Déclenchement du travail - Fiche complète
Au sujet du déclenchement du travail
On parle de déclenchement du travail lorsque le travail est provoqué artificiellement par des moyens médicaux (amniotomie et perfusion d’ocytocine) avant qu’il ne débute naturellement. Le déclenchement est indiqué lorsque les risques associés au prolongement de la grossesse, tant pour la mère que pour le fœtus, sont supérieurs aux risques associés au déclenchement et à l’accouchement. L’indication doit toutefois être convaincante et appuyée par de la documentation et par un consentement de la femme1,2.
Lorsqu’il est pratiqué correctement et pour de bonnes raisons, le déclenchement s’avère utile et avantageux pour la femme et pour le fœtus. Pratiqué de façon incorrecte ou inappropriée, il peut entraîner des risques inutiles. L’objectif est de favoriser une expérience aussi naturelle et satisfaisante que possible.
Dans tous les cas de déclenchement du travail, la femme, sa famille et le fournisseur de soins doivent bien comprendre les risques et les avantages possibles d’une telle intervention.
Les statistiques associées au déclenchement
Le déclenchement du travail est actuellement au Québec une pratique fréquente. La fréquence varie d’un établissement de soins à l’autre et au sein d’une même région. En 2010-2011, il était de 24,9 % dans les centres hospitaliers du Québec3. Au Canada, le taux de déclenchement du travail était d’environ 24 %2.
Les indications de déclenchement du travail
La grossesse prolongée, souvent la conséquence d’une mauvaise estimation de la date prévue d’accouchement
La grossesse prolongée compte parmi les principales indications de déclenchement du travail. Cependant, la datation de la grossesse en fonction de la date des dernières menstruations entraîne une grande source d’erreur dans l’estimation de la date probable d’accouchement. Lorsque l’âge gestationnel est surestimé, des interventions obstétricales non nécessaires peuvent être entreprises, dont le déclenchement du travail. Bon nombre de grossesses perçues comme étant prolongées ou post-terme ne le sont pas, l’erreur étant attribuable à une mauvaise estimation de la date des dernières menstruations ou à une ovulation différée1. La surestimation de l’âge fœtal accroît le risque de procéder à un déclenchement inopportun, causant un accouchement prématuré.
Bien que la durée moyenne d’une grossesse soit de 40 semaines, un accouchement normal peut avoir lieu entre 37,0 et 41,6 semaines sans qu’il y ait atteinte au fœtus. La cause expliquant qu’une grossesse se poursuit au-delà de 40 semaines reste inconnue; cette grossesse n’est pas forcément anormale et peut être simplement « physiologiquement » plus longue4.
Quand la grossesse prolongée survient-elle?
Une grossesse prolongée survient dans environ 6 % des grossesses dont la date est déterminée lors de l’échographie du premier trimestre5. Pour des raisons physiologiques ou à cause d’une erreur de datation, la grossesse prolongée est plus fréquente chez les primipares (femmes qui donnent naissance pour la première fois). La grossesse prolongée est aussi plus fréquente6,7 lorsque l’indice de masse corporelle est supérieur à 30 kg/m2.
Outre la grossesse prolongée, différents facteurs, comme le temps qui s’est écoulé depuis la rupture des membranes, la maturité du col, le risque d’infection (par exemple, la présence dans le vagin de la bactérie streptocoque du groupe B) ainsi que les attentes de la femme, peuvent influencer la décision de déclencher artificiellement le travail. Cependant, seules les raisons médicales maternelles ou associées au ralentissement ou à l’arrêt de développement du fœtus (retard de croissance intra-utérin) sont valables pour justifier un déclenchement.
Raisons ne devant pas conduire à un déclenchement6
La liste qui suit présente les raisons qui ne justifient pas un déclenchement du travail (directives cliniques de la SOGC)8:
- Grossesse avant 41,0 sans indication médicale;
- Macrosomie fœtale soupçonnée (poids du fœtus évalué à plus de 4 kg);
- Déclenchement pour raison personnelle (ex. : accommodement du médecin ou de la femme; décision de la date d’accouchement);
- Diminution des mouvements du fœtus in utero;
- Facteurs physiques chez la mère : inconfort, anxiété, insomnie, œdème des jambes;
- Diabète gestationnel bien contrôlé par diète sans présence d’autres complications;
- Césarienne antérieure.
Quand le travail devrait-il être déclenché?
Pour le bien-être de la mère et du bébé, il est préférable d’attendre que le travail débute spontanément. Cela permet d’éviter le risque de complications obstétricales.
Si le travail ne débute pas spontanément, la possibilité de déclenchement peut être envisagée et discutée à partir de 41 semaines. Plusieurs facteurs doivent alors être considérés, notamment l’état du col, afin d’évaluer les chances de réussite et de minimiser les risques de césarienne. Si le col n’est pas favorable, la maturation du col doit être envisagée avant de déclencher le travail8.
Un déclenchement du travail lors d’un essai de travail après un antécédent de césarienne est possible après 41 semaines, uniquement si le col est favorable.
Les risques associés au déclenchement et au prolongement de la grossesse
Les risques du déclenchement
Le déclenchement du travail est associé aux risques suivants1 :
- Accouchements nécessitant une intervention chirurgicale (césarienne, ventouse ou forceps);
- Contractions utérines excessives, parfois plus fortes et plus longues amenant un inconfort et une douleur accrus;
- Anormalités du rythme du cœur fœtal;
- Accouchement avant terme en raison d’une erreur de datation;
- Procidence du cordon ombilical à la suite d’une rupture artificielle des membranes (amniotomie);
- Hémorragie après l’accouchement.
Les complications associées à une grossesse ≥ 42 semaines
À partir de la 42 e semaine, les études ont montré que l’efficacité du placenta à nourrir et oxygéner le bébé commençait à diminuer, augmentant ainsi les risques de complications sévères pour la mère ou le bébé7,9,10.
Comment éviter les déclenchements
La pratique systématique d’une échographie pendant le premier trimestre
Selon le moment où elle est faite, l’échographie peut permettre d’améliorer la datation de la grossesse. Une échographie réalisée au second trimestre permet une précision de ± 10 jours, alors qu’une échographie au premier trimestre permet une précision de ± 5 jours. La pratique systématique d’une échographie pendant le premier trimestre, entre la 11e et la 14e semaine de grossesse, permet une diminution importante du taux de déclenchement pour grossesse prolongée.
L’évaluation permettant de s’assurer du bien-être du fœtus après 41 semaines
Pour la majorité des femmes, le travail commencera de façon spontanée entre 37 et 42 semaines. À partir de 41 semaines, il est recommandé de procéder à des tests cliniques afin de s’assurer du bien-être du fœtus. Cette surveillance fœtale peut avoir lieu avant 41 semaines si la grossesse se déroule de façon anormale (ex. : saignements, rupture prématurée des membranes, diminution des mouvements fœtaux, hauteur utérine insuffisante). Cette surveillance fœtale devrait comprendre un ou plusieurs des éléments suivants1,4 :
- Décompte des mouvements fœtaux;
- Test de réactivité fœtale (TRF) : test qui permet d’évaluer la fréquence cardiaque fœtale, les mouvements ainsi que la réaction cardiaque du fœtus lors des mouvements;
- Évaluation échographique du volume de liquide amniotique;
- Profil biophysique : test d’une durée approximative de 30 minutes qui permet l’évaluation simultanée de plusieurs caractéristiques fœtales (mouvements de respiration, mouvements du corps, tonus).
La maturité du col
L’importance de la maturité du col
Normalement, le col commence à s’amincir, à se dilater et à devenir mou avant le début du travail. Avant de déclencher le travail avec l’ocytocine et la rupture artificielle des membranes, il faut s’assurer que le col est suffisamment mature. Lorsque le col n’est pas mature, il faut recourir à la maturation du col4,11.
La maturation du col consiste à utiliser des méthodes pharmacologiques ou mécaniques pour le ramollir, l’effacer et/ou le dilater, de façon à accroître les chances de réussite d’un accouchement vaginal1. Le processus de maturation peut durer de un à deux jours.
L’évaluation de la maturité du col
Le score de Bishop permet d’évaluer la maturité du col; il est le meilleur indicateur de la réussite du déclenchement. Il se base sur les changements survenus au niveau du col et sur la position du fœtus; il nécessite un examen gynécologique12.
Un col favorable signifie que des changements sont amorcés au niveau du col : dilatation, effacement (amincissement) et consistance, ainsi qu’au niveau du fœtus : position et station (hauteur du bébé dans le bassin). Un score de Bishop élevé (égal ou supérieur à 6) est associé à un col favorable pour un déclenchement, un score bas (inférieur à 6) est associé à un col défavorable13.
Les femmes avec un col défavorable sont de trois à quatre fois plus susceptibles d’avoir une césarienne après un déclenchement du travail. Ce risque est accru chez les femmes qui donnent naissance pour la première fois.
Les méthodes mécaniques de maturation du col4
Décollement par balayage circulaire des membranes (stripping)
Le balayage des membranes (stripping) est un procédé simple qui peut être utilisé lorsque le col de l’utérus est ouvert. Lors d’un examen vaginal, le clinicien passe son doigt servant à l’examen par l’orifice interne et balaie le col en un mouvement circulaire de manière à séparer la membrane amniotique du segment utérin amniotique.
Le décollement des membranes par balayage circulaire peut se faire à partir de la 38e semaine. Le fait de décoller les membranes du col permet de stimuler le début du travail, donc de diminuer les risques de déclenchement. L’intervention peut toutefois se révéler douloureuse14. Le décollement des membranes entraîne la libération d’hormones, les prostaglandines, lesquelles amollissent le col et accentuent les contractions utérines déclenchées par l’ocytocine15.
Les femmes peuvent se voir offrir un décollement des membranes après une discussion sur les risques et les avantages d’une telle intervention. La femme doit être informée de l’inconfort et des effets indésirables transitoires (faibles contractions et légers saignements). Procéder au décollement des membranes juste avant d’effectuer un déclenchement augmente les chances d’accouchement vaginal spontané, diminue le délai entre le déclenchement et l’accouchement et accroît la satisfaction de la mère16. Aucune hausse de la colonisation aux streptocoques de groupe B n’a été associée au décollement des membranes.
Sonde de Foley (ballonnet)11
L’emploi de la sonde de Foley peut contribuer au ramollissement, à l’effacement et à la dilatation du col sans provoquer d’inconfort généralisé, tout en stimulant une production locale de prostaglandines.
L’intervention consiste à insérer par le vagin une sonde au-delà de l’orifice interne du col de l’utérus, puis de la gonfler avec de l’eau. La sonde est laissée en place et tombera probablement d’elle-même lorsque le col atteindra une dilatation d’environ 2 ou 3 cm.
La maturation par l’administration de prostaglandines sur col défavorable
Si le col est toujours défavorable après utilisation des méthodes mécaniques ou en présence de contre-indications à leur utilisation, le recours à la maturation du col par l’administration de prostaglandines doit être envisagé avant de procéder au déclenchement du travail. Les prostaglandines provoquent un ramollissement et un amincissement du col. L’administration de prostaglandines peut se faire par voie endocervicale ou vaginale. L’administration de préparations ou de gels vaginaux de prostaglandines (Prostin et Cervidil) est facile, plus efficace que l’ocytocine et les femmes la tolèrent bien8,11,17. Seules les préparations vaginales peuvent être utilisées en cas de rupture prématurée des membranes.
L’utilisation des prostaglandines est associée à certaines réactions indésirables11 :
- Hyperstimulation utérine;
- Effets secondaires gastro-intestinaux;
- Irritation vaginale;
- Hypoxie fœtale (diminution du taux d’oxygène dans les tissus du fœtus).
Avantages de l’utilisation des prostaglandines :
- Facilement acceptable par la femme;
- Taux plus faible d’accouchements instrumentaux (ventouse, forceps) qu’avec l’ocytocine;
- Moins grande nécessité de déclenchement à l’ocytocine.
Inconvénients de l’utilisation des prostaglandines :
- À cause du risque de rupture utérine, l’utilisation des prostaglandines n’est pas recommandée chez les femmes ayant déjà subi une césarienne;
- Nausées, vomissements, diarrhée.
Les méthodes de déclenchement du travail
L’amniotomie et l’administration d’ocytocine
Le déclenchement se fait une fois la maturité du col établie. Le déclenchement peut se faire par amniotomie (rupture artificielle des membranes). Il est possible que l’amniotomie seule suffise à déclencher le travail. Cette technique peut aussi être associée à une perfusion d’ocytocine afin de potentialiser mutuellement leurs effets.
Les méthodes naturelles
Certaines méthodes naturelles, montrant une efficacité variable, peuvent également contribuer à faciliter le déclenchement du travail :
- Avoir des relations sexuelles et stimuler les mamelons, pour favoriser la production d’hormones qui provoquent des contractions;
- Ostéopathie, acupuncture, homéopathie, physiothérapie et aromathérapie.
La transmission d’informations sur ces méthodes doit tenir compte que leur utilisation entraîne des coûts et que la preuve de leur efficacité n’a pas nécessairement été démontrée.
Qu’arrive-t-il en cas d’échec du déclenchement?
Il arrive que le déclenchement ne réussisse pas à provoquer le travail. On doit alors réévaluer la nécessité et l’urgence d’un second déclenchement, ainsi que la méthode à employer.
Références
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Auteurs
Auteure
Hélène Langlois, infirmière et gestionnaire à la SOGC, coordination et rédaction
Collaborateurs
Nils Chaillet, Université de Sherbrooke
Guy-Paul Gagné, Hôpital de LaSalle
Jean-Marie Moutquin, CHUS, INESSS
Vyta Senikas, SOGC
Chargée de projet
Pascale Turcotte, INSPQ