Veille analytique en périnatalité, janvier 2023

Les articles présentés dans ce bulletin de veille analytique abordent différents aspects de la santé en contexte périnatal et de petite enfance.

Programmes, services et interventions

États-Unis — Effets de la hausse de la valeur des bons en argent échangeables pour l’achat de fruits et légumes dans le cadre du programme WIC, une étude qualitative

Contexte

Le programme Special Supplemental Nutrition Program for Women, Infants and Children (WIC) fournit des aliments nutritifs, de l’éducation nutritionnelle, ainsi que du soutien aux femmes enceintes ou allaitantes et aux enfants de 0 à 5 ans dans les ménages à faible revenu aux États-Unis. L’offre d’aliments nutritifs se décline en deux parties : des coupons pour divers aliments spécifiques (ex. : lait, pain à grains entiers), et un bon en argent échangeable contre des fruits et légumes.

La pandémie de COVID-19 a eu pour effet d’augmenter l’insécurité alimentaire dans les ménages avec enfants aux États-Unis. En réponse à cette hausse, les instances responsables du programme WIC ont augmenté la valeur des bons remis aux familles, la faisant passer de 9 $ US par enfant par mois à 35 $ US par mois pendant l’été 2021, puis à 24 $ US par mois à compter d’octobre 2021.

Objectif et méthode

Cette étude qualitative avait pour objectif de comprendre le niveau de satisfaction des mères participantes à la suite de l’augmentation de la valeur des bons, ainsi que l’impact général de cette hausse sur l’alimentation des enfants et des familles.

Trente entrevues individuelles ont été réalisées en novembre et décembre 2021 avec des mères participant à WIC et ayant au moins un enfant âgé de 1 à 4 ans. Les mères ont été recrutées en Californie, dans un bassin de participantes à une étude longitudinale portant sur le même sujet. Afin de représenter une diversité d’expériences, les mères ont été sélectionnées et stratifiées selon trois caractéristiques : la langue (anglais ou espagnol), le pourcentage utilisé de la valeur des bons (forte utilisation, soit > 96 %, ou faible utilisation, soit < 56 %), et le fait d’être ou non afro-américaine.

Les questions d’entrevue portaient, entre autres, sur les préférences et la satisfaction des mères en lien avec l’augmentation de la valeur des bons, leurs difficultés à utiliser le plein montant, leur perception de l’effet de cette hausse sur la consommation de fruits et légumes de leur enfant et sur la diète des autres membres de la famille, ainsi que sur leur capacité à se procurer d’autres aliments ou biens essentiels pour la famille.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’analyse des entrevues a permis d’effectuer plusieurs constats :

  • L’utilisation des bons échangeables contre des fruits et légumes est facile pour les mères;
  • Le montant de 9 $ US par mois était inadéquat et ne permettait pas de répondre aux besoins des enfants. Plusieurs mères soulignent que ce montant couvrait à peine les besoins de leur enfant pour une semaine;
  • L’augmentation de la valeur échangeable contre des fruits et légumes à 35 $ US a entraîné :
    • une hausse de la satisfaction des mères, notamment en raison d’une plus grande liberté de choix;
    • l’achat d’une plus grande quantité et d’une plus grande variété de fruits et légumes, facilitant l’exposition des enfants à de nouveaux aliments;
    • l’achat de fruits et légumes de plus grande qualité et de saison;
    • une augmentation de la consommation de fruits et légumes des enfants, ainsi qu’une réduction de leur consommation d’aliments transformés;
    • la capacité d’acheter une variété d’autres aliments parfois plus onéreux, comme de la viande, du poisson ou une variété de grains;
    • une plus grande sérénité malgré la hausse du prix des aliments en raison de l’inflation;
    • l’amélioration générale de la diète des autres membres du ménage, ceux-ci ayant aussi accès à ces fruits et légumes;
  • Dépenser l’entièreté de la valeur des bons sans gaspiller est facile pour la majorité des mères;
  • Les mères participantes apprécient le fait de pouvoir offrir à leurs enfants des fruits et légumes dans une quantité et une variété qui correspond aux recommandations nutritionnelles;
  • La réduction subséquente de la valeur échangeable contre des fruits et légumes à 24 $ US permet de maintenir la plupart des améliorations observées avec l’offre de 35 $ US, même si la quantité de fruits et légumes achetés a vraisemblablement diminué;
  • L’obtention d’un montant supérieur à 9 $ US permet aux mères de mieux planifier leur menu, leurs achats et leurs repas.

Les auteurs soulignent que de telles mesures, aux vues de la satisfaction qu’elles entraînent chez les mères, pourraient permettre de faciliter la rétention des familles dans le programme WIC.

Limites

Les auteurs mentionnent deux limites à leur étude. Tout d’abord, les participantes sont toutes originaires de Los Angeles County, où le coût de la vie est généralement plus élevé qu’ailleurs en Californie et dans le pays. Par ailleurs, étant donné que les participantes étaient recrutées dans un bassin associé à une enquête longitudinale portant sur le même sujet, il est possible qu’elles étaient déjà plus satisfaites de leur expérience avec le programme WIC, et donc plus ouvertes à partager cette expérience, que les mères ne participant pas à l’enquête.

Martinez, C. E., Ritchie, L. D., Lee, D. L., Tsai, M. M., Anderson, C. E., & Whaley, S. E. (2022). California WIC Participants Report Favorable Impacts of the COVID-Related Increase to the WIC Cash Value Benefit. International Journal of Environmental Research and Public Health, 19(17), Art. 17.


Revue systématique — Efficacité des interventions périnatales par le biais d’applications mobiles sur l’amélioration du bien-être parental

Contexte

Les parents font face à de nombreux défis pendant la période périnatale et sont à risque de problèmes de santé mentale. Une mauvaise santé mentale chez les parents peut causer des effets néfastes à long terme sur la santé cognitive, comportementale et physique de leurs enfants.

Des interventions conçues pour être réalisées par le biais d’applications mobiles permettent d’outiller les parents avec des ressources pour améliorer leur santé mentale, et cela, de manière pratique et accessible. Si quelques revues de littérature ont étudié les impacts de ces interventions sur la santé et le comportement des mères pendant la grossesse, aucune n’a examiné leur utilité pour les deux parents. D’autres études n’ont pas eu une vision globale des interventions périnatales mises en œuvre par le biais d’applications mobiles ou n’ont pas examiné l’effet de ces interventions sur des variables parentales interdépendantes comme le sentiment d’efficacité parentale, le bien-être psychologique, le soutien social et le lien parent-enfant.

Objectif et méthode

Cette étude avait pour objectif d’examiner l’efficacité des interventions périnatales réalisées par le biais d’applications mobiles sur l’amélioration de la santé mentale des parents, en particulier de l’auto-efficacité parentale, du soutien social et du lien d’attachement parent-enfant, ainsi que sur la réduction de la dépression, de l’anxiété et du stress chez ceux-ci.

Une revue systématique de la littérature a été réalisée. Douze études portant sur des interventions périnatales (de la conception à la première année après l’accouchement) prodiguées par le biais d’applications mobiles ont été retenues. Ces études incluaient un groupe témoin (n’utilisant pas d’application mobile). Les études dont l’une des composantes impliquait des contacts en face à face étaient exclues.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Cette revue a révélé que les interventions périnatales par le biais d’applications mobiles sont réalisables et prometteuses pour améliorer la santé mentale des parents pendant cette période. On constate notamment :

  • Une amélioration significative de l’auto-efficacité parentale;
  • Une réduction significative du niveau d’anxiété;
  • Une réduction significative de la dépression;
  • Une amélioration du soutien social perçu par les parents;
  • Une amélioration significative du lien d’attachement parent-enfant;
  • Une certaine diminution du niveau de stress.

À l’exception du stress, ces améliorations sont également observées jusqu’à 2 à 4 mois après l’intervention. De plus, deux études ont montré qu’autant les pères que les mères ont bénéficié de ces interventions.

Les améliorations constatées de la santé mentale des parents sont associées à diverses composantes des interventions, dont l’offre de matériel éducatif (ex. : articles, vidéos, fichiers audio), le soutien et les conseils des professionnels de la santé (ex. : plateforme permettant aux parents de contacter les professionnels de la santé), les échanges avec des pairs (ex. : plateforme permettant aux parents d’entrer en contact avec d’autres parents) ainsi que la psychothérapie (ex. : modules basés sur la pleine conscience, thérapie cognitivo-comportementale, éducation sur la santé émotionnelle).

À la lumière des résultats obtenus, les auteurs suggèrent que les futures interventions périnatales conçues et prodiguées par le biais d’applications mobiles offrent aux parents des ressources éducatives sur les soins périnataux afin de favoriser le lien parent-enfant. Également, ils soulignent l’importance d’y intégrer des composantes psychothérapeutiques et d’offrir du soutien professionnel et par les pairs afin de répondre aux besoins psychologiques des parents.

Limites

Les auteurs mentionnent certaines limites à cette revue. Premièrement, un risque de biais de désirabilité sociale est présent dans les études retenues, la plupart des résultats étant autodéclarés par les participants. Ce faisant, la validité et la fiabilité des résultats pourraient être en partie compromises. Par ailleurs, la faible représentation des pères, ainsi que le manque d’études en provenance du Moyen-Orient, de l’Europe et de l’Afrique, rend difficile la généralisation des résultats.

Chua, J. Y. X., & Shorey, S. (2022). Effectiveness of mobile application-based perinatal interventions in improving parenting outcomes: A systematic review. Midwifery, 114, 103457.

Inégalités sociales de santé

États-Unis – Comparaison des suivis prénataux de groupe et individuels quant à leur impact sur la réduction des inégalités raciales en ce qui concerne les issues de grossesse

Contexte

Les inégalités raciales qui se manifestent pendant la grossesse peuvent avoir des conséquences à long terme sur le parcours de vie des enfants. Des modèles innovants sont proposés, tels que des suivis prénataux de groupe, comme approche potentielle pour réduire les disparités raciales en ce qui concerne les issues de grossesse.

Objectif et méthode

La présente étude examinait l’effet des suivis prénataux de groupe sur les issues de grossesse, ainsi que sur les disparités raciales, comparativement aux suivis prénataux individuels. Un essai randomisé contrôlé a été mené auprès d’un échantillon de 2 348 femmes enceintes.

Les participantes ont été stratifiées selon l’origine ethnique et la race, puis réparties au hasard en deux groupes, soit celles obtenant des suivis prénataux de groupe (n = 1175) ou des suivis prénataux individuels (n = 1173). Les participantes dans le premier groupe ont reçu dix séances individuelles comprenant des évaluations médicales par un professionnel de la santé, ainsi que des discussions de groupe sur diverses thématiques. Les participantes pouvaient également avoir recours à des suivis individuels additionnels, au besoin. Les participantes dans le deuxième groupe ont reçu des suivis prénataux individuels selon les recommandations du American College of Obstetricians and Gynecologists.

Deux issues de grossesse ont été étudiées, soit la naissance prématurée (avant 37 semaines de grossesse) et le faible poids à la naissance (moins de 2 500 g). L’analyse primaire a été réalisée selon le principe de l’intention de traiter (intention-to-treat). Des analyses de type « tel que traité » (as‑treated) ont également été réalisées, soit selon l’intensité de la participation aux suivis prénataux de groupe et individuels.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Dans l’ensemble, 35,8 % des femmes participant à l’étude ont déclaré être noires, 35,2 % ont déclaré être blanches, 19,7 % ont déclaré être d’origine hispanique, et 1,3 % ont déclaré d’autres origines raciales ou ethniques. L’âge moyen des participantes était de 25 ans et 44,5 % étaient primipares.

  • Lorsque l’on considère l’échantillon complet, on observe que le recours aux suivis prénataux de groupe ne réduit pas de façon significative les taux de naissance prématurée ou de faible poids à la naissance comparativement aux suivis prénataux individuels.
  • Lors des analyses secondaires, on observe qu’une participation accrue aux suivis prénataux de groupe semble être associée à des taux plus faibles de naissances prématurées et de faible poids à la naissance chez les participantes noires :
    • Le taux de faible poids à la naissance est significativement plus élevé chez les participantes noires comparativement aux participantes blanches dans le groupe ayant eu recours aux suivis individuels.
    • Cette différence n’est toutefois pas significative dans le groupe ayant reçu des suivis prénataux de groupe.

Limites

Les auteurs identifient plusieurs limites à cette étude. Tout d’abord, l’étude n’avait pas une puissance statistique suffisante pour pouvoir comparer adéquatement les interventions et les effets entre les différents groupes de participantes. La pandémie de COVID-19 a empêché les chercheurs d’atteindre leur objectif de recrutement et de mener les interventions comme prévu. Notamment, le taux d’inscription à l’étude était plus faible que prévu : seulement 43 % des participantes éligibles se sont jointes à l’étude, et on observait une participation plus faible que prévue aux séances de groupe. Enfin, les auteurs soulignent que les données proviennent d’un seul site de recrutement et que les participantes ont un profil sociodémographique similaire, limitant ainsi la généralisabilité des résultats.

Crockett, A. H., Chen, L., Heberlein, E. C., Britt, J. L., Covington-Kolb, S., Witrick, B., Doherty, E., Zhang, L., Borders, A., Keenan-Devlin, L., Smart, B., & Heo, M. (2022). Group vs traditional prenatal care for improving racial equity in preterm birth and low birthweight: The Centering and Racial Disparities randomized clinical trial study. American Journal of Obstetrics and Gynecology, S0002937822007347.


États-Unis — Perceptions d’acteurs-clés de la communauté quant aux facteurs nuisant à la sécurité alimentaire des familles avec enfants de moins de 3 ans, avant et pendant la pandémie de COVID-19

Contexte

L’insécurité alimentaire peut être définie comme une accessibilité limitée ou incertaine à des aliments sains et sécuritaires ou encore l’habileté limitée ou incertaine à acquérir des aliments adéquats, de manière socialement acceptable. Aux États-Unis, en 2020, l’insécurité alimentaire affectait plus de 15 % des ménages avec enfants de moins de 6 ans (2,5 millions de personnes). Les jeunes enfants vivant dans des familles souffrant d’insécurité alimentaire sont globalement en moins bonne santé que ceux vivant au sein de foyers non affectés par ce problème.

Objectif et méthode

Cette étude visait à explorer les perceptions d’acteurs-clés quant aux facteurs contribuant ou nuisant à la sécurité alimentaire des familles à faible revenu avec enfants de moins de 3 ans, avant et pendant la pandémie de COVID-19. Les acteurs-clés étaient les fournisseurs de services communautaires et d’aide alimentaire d’urgence, les fournisseurs de soins de santé, et les éducateurs en petite enfance ou en nutrition.

Pour recueillir les perceptions des acteurs-clés, une étude exploratoire qualitative a été élaborée. Provenant de différentes régions de la Floride, 32 participants ont été recrutés par échantillonnage raisonné. Des entrevues individuelles semi-structurées ont été réalisées, via Zoom, de novembre 2019 à août 2021. Une analyse thématique a ensuite été effectuée.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

Les barrières les plus importantes à la sécurité alimentaire pour les familles avec enfants de 0-3 ans avant et pendant la pandémie de COVID-19 étaient les mêmes, soit :

  • un manque de connaissances quant aux ressources et services disponibles, incluant l’éligibilité aux programmes d’aide fédéraux ;
  • la crainte de la stigmatisation associée au fait de demander de l’aide;
  • l’insécurité financière.

Ces barrières ont toutefois été exacerbées pendant la pandémie.

Par ailleurs, la crainte d’une pénurie de nourriture due à la pandémie a encouragé l’achat de grandes quantités de nourriture de moins bonne valeur nutritive. La pandémie a aussi empêché des parents de se procurer la nourriture désirée, par crainte d’être infectés.

Les participants ont mis de l’avant la nécessité de trouver des moyens pour que les familles aient davantage d’information et de services pour remédier à l’insécurité alimentaire, via des mesures virtuelles ou un meilleur système de référence, par exemple.

Limites

La principale limite identifiée par les auteurs est la généralisabilité des résultats obtenus, l’étude ayant été réalisée avec un échantillon raisonné dans un seul état (Floride).

Varela EG, Zeldman J, Mobley AR. Community Stakeholders’ Perceptions on Barriers and Facilitators to Food Security of Families with Children under Three Years before and during COVID-19International Journal of Environmental Research and Public Health. 2022; 19(17):10642.


Développement de l'enfant

Québec — Propension des pères à nommer les émotions et les pensées de leur bébé : association avec la réduction des difficultés socioaffectives dans les premières années de vie

Contexte

Le mind-mindedness des parents réfère à leur habileté à reconnaître les états mentaux de leur enfant. Cela se manifeste par la tendance à parler au tout-petit de ses émotions, ses désirs, ses pensées et ses croyances. Ces commentaires, lorsqu’ils sont appropriés, sont globalement associés au développement de meilleures habiletés cognitives et socioaffectives chez l’enfant. Le mind-mindedness des pères a été peu analysé à ce jour, mais des études laissent penser qu’il pourrait prédire la qualité de la relation père-enfant, ainsi que de meilleures compétences sociales et une baisse des problèmes externalisés chez le jeune enfant.

Objectif et méthode

Cette étude québécoise au devis quantitatif descriptif avait comme objectif de mieux comprendre le rôle du mind-mindedness des pères au regard du développement socioaffectif durant la petite enfance, en comparant des données concernant à la fois les mères et les pères.

Un total de 131 triades père-mère-enfant ont participé à l’étude. Les données ont été recueillies à trois moments, soit aux 6, 12 et 18 mois de l’enfant. Les résultats de 108 triades ont été considérés au temps 2, et les résultats de 101 triades, au temps 3. Le mind-mindedness de la mère et du père ont été mesurés aux 6 mois de l’enfant, par observation directe de deux analystes : lors d’une période de jeu de 10 minutes du parent avec son enfant, les analystes documentaient le nombre de commentaires adéquats émis par le parent. Les problèmes socioaffectifs ont été évalués par chaque parent aux 12 et 18 mois de l’enfant avec le Brief Infant-Toddler Social Emotional Assessment (BITSEA). Un score global combinant l’évaluation des deux parents a été considéré.

Puisque le niveau d’éducation des parents est généralement associé à un environnement langagier plus riche pour l’enfant et à des problèmes socioaffectifs réduits, le niveau d’éducation des parents a été contrôlé lors des analyses statistiques.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Un meilleur mind-mindedness des parents aux 6 mois de l’enfant est associé à moins de problèmes socioaffectifs à 12 et 18 mois. Plus précisément, un meilleur mind-mindedness de la mère est associé à moins de problèmes dans la sphère socioaffective lorsque l’enfant a 12 mois. En ce qui concerne le père, l’association est significative aux 18 mois de l’enfant.

Ces constats concordent avec la littérature existante appuyant l’impact positif du mind-mindedness des parents sur le développement socioaffectif de l’enfant. Ils sont également cohérents avec des données émergentes suggérant que le mind-mindedness de la mère aurait une influence plus tôt que celle du père.

Les auteurs suggèrent que cet écart pourrait être lié au fait que les mères rapportent passer plus de temps que les pères avec l’enfant dans ses premiers mois de vie, en raison du congé parental. De ce fait, les interactions pères-enfants seraient plus fréquentes à partir des 6 à 9 mois du bébé, entraînant progressivement l’enfant à être davantage exposé aux commentaires du père.

Limites

Les auteurs mentionnent certaines limites à cette étude. Tout d’abord, le devis ne permet pas d’établir de relations de cause à effet, mais seulement des associations. Par ailleurs, les parents ayant plus d’habiletés à parler à leur enfant de ses émotions et de ses pensées pourraient avoir tendance à évaluer son comportement moins négativement, ce que l’étude ne permet pas de mettre en évidence. L’outil de mesure des difficultés sur le plan socioaffectif ne permet pas de distinguer problèmes internalisés et externalisés. Les données concernent des enfants sans difficulté particulière, elles ne peuvent donc pas être généralisées aux populations cliniques. Finalement, l’évaluation du mind-mindedness étant basée sur la fréquence des commentaires appropriés émis par les parents, la réduction des problèmes socioaffectifs pourrait aussi s’expliquer par le meilleur soutien langagier qu’offrent les parents. Cependant, cette probabilité est réduite du fait que le niveau d’éducation a été contrôlé dans les analyses statistiques.

Laflamme, E., Matte-Gagné, C., & Baribeau-Lambert, A. (2022). Paternal mind-mindedness and infant-toddler social-emotional problems. Infant Behavior and Development, 69, 101767.


Parentalité

Revue systématique — Sommeil des enfants de 0 à 24 mois : la perception des parents

Contexte

Avoir l’impression que son enfant a un problème de sommeil peut générer du stress chez les parents. Cette perception peut aussi être associée à la fatigue, à la dépression et à des problèmes interpersonnels, en plus d’affecter la relation mère-enfant. Plusieurs facteurs sont susceptibles de modifier cette perception (ex. : santé mentale du parent; connaissance limitée du sommeil chez les enfants; attentes sociales et normes culturelles).

Dans les pays industrialisés, un enfant dormant seul et ayant un sommeil continu au cours de la nuit est considéré la norme et est valorisé. À l’inverse, le partage du lit et les réveils nocturnes sont considérés comme problématiques. Ces normes culturelles peuvent influencer la perception des parents quant à la qualité du sommeil de leur enfant.

Objectif et méthode

Cette étude visait à faire l’état de la littérature qualitative sur les perceptions des parents quant au sommeil de leur enfant (0-24 mois) et à identifier les facteurs qui peuvent influencer cette perception.

Cette revue systématique a inclus des études portant sur les perceptions et les expériences subjectives des parents quant au sommeil de leur enfant. Seuls les articles évalués par les pairs, avec devis qualitatif, et publiés au cours des 15 dernières années ont été conservés. Au terme du processus de sélection, 10 études provenant des États-Unis, du Royaume-Unis, de Taiwan, de la Norvège et des Pays-Bas ont été retenues et leur qualité a été évaluée.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

La synthèse thématique a révélé cinq grands thèmes en ce qui concerne les perceptions des parents sur le sommeil de leur enfant. Selon les auteurs, ces thèmes sont tous influencés par la culture. Les thèmes identifiés sont les suivants :  

  • Le confort physique et émotionnel de l’enfant serait, entre autres, déterminé par la qualité et la durée du sommeil. Les parents choisissent ou modifient la position de l’enfant, la surface et l’endroit où l’enfant dort afin d’assurer son confort.
  • Les croyances par rapport à la sécurité affectent les pratiques de sommeil des familles. Pour trouver un peu de sommeil, les parents ont des pratiques non recommandées par les professionnels de la santé (ex. : cododo, sommeil sur le ventre). Ils usent également de stratégies qu’ils qualifient de « réductrices de risques » (ex. : utiliser des coussins pour empêcher l’enfant de tomber) ou entretiennent des croyances qui justifient leur comportement (ex. : un enfant qui dort sur le dos peut s’étouffer avec son vomi). Une seule étude rapporte qu’un parent sacrifie le confort de son enfant pour assurer sa sécurité.
  • Le bien-être parental et familial est un élément central dans les décisions entourant les pratiques de sommeil. Les parents sont prêts à modifier plusieurs éléments (ex. : passage de l’allaitement au biberon, mettre bébé dans une chambre isolée) pour augmenter le degré de bien-être de la famille.
  • La perception de l’agentivité de l’enfant diffère chez les parents. Certains parents soutiennent que les enfants expriment leurs préférences et désirs par rapport au sommeil. Ces parents sont plus prompts à modifier l’environnement de sommeil pour satisfaire l’enfant. D’autres, au contraire, ne croient pas que leur enfant est un agent actif de son sommeil et, de ce fait, croient qu’il doit plutôt apprendre à dormir et s’adapter à la routine familiale.
  • L’influence des opinions et croyances externes. Certains parents disent suivre leur instinct, peu importe ce que leur disent leur entourage et leurs professionnels de la santé, alors que d’autres recherchent activement de l’information (formelle ou informelle) pour ajuster leur pratique. Des études démontrent que plusieurs parents suivent les recommandations de leur pays d’origine plutôt que celles de leur pays de résidence.

Les thèmes ne sont pas hermétiques et ils se chevauchent. Par exemple, ce qui est identifié comme étant le confort physique de l’enfant influence le rapport à la sécurité (ex. : si l’enfant n’est pas bien lorsque couché sur le ventre, alors on le met sur le dos) ou encore avec le bien-être parental (ex. : pour faciliter le retour au travail, le bébé doit dormir seul dans sa chambre).

Limites

Plusieurs limites ont été relevées par les auteurs. Tout d’abord, la sélection des articles a principalement été réalisée par un seul chercheur, en raison d’un manque de temps. Ensuite, bien que l’objectif était d’aborder le sommeil des enfants de 0-24 mois, la majorité des enfants dans les études était âgée de 0 à 6 mois. De plus, une seule étude considérait la perception des pères. Finalement, inclure des articles dans d’autres langues que l’anglais permettrait d’avoir une vision plus universelle de la perception des parents du sommeil de leur enfant.

Zanetti, N., D’Souza, L., Tchernegovski, P., & Blunden, S. (2022). Parents’ perceptions of the quality of infant sleep behaviours and practices: A qualitative systematic review. Infant and Child Development, e2369.


Turquie — Littératie numérique en santé chez les femmes enceintes et perceptions quant à leur état de santé

Contexte

La littératie numérique est définie comme l’habileté à rechercher et à trouver des informations sur le web ainsi qu’à comprendre, évaluer et utiliser ces informations pour prendre des décisions éclairées au sujet de sa santé. Pendant la grossesse, la littératie numérique en santé contribue au maintien et à l’adoption de saines habitudes de vie chez les femmes enceintes. Les auteurs postulent que les femmes enceintes ayant un haut niveau de littératie numérique en santé sont davantage sensibilisées aux risques pour la santé durant la grossesse et présentent une meilleure adhésion aux conseils et recommandations offerts par les professionnels de la santé.

Objectif et méthode

L’objectif de cette étude était de développer et d’évaluer un modèle prédisant la relation entre la littératie numérique en santé, la perception de son état de santé, et la perception des risques pour la santé pendant la grossesse. Les données de l’étude ont été recueillies de mars à mai 2021, à l’aide d’un questionnaire rempli par 238 femmes enceintes lors de leur suivi de grossesse en centre hospitalier. Le questionnaire incluait trois échelles de mesure, soient la eHealth Literacy Scale (eHEALS), la Perception of Health Scale (PHS), et la Perception of Pregnancy Risk Questionnaire (PHS).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Parmi les participantes, 81,2 % avaient un niveau d’éducation égal ou supérieur à des études secondaires, 98 % disposaient d’un revenu suffisant pour couvrir les dépenses courantes et 41,6 % vivaient leur première grossesse. Le niveau de littératie numérique en santé, mesuré via le eHEALS, était en moyenne de 30,45 sur un score maximum possible de 40.

Chez les femmes enceintes participant à cette étude, le niveau de littératie numérique en santé :

  • n’était pas un prédicteur significatif de leur perception des risques pour la santé pendant leur grossesse;
  • était un prédicteur significatif de leur perception de contrôle sur leur santé et de leur perception de leur état de santé;
  • n’était pas un prédicteur significatif de l’importance accordée à leur propre santé.

Limite

Les auteurs relèvent une seule limite à leur étude. Celle-ci ayant été réalisée auprès de femmes enceintes fréquentant un hôpital localisé dans le centre d’une seule ville en Turquie, les résultats pourraient ne pas être généralisables à d’autres groupes de femmes enceintes.

Şahin, E., Çatıker, A., Özdil, K., & Bulucu Büyüksoy, G. D. (2022). Predictors of eHealth literacy in pregnant women: A structural equation model analysis. International Journal of Gynecology & Obstetrics, ijgo.14416.


Rédacteurs

Stephani Arulthas
Émilie Audy
Marie-Ève Bergeron-Gaudin
Liliana Gomez
Élise Jalbert-Arsenault
Danielle Landry
Louise Pouliot

Sous la coordination de
Julie Laforest, chef d’unité scientifique

Révision
Marie-Cloé Lépine

Équipe Périnatalité, petite enfance et santé reproductive
Unité Stratégies préventives et parcours de vie
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en périnatalité.