Comprendre la surveillance des comportements suicidaires au Québec

La surveillance des comportements suicidaires vise à mieux comprendre la réalité vécue dans la population, à repérer les groupes les plus à risque et à orienter les actions de prévention. Au Québec, l’Institut national de santé publique (INSPQ) assure cette mission à l’aide de nombreuses sources de données, dans un cadre confidentiel et le respect des renseignements personnels.

Comment s’effectue la surveillance?

Pour une vision la plus complète et juste possible des comportements suicidaires, il est indispensable de combiner plusieurs sources de données. L’INSPQ utilise les bases de données qui offrent des informations cliniques et factuelles. À cela s’ajoutent les enquêtes populationnelles afin de mieux saisir la souffrance vécue, et ce, même en dehors du système de santé.

Ensemble, ces sources permettent de documenter :

  • les décès par suicide;
  • les tentatives de suicide;
  • les idées suicidaires;
  • les trajectoires de soins;
  • les facteurs de risque associés.

Bases de données les plus utilisées

À l’INSPQ, la surveillance repose sur plusieurs bases de données médico-administratives, comme le Fichier des décès, la Banque de données du coroner et MED-ÉCHO.

Base de donnéesDescription
Fichier des décès (MSSS)Répertorie tous les décès des individus québécois, en précisant la cause (p. ex. : suicide). 
Banque de données du coronerContient certaines informations issues des rapports d’enquête sur les décès violents ou inexpliqués, incluant les suicides : lieu, moyen, lettres, antécédents médicaux, etc.
MED-ÉCHO - Maintenance et exploitation des données pour l'étude de la clientèle hospitalière (MSSS)Recense les hospitalisations, dont celles liées aux tentatives de suicide.
Fichier des services médicaux rémunérés à l’acte (RAMQ)Fournit les diagnostics médicaux, les consultations et les actes en lien avec la santé.
Fichier des services pharmaceutiques (RAMQ)Permet d’identifier les traitements pharmaceutiques, notamment en santé mentale.
FIPA - Fichier d’inscription des personnes assurées (RAMQ)Donne accès aux informations sociodémographiques comme l’âge, le sexe et la région de résidence.

Il existe aussi la Banque de données sur le suicide, qui intègre les données issues des six fichiers ou bases présents dans le tableau. Elle regroupe, pour chaque personne décédée par suicide ou ayant consulté un service de santé pour des comportements suicidaires, un ensemble d’informations cliniques et sociodémographiques. Cette approche facilite l’analyse des profils, des trajectoires de soins et des facteurs associés aux comportements suicidaires.

Enquêtes populationnelles

Certaines personnes vivant une détresse ne consultent pas les services de santé lors de crises suicidaires. Les enquêtes aident à comprendre ces situations invisibles dans les banques médico-administratives.

Enquête         Objectif
EQSP (Enquête québécoise sur la santé de la population)L’Institut de la statistique du Québec interroge les personnes de 15 ans et plus sur leur santé physique et mentale, incluant les idées ou tentatives de suicide.

ESCC (Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes)

 

Statistique Canada mène cette enquête nationale sur la santé mentale, les habitudes de vie et la détresse psychologique. Elle donne un aperçu  de la situation au Québec de façon régulière.

Limites de la surveillance

Bien que la surveillance repose sur des bases de données robustes et diversifiées, certaines limites doivent être prises en compte lors de l’interprétation des résultats.

Délais de disponibilité des données

Il faut souvent attendre entre 12 et 24 mois avant qu’un décès soit officiellement reconnu comme un suicide. Ce délai s’explique par le temps nécessaire pour que le coroner termine son enquête, que la cause du décès soit confirmée et que l’information soit ajoutée aux bases de données. Cette attente rend plus difficile la détection rapide des changements récents dans les tendances.  

Données sur les services de santé utilisés

Les bases de données médico-administratives permettent de suivre uniquement les personnes qui ont consulté un professionnel ou reçu des soins. Or, plusieurs personnes ayant des idées suicidaires ou ayant fait une tentative n’utilisent pas les services de santé. Ces situations passent donc sous le radar de ce type de surveillance.  

Des enquêtes populationnelles permettent de combler en partie cette limite. Toutefois, ces enquêtes :

  • ne sont pas réalisées chaque année;
  • reposent sur un échantillon de personnes (et non sur toute la population);
  • ne permettent pas de suivre une même personne dans le temps.

Informations limitées sur le contexte personnel

Certaines dimensions essentielles à la compréhension des comportements suicidaires ne sont pas accessibles à partir des données médico-administratives. Cela inclut :

  • les motivations subjectives du geste;
  • la présence ou l’absence de soutien social;
  • l’environnement familial, scolaire ou professionnel;
  • la stigmatisation vécue.

Ces éléments requièrent des approches complémentaires, comme les enquêtes qualitatives ou les analyses contextuelles.

Variabilité des pratiques de codification

La définition employée pour reconnaître une hospitalisation pour tentative de suicide dans les banques de données médico-administratives ne permet pas nécessairement de capter tous les événements en question. En effet, la codification de ces événements en pratique clinique peut parfois varier et faire en sorte qu’ils ne sont pas repérés à l’aide de la définition retenue. Ceci peut entraîner une sous-estimation du nombre d’événements recensés. De plus, plutôt que d’être perçus comme une lésion auto-infligée intentionnelle, les suicides peuvent parfois se voir classés erronément comme un accident, pouvant potentiellement contribuer à sous-estimer les suicides.

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