Encéphalite à tiques
Sur cette page
Agent causal
L’encéphalite à tiques, aussi appelée méningo-encéphalite à tiques ou méningo-encéphalite verno-estivale, est causée par un flavivirus. Ce virus, appelé « virus de l’encéphalite à tiques », a été découvert dans l’ancienne Union soviétique (URSS) en 1937.
Il en existe trois sous-types:
- Sous-type européen : comprend presque tous les isolats d’Europe
- Sous-type sibérien : surtout les isolats de l’Oural, de la Sibérie et de la Russie extrême-orientale
- Sous-type d’Extrême-Orient : surtout les isolats de la Russie extrême-orientale, de la Chine et du Japon.
Deux nouveaux sous-types potentiels ont été identifiés : l'himalayen et le baïkalien.
Transmission
Piqûres de tiques
Comme son nom l’indique, la maladie se transmet principalement par la piqûre d’une tique infectée, généralement de la famille des Ixodidae (tique dure) : soit Ixodes ricinus (en Europe principalement) ou Ixodes persulcatus (en Asie principalement).
Les tiques deviennent infectées en se nourrissant du sang d’animaux qui constituent le réservoir animal du virus. Il peut en outre y avoir une transmission trans-ovarienne du virus chez la tique (de la tique femelle à ses œufs).
Les forêts de feuillus au climat tempéré et au sol humide constituent l’habitat usuel de ces tiques. En Europe, on a retrouvé des tiques infectées jusqu’à 1500 m d’altitude environ.
De nombreux animaux constituent des réservoirs compétents pour le virus : les animaux sauvages (rongeurs, mulots, campagnols, renards, rennes, sangliers, cerfs, etc.), mais aussi certains animaux domestiques (chèvres, vaches, moutons, chiens, etc.).
Autres modes de transmission
Bien que plus rare, l’infection peut aussi se transmettre par l’ingestion de produits laitiers non pasteurisés (exemples : lait, fromage au lait cru de vache, chèvre ou brebis). L’abattage d’un animal infecté est également considéré à risque. Des infections acquises en laboratoire ont aussi été signalées.
La contamination interhumaine est en théorie possible par transfusion ou don d’organe. Un cas de transmission probable par allaitement de la mère à son enfant a été publié en 2022.
Tableau clinique
Environ les deux tiers des personnes infectées par le virus ne présentent pas de symptômes. Pour ceux présentant des symptômes, la période d’incubation est habituellement de 7 et 14 jours (pouvant aller de 4 à 28 jours). Ce délai est généralement plus court lorsque la maladie est transmise par ingestion de produits laitiers (3-4 jours). Les symptômes de la maladie surviennent habituellement en 2 phases :
- La première phase se présente sous forme d'un syndrome d’allure grippale avec des symptômes non spécifiques (fièvre, fatigue, céphalée, douleurs musculaires, nausées, vomissements, etc.). Cette phase dure habituellement 1 à 8 jours, puis est suivie d’une accalmie sans symptômes d’une durée d’environ 1 semaine.
- Lors de la deuxième phase (chez 20-30 % des personnes), le système nerveux central est affecté. La présentation clinique de cette phase est soit :
- Méningite : environ 50 % des cas;
- Méningo-encéphalite : environ 40 % des cas;
- Méningo-encéphalomyélite : environ 10 % des cas;
- Autres : myélites et atteintes radiculaires, syndrome cérébelleux, atteintes cognitives, etc.
Chez les enfants, la deuxième phase se présente très souvent sous forme de méningite.
Des complications à long terme peuvent survenir (environ 10-50 % des cas selon le sous-type) : paralysie (membres supérieurs particulièrement), surdité, problèmes de coordination ou de mémoire. Ces complications sont plus fréquentes chez les personnes de plus de 50 ans. Une forme chronique et progressive a été identifiée, notamment avec le sous-type sibérien.
La létalité varie selon le sous-type viral. Le sous-type européen est moins sévère et présente une létalité de 1 à 2 %. Le sous-type sibérien a quant à lui une létalité de 6 à 8 %. Le sous-type d’Extrême-Orient du virus est associé à une maladie neurologique plus sévère et une létalité beaucoup plus élevée, soit de l’ordre de 20 à 35 %.
Un vaccin existe, voir section Immunisation et prévention. Il n’existe cependant aucun traitement spécifique. Seules des mesures de soutien sont possibles.
Après l’infection, la personne atteinte garderait une immunité à vie contre la maladie. Les titres d’anticorps acquis par l’infection naturelle sont plus élevés que ceux acquis par la vaccination. Il n’y a cependant pas de consensus concernant la pertinence de vacciner ou non des personnes ayant déjà fait la maladie.
Épidémiologie
La maladie sévit de l’Europe de l’Ouest jusqu’au nord du Japon et de la Chine.
De 10 000 à 12 000 cas d’encéphalite à tiques sont rapportés chaque année dans le monde. Ces données sont probablement sous-estimées. Près de la moitié des cas sont déclarés en Russie. Les régions avec le taux d’incidence le plus élevé sont le sud de la Sibérie ainsi que la Lituanie.
Dans plusieurs pays, le risque de contracter l’encéphalite à tiques a considérablement augmenté depuis les années 1970. Les campagnes nationales de vaccination avaient permis de réduire le nombre de nouvelles infections dans certains pays.
Cependant, l’incidence de la maladie semble en réaugmentation depuis quelques années, avec des progressions très rapides notamment en Suisse. Par ailleurs, la maladie progresse de plus en plus vers l’ouest de l’Europe. Les Pays-Bas ont déclaré leurs premiers cas acquis localement en 2016 et la Grande-Bretagne en 2019. Les cas en Suède et en Norvège sont déclarés dans des régions de plus en plus nordiques. Les tiques infectées ont tendance également à se retrouver à des altitudes de plus en plus élevées.
Bien que plus rares, des cas de transmission par ingestion sont aussi rapportés, particulièrement en Europe centrale. Plusieurs éclosions liées aux produits laitiers non pasteurisés y ont été déclarées dans les quarante dernières années. La Slovaquie est le pays européen avec le plus haut taux d’infection d’origine alimentaire. Plus récemment, une éclosion de plus de 40 cas d’encéphalite à tiques a été déclarée dans l’Ain (France) en 2020 et a été reliée à la consommation de fromages de chèvre au lait cru.
En Europe, les hommes sont plus touchés par la maladie dans un ratio 3:2 et le groupe d’âge le plus touché est celui des 45-64 ans.
Risques en voyage
Les voyageurs dans les zones endémiques pourraient être à risque de contracter l’infection. Le risque est d’autant plus grand pour les voyageurs qui feront des activités à risque de piqûres de tiques dans ou près des zones forestières (randonnée pédestre, camping, chasse, pêche, observation de la faune sauvage).
Les risques sont aussi augmentés pendant les mois les plus chauds (entre avril et novembre en Europe), puisque les tiques sont plus actives pendant cette période. La plupart des cas de transmission par voie alimentaire surviennent durant les mêmes mois que les cas transmis par les tiques.
Bien que le risque soit présent pour les voyageurs, peu de cas ont été rapportés chez ceux-ci. Par exemple, entre 2010 et 2020, six cas ont été rapportés chez des voyageurs nord-américains revenant principalement de l’Europe de l’Ouest. Ce risque est probablement sous-estimé. Pour sa part, l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), qui effectue la surveillance de l’encéphalite à tiques en Europe, a rapporté cinquante-quatre (54) cas d’encéphalite à tiques chez des voyageurs européens ayant visité principalement la zone européenne seulement pour l’année 2019.
Prévention et immunisation
Mesures de protection personnelle
Tous les voyageurs s’adonnant à des activités en plein air devraient connaître les mesures pour se protéger contre les piqûres de tiques :
Pendant les activités en zone à risque:
- Demeurer sur les sentiers aménagés afin d’éviter les environnements favorables aux tiques Ixodes (les herbes hautes, les couverts de feuilles mortes dans le bois, etc.);
- Porter des vêtements longs de couleur claire;
- Insérer le bas des pantalons dans les chaussettes et porter des chaussures fermées;
- Appliquer sur la peau exposée un insectifuge contenant du DEET ou de l’icaridine.
Après les activités en zone à risque:
- Prendre une douche le plus rapidement possible pour déloger les tiques qui ne seraient pas encore accrochées;
- Examiner la peau, les vêtements et les animaux de compagnie à la recherche de tiques;
- Pour retirer une tique, l’utilisation de pinces à bouts fins est habituellement recommandée. Il y a avantage à retirer la tique le plus tôt possible.
- Pour le retrait sécuritaire de la tique, veuillez consulter la page web de Quebec.ca;
- Consulter un médecin en présence de symptômes.
Par ailleurs, les vêtements imprégnés de perméthrine sont maintenant disponibles au Canada.
Pour plus d’informations sur les mesures de protection personnelle contre les tiques, veuillez consulter la section Arthropodes.
Par ailleurs, pour éviter de contracter l’encéphalite à tiques par la consommation de produits laitiers, il est recommandé d’éviter de boire du lait non pasteurisé ou de manger du fromage au lait cru de vache, de brebis ou de chèvre provenant des zones à risque.
Immunisation
Bien que des vaccins efficaces contre l’encéphalite à tiques existent (Encepur, FSME-Immun ou Ticovac), aucun n’est actuellement disponible au Canada.
La vaccination est disponible dans la plupart des pays européens et aux États-Unis. Le voyageur à haut risque pourra donc choisir de consulter à l’étranger où les vaccins sont disponibles pour évaluer la nécessité de la vaccination.
Il faut tenir compte du fait que la vaccination nécessite l’administration de plusieurs doses de vaccin. Un intervalle minimal de 1 à 4 semaines est nécessaire entre les 2 premières doses selon le vaccin et le pays où le vaccin est administré.
L’efficacité vaccinale a été calculée à plus de 91% après les 2 premières doses, mais 3 doses sont nécessaires pour une protection à plus long terme. Des calendriers accélérés existent pour les voyageurs.
Pour plus d’informations sur le vaccin de l’encéphalite à tiques:
- France : https://vaccination-info-service.fr/Les-maladies-et-leurs-vaccins/Encephalite-a-tiques
- CDC : https://www.cdc.gov/tick-borne-encephalitis/healthcare-providers/hcp-vaccine.html (en anglais seulement).
Recommandations d’immunisation
L’immunisation peut être recommandée pour des groupes particuliers de voyageurs :
- Dans une région où la maladie est endémique, elle est recommandée pour les personnes qui séjourneront dans une zone rurale ou boisée (moins de 1500 mètres d’altitude) entre les mois d’avril et novembre, et qui prévoient des activités de plein air à haut risque d’exposition aux tiques (randonnée, camping, travail forestier, etc.).
- Dans une région non endémique mais où le virus est présent, elle peut être envisagée au cas par cas pour les personnes qui séjourneront dans une zone rurale ou boisée (moins de 1500 mètres d’altitude) entre les mois d’avril et novembre, et qui prévoient des activités de plein air à haut risque d’exposition aux tiques (randonnée, camping, travail forestier, etc.), et selon certains critères:
- Une durée de séjour prolongée (un mois ou plus);
- Un âge avancé ou la présence de comorbidités;
- La perception et la tolérance au risque du voyageur.
L’immunisation n’est pas indiquée pour la plupart des voyageurs.
Comme les tiques peuvent également transmettre d’autres maladies, les mesures de protection personnelle contre les piqûres de tiques devraient donc toujours être recommandées.
Références
- Agence de la santé publique du Canada. Pour les professionnels de la santé : encéphalite à tiques (ET). 2016.
- Centers for Disease Control and Prevention. Tick-borne Encephalitis Virus. Tick-borne Encephalitis Virus.
- Chrdle A, Chmelík V, Růžek D. Tick-borne encephalitis: What travelers should know when visiting an endemic country. Human Vaccines & Immunotherapeutics. 2016;12(10):2694‑9.
- Efstratiou A, Karanis G, Karanis P. Tick-Borne Pathogens and Diseases in Greece. Microorganisms. 2021;9(8):1732.
- Elbaz M, Gadoth A, Shepshelovich D, Shasha D, Rudoler N, Paran Y. Systematic Review and Meta-analysis of Foodborne Tick-Borne Encephalitis, Europe, 1980–2021. Emerg Infect Dis. 2022;28(10).
- Elyan DS, Moustafa L, Noormal B, Jacobs JS, Aziz MA, Hassan KS, et al. Serological evidence of Flaviviruses infection among acute febrile illness patients in Afghanistan. The Journal of Infection in Developing Countries. 2014;8(09):1176‑80.
- European Centre for Disease Prevention and Control. Tick-borne encephalitis.
- European Centre for Disease Prevention and Control. Tick-borne encephalitis - Annual Epidemiological Report for 2019. 2021.
- Fischer M, Gould CV, Rollin PE. Tick-Borne Encephalitis. Dans: CDC Yellow Book 2020. Oxford University Press; 2019.
- Hills SL, Broussard KR, Broyhill JC, Shastry LG, Cossaboom CM, White JL, et al. Tick-borne encephalitis among US travellers, 2010–20. Journal of Travel Medicine. 2022;29(2):taab167.
- Im JH, Baek JH, Durey A, Kwon HY, Chung MH, Lee JS. Geographic distribution of Tick-borne encephalitis virus complex. Journal of Vector Borne Diseases. 2020;57(1):14.
- Kerlik J, Avdičová M, Musilová M, Bérešová J, Mezencev R. Breast Milk as Route of Tick-Borne Encephalitis Virus Transmission from Mother to Infant. Emerg Infect Dis. 2022;28(5):1060‑1.
- Kuchuloria T, Imnadze P, Mamuchishvili N, Chokheli M, Tsertsvadze T, Endeladze M, et al. Hospital-Based Surveillance for Infectious Etiologies Among Patients with Acute Febrile Illness in Georgia, 2008–2011. 2016.
- Mohareb E, Christova I, Soliman A, Younan R, Kantardjiev T. Tick-borne encephalitis in Bulgaria, 2009 to 2012. Eurosurveillance. 2013;18(46):20635.
- Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR). Tick-Borne Encephalitis Among U.S. Travelers to Europe and Asia --- 2000--2009. 2010.
- Organisation mondiale de la santé animale. Flavivirus (Tickborne Encephalitis).
- Pugh SJ, Moïsi JC, Kundi M, Santonja I, Erber W, Angulo FJ, et al. Effectiveness of two doses of tick-borne encephalitis (TBE) vaccine. Journal of Travel Medicine. 2022;29(2):taab193.
- Santé publique France. Foyer de cas d’encéphalite à tiques liés à la consommation de fromage de chèvre au lait cru dans l’Ain. Point au 19 juin 2020. 2022.
- Santé publique France. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2 juin 2022, n°Hors-série Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2022 (à l’attention des professionnels de santé). 2022.
- Steffen R, Schmitt HJ, Zavadska D. Tick-borne encephalitis vaccine—a wave of news. Journal of Travel Medicine. 2022;29(2):taac030.
- Vaccination info service. Encéphalite à tiques. 2023.
- Vaccination info service (espace professionnel). Encéphalite à tiques. 2023.
Auteurs
Comité consultatif québécois sur la santé des voyageurs
Collaboration
Karl Forest-Bérard, Secrétariat général
Alejandra Irace-Cima, Direction des risques biologiques