Veille analytique en périnatalité, septembre 2022

Les articles présentés dans ce bulletin de veille analytique abordent différents aspects de la santé en contexte périnatal et de petite enfance.


Habitudes de vie

Royaume-Uni – Expériences des femmes face aux conseils et messages de santé publique sur la grossesse

Contexte

Les femmes enceintes sont souvent plus réceptives aux messages et interventions en santé publique qu’à d’autres moments de leur vie. C’est pourquoi elles sont la cible de multiples messages sur les moyens de réduire ou de gérer les risques à la santé associés à différentes habitudes de vie (ex. : tabagisme, sédentarité, alimentation, etc.). Ces messages ont pour objectif d’améliorer la santé des mères et de leur bébé.

Objectif et méthode

L’objectif principal de cette étude était de décrire les expériences de femmes ayant été exposées à des messages de santé publique pendant leur grossesse. Les données ont été colligées de deux façons : un questionnaire en ligne comportant 27 questions a été rempli par 7009 femmes et des entrevues ont été réalisées auprès de 34 femmes ayant fait l’expérience de la grossesse au cours des 5 dernières années.  

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Les femmes perçoivent un écart important entre leurs besoins réels d’information et l’information qui leur est transmise sur les risques à la santé associés à diverses habitudes de vie. Elles reçoivent notamment beaucoup de conseils et d’information sur la consommation de tabac et d’alcool pendant la grossesse, alors qu’elles souhaiteraient en recevoir davantage sur la gestion de leur santé mentale.
  • Elles reçoivent souvent des conseils divergents en matière de santé. Cette divergence provoque de l’anxiété et de la détresse chez les femmes enceintes, pouvant les mener, par exemple, à cesser la prise d’une médication essentielle à leur propre santé par peur de nuire à leur bébé.
  • La manière dont l’information est transmise aux femmes remet parfois en question leur autonomie. Certains messages de santé publique engagent les femmes dans un processus d’autosurveillance de leurs comportements en matière de santé. Par ailleurs, plusieurs femmes ont reçu des conseils incomplets ou inexacts de la part de leur professionnel de la santé et certaines se sont senties jugées par ceux-ci dans leurs choix et comportements en matière de santé.

Limites

Les auteurs relèvent trois limites principales à leur étude. D’abord, les résultats sont sujets à un biais de sélection des répondantes au questionnaire et aux entrevues puisque celles-ci se sont portées volontaires. Ensuite, le questionnaire a été administré en ligne, ce qui a pu exclure la participation de femmes n’ayant pas accès à Internet. Finalement, le questionnaire et les entrevues étaient limités aux femmes parlant l’anglais.

Blaylock, R., Trickey, H., Sanders, J., & Murphy, C. (2022). WRISK voices: A mixed-methods study of women’s experiences of pregnancy-related public health advice and risk messages in the UK. Midwifery, 113, 103433.


Espagne – Les effets d’un programme d’entraînement virtuel pour les femmes enceintes en contexte de COVID-19 : une étude randomisée contrôlée

Contexte

Un poids de naissance inférieur à 2500 g ou supérieur à 4000 g est associé à un plus grand risque de complications, de maladies et de comorbidités. L’activité physique durant la grossesse favoriserait un poids de naissance optimal, en plus de procurer des effets bénéfiques physiques et psychologiques pour la mère et de soutenir la cessation tabagique. Or, une augmentation de la sédentarité et un maintien plus élevé des habitudes tabagiques ont été constatés chez les femmes enceintes dans plusieurs pays durant la pandémie de la COVID-19.

Objectif et méthode

Les auteurs avaient pour objectif d’étudier, durant le contexte de la pandémie, les effets d’un plan d’entraînement physique virtuel adapté pour les femmes enceintes sur le gain de poids gestationnel, les habitudes tabagiques, le mode d’accouchement, le poids à la naissance et les admissions aux soins intensifs en néonatalogie.

Cette étude randomisée contrôlée a été réalisée auprès de 192 femmes ayant une grossesse simple, âgées d’au moins 18 ans et sans contre-indications à l’activité physique. Celles-ci ont été réparties de façon aléatoire en deux groupes. Le groupe contrôle (GC) a reçu les recommandations habituelles en ce qui concerne l’activité physique, l’alimentation, les habitudes de sommeil et la consommation de tabac. Le groupe intervention (GI) a reçu les mêmes indications, en plus d’entraînements virtuels individuels et de groupe trois fois par semaine, du premier trimestre jusqu’à la fin du troisième. Respectivement 27 et 26 femmes ont été exclues des analyses pour le GI et le GC, en raison d’une adhérence insuffisante à l’intervention, d’un changement de lieu de suivi de grossesse, ou pour d’autres raisons.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Cette étude a permis de relever des différences significatives entre le GI et le GC à la suite de l’intervention. On observe notamment :

  • Un taux plus élevé de cessation tabagique chez le GI, interprété par les auteurs par l’effet réducteur de stress de l’entraînement;
  • Un gain de poids gestationnel plus faible chez le GI à la fin du troisième trimestre (en moyenne 9.9 kg vs 11.5 kg). Au sein du GI, on observe par ailleurs une association positive entre le gain de poids gestationnel et la consommation de tabac;
  • Une plus grande proportion de nouveau-nés dont le poids de naissance était entre 2500 g et 4000 g (93 % dans le GI vs 77 % dans le GC). Par ailleurs, on a observé 10 % plus de bébés de petits poids de naissance et 6 % plus de bébés macrosomes dans le GC que dans le GI;
  • Une moins grande prévalence d’accouchements par césarienne ou instrumentalisés et 16 % moins d’admissions de nouveau-nés aux soins intensifs dans le GI par rapport au GC.

La forte adhésion des participantes au plan d’entraînement virtuel (89 %) encourage les auteurs à croire que ce type d’intervention virtuelle permettrait aux femmes enceintes de maintenir un niveau d’activité physique adéquat malgré une situation de restrictions sanitaires.

Limites

Bien que les participantes aient reçu des recommandations nutritionnelles au début de l’intervention, leurs apports nutritionnels n’ont pas été analysés. Cela pourrait entraîner un biais dans les résultats obtenus. Les auteurs rapportent également qu’il aurait été intéressant de comparer un programme en présentiel à un programme virtuel afin de vérifier si ce mode d’entraînement, qui gagne en popularité, serait aussi efficace que le mode traditionnel en personne.

Silva-Jose, C., Sánchez-Polán, M., Barakat, R., Díaz-Blanco, Á., Mottola, M. F., & Refoyo, I. (2022). A Virtual Exercise Program throughout Pregnancy during the COVID-19 Pandemic Modifies Maternal Weight Gain, Smoking Habits and Birth Weight—Randomized Clinical Trial. Journal of Clinical Medicine, 11(14), 4045.


Développement de l'enfant

Canada - Association entre la prématurité et le niveau de développement des enfants à leur entrée en maternelle

Contexte

Peu importe leur parcours préscolaire, la quasi-totalité des enfants canadiens font l’expérience de la maternelle à l’âge de cinq ans. Cependant, tous n’y arriveront pas avec le même niveau de maturité scolaire et certains présenteront des difficultés développementales dans différents domaines. Cette vulnérabilité pourrait empêcher les enfants de profiter pleinement des occasions d’apprentissage du milieu éducatif, et ultimement, nuire à leur réussite scolaire. Il apparaît donc important d’identifier les enfants les plus à risque de difficultés développementales. Les enfants nés prématurément sont plus susceptibles de présenter de telles conditions et, par conséquent, de vivre des difficultés d’apprentissage, mais les recherches ayant étudié ce phénomène sont limitées.

Objectif et méthode

Cette étude rétrospective avait pour but d’examiner l’association entre la prématurité et la maturité scolaire à cinq ans chez une population représentative d’enfants au Canada. L’hypothèse des auteurs était que les enfants prématurés présenteraient un niveau de maturité scolaire plus bas que les enfants nés à terme, à leur entrée en maternelle.

Les données du Early Developmental Instrument (EDI – la version anglaise de l’Instrument du développement à la petite enfance – IMDPE) ont été utilisées. L’EDI est un questionnaire complété par l’enseignant de maternelle portant sur les comportements observables de l’enfant et élaboré à partir de normes développementales. Il informe sur la maturité scolaire des enfants au début de leur cheminement à l’école, mesurée selon cinq grands domaines de développement : santé physique et bien-être, compétences sociales, maturité affective, développement cognitif et langagier, habiletés de communication et connaissances générales. Pour la présente étude, les résultats des enfants à l’EDI provenaient de différentes vagues d’enquêtes au Manitoba, menées entre 2005 et 2017. Des données complémentaires provenant de dossiers médicaux et d’autres sources ont permis d’identifier les enfants nés prématurément, ainsi que de documenter différentes covariables.

Au total, les données de 63 277 enfants ont été partagées en deux cohortes : la cohorte « population » a permis de comparer les résultats à l’EDI des enfants nés à terme (n = 58 925) et des enfants prématurés (< 37 semaines de grossesse, n = 4 352). La cohorte « fratrie » (un sous-groupe de la cohorte « population ») a permis d’effectuer les mêmes comparaisons entre les enfants prématurés (n = 1 296) et un autre enfant de la famille né à terme (n = 1 296).

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

  • L’analyse de la cohorte « population » démontre un niveau de maturité scolaire globalement moins élevé chez les enfants prématurés. Plus précisément, on observe :
    • Une vulnérabilité dans au moins un domaine de l’EDI chez 35 % des enfants prématurés, comparativement à 28 % chez les enfants nés à terme;
    • Un effet dose-réponse : plus l’âge gestationnel diminue, plus la vulnérabilité augmente dans au moins un domaine de développement, de même que dans chacun des domaines;
    • Certains facteurs de risques associés à la vulnérabilité sont davantage présents chez les prématurés de cette cohorte, comme le petit poids pour l’âge gestationnel, être de sexe masculin et un épisode de détresse psychologique prénatale chez la mère.
  • L’analyse de la cohorte « fratrie » démontre un niveau de maturité scolaire globalement comparable entre les enfants prématurés et un autre enfant de la famille né à terme. Cependant, on observe dans cette cohorte deux facteurs de risque associés à la vulnérabilité, soit être de sexe masculin et l’âge de la mère à la naissance.

Selon les auteurs, ces résultats suggèrent que d’autres facteurs de risque, en plus de la prématurité, sont associés à la maturité scolaire.

Limites

Trois limites sont mentionnées par les auteurs. En premier lieu, les données de l’EDI étaient disponibles pour seulement 75 % des enfants éligibles. Deuxièmement, les enfants avec un âge gestationnel inférieur à 33 semaines de grossesse étaient sous-représentés dans la cohorte « population ». Finalement, les auteurs soulignent que seules les variables présentes dans les archives et pouvant être appariées ont pu être prises en compte. 

Louis, D., Oberoi, S., Ricci, M. F., Pylypjuk, C., Alvaro, R., Seshia, M., de Cabo, C., Moddemann, D., Lix, L. M., Garland, A., & Ruth, C. A. (2022). School Readiness Among Children Born Preterm in Manitoba, Canada. JAMA Pediatrics.


Parentalité

Montréal - Expériences d’isolement social et de solitude chez les mères migrantes ayant des enfants âgés de 0 à 5 ans : une étude descriptive

Contexte  

Les femmes migrantes ayant de jeunes enfants présentent de multiples facteurs de vulnérabilité qui peuvent les exposer à des expériences d’isolement social et de solitude. 

Objectif et méthode  

La présente étude vise à explorer les expériences d’isolement social et de solitude chez les mères migrantes ayant des enfants âgés de 0 à 5 ans, ainsi que leurs perceptions concernant la façon dont ces expériences peuvent influencer leur santé et celle de leurs enfants.
Une étude descriptive qualitative a été menée auprès d’un échantillon de femmes migrantes suivies à La Maison Bleue, un organisme à but non lucratif offrant des services périnataux aux femmes vulnérables montréalaises. Le recrutement et la collecte de données ont eu lieu simultanément de novembre à décembre 2020. Au total, onze mères ont participé à des entrevues individuelles. Une analyse thématique des données recueilles a été réalisée.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les mères participantes étaient âgées de 18 à 39 ans et sont originaires de six pays différents de l’Asie et de l’Afrique. Huit femmes sur 11 proviennent d’un contexte d’immigration récente (5 ans ou moins). La plupart ont fait des études postsecondaires (10 femmes sur 11) et vivent avec leur conjoint ou partenaire (sept femmes sur 11). Deux participantes ont eu des difficultés à communiquer en français et en anglais, bien que la maîtrise d’une de ces deux langues était un critère de sélection.

Les participantes décrivent l’isolement social comme une perte du soutien familial et une adaptation aux nouveaux environnements sociaux et culturels. Elles décrivent la solitude comme le sentiment d’être toute seule (aloneness), découlant du fait d’être mère dans un nouveau pays, en bénéficiant d’un soutien limité.

Selon les participantes :

  • Leur statut migratoire, leurs conditions socioéconomiques, les barrières linguistiques et la monoparentalité sont des facteurs qui influencent leurs expériences d’isolement social et de solitude;
  • Les responsabilités associées à la maternité contribuent à leur isolement, mais leurs enfants sont une source de bonheur et leur donnent un sentiment d’avoir un but;
  • L’isolement social et la solitude ont un impact sur leur bien-être émotionnel et mental;
  • Leurs expériences d’isolement social et de solitude limitent les possibilités de socialisation chez leurs enfants, surtout s’ils ne fréquentent pas des services de garde éducatifs. L’influence sur la santé et le développement de leurs enfants est moins claire;
  • La pandémie de COVID-19 a exacerbé leurs expériences d’isolement social et de solitude.

Limites    

Les auteurs identifient certaines limites à cette étude. Tout d’abord, la participation à l’étude était limitée aux femmes pouvant communiquer en anglais ou en français. Le taux de refus était élevé (50 %). Il est possible que la saturation des données n’ait pas été atteinte, étant donné la petite taille de l’échantillon et la courte période de collecte de données. De plus, l’utilisation de différentes méthodes d’entrevues (téléphonique, virtuelle, en présentiel) a pu avoir un impact sur les données obtenues. Finalement, il n’était pas possible d’évaluer l’évolution des expériences d’isolement social et de solitude avant et pendant la pandémie. 

Lim, M., Van Hulst, A., Pisanu, S., & Merry, L. (2022). Social Isolation, Loneliness and Health: A Descriptive Study of the Experiences of Migrant Mothers With Young Children (0–5 Years Old) at La Maison Bleue. Frontiers in Global Women’s Health, 3, 823632.


Revue systématique - La participation à des groupes de pairs sur les médias sociaux comme moyen de soutien à l’allaitement 

Contexte

Le soutien à l’allaitement est essentiel pour favoriser l’initiation et la durée de l’allaitement. L’efficacité du soutien de professionnels et de pairs formés est déjà démontrée, mais les constats sur le soutien de pairs non formés sont plus mitigés. Les recherches montrent toutefois que ce type d’aide est valorisé par les mères. En ce sens, le soutien entre mères par l’intermédiaire des médias sociaux est une tendance très présente actuellement. Toutefois, aucune donnée ne documente l’efficacité des groupes de soutien à l’allaitement par les pairs, en ligne, comme moyen de soutien.

Objectif et méthode

Cette étude avait pour objectif principal de rapporter les bienfaits, les défis et les impacts des groupes de soutien à l’allaitement en ligne comme moyen de soutien à l’allaitement. Une revue systématique de la littérature a été réalisée.

Les groupes de soutien considérés dans cette revue sont ceux qui permettent de générer du contenu et d’interagir, et dont le sujet d’échange est exclusivement l’allaitement. Treize études ont été retenues, dont huit qualitatives et cinq ayant un devis mixte. Une analyse inductive a permis de dégager des thèmes, qui ont été revus à la lumière des extraits codés. Enfin, un réviseur indépendant a évalué la qualité de l’analyse.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Six thèmes ont émergé de l’analyse :

  • Les femmes font l’expérience de l’allaitement dans leur famille, mais également dans un contexte social plus vaste qui a un impact important sur leurs intentions, leurs expériences, et l’initiation et la durée de l’allaitement. Les groupes sur les médias sociaux agissent comme médiateur de ce contexte. 
  • Les groupes de soutien en ligne qui permettent aux mères de partager leur expérience dans un climat de confiance peuvent améliorer leur bien-être et aussi le succès de l’allaitement.
  • Les groupes de soutien en ligne peuvent aider les mères à croire en leur capacité à atteindre leurs objectifs d’allaitement, en présentant l’allaitement comme une pratique souhaitable (ce qui favorise l’initiation) et en offrant des solutions aux défis rencontrés (ce qui encourage la poursuite).
  • Les femmes qui participent aux groupes de soutien ont tendance à trouver que le partage d’expérience constitue une source d’information fiable. Elles jugent également que les débats reflètent les différentes opinions entendues dans le discours public. Les jugements, les conseils contradictoires et la polarisation des discours peuvent tout de même être perçus négativement par certaines.
  • Les femmes se tournent vers les groupes de soutien en ligne quand elles manquent de soutien en présentiel ou comme complément au soutien existant. Elles cherchent à la fois à avoir de l’information sur la physiologie de l’allaitement et la gestion de celui-ci, à recevoir de la réassurance sur ce qui est normal et à se sentir moins seules au quotidien.
  • Les effets de la participation à des groupes de soutien en ligne sur la durée de l’allaitement sont difficiles à mesurer vu les contextes d’allaitement très différents et la présence de variables confondantes difficiles à contrôler. Les mères pensent toutefois globalement que les groupes de soutien peuvent les amener à allaiter plus longtemps et à vivre de meilleures expériences au regard de l’allaitement.       

Limites

Les auteurs mentionnent certaines limites à cette étude. Ayant été menée dans le cadre d’un doctorat, elle a été principalement réalisée par une seule personne. Les populations spécifiques ont été exclues (ex. les mères d’enfants prématurés) pour mieux comparer les constats, mais certains articles pertinents ont ainsi pu être exclus. Le fait de s’intéresser aux groupes de soutien sur les médias sociaux qui acceptent de participer aux études crée un biais de sélection. Finalement, les échantillons sont homogènes et incluent surtout des femmes blanches en couple avec un niveau élevé d’éducation, limitant ainsi les généralisations possibles à d’autres groupes ou contextes.

Morse, H., & Brown, A. (2022). The benefits, challenges and impacts of accessing social media group support for breastfeeding: A systematic review. Maternal & Child Nutrition, e13399.


Danemark – La trajectoire d’allaitement des jeunes mères ayant un faible niveau d’éducation : une étude qualitative 

Contexte

Les jeunes mères font face à de multiples barrières à l’allaitement. Quelques études indiquent que les jeunes mères ayant un faible niveau d’éducation ont un sentiment d’efficacité lié à l’allaitement plus faible que les mères plus âgées et plus éduquées. De plus, leur sentiment d’efficacité diminue plus rapidement lorsque des problèmes surviennent.

Ces mères pourraient avoir besoin d’un soutien particulier en allaitement et il importe de soutenir le développement d’interventions basées sur un cadre théorique solide et ciblant à la fois les jeunes mères ayant un faible niveau d’éducation et leur partenaire.

Objectif et méthode

L’objectif de cette étude était d’explorer l’expérience, le contexte socioculturel et les besoins des jeunes mères ayant un faible niveau d’éducation et de leur partenaire, en lien avec l’allaitement. L’étude s’est déroulée dans deux régions rurales du Danemark, où les taux d’allaitement sont parmi les plus faibles au pays.

Des entrevues individuelles ont été réalisées avec huit mères et cinq pères ou partenaires, alors que leur enfant était âgé de 4 à 6 mois. Les mères étaient âgées de moins de 25 ans et leur niveau de scolarité ne dépassait pas le diplôme d’études secondaires. Quatre focus groups rassemblant chacun six intervenants effectuant des visites postnatales à domicile ont également été effectués, en plus de sept observations de visites à domicile. La saturation des données a été atteinte.

Qu’est-ce qu’on y apprend?   

L’analyse des données a permis de faire émerger quatre thèmes principaux :

  • Malgré leur âge et leur niveau d’éducation similaires, on observe des contextes de vie variés chez les participantes (niveau de stabilité, transition vers la parentalité plus ou moins facile, perception de stigmatisation, attitudes et traditions d’allaitement du réseau social). Ces contextes influencent positivement ou négativement leur expérience d’allaitement et leur sentiment d’efficacité.
  • Les parents participants considèrent tous l’allaitement comme la meilleure option pour nourrir leur enfant. Cependant, ils s’attendaient tous à ce que l’allaitement se fasse naturellement, et la plupart d’entre eux regrettent leur manque de préparation.
    • Les intervenants soulignent l’importance d’une visite à domicile dédiée à l’allaitement pendant la grossesse, notamment pour mettre en évidence le rôle du père ou partenaire.
  • Bien que certaines mères aient vécu une initiation facile de l’allaitement, plusieurs ont vécu des défis pendant cette période, notamment en lien avec la compréhension et la réponse aux besoins du bébé. Ces expériences ont influencé le sentiment d’efficacité des mères et la durée de leur allaitement.
    • La compréhension des signes du bébé n’est pas facile pour toutes, et les pleurs ont été perçus par plusieurs comme une critique de leurs capacités de mère.
    • Les parents ont cherché du soutien auprès de personnes accessibles, et ayant de l’expérience et une attitude positive envers l’allaitement. Ce soutien était plus souvent recherché auprès des membres de leur réseau plutôt que de professionnels de la santé.
    • Les visites postnatales à domicile permettaient de reconnaître les bons coups des parents en lien avec l’allaitement et le développement de leur bébé, influençant positivement leur sentiment d’efficacité. Les intervenants soulignent l’importance de développer une relation de confiance avec les parents et de procéder à des interventions adaptées à chaque famille.
  • L’établissement de l’allaitement a nécessité une période d’adaptation, pendant laquelle les parents devaient déterminer ce qui fonctionnait le mieux pour eux.
    • Une forte intention d’allaiter et la confiance en ses capacités influençaient positivement la décision d’allaiter, tandis que le désir d’implication du père dans l’alimentation de l’enfant pouvait l’influencer négativement.
    • Les parents ayant choisi de se tourner vers les préparations commerciales pour nourrissons n’ont pas sollicité le soutien des intervenants, par crainte de ne pas être soutenus dans leur décision. Quant à eux, les intervenants sont déçus de ne pas avoir pu soutenir les familles dans cette transition.

Limites

Quelques limites sont soulignées par les auteurs de cette étude. La méthode de recrutement et de sélection des participants a pu entraîner un certain biais de sélection, en raison de la faible proportion de parents éligibles dans les régions à l’étude et du recrutement effectué par le biais de professionnels de la santé. Le fait que cette étude ait eu lieu dans un milieu rural, où les rôles genrés traditionnels sont plus présents et où l’on retrouve une plus forte proportion de parents jeunes et avec un faible niveau d’éducation peut limiter la généralisabilité des résultats. Il en va de même pour la forte tradition d’allaitement au Danemark, qui pourrait ne pas être généralisable à d’autres pays.

Nilsson, I., Busck-Rasmussen, M., Rossau, H. K., & Villadsen, S. F. (2022). Breastfeeding trajectories of young and short-term educated mothers and their partners; experiences of a journey facing tailwind and headwind. Midwifery, 113, 103436.


Rédacteurs

Stephani Arulthas
Marie-Ève Bergeron-Gaudin
Élise Jalbert-Arsenault
Maude Lafleur
Andréane Melançon
Louise Pouliot

Sous la coordination de
Julie Laforest, chef d’unité scientifique

Révision
Sarah Mei Lapierre

Équipe Périnatalité, petite enfance et santé reproductive
Unité Stratégies préventives et parcours de vie
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en périnatalité.