Veille analytique en santé cognitive, décembre 2021

Pour ce numéro, l’équipe Vieillissement en santé a repéré cinq études abordant l’activité physique et la participation sociale. La première étude porte sur le défi de l’adhésion aux programmes d’activité physique offerts aux personnes aînées défavorisées sur le plan social et économique. La seconde propose des pistes pour concevoir une campagne de promotion de l’activité physique auprès des adultes de 50 ans et plus. Les deux études suivantes abordent différentes interventions afin de favoriser la participation sociale ou mitiger la solitude chez la population vieillissante. La dernière rapporte les résultats d’une étude montréalaise ayant appliqué le cadre d’analyse de la justice occupationnelle.

Mode de vie physiquement actif

Barrières et facilitateurs de l’adhésion aux programmes d’activité physique communautaires chez les personnes aînées défavorisées sur le plan socioéconomique

Contexte

Les personnes aînées ayant un meilleur statut socioéconomique et un meilleur état de santé adhèrent davantage aux programmes d’activité physique qui leur sont offerts. Peu d’études ont spécifiquement examiné les facteurs affectant l’adhésion à une activité physique organisée chez les personnes aînées issues de milieux socialement défavorisés.

Objectifs

Cette étude australienne visait à déterminer les actions que des représentants d’organisations offrant des programmes d’activité physique et des personnes aînées perçoivent comme étant efficaces pour promouvoir l’adhésion à une activité physique organisée dans la communauté (p. ex. clubs, centres communautaires et installations de loisirs).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

En tout, 30 représentants d’organisations situées dans la région métropolitaine de Melbourne ont été recrutés pour des entretiens téléphoniques et 42 personnes aînées ont participé à des groupes de discussion. L’analyse s’est focalisée sur les obstacles à l’adhésion des personnes concernées par l’un et/ou l’autre des sous-groupes suivants : défavorisé sur le plan socioéconomique, isolé socialement, vivant avec des incapacités ou issu d’un groupe culturel et linguistique minoritaire dans le pays.

Les obstacles ont été regroupés sous trois thèmes : détérioration de la santé, manque d’appartenance et perte de motivation. Les actions pour surmonter ces obstacles se résument comme suit :

  • Soutenir les participants ayant une santé détériorée ou des incapacités à s’adapter à la situation. Il peut s’agir, par exemple, d’assister une personne présentant une nouvelle limitation fonctionnelle dans la recherche de moyens pratiques lui permettant de continuer à participer aux activités physiques proposées, même si cela nécessite de modifier la façon dont elle le fait.
  • Promouvoir un sentiment d’appartenance au groupe en assurant une expérience initiale positive et en créant un environnement sûr et sans stigmatisation ; en fournissant des occasions de nouer des relations qui permettent aux participants de se sentir épaulés.
  • Maintenir la motivation en s’assurant que les activités présentent un intérêt et un avantage pour les participants, que le programme soit adéquat et attrayant et que le plaisir soit priorisé.

Limites

Le recrutement n’a pas seulement ciblé des organisations qui étaient en mesure de démontrer de hauts taux d’adhésion à leurs programmes ni des personnes aînées présentant elles-mêmes une forte adhésion aux activités physiques offertes. Une autre limite est que, bien que le nombre d’entretiens et de groupes de discussion ait été suffisant pour atteindre la saturation des données en ce qui concerne les facteurs affectant l’adhésion dans l’ensemble des groupes, il n’a peut-être pas été suffisant pour identifier la gamme de défis particuliers pour chaque sous-groupe considéré.

Nau, T., G. Nolan et B. Smith (février 2021). « Promoting adherence to organised physical activity among socially disadvantaged older people », Ageing & Society, vol. 41, no 2, p. 421‑438.

Communication auprès des personnes aînées concernant l’activité physique

Contexte

Il est nécessaire de promouvoir davantage l’activité physique afin d’encourager les personnes aînées à s’engager dans des niveaux de participation plus élevés. On sait peu de choses sur le développement d’une communication efficace pour motiver cette population à être plus active.

Objectifs

L’objectif de cette étude australienne était de combler les lacunes actuelles en matière de connaissances sur les moyens efficaces de motiver les personnes aînées à être plus actives en testant une publicité vidéo, qui met en scène une gamme d’activités physiques modérées à vigoureuses (tennis, danse en ligne, vélo, natation et jogging) réalisées par leurs pairs.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

La vidéo a été élaborée conformément aux bonnes pratiques visant à véhiculer une image positive du vieillissement et à faire ressortir l’appréciation par les participants des activités promues.

Un panel en ligne a permis de rejoindre 1200 personnes âgées de plus de 50 ans. Dans l’ensemble, les réactions ont été positives. Les participants ont aimé que soient représentées des personnes de leur groupe d’âge, la nature, le nombre et le plaisir procuré par les activités représentées, la prise de conscience suscitée par la vidéo et la simplicité du message. La seule source notable d’insatisfaction exprimée a concerné le manque de reconnaissance du fait que les personnes présentant des limitations fonctionnelles pourraient souhaiter réaliser de telles activités et s’en trouver incapables. Idéalement, une campagne devrait inclure la représentation d’un large éventail de personnes aînées ayant des niveaux d’aptitude physique différents et pratiquant des activités adaptées à leur situation (p. ex. le volleyball assis, le yoga, le tai-chi).

Il n’y a pas eu de différences significatives dans la motivation suscitée par la vidéo et l’évaluation que les participants en ont faite en fonction de l’âge, ce qui suggère que ce type de communication peut également être efficace auprès des personnes n’ayant pas atteint l’âge de la retraite. Il s’agit d’un résultat positif compte tenu de l’importance d’adopter un mode de vie actif avant l’atteinte d’un âge avancé. De plus, l’obtention de résultats similaires dans les groupes de divers statuts socioéconomiques en milieux ruraux et urbains indique que la production d’une telle vidéo peut être un choix efficient, car il n’est pas nécessaire de développer des vidéos alternatives pour différents groupes de personnes aînées.

Limites

Une seule vidéo a été évaluée. De plus, la méthode transversale utilisée n’a pas permis de mesurer le changement de comportement post-exposition. En outre, l’utilisation d’un panel en ligne peut avoir donné lieu à des biais de sélection qui n’ont pas été évalués dans cette étude.

Pettigrew, S., M. I. Jongenelis, R. Rai, B. Jackson et R. U. Newton (2021). « Communicating with older people about physical activity », Australian and New Zealand Journal of Public Health, [en ligne], vol. 45, no 6 (consulté le 2 décembre 2021).

Participation sociale

Activités de partage de repas offertes aux personnes aînées : barrières et facilitateurs

Contexte

Le fait de manger avec d’autres (commensalité) plutôt que seul a été associé à un large éventail de bienfaits pour la santé et le bien-être. Cependant, plusieurs personnes aînées vivent seules en raison, par exemple, du veuvage, du divorce, et du départ des enfants adultes. L’un des moyens de faciliter la commensalité, dans ce contexte, consiste à mettre en place des activités de partage de repas au sein de la communauté.

Objectifs

L’objectif de cette étude qualitative était de mettre au jour les facteurs qui facilitent la participation des personnes aînées aux activités de partage de repas. Des stratégies sont proposées pour surmonter les obstacles et rendre les occasions de commensalité plus attrayantes, accessibles et acceptables pour les personnes aînées.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

L’étude s’est réalisée en Angleterre et a réuni 42 participants (18 hommes et 24 femmes) âgés de 59 à 89 ans. Un certain nombre de problèmes pratiques susceptibles d’affecter la participation aux activités de partage de repas ont été mis au jour. Il s’agit, en particulier, de l’accessibilité limitée en raison de l’absence de transports accessibles ; du coût élevé des repas ; des facteurs liés à la mobilité ou autres incapacités ; des variations dans la qualité de la nourriture fournie et une faible connaissance des opportunités de commensalité disponibles localement. De plus, les quatre thèmes suivants relatifs aux facteurs facilitants ont été trouvés :

  • Offrir plus que de la nourriture : la motivation à participer sera accrue si l’activité de commensalité est combinée avec une autre activité (p. ex. film, danse, formation).
  • Être sensible à l’identité sociale : il est avantageux de rassembler des personnes qui ont des intérêts similaires et d’éviter les connotations négatives concernant l’âge et la solitude dans la façon d’annoncer l’activité.
  • Faire le premier pas : une invitation personnalisée ou par bouche-à-oreille, ainsi que l’accueil, l’initiation de la conversation et la mise en contact des nouveaux participants sont des éléments qui permettent aux participants d’être plus à l’aise.
  • Privilégier une approche sans jugement : être flexible et faciliter l’indépendance et l’aisance des participants potentiellement embarrassés par une condition ou une maladie (p. ex. ne pas pouvoir manger beaucoup, échapper de la nourriture).

Limites

Les personnes qui ont participé à cette étude étaient majoritairement d’origine britannique. L’échantillon ne reflétait pas la diversité ethnique et culturelle du pays. Or, la culture est susceptible d’influencer les préférences en matière de commensalité.

Saeed, A., J. Fisher, Z. Mitchell-Smith et L. J. E. Brown (15 mai 2020). « “You’ve Got to Be Old to Go There”: Psychosocial Barriers and Facilitators to Social Eating in Older Adults », The Gerontologist, vol. 60, no 4, p. 628‑637.

La construction d’un outil numérique pour réduire le sentiment de solitude chez les personnes aînées

Contexte

Les interventions numériques pour mitiger la solitude des personnes aînées ont démontré un certain potentiel prometteur. Il est important de disposer d’interventions numériques bien conçues, avec des résultats clairement définis qui s’alignent sur les besoins, les préférences et les objectifs des personnes aînées elles-mêmes.

Objectifs

Les objectifs de cette étude australienne réalisée à partir d’une approche de coconstruction étaient doubles : 1) comprendre le point de vue des personnes aînées concernant le rôle des technologies numériques pour réduire la solitude et ; 2) développer, à partir de cette connaissance, une solution technologique pouvant contribuer à cette réduction. Les contributions des participants tout au long des ateliers ont été utilisées pour guider la conception et le développement de l’intervention.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

L’approche de coconstruction mise en œuvre incluait des personnes aînées, un partenaire de l’industrie et une équipe de recherche multidisciplinaire. Le projet s’est déroulé en quatre phases : le recueil d’informations sur les besoins et les préférences des utilisateurs, le développement, le perfectionnement et l’évaluation d’un modèle de site Web. Tout au long du projet, six ateliers ont réuni un total de 34 participants âgés de 65 à 80 ans. Les trois premiers ateliers ont permis de constater que, pour intéresser les personnes aînées, le site Internet proposé devait apporter un avantage par rapport aux sites qu’elles consultent fréquemment. De plus, il devait faciliter les contacts en face à face plutôt que de les remplacer, en aidant l’utilisateur à établir et à maintenir de nouveaux contacts dans sa communauté locale.

Les participants ont formulé des recommandations en lien avec les différentes versions de l’outil numérique présentées durant les ateliers :

  • Le ton : éviter d’utiliser des termes négatifs, mettre l’accent sur la communauté, l’amitié ou les liens plutôt que sur la solitude.
  • La pertinence : inclure sur la page d’accueil des images où figure une diversité de personnes selon l’âge, le sexe et le groupe ethnique ainsi qu’une variété d’activités.
  • L’accessibilité : simplifier la mise en page et alléger le contenu, s’inspirer de sites existants et familiers ; fournir une explication textuelle des informations contenues dans un graphique.
  • La lisibilité : utiliser des puces pour résumer les informations disponibles sur une page ; offrir la possibilité d’agrandir le texte (inclure une bascule de taille de texte sur chaque page).
  • L’engagement : inclure une section d’actualités et/ou des grands titres pour rendre la page d’accueil suffisamment attrayante dès la première visite.
  • La fiabilité du site : proposer des liens sûrs et crédibles ; éviter les notifications et la collecte d’informations inutiles.

L’écart entre les versions initiale et finale du produit témoigne du processus itératif utilisé et de l’intégration des recommandations des participants. Ceux-ci se sont unanimement déclarés satisfaits du produit final proposé en lien avec leurs préoccupations et préférences. L’application, disponible en ligne et appelée ElderConnect, aide les utilisateurs à identifier, prévenir et atténuer les sentiments de solitude en leur fournissant des connaissances et des stratégies pour maintenir et créer de nouveaux liens sociaux.

Limites

Les participants ont été recrutés de manière sélective pour inclure des représentants des zones rurales et urbaines. Toutefois, les participants étaient moins isolés, plus compétents en informatique et davantage instruits que la moyenne. Ils pourraient rencontrer moins d’obstacles que leurs pairs à l’engagement social et à l’utilisation des technologies numériques. Ce type de solution ne peut soutenir les personnes aînées qui n’ont pas accès aux technologies numériques ou qui ne les utilisent  pas.

Al Mahmud, A., K. M. Long, K. D. Harrington, K. Casey, S. Bhar, S. Curran, K. Hunter et M. H. Lim (4 août 2021). « Developing A Digital Psychoeducational Tool to Reduce Loneliness in Older Adults: A Design Case Study », International Journal of Human–Computer Interaction, p. 1‑30.

La participation sociale des personnes aînées dans le cadre de la justice occupationnelle

Contexte

La notion de justice occupationnelle renvoie à l’accès équitable aux ressources et aux opportunités permettant aux personnes, aux groupes et aux communautés de s’engager dans des occupations diverses, saines et significatives pour eux. Le cadre conceptuel de la justice occupationnelle offre une perspective prometteuse pour analyser les obstacles et les inégalités de participation au sein d’une population diversifiée de personnes aînées vivant dans la communauté. Son utilisation pourrait soutenir la création de politiques publiques visant à réduire les inégalités existantes en matière de santé.

Objectif

Le principal objectif que se donnait cette étude montréalaise était d’analyser la participation sociale des personnes aînées à partir du cadre conceptuel de la justice occupationnelle et d’en promouvoir l’utilisation dans l’élaboration des politiques.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

Les chercheurs ont analysé les données de 15 groupes de discussion (n = 6 à 14 par groupe) portant sur les expériences de personnes aînées en matière de participation sociale en milieu urbain. Les obstacles à la participation sociale qui ont été documentés comprenaient notamment un manque de soutien communautaire et, en matière de santé, un manque d’installations récréatives, des problèmes de temps et d’argent liés au transport et des difficultés avec les divers modes de communication. La présence d’un travailleur communautaire, l’aménagement et l’accessibilité des quartiers, ainsi que la programmation d’activités adaptées à leurs besoins ont été perçus comme des facilitateurs.

Les droits et injustices mis au jour au travers des expériences de participation sociale étaient tous liés à une composante structurelle (p. ex. politiques publiques, normes sociales, contexte économique, ressources dédiées aux programmes occupationnels). Les participants ont fait allusion aux valeurs culturelles entourant le vieillissement et aux conceptions « âgistes » qui peuvent influer sur l’élaboration des politiques et des programmes. Pour les chercheurs, les résultats mettent ainsi en lumière l’intérêt d’une approche sensible à la justice occupationnelle dans l’élaboration des politiques publiques. Un tel cadre peut aussi servir à reconsidérer les valeurs culturelles entourant le vieillissement.

Limites

Il s’agit d’une analyse secondaire de données recueillies dans le contexte d’une étude précédente non dédiée à la justice occupationnelle. Les groupes de discussion n’ont pas été enregistrés, ce qui a pu entraîner une baisse de la qualité des données, la prise de notes manuelle pouvant introduire un biais. De plus, les groupes étaient tous issus d’un milieu urbain (Montréal). Ils n’étaient pas aussi diversifiés que la population générale des personnes aînées résidant sur le territoire. Les hommes et les minorités ethniques étaient sous-représentés.

Lewis, E., et V. Lemieux (3 juillet 2021). « Social participation of seniors: Applying the Framework of Occupational Justice for healthy ageing and a new approach to policymaking », Journal of Occupational Science, vol. 28, no 3, p. 332‑348.


Équipe Vieillissement en santé

Annie Gauthier, conseillère scientifique spécialisée
Mathieu-Joël Gervais, conseiller scientifique spécialisé
André Tourigny, médecin-conseil, spécialiste en santé publique et médecine préventive

Sous la coordination de Caroline Delisle, chef d’unité scientifique

Unité Habitudes de vie/Municipalités en santé
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en santé cognitive.