Conséquences possibles du tabagisme pendant la grossesse
Il est recommandé de ne pas fumer du tout durant la grossesse. En effet, on ne peut pas affirmer que si la femme enceinte fume moins d’une certaine quantité de cigarettes par jour, cela correspond à un seuil sécuritaire ne présentant aucun risque pour la santé de l’enfant à naître.
On peut être tenté de croire que les futurs parents connaissent bien les effets du tabagisme pendant la grossesse sur la santé de la mère et du bébé. Pourtant, une étude québécoise a démontré le contraire (Guyon 2008). Les femmes savaient que fumer est dommageable pour leur santé et celle de leur bébé à naître, mais elles ignoraient les effets précis du tabagisme et comment ils se produisent.
Conséquences pour la femme enceinte
Chez les femmes enceintes, comme dans le reste de la population, l’usage de tabac augmente les risques de présenter (National center for chronic disease prevention, 2014) :
- des problèmes respiratoires;
- des problèmes cardiovasculaires;
- différents types de cancers.
Conséquences pour la grossesse
Comparativement à une femme qui ne fume pas, une femme qui fume durant sa grossesse est plus à risque (Avsar 2019, National center for chronic disease prevention 2014, CDC 2010, US public health service office 2020) :
- de vivre un avortement spontané;
- d’avoir une grossesse ectopique;
- de présenter un placenta prævia;
- d’avoir un décollement du placenta;
- d’avoir une rupture prématurée des membranes;
- d’accoucher de façon prématurée, c.-à-d. avant 37 semaines de grossesse (l’accouchement prématuré est la principale cause de mortalité et de morbidité chez les nouveau-nés);
- d’avoir un bébé présentant un retard de croissance intra-utérin;
- de vivre une mortinaissance ou une mortalité néonatale.
Conséquences pour l’enfant
Les bébés nés de mères qui ont fumé pendant leur grossesse sont plus à risque (National center for chronic disease prevention 2014) :
- de présenter un faible poids à la naissance, c’est-à-dire de naître avec un poids inférieur à 2,5 kg ou 5,5 livres, ce qui augmente le risque de problèmes pour la santé et le développement1;
- de succomber au syndrome de mort subite du nourrisson.
La consommation maternelle de tabac durant la grossesse pourrait aussi avoir une influence à plus long terme sur l’enfant. Ainsi, l’enfant dont la mère a fumé durant la grossesse serait plus susceptible de présenter (National Center for Chronic Disease Prevention 2014, Pickett 2008, Avsar 2021, Berlin & Oncken 2018) :
- un tempérament difficile;
- des difficultés d’apprentissage et des troubles du langage;
- un trouble de déficit de l’attention et d’hyperactivité (TDAH);
- de l’asthme;
- des infections des voies respiratoires inférieures;
- un surpoids ou de l’obésité;
- une consommation de produits du tabac.
Pistes d’explications
In utero, le fœtus est exposé aux substances chimiques de la fumée de tabac, dont la nicotine et le monoxyde de carbone, par passage transplacentaire. Cela peut se produire par inhalation directe, lorsque la femme enceinte fume, ou par inhalation indirecte, lorsque la femme est exposée à la fumée de tabac dans son environnement.
On ne comprend pas très bien les mécanismes précis par lesquels le tabagisme est nuisible au fœtus, mais il existe différentes pistes d’explication (National center for chronic disease prevention 2014, Benowitz 2004, Cnattingius 2004, Centers for Disease Control and Prevention 2010) :
- Le monoxyde de carbone se lie à l’hémoglobine, réduisant la capacité du sang à transporter l’oxygène. Il y a alors une diminution de la concentration d’oxygène (hypoxie) dans les tissus fœtaux. Cette hypoxie contribuerait au retard de croissance du fœtus.
- La nicotine est la substance responsable de la dépendance. Elle provoque aussi une constriction des vaisseaux sanguins de l’utérus et du placenta, réduisant la circulation du sang vers le placenta et diminuant la quantité d’oxygène et d’éléments nutritifs qui se rendent au fœtus. Il a été suggéré que ce mécanisme contribue au retard de croissance du fœtus, mais cette contribution serait modeste.
- La nicotine pourrait interférer avec le développement normal du cerveau chez le fœtus, entraînant une réduction du nombre de cellules et la présence de lésions cellulaires dans des aires précises du cerveau.
- Certains composés chimiques de la fumée de tabac réduiraient la concentration de vitamine C dans le sang, nécessaire à la synthèse du collagène, augmentant ainsi le risque de rupture prématurée des membranes. C’est pourquoi les besoins en vitamine C sont davantage augmentés chez les femmes enceintes qui fument.
Le tableau 1 présente des éléments d’information sur les risques du tabagisme associés à différentes pathologies rencontrées durant la période périnatale, de même que des pistes d’explication avancées par les chercheurs.
Tableau 1 - Tabagisme et pathologies périnatales (National Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion (US) Office on Smoking and Health 2014, Cnattingius 2004), Centers for Disease Control and Prevention (US) 2010, United States Public Health Service Office of the Surgeon General 2020, Avsar 2021, Infocentre de santé publique, consulté en septembre 2022)
Pathologie selon l’évolution de la grossesse | Prévalence de la pathologie chez les femmes enceintes | Augmentation de la probabilité ou du risque* de la pathologie si la femme enceinte fait usage de tabac | Pistes d’explication se trouvant les plus souvent dans la littérature |
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Avortement spontané | 12 % 30 %- 45 % si on inclut les avortements précoces non rapportés | Preuve suggestive, mais non suffisante d’une relation causale entre le tabagisme et l’avortement spontané |
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Grossesse ectopique | 1 % – 2 % | Probabilité augmentée de : 1,6-2,3 |
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Placenta prævia | 0,4 % - 0,7 % | Risque augmenté de : 1,4-1,6 |
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Décollement du placenta | 0,3 % – 2 % | Risque augmenté de : 1,6-1,9 |
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Rupture prématurée des membranes | 1 % - 2 % | Risque augmenté de : 1,7 |
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Accouchement prématuré | 7,2 % en 2017-2019 au Québec | Probabilité augmentée de : 1,3 |
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Retard de croissance intra-utérin | 9 % en 2017-2019 au Québec | Probabilité augmentée de : 1,5 – 2,5 |
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Bébé de faible poids à la naissance | 6,1 % en 2017-2019 au Québec | Probabilité augmentée de : 1,8-2,0 |
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Malformations congénitales | 3 % (ensemble des malformations congénitales) | Probabilité augmentée de fente labiale avec ou sans fente palatine de : 1,3. Preuve suggestive, mais non suffisante d’une relation causale entre le tabagisme et le pied-bot, le gastrochisis ou une malformation cardiaque. |
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Mortinaissance | 0,4 % en 2016-2018 au Québec | Probabilité augmentée de : 1,4 – 1,6 |
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Mortalité néonatale (28 premiers jours de vie) | 0,3 % en 2017-2019 au Québec | Probabilité augmentée de : 1,2 |
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Syndrome de mort subite du nourrisson(SMSN) | 0,01 % en 2017-2019 au Québec | Probabilité augmentée de : 1,3-2,9 |
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* Le terme probabilité est utilisé quand les études rapportent des rapports de cotes (odds ratios), alors que le terme risque est utilisé quand ce sont des risques relatifs (relative risks) qui sont rapportés.
** Les mécanismes par lesquels la nicotine influence les réponses physiologiques du fœtus ou du nourrisson à une hypoxie sont complexes et se basent principalement sur des modèles animaux :
- La stimulation des récepteurs cholinergiques par la nicotine causerait des erreurs dans le développement des cellules, y compris la différenciation précoce et l’apoptose. Comme les récepteurs continuent d’émerger après l’organogénèse (1er trimestre), les périodes de vulnérabilité fœtale s’étendent aux 2e et 3e trimestres ;
- Les récepteurs cholinergiques dans les noyaux du tronc cérébral contrôlent la réponse cardiaque et pulmonaire de même que le niveau de vigilance ;
- Une exposition à la nicotine chez les bébés rats diminue la réponse respiratoire à une hypercapnie/hypoxie au cours des premiers jours de vie, possiblement à cause des effets sur le sinus carotidien ;
- Une exposition à la nicotine pendant la grossesse chez les rats cause une différenciation précoce des cellules chromaffines des surrénales, ce qui entraîne une perte de la réponse normale des surrénales à une hypoxie et donc une absence de libération de catécholamines, causant ainsi une réponse cardiaque diminuée ;
- Les nourrissons prématurés de mères fumeuses font plus d’apnée obstructive et ont moins de réponses d’éveil secondaire à une apnée. (National Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion (US) Office on Smoking and Health 2014)
1. Pour plus de détails sur les naissances de bébés de faible poids, consulter la fiche de l’Initiative sur le partage des connaissances et le développement des compétences (IPCDC).