Veille analytique en périnatalité, mars 2023

Les articles présentés dans ce bulletin de veille analytique abordent différents aspects de la santé en contexte périnatal et de petite enfance.

Programmes, services et interventions

Revue systématique — Efficacité de l’éducation à l’allaitement en période prénatale sur l’adoption de l’allaitement en post-partum

Contexte

Dans la plupart des pays, les taux d’allaitement demeurent faibles, et ce, malgré les efforts considérables de sensibilisation à l’importance de l’allaitement dans les dernières décennies. Des études suggèrent que ces faibles taux pourraient être liés à une éducation à l’allaitement inadéquate pendant la grossesse.

Objectif et méthode

Cette étude visait à déterminer l’efficacité de l’éducation à l’allaitement offerte en période prénatale sur l’adoption de l’allaitement.

À cet effet, quatre bases de données différentes ont été consultées pour effectuer une revue systématique de la littérature pertinente publiée de 2014 à 2021. Parmi les quatorze études retenues, on retrouve neuf études quasi expérimentales, quatre essais contrôlés randomisés et une étude qualitative.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

Les interventions éducatives à l’allaitement considérées pour la revue, toutes offertes en période prénatale, prenaient différentes formes. Huit études évaluatives portaient sur des interventions utilisant une combinaison de séances éducatives en groupes et de counseling individuel. Quatre études évaluatives portaient sur des programmes de formation en ligne sur l’allaitement.

Les résultats les plus mesurés étaient : le sentiment d’auto-efficacité, l’augmentation des connaissances et attitudes, ainsi que le soutien familial par rapport à l’allaitement, et l’adoption de l’allaitement en post-partum.

Les études, en général, démontrent que l’éducation sur l’allaitement en période prénatale accroît les connaissances maternelles à ce sujet, suscitant une attitude positive et une augmentation du sentiment d’auto-efficacité. Cette éducation entraîne, par ailleurs, une tendance plus grande à initier l’allaitement en post-partum et à le poursuivre plus longtemps.

Limites

Les auteurs mentionnent que les interventions éducatives étudiées se sont déroulées au 2e ou 3e trimestre alors que, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), il est préférable de commencer ces enseignements plus tôt. De plus, des quatorze études sélectionnées, douze ont été menées dans des pays semi-développés ou développés, avec des participantes ayant une scolarité de moyenne à élevée. Les résultats ne sont donc applicables qu’aux pays présentant des caractéristiques similaires aux pays d’origine des études recensés pour la revue.

Kehinde, J., O’Donnell, C., & Grealish, A. (2023). The effectiveness of prenatal breastfeeding education on breastfeeding uptake postpartum: A systematic review. Midwifery, 118, 103579.


États-Unis — Intérêt et barrières à l’adoption de la télésanté dans une population obstétricale et pédiatrique utilisant le programme Medicaid 

Contexte

L’intérêt et l’utilisation de la télésanté ont augmenté au cours des dernières années, notamment en lien avec la pandémie de COVID‑19. Cette option est, en général, bien acceptée par les patients et les médecins, et des données probantes suggèrent qu’elle fournit des résultats de santé comparables aux méthodes traditionnelles de prestation de soins, sans compromettre la relation patient‑médecin.

Toutefois, des rapports ont constaté une sous‑utilisation des services de télésanté chez les populations en situation de vulnérabilité au cours de la pandémie, ce qui pourrait exacerber les inégalités en matière de soins de santé. Les études qui portent sur l’intérêt et les obstacles à l’accès aux services de télésanté chez les nouveaux parents et les femmes enceintes qui vivent dans des contextes défavorisés sont assez limitées.

Objectif et méthode

Cette étude avait pour objectif de connaître les obstacles qui entourent l’utilisation de la télésanté chez une population obstétricale et pédiatrique défavorisée sur le plan social et économique, ainsi que de comprendre les stratégies pouvant faire de la télésanté un complément viable aux consultations en personne. Des données tirées d’une enquête qui visait à déterminer l’intérêt de la télésanté chez une population obstétricale et pédiatrique utilisant le programme Medicaid en Californie ont été analysées.

636 participants ont rempli un questionnaire portant sur leur intérêt envers la télésanté, ainsi que sur leur attitude et leurs préférences en matière de coût et d’accès. Les analyses permettaient d’évaluer les raisons qui amènent les futures mères, les parents et/ou tuteurs d’enfants à choisir entre le cabinet du médecin ou les soins de télésanté.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

La majorité des participants (64 %) a exprimé ne pas être intéressée par la télésanté. De manière générale, les parents et/ou tuteurs des patients pédiatriques sont plus nombreux que les patientes obstétriques à s’intéresser à cette alternative. Seulement 29 % des femmes suivies en obstétrique souhaitaient effectuer des visites prénatales à distance.

  • L’accès à internet et les frais associés semblent être des obstacles plus importants pour les futures mères suivies en obstétrique.
  • Les parents et patients pédiatriques ont été plus nombreux que les patientes suivies en obstétrique à manifester un intérêt particulier pour les visites médicales en personne.

Les résultats démontrent que la télésanté n’est pas encore bien acceptée par les femmes enceintes et les nouveaux parents vivant dans des conditions socioéconomiques défavorables en Californie. Les raisons de ce refus vont au-delà des questions d’accès, de nombreux participants préférant les visites au cabinet du médecin aux téléconsultations. Selon les auteurs, il importe que les fournisseurs de soins et de services de santé prennent en considération les préférences des patients, et s’adaptent à leurs spécificités sociales et culturelles.

La transition vers des services de télésanté exclusifs pourrait accentuer les inégalités déjà existantes en matière des soins de santé affectant, notamment, les patients qui vivent dans des contextes sociaux et économiques défavorisés.

Limites

Les auteurs soulignent que cette étude s’est limitée à seulement deux groupes de patients, et principalement aux mères et aux femmes plus jeunes. Les préférences des populations masculines ou plus âgées ne sont donc pas représentées. De plus, l’échantillon étudié était composé en majorité de personnes d’origine hispanique, dont on ne connaît pas le statut migratoire. Les données recueillies n’ont pas pu être analysées à la lumière de ces caractéristiques sociodémographiques.

Novack, M., Roloff, K., & Valenzuela, G. J. (2022). Interest in and Barriers to Telehealth Uptake in an Obstetric and Pediatric Medicaid Population. Cureus, 14(10), e30148..

Habitudes de vie

Canada — Tendances récentes de l’activité physique et du comportement sédentaire chez les adultes enceintes

Contexte

En l’absence de contre‑indication, la pratique d’activité physique régulière pendant la grossesse est sécuritaire et entraîne plusieurs bienfaits, comme la réduction des risques de diabète gestationnel, de prééclampsie, d’hypertension gestationnelle, de dépression prénatale et de macrosomie. De plus, indépendamment de l’activité physique, la réduction du temps de sédentarité est associée à une amélioration de la santé de la mère, ainsi qu’à de meilleures issues de grossesse. Sur la base de ces données probantes, les lignes directrices canadiennes de 2019 recommandent de pratiquer au moins 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée-vigoureuse (APMV) par semaine tout au long de la grossesse, et de limiter le comportement sédentaire.

Étant donné les bénéfices pour la mère et le fœtus d’un style de vie plus actif et moins sédentaire, il est important de surveiller les niveaux d’APMV des adultes enceintes au Canada.

Objectif et méthode

Cette étude poursuivait deux objectifs, soit de comparer l’activité physique et les comportements sédentaires entre les adultes enceintes et non enceintes, et d’examiner dans quelle mesure ces deux populations respectaient les nouvelles recommandations canadiennes en matière d’activité physique.

Les données populationnelles tirées de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2015‑2019 et de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS) de 2007‑2019 ont été utilisées. L’analyse a inclus les données de tous les adultes assignés au sexe féminin à la naissance et étant en âge de procréer (de 18 à 55 ans), hormis ceux n’ayant pas fourni d’informations valides sur la grossesse et l’activité physique.

  • Les données autodéclarées provenant de l’ESCC comportaient une estimation du temps d’APMV au cours des 7 derniers jours, ainsi que la moyenne quotidienne des minutes passées devant un écran en position assise ou couchée. Ces données ont été obtenues pour 1625 adultes enceintes et 52 140 adultes non enceintes.
  • L’ECMS fournissait des données mesurées. Pour ce faire, les participants portaient un accéléromètre étanche à la ceinture pendant 7 jours, lors des heures d’éveil. L’accéléromètre enregistrait les mouvements des participants, permettant de déterminer le temps passé dans les activités sédentaires, et le temps accordé à des activités physiques d’intensité légère, modérée ou vigoureuse. Ces données ont été obtenues pour 87 adultes enceintes et 5234 adultes non enceintes.

Les participants ont été catégorisés comme ayant atteint les recommandations hebdomadaires de 150 minutes d’APMV, ou non. Étant donné qu’aucune ligne directrice n’existe pour le comportement sédentaire pendant la grossesse, cette mesure n’a pas été dichotomisée.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

Alors que dans l’ESCC, les adultes enceintes rapportaient avoir fait 34,3 minutes d’APMV par jour, comparativement à 49,4 minutes chez les non enceintes, les résultats d’accélérométrie de l’ECMS démontraient plutôt 14,9 minutes et 23,8 minutes d’APMV par jour pour les adultes enceintes et non enceintes, respectivement. Objectivement, l’ensemble des adultes (enceintes et non enceintes) adoptait un comportement sédentaire pendant environ 9,5 heures par jour, représentant plus de 70 % de leur temps d’éveil. Pour toutes les années d’enquête, tous les âges et toutes les régions du Canada, les adultes enceintes ont déclaré avoir accordé moins de temps aux APMV, mais aussi moins de temps aux activités sédentaires devant un écran, que les adultes non enceintes.

Après avoir tenu compte du biais d’autodéclaration dans leurs analyses, les chercheurs ont conclu que seulement 27,5 % des adultes enceintes répondaient aux critères des lignes directrices canadiennes sur l’activité physique, comparé à 41,1 % des adultes non enceintes. Leurs résultats se comparent à d’autres études canadiennes de moindre envergure qui ont démontré que les niveaux d’activité physique, déjà faibles chez les adultes non enceintes, diminuent de façon universelle pendant la grossesse et au cours de chaque trimestre.

Selon les auteurs, l’absence de directives claires et des incohérences dans les contre‑indications des diverses lignes directrices internationales pour la pratique d’activités physiques pendant la grossesse pourraient expliquer les faibles niveaux d’APMV chez les adultes enceintes.

Limites

Les auteurs mentionnent quelques limites à cette étude. Premièrement, l’ESCC n’a recueilli que des informations autodéclarées, ce qui peut entraîner un biais de désirabilité sociale et de mémoire. L’utilisation des mesures objectives de l’ECMS pourrait toutefois compenser ce biais potentiel. Ensuite, aucune des deux enquêtes n’a recueilli d’informations sur le trimestre de la grossesse ou sur les contre‑indications, deux éléments qui peuvent affecter la capacité d’une personne enceinte à être physiquement active. De même, aucune enquête n’a recueilli d’informations sur l’identité sexuelle, ce qui limite l’analyse aux personnes assignées au sexe féminin à la naissance. Enfin, les bases de données excluaient les territoires, les communautés indigènes dans les réserves et la population institutionnalisée; les données ne sont donc pas représentatives de ces populations.

Srugo, S. A., Silva, D. F. da, Menard, L. M., Shukla, N., & Lang, J. J. (2022). Recent Patterns of Physical Activity and Sedentary Behaviour Among Pregnant Adults in Canada. Journal of Obstetrics and Gynaecology Canada.


Canada — Alimentation pendant la grossesse et changements associés à la pandémie de COVID-19

Contexte

Les changements dans l’alimentation sont fréquents pendant la grossesse. Le désir de mieux s’alimenter pour la santé de l’enfant, les fringales, les aversions alimentaires, les modifications dans le temps, et les finances disponibles pour acheter et préparer la nourriture figurent parmi les causes de ces changements.

Plusieurs études ont observé des changements dans la qualité de l’alimentation de la population générale en lien avec divers bouleversements occasionnés par la pandémie de COVID‑19 (ex. : pertes d’emploi, pertes financières, symptômes associés à des troubles de santé mentale, accès compromis aux aliments). Toutefois, peu d’études se sont penchées sur les changements alimentaires vécus pendant la grossesse, alors que la pandémie de COVID-19 entraînait ces bouleversements.

Objectif et méthode

L’objectif de cette étude était d’identifier les changements dans l’alimentation des personnes enceintes pendant la pandémie de COVID‑19. En particulier, elle visait à 1) documenter les associations entre les changements dans l’alimentation et différentes variables socioéconomiques, l’IMC1 prégrossesse et divers symptômes associés à la santé mentale; 2) examiner l’évolution de la consommation de sept types d’aliments2; 3) examiner les associations entre la consommation de ces aliments et les symptômes associés à la santé mentale; et 4) analyser les raisons autorapportées de ces changements.

Les données de 9870 personnes enceintes participant à l’enquête de cohorte Pregnancy during the COVID‑19 Pandemic ont été utilisées. Les données ont été colligées entre avril 2020 et avril 2021, à l’aide d’un questionnaire. Celui‑ci comprenait des questions sur le profil sociodémographique des répondants, et sur les changements apportés à l’alimentation et leur nature (augmentation, diminution ou stabilité). Les raisons pour expliquer ces changements étaient mesurées à partir d’une échelle avec choix de réponses. La peur de la COVID‑19, les symptômes de dépression et d’anxiété, ainsi que la résilience étaient évalués à l’aide d’échelles validées. Des analyses univariées et multivariées ont été réalisées.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

Parmi les participants, 54,3 % ont rapporté un changement dans leur alimentation depuis la pandémie de COVID‑19.

  • L’ethnicité, la perte d’emploi, les symptômes dépressifs, l’isolement dû à la COVID‑19, l’IMC prégrossesse, et la peur de la COVID‑19 étaient associés à une modification de l’alimentation.
  • Chez les participants qui ont effectué des changements dans leur alimentation, on note en particulier une augmentation de la consommation de légumes et fruits frais, mais également de collations sucrées ou salées.
  • La consommation d’aliments de restauration rapide, ainsi que de repas de restaurant livrés, ou pour emporter, a connu la plus grande diminution.

Des associations significatives ont été observées entre les symptômes associés à la santé mentale et les changements dans la consommation des sept catégories d’aliments :

  • Presque toutes ces associations étaient curvilinéaire en forme de U, suggérant que pour presque tous les types d’aliments, une forte augmentation et une forte diminution de leur consommation étaient associées à davantage de symptômes dépressifs ou anxieux.
  • L’exception à cette tendance concerne les légumes et fruits frais, pour lesquels on note une association linéaire avec les symptômes de dépression et d’anxiété, indiquant une consommation davantage diminuée chez ceux qui présentent le plus de symptômes.

Les fringales associées à la grossesse sont la principale raison évoquée pour expliquer la plupart des variations dans l’alimentation, comme l’augmentation de la consommation d’aliments de restauration rapide.

Les bouleversements au quotidien associés à la COVID‑19, tels l’incapacité à faire les courses fréquemment, le manque d’accès financier aux aliments, mais aussi le fait d’avoir plus de temps pour cuisiner sont également évoqués pour expliquer les modifications dans l’alimentation, que celles‑ci soient favorables ou non.

Selon les auteurs, certains de ces changements, comme l’augmentation de la consommation de légumes et fruits frais en raison d’une plus grande disponibilité pour cuisiner des repas à la maison, sont favorables à la santé pendant la grossesse. Ces bénéfices issus des mesures de mitigation de la COVID‑19 pourraient inspirer les employeurs à ajuster les modèles de travail pour les personnes enceintes et les familles, même hors des périodes de pandémie. Par ailleurs, une meilleure connaissance des changements alimentaires et des facteurs associés pourrait permettre aux professionnels de mieux soutenir les familles qui sont le plus à risque de faire des changements alimentaires défavorables à la santé de l’enfant à naître.

Limites

Les auteurs soulignent quelques limites à cette étude, notamment le fait que les participants sont plus éduqués, plus riches et moins diversifiés que la population canadienne en âge de procréer. De plus, le questionnaire utilisé pour évaluer les changements dans la consommation d’aliments n’était pas quantitatif. Finalement, le devis transversal de cette étude, et le fait que les données aient été colligées à un seul moment, pourraient ne pas permettre de capturer les modifications alimentaires selon différents moments de la grossesse, alors qu’il est bien connu que les fringales fluctuent selon le trimestre, par exemple.

Vaghef-Mehrabani, E., Wang, Y., Zinman, J., Beharaj, G., van de Wouw, M., Lebel, C., Tomfohr-Madsen, L., & Giesbrecht, G. F. (2022). Dietary changes among pregnant individuals compared to pre-pandemic: A cross-sectional analysis of the Pregnancy during the COVID-19 Pandemic (PdP) study. Frontiers in Nutrition, 9, 997236

Développement de l'enfant

États-Unis – Les parents parlent plus aux enfants qui parlent plus : une explication aux différences de genre dans le développement précoce du langage 

Contexte

Des différences liées au genre sont observées dans le développement précoce du langage chez l’enfant. En effet, les filles disent leurs premiers mots et combinent deux mots plus tôt que les garçons. Les mécanismes sous‑jacents à ces différences demeurent mal compris. Une hypothèse largement étudiée est que les parents parlent davantage aux filles, conformément à un stéréotype de genre voulant que le langage intéresse plus celles‑ci. Dans cette optique, les filles seraient exposées à une plus grande quantité de langage, ce qui les aiderait à se développer plus rapidement sur ce plan. Bien que certains résultats tendent à appuyer cette hypothèse, l’ensemble des constats sont mitigés et ne tiennent pas compte de certains facteurs confondants. En ce sens, il importe d’analyser la quantité de langage entendu par les enfants au regard de leur genre, de leur âge et de leurs habiletés langagières. 

Objectif et méthode

Cette étude longitudinale visait d’abord à vérifier si les filles disent plus de mots que les garçons dans la période d’émergence du langage oral. Dans l’affirmative, l’étude cherchait aussi à analyser si la différence s’explique par la quantité de langage entendu par les enfants en fonction de leur âge, de leur genre et de leurs habiletés langagières.

L’étude a été réalisée à New York, avec 21 filles et 23 garçons issus de familles biparentales et âgés de 6 mois au début de l’étude. Des données ont été recueillies au domicile des enfants une fois par mois pendant 12 mois, soit jusqu’aux 17 mois des enfants. À chaque temps de mesure, les interactions parents‑enfants ont fait l’objet d’un enregistrement audio pendant une journée complète. Elles ont aussi été filmées pendant une heure.

L’analyse s’est appuyée sur le nombre de noms communs utilisés par l’enfant et l’adulte pendant l’heure d’interaction filmée et les trois heures d’enregistrement pour lesquelles la quantité la plus importante de mots a été notée. Une personne formée a transcrit et compté le nombre de noms. La période de trois heures comprenant le plus de langage a été sélectionnée à l’aide de l’application LENA (Language ENvironment Analysis). Le nombre de noms employés était considéré comme un indicateur de l’étendue du vocabulaire de l’enfant et du nombre de mots total employés par le parent.        

Qu’est-ce qu’on y apprend ?   

Les filles disent en moyenne leur premier mot environ un mois plus tôt que les garçons, sans que cette différence soit significative. Le nombre de noms utilisés par les filles augmente, toutefois, plus rapidement que celui des garçons. Les filles ont donc un vocabulaire plus étendu que les garçons au même âge, et l’écart tend à se creuser jusqu’à 17 mois. Cette différence est petite, mais significative.

La quantité de langage utilisé par les parents ne varie pas en fonction du genre de leur enfant. En effet, les garçons et les filles sont exposés, en moyenne, à autant de noms, à la fois de leur mère et de leur père, à un âge donné. Par contre, le nombre de noms employés par les parents est fortement associé au nombre de noms employés par leur enfant. De fait, une fois que les enfants ont commencé à parler, les parents leur parlent plus.

Ainsi, la différence entre les genres s’expliquerait non par le fait que les parents parlent davantage aux filles qu’aux garçons, mais simplement par le fait qu’ils parlent plus aux enfants qui parlent plus. Des études antérieures ont également permis de constater que les parents ont tendance à répondre davantage aux vocalisations qui se rapprochent de mots, et qu’ils adaptent souvent leur niveau de langage à celui de leur enfant. Les constats de cette étude appuient le fait que les enfants influencent leur environnement langagier, à mesure qu’ils grandissent.

Limites

Les auteurs mentionnent certaines limites à cette étude. Tout d’abord, l’échantillon est relativement homogène, étant principalement composé de personnes blanches qui ont un niveau d’éducation élevé. Ensuite, des variables démographiques pouvant influencer la qualité et la quantité de langage fourni aux enfants n’ont pu être contrôlées vu la petite taille de l’échantillon, notamment le statut socioéconomique et le nombre de frères et sœurs dans la famille. Finalement, les données recueillies permettent exclusivement d’analyser les variations dans le vocabulaire des enfants, mais des données portant sur d’autres composantes du langage pourraient permettre de mettre en évidence des différences supplémentaires.

Dailey, S., & Bergelson, E. (2023). Talking to talkers: Infants’ talk status, but not their gender, is related to language input. Child Development.

Parentalité

États-Unis — Les ressources psychosociales des parents prédisant la parentalité positive et un risque plus faible de maltraitance infantile

Contexte

Aux États‑Unis, près de la moitié des décès d’enfants sont liés à la maltraitance. Selon différentes études, la parentalité positive et les ressources psychosociales3 des parents sont associées au risque de maltraitance chez l’enfant. Ainsi, des efforts de prévention visant à augmenter les ressources psychosociales et la parentalité positive des parents pourraient contribuer à réduire les risques de maltraitance infantile.

Objectif et méthode

Cette étude longitudinale avait pour objectif d’évaluer si les ressources psychosociales et l’empathie des parents observées pendant la grossesse sont des prédicteurs de la parentalité positive et d’un risque moindre de maltraitance chez les enfants d’âge préscolaire (enfants de 4 ans).

203 femmes enceintes vivant leur première grossesse, et 151 de leurs partenaires masculins ont été invitées à quatre reprises à remplir un questionnaire (pendant le 3e trimestre de grossesse, puis à 6 mois, 18 mois et 4 ans après la naissance de l’enfant). Le questionnaire permettait de mesurer l’empathie, les ressources psychosociales des parents, le risque de maltraitance infantile, la parentalité positive (parentalité de style démocratique, chaleureuse, soutenante et en réponse favorable à la compliance de l’enfant).

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

Chez les mères de cette étude, on apprend :

  • Les ressources psychosociales pendant la grossesse ne sont pas associées à la parentalité positive une fois que l’enfant a atteint l’âge préscolaire (4 ans);
  • L’empathie pendant la grossesse est associée à la parentalité positive une fois que l’enfant a atteint l’âge préscolaire (4 ans);
  • Ni les ressources psychosociales, ni l’empathie pendant la grossesse ne sont associées au risque de maltraitance une fois que l’enfant a atteint l’âge préscolaire (4 ans).

Chez les pères de cette étude, on apprend :

  • Les ressources psychosociales pendant la grossesse sont associées à la parentalité positive une fois que l’enfant a atteint l’âge préscolaire (4 ans);
  • L’empathie pendant la grossesse n’est pas associée à la parentalité positive une fois que l’enfant a atteint l’âge préscolaire (4 ans);
  • Les ressources psychosociales pendant la grossesse ne sont pas associées au risque de maltraitance une fois que l’enfant a atteint l’âge préscolaire (4 ans);
  • L’empathie pendant la grossesse est inversement associée au risque de maltraitance une fois que l’enfant a atteint l’âge préscolaire (4 ans).

Les résultats de cette étude indiquent que l’empathie maternelle et les ressources psychosociales chez les pères, présentes pendant la période prénatale, peuvent être des précurseurs importants des pratiques parentales positives 4 ans plus tard. Selon les auteurs, ces résultats soulignent la pertinence de sonder les ressources psychosociales et l’empathie des parents lors des visites prénatales, afin de renforcer ces ressources et ces compétences chez ceux‑ci.

Limites

Les auteurs relèvent quelques limites à leur étude. L’étude n’a pas examiné la qualité des interactions interpersonnelles entre les parents (ex. : satisfaction relationnelle, gestion des conflits entre les parents) qui peuvent affecter la parentalité et le risque de maltraitance. Des facteurs contextuels plus généraux peuvent également influencer les pratiques parentales, telles que les valeurs culturelles et les ressources communautaires. Ces facteurs n’ont pas été mesurés dans l’étude. Les mesures du risque de maltraitance et des pratiques parentales reposaient sur les réponses des parents, ce qui peut introduire un biais de désirabilité sociale dans les résultats. Les parents n’ont peut‑être pas reporté au questionnaire des informations qui les feraient mal paraître socialement.

Gonzalez, S., & Rodriguez, C. M. (2023). Psychosocial Resources Predicting Maternal and Paternal Positive Parenting and Lower Child Abuse Risk. Prevention Science, 24(1), 186‑197.


Allemagne — Association entre le stress au travail, la santé mentale du parent et la qualité du lien parent‑enfant durant la première période de confinement de la pandémie de COVID‑19

Contexte

Occuper un emploi entraîne plusieurs bénéfices, comme un sentiment d’appartenance et un revenu régulier. Cependant, le travail représente également une source de stress important, qui peut se répercuter au milieu de vie familial. La littérature scientifique démontre que le stress professionnel a des effets négatifs sur les comportements parentaux et peut entraîner une relation parent‑enfant de faible qualité. Or, le lien que le parent établit avec son enfant dans les premières années de vie est déterminant pour le développement de ce dernier.

La pandémie de COVID‑19, et les mesures de mitigation mises en place, représentent une situation sans précédent qui a entraîné des conditions de travail difficiles et incertaines, induisant un stress supplémentaire chez les parents de jeunes enfants. Il importe d’en examiner les répercussions possibles sur le lien parent‑enfant.

Objectif et méthode

Cette étude avait pour but d’explorer les associations possibles entre le stress lié au travail et le lien parent‑enfant dans les premiers temps du confinement dû à la COVID‑19 en Allemagne. Les auteurs ont également pris en considération les symptômes de dépression et les comportements agressifs des parents, qui pourraient médier ces associations. Ils ont formulé quatre hypothèses : un niveau de stress au travail élevé serait associé à un lien parent-enfant faible (H1), ainsi qu’à des symptômes dépressifs et agressifs plus élevés (H2). De plus, des symptômes dépressifs et agressifs élevés seraient associés à lien parent‑enfant faible (H3), et la relation entre le stress au travail et le lien parent‑enfant serait médié par les deux types de symptômes (H4).

Un échantillon composé de 380 parents allemands a pris part à l’étude, soit 163 mères et 217 pères d’enfants âgés de 12 à 36 mois, et ayant un emploi au moment des mesures. Les variables suivantes ont été colligées par questionnaires auto rapportés durant la première période de confinement (de mai à octobre 2020) : stress chronique lié au travail (variable prédictive ou explicative), lien parent‑enfant (résultat), symptômes de dépression et d’agressivité (variables médiatrices). D’autres variables, comme le niveau d’éducation du parent ou l’âge de l’enfant, ont également été contrôlées.

Qu’est-ce qu’on y apprend ?

Les quatre hypothèses initiales sont soutenues par les résultats. Plus précisément :

  • Un niveau de stress élevé au travail est significativement associé à un lien parent‑enfant plus faible et à des symptômes de dépression et d’agressivité plus élevés chez les parents;
  • Ces symptômes agissent en tant que variable médiatrice : plus ils sont élevés, plus le lien parent‑enfant est faible.

Les résultats suggèrent que le stress au travail se répercute sur le milieu familial. Il est non seulement associé à la qualité de la relation parent‑enfant, mais il peut également avoir des effets indirects selon l’état de la santé mentale des parents. De plus, les résultats demeurent significatifs lorsqu’ils sont analysés séparément pour les mères et les pères.

Limites

Certaines limites doivent être considérées. En premier lieu, l’utilisation d’un devis transversal ne permet pas de statuer sur des liens de cause à effet. Deuxièmement, le questionnaire de mesure du lien parent‑enfant vise généralement la période post‑partum (de l’accouchement aux 6 mois de l’enfant), une période plus restreinte que celle de la présente étude, qui s’étendait aux enfants de 36 mois. Finalement, les auteurs rapportent plusieurs aspects de l’échantillon qui pourraient limiter la généralisation des résultats, comme un niveau de scolarité et de santé psychologique des parents généralement élevé, ainsi que l’exclusion des parents ayant des enfants de moins de 12 mois.

Koerber, M. I., Mack, J. T., Seefeld, L., Kopp, M., Weise, V., Starke, K. R., & Garthus-Niegel, S. (2023). Psychosocial work stress and parent-child bonding during the COVID-19 pandemic: Clarifying the role of parental symptoms of depression and aggressiveness. BMC Public Health, 23(1), 113


1IMC = Indice de masse corporelle.
2Légumes et fruits frais, produits laitiers, viandes, aliments congelés ou en conserve, aliments de restauration rapide, repas de restaurants livrés ou pour emporter, et collations sucrées ou salé
3Définie par les auteurs comme les stratégies d’adaptation orientées vers la résolution de problèmes, la régulation des émotions et le soutien social des parents.

Rédacteurs

Hélène Arguin
Marie-Ève Bergeron-Gaudin
Liliana Gomez
Élise Jalbert-Arsenault
Danielle Landry
Andréane Melançon
Louise Pouliott

Sous la coordination de
Julie Laforest, chef d’unité scientifique

Mise en page

Sarah Mei Lapierre

Équipe Périnatalité, petite enfance et santé reproductive
Unité Stratégies préventives et parcours de vie
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en périnatalité.