La majorité des femmes cessent ou réduisent leur consommation d’alcool lorsqu’elles apprennent qu’elles sont enceintes19.
Le point sur la consommation dite « modérée »
La consommation d’alcool durant la grossesse est un sujet sensible. L’alcool est un produit de consommation courant et accepté socialement. Il est commun que les femmes et les hommes en consomment lors d’événements festifs, d’occasions sociales ou pour accompagner un repas.
Plusieurs femmes se questionnent sur la consommation « faible », « modérée » ou « occasionnelle » d’alcool durant la grossesse. Certaines souhaiteraient pouvoir prendre un verre de temps à autre, sans toutefois causer de tort au bébé qu’elles portent. Elles sont parfois perplexes devant le message recommandant l’abstinence.
Il n’existe pas de réponses précises à ces interrogations20-22.
Les risques de conséquences négatives associées à la consommation d’alcool importante et chronique ou à la consommation excessive d’alcool lors d’une même occasion (quatre consommations et plus par occasion) sont démontrés.
Quant à la consommation dite modérée, certaines études ont démontré une association entre des problèmes de comportement pendant l’enfance et la consommation d’alcool de la mère pendant la grossesse à des quantités qui sont considérées comme à faible risque chez des femmes qui ne sont pas enceintes (p. ex., de deux verres et demi à trois verres par occasion, et pas plus de cinq verres par semaine)21. Malgré cela, les résultats de l’ensemble des études sur les effets de la consommation modérée demeurent contradictoires. Cela est dû à différents facteurs22 :
- La définition de la consommation modérée d’alcool : la consommation modérée peut être définie différemment d’une étude à l’autre. De plus, le moment de la consommation pendant la grossesse et les façons de boire ne sont pas toujours les mêmes d’une étude à l’autre et ne sont pas toujours bien décrits dans les articles scientifiques;
- La mesure des effets : l’alcool peut avoir un effet sur plusieurs organes et plusieurs dimensions du développement neurologique des enfants, mais les études ne peuvent pas analyser ni mesurer tous ces paramètres avec précision. Qu’une étude note une absence d’effet sur une dimension ne veut pas dire que la consommation d’alcool n’aurait pas d’effet sur d’autres dimensions;
On ne sait pas exactement quels sont les effets de la consommation occasionnelle d'une petite quantité d'alcool21. On ne peut pas présumer qu’il existe un seuil sécuritaire20-22. Un plus grand nombre d’études scientifiques sont nécessaires. C’est pourquoi le principe de précaution s’applique à tous les stades de la grossesse et pour toute quantité d’alcool
Pourquoi conseiller aux femmes enceintes de s'abstenir de boire de l'alcool pendant la grossesse?
Plusieurs raisons justifient ce choix :
- L’alcool est un produit tératogène, c’est-à-dire qu’il peut causer des anomalies congénitales et nuire au développement fœtal;
- Aucune étude, à ce jour, ne prouve qu’une consommation modérée ou occasionnelle soit sécuritaire pour le fœtus;
- Les connaissances limitées sur les différences individuelles qui jouent un rôle dans le métabolisme de l’alcool ne permettent pas de prédire qui est à risque et qui ne l’est pas.
Conséquemment, le message le plus sécuritaire qui peut être transmis aux femmes enceintes est celui de ne pas consommer d’alcool durant la grossesse23.
Toutefois, certaines femmes ont pris de l’alcool avant de savoir qu’elles étaient enceintes ou avant de connaître la recommandation d’abstinence. Vous pouvez leur rappeler qu’il n’est jamais trop tard pendant la grossesse pour décider de cesser de boire de l’alcool.
Qu'en est-il de l'utilisation d'alcool dans la cuisine?
Il arrive que des recettes de cuisine (p. ex., sauces, recettes de viande) utilisent des boissons alcoolisées. Pour la femme enceinte, l’utilisation d’alcool lors de la préparation des repas ne cause pas de problèmes, car l’alcool s’évapore lorsqu’il est porté à ébullition. Toutefois, il est suggéré d’éviter les plats où l’alcool n’a subi aucune transformation (p. ex., dessert arrosé d’alcool).
La réduction des méfaits
Bien que l’idéal soit de cesser complètement toute consommation d’alcool durant la grossesse, ce ne sont pas toutes les femmes qui seront abstinentes ou qui auront la capacité et les ressources nécessaires pour cesser de consommer. Pour elles, une approche de réduction des méfaits pourrait être une option pragmatique.
Cette approche vise à diminuer les conséquences néfastes de la consommation d’alcool (ou de drogues) sur le développement fœtal et la santé des femmes, en les aidant à réduire ou à cesser leur consommation d’alcool et en répondant à leurs besoins immédiats, qu’il s’agisse de besoins sociaux, de santé ou de sécurité24.
Les femmes peuvent être encouragées à adopter des comportements de santé pouvant avoir un effet positif sur l’issue de la grossesse et le développement du bébé : privilégier une alimentation saine et la prise de suppléments (p. ex., multivitamines, acide folique et fer), demeurer physiquement actives, et bénéficier d’un suivi régulier de grossesse25. Leurs conjoints peuvent aussi être invité(e)s à adopter des comportements favorables à la santé pour eux-mêmes et pour favoriser de bonnes habitudes dans la famille.
Il est donc suggéré de souligner les efforts que fait la femme enceinte pour favoriser le bon développement de son bébé. Il faut aussi reconnaître que les femmes qui ont des problèmes de consommation d’alcool ou qui sont dépendantes peuvent avoir d’autres problèmes de santé ou vivre dans des contextes difficiles qui méritent une attention particulière. Dans tous les cas, il faut éviter de juger ou de stigmatiser les femmes. Il faut plutôt les aider à avoir accès à des services répondant à leurs besoins, que ce soit en périnatalité ou en dépendance.
Le sevrage
Les femmes enceintes dépendantes à l’alcool doivent être évaluées par un médecin. Au moment de cesser la consommation, elles peuvent présenter des symptômes lors du sevrage et avoir besoin de médication25. Le sevrage peut se manifester notamment par de l’anxiété, des nausées ou vomissements, de la transpiration abondante, des tremblements et des palpitations26.
Un bébé né d’une mère qui a consommé de grandes quantités d’alcool pendant la grossesse peut lui aussi présenter des signes de sevrage à la naissance. Il doit donc être évalué médicalement. Les problèmes de sevrage peuvent persister quelques semaines. Les signes de sevrage chez le nouveau-né incluent une extrême irritabilité, des tremblements, des troubles de l’alimentation et de la diarrhée; il peut aussi avoir des problèmes de fréquence cardiaque, de respiration et de digestion27.
L'environnement social
Certaines femmes rapportent subir de la pression de leur entourage pendant la grossesse pour consommer de l’alcool28. Des personnes discréditent leur décision de ne pas boire d’alcool ou encore les encouragent à en consommer lors d’activités sociales et festives. Les professionnels de la santé sont encouragés à sensibiliser les femmes enceintes à cette possibilité, pour les inciter à réfléchir aux stratégies possibles pour y faire face.
Les futurs parents pourraient apprécier ces recettes de cocktails sans alcool publiées par le Dispensaire diététique de Montréal : www.dispensaire.ca/app/uploads/Depliant_a_votre_sante_VF_ecran.pdf
Le soutien du ou de la partenaire et de l’entourage quant à la cessation de consommer de l’alcool durant la grossesse s’avère donc précieux pour aider la femme enceinte à surmonter les pressions sociales. Concrètement, le conjoint et l’entourage peuvent :
- offrir des occasions de rencontre où l’alcool n’est pas présent ou n’occupe pas une place centrale (p. ex., rencontre dans un café ou à la maison, et non dans un bar);
- s’assurer que des boissons non alcoolisées sont disponibles et offertes à tous;
- soutenir la femme enceinte en lui rappelant le caractère temporaire de cette abstinence;
- ne pas inciter à la consommation d’alcool et respecter les choix de la femme enceinte;
- au besoin, modifier leur propre consommation d’alcool par solidarité avec la femme enceinte.