé fœtale, quelle que soit la méthode de surveillance fœtale utilisée5,6,7.

L’auscultation intermittente (AI) est une technique de surveillance auditive nécessitant un stéthoscope ou un fœtoscope (Doppler); elle permet de compter les battements cardiaques fœtaux à intervalles déterminés. L’AI peut également se faire à l’aide du capteur externe du moniteur, pourvu que le papier du tracé ne se déroule pas8.

L’AI permet d’évaluer3 :

  • la fréquence cardiaque fœtale;
  • le rythme cardiaque fœtal (régulier ou irrégulier);
  • la présence d’accélérations ou de décélérations.

Interprétation des résultats de l’AI :

  • Résultats normaux
    • Cœur fœtal (CF) : 110-160 battements par minute (BPM)
    • Accélérations du rythme cardiaque fœtal (RCF)
  • Résultats anormaux
    • CF < 110 BPM
    • CF > 160 BPM
    • Modification de la fréquence initiale
    • Présence de décélérations du RCF

Avantages de l’auscultation intermittente comparativement au MFÉ9

Comparativement au MFÉ, l’AI comporte plusieurs avantages :

  • Elle est moins coûteuse;
  • Elle est associée à une réduction du taux de césariennes;
  • Elle est associée à une réduction du taux d’ accouchements instrumentaux (avec ventouses ou forceps);
  • Elle est associée à une diminution du recours à l’anesthésie péridurale;
  • Elle favorise le contact, le toucher thérapeutique;
  • Elle est moins contraignante : permet une liberté de mouvement accrue lors du travail;
  • Elle permet d’utiliser différentes méthodes de soulagement de la douleur (p. ex. ballon, immersion dans le bain)10.

L’AI est associée à une diminution des taux d’interventions alors que le risque pour le bébé est équivalent à celui observé lorsque le MFÉ est utilisé3.

Limites de l’auscultation intermittente

  • Certaines femmes peuvent considérer l’AI comme étant plus agaçante en raison de la fréquence de l’évaluation3.
  • L’AI ne permet pas de détecter certaines caractéristiques comme la variabilité et le type de décélérations9.

Fréquence de l’auscultation intermittente

Au moment de la phase de latence
La phase de latence est définie comme la période d’activité utérine qui entraîne une dilatation et un effacement progressif du col. Elle prend fin quand le col est dilaté de 3 ou 4 centimètres chez une femme primipare, et de 4 à 5 centimètres chez une femme ayant déjà accouché10.

Les femmes en phase de latence bénéficient davantage d’être à la maison qu’à l’hôpital pendant cette période. Si la femme demeure à l’hôpital pour des raisons d’ordre géographique ou météorologique, il est alors recommandé d’évaluer la fréquence cardiaque fœtale approximativement toutes les heures3.

Au moment du travail actif
La phase active du travail débute lorsque le col est dilaté d’au moins 4 centimètres et se termine avec la naissance de l’enfant.

Lors du premier stade, soit jusqu’à la dilatation complète du col, la fréquence cardiaque fœtale doit être évaluée3 :

  • toutes les 30 minutes;
  • pendant 1 minute immédiatement après une contraction11.

Lors du second stade, soit de la dilatation complète jusqu’à la naissance, la fréquence cardiaque fœtale doit être évaluée :

  • toutes les 15 minutes avant que la poussée ne soit amorcée;
  • toutes les 5 minutes lorsque la poussée est amorcée.

Lorsque la femme est sous analgésie péridurale
Lorsque la femme est sous analgésie péridurale, l’AI peut être utilisée pour surveiller le cœur fœtal si les signes vitaux de la mère sont normaux12. L’infirmière doit écouter le cœur fœtal aux 5 minutes pendant 60 secondes sur une période de 30 minutes12.

Le MFÉ est une méthode permettant d’évaluer les contractions utérines et d’examiner la condition du bébé à naître durant le travail par une surveillance de son rythme cardiaque, à partir d’un moniteur fœtal électronique relié à la mère par deux capteurs. Le monitorage peut être fait en continu ou de façon intermittente13.

Le MFÉ devrait être employé pour la surveillance fœtale dans les cas de grossesses comportant des risques de complications et en présence d’anomalies du cœur fœtal durant le travail. Le tracé d’admission n’est pas recommandé chez les femmes qui ne présentent pas de risques et ne devrait pas être utilisé pour déterminer si une femme est réellement en travail3.

Le MFÉ limite les mouvements de la mère durant le travail et ne réduit pas le taux de morbidité fœtale. Les études démontrent en effet que le MFÉ est associé à une augmentation du recours à l’anesthésie, du taux de césariennes et du nombre d’accouchements instrumentaux.

Avantage du MFÉ

Le tracé indique de façon approximative le début et la fin de la contraction. Il est donc en mesure de refléter la relation entre les contractions et les décélérations cardiaques fœtales.

Limites du MFÉ

  • Il doit être remis en place selon les mouvements maternels et fœtaux.
  • Il peut s’avérer difficile d’obtenir un tracé de qualité adéquate pour l’interprétation chez les femmes obèses ou chez celles qui présentent une trop grande quantité de liquide amniotique (hydramnios).

Quand recourir au MFÉ

Voici quelques situations où il est recommandé de recourir au MFÉ3.

Causes maternelles :

  • Résultats de l’auscultation intermittente qui demeurent anormaux après un recours infructueux aux mesures qui pourraient permettre à la fréquence cardiaque fœtale de se normaliser;
  • Travail prématuré (avant 36 semaines de gestation);
  • De 41,3 à 42 semaines de grossesse, lorsque le test de réactivité fœtale (TRF) et l’évaluation de la quantité du liquide amniotique sont anormaux;
  • Travail après terme ou grossesse prolongée (≥ 42 semaines);
  • Déclenchement et stimulation du travail à l’ocytocine;
  • Hypotension persistante après la péridurale;
  • Préexistence de diabète sucré et de diabète gestationnel non contrôlé;
  • État médical de la mère nécessitant une surveillance accrue;
  • Accident de véhicule motorisé (AVM), traumatisme;
  • Saignement vaginal intrapartum;
  • Rupture prolongée des membranes à terme (> 24 heures);
  • Accouchement vaginal après une césarienne (AVAC);
  • Troubles hypertensifs de la grossesse;
  • Hémorragie durant la grossesse;
  • Hypertonie utérine;
  • Grossesse multiple.

Causes fœtales14 :

  • Retard de croissance intra-utérin;
  • Liquide avec présence de méconium;
  • Anormalité persistante du cœur fœtal lors de l’auscultation intermittente;
  • Allo-immunisation;
  • Présentation de siège.

Peut-on cesser le MFÉ continu pour aller au bain ou marcher?

Lors d’un déclenchement ou d’une stimulation du travail
Lors d’un déclenchement ou d’une stimulation du travail, lorsque la vitesse de perfusion est stable et que le tracé est considéré comme normal, il est raisonnable de cesser le MFÉ et d’allouer des périodes de 30 minutes pour favoriser la marche, les mouvements ou l’hydrothérapie3,10,12.

Lors d’un AVAC ou d’une présentation de siège
Lors d’un AVAC ou d’une présentation de siège et lorsque la situation est stable, des périodes de 30 minutes peuvent être permises pour permettre la déambulation ou le bain 14,15. Lorsqu’on interrompt le MFÉ, on doit alors surveiller la fréquence cardiaque par l’AI toutes les 15 minutes.

Interprétations des résultats

Les résultats du MFÉ sont évalués selon la classification suivante : tracé normal, atypique et anormal. Dans le cas d’un tracé atypique, une surveillance étroite s’impose et le médecin doit en être avisé. En présence d’un tracé anormal, l’accouchement doit être réalisé dans les plus brefs délais.

Caractéristiques d’une contraction efficace

Lorsqu’un travail évolue normalement, les contractions doivent être régulières (aux 2 à 3 minutes), d’intensité forte, d’une durée d’environ 60 secondes et comporter un relâchement utérin d’une durée de 30 à 60 secondes entre chacune d’elles.

Pour vérifier l’intensité ou la force des contractions : la palpation de l’utérus

Le MFÉ externe ne permet pas d’évaluer la force ou l’intensité des contractions. L’amplitude affichée sur le tracé ne présente aucune relation avec l’intensité des contractions3; l’infirmière ou la sage-femme doit donc recourir à la palpation durant les contractions. En plaçant sa main sur le fond utérin et en prêtant attention à l’intensité de la douleur exprimée par la femme lors d’un travail naturel, l’infirmière ou la sage-femme peut déterminer l’intensité des contractions :

  • Contraction faible : l’utérus se décomprime facilement;
  • Contraction moyenne : l’utérus se décomprime difficilement au toucher;
  • Contraction forte : l’utérus ne se décomprime pas au toucher.

Les observations obtenues par palpation comprennent :

  • Fréquence des contractions utérines (ou intervalle entre les contractions);
  • Durée de la contraction;
  • Intensité de la contraction;
  • Tonus utérin au repos entre les contractions (relâchement complet d’au moins 30 secondes).
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  14. Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. (2011). Document de formation sur le suivi et la prise en charge de l'accouchement vaginal après une césarienne. Ottawa : Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.
  15. Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. (2011). Document de formation sur le suivi et la prise en charge du siège. Ottawa : Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.

Auteure
Hélène Langlois, infirmière et gestionnaire à la SOGC, coordination et rédaction

Collaborateurs
Julie Bonapace, auteure
Nils Chaillet, Université de Sherbrooke
Guy-Paul Gagné, Hôpital de LaSalle
Robert Gauthier, CHU Sainte-Justine
Jean-Marie Moutquin, CHUS, INESSS
Vyta Senikas, SOGC

Chargée de projet
Pascale Turcotte, INSPQ

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