Veille analytique en périnatalité, juin 2023

Les articles présentés dans ce bulletin de veille analytique abordent différents aspects de la santé en contexte périnatal et de petite enfance.

Programmes, services et interventions

États-Unis — Effets d’un programme de visite à domicile chez les nouvelles mères en détresse psychologique

Contexte

Environ 15 % à 25 % des femmes vivent de la détresse psychologique pendant la période périnatale. Ces difficultés sur le plan de la santé mentale chez la mère peuvent avoir des répercussions sur la relation parent-enfant. Les programmes de visites à domicile s’adressant aux nouvelles mères en détresse psychologique pourraient soutenir les familles confrontées à des situations d’adversité.

Objectif et méthode

Cette étude examinait les effets d’un programme de visites à domicile (Promoting First Relationships/PFR) chez les nouvelles mères vivant de la détresse psychologique. La détresse psychologique a été évaluée par la présence de symptômes de dépression, d’anxiété, de colère, de stress post-traumatique ou de sensibilité interpersonnelle chez les femmes.

Un essai randomisé contrôlé a été mené auprès d’un échantillon de 252 dyades mère-enfant vivant dans un ménage à faible revenu. Les enfants avaient entre 6 et 12 semaines lors du recrutement. Les dyades mère-enfant ont été réparties au hasard en deux groupes, soit obtenant l’intervention PFR (N = 127) ou l’intervention contrôle (N = 125). Les participantes obtenant l’intervention PFR ont reçu des visites à domicile hebdomadaires pendant dix semaines par un professionnel de la santé mentale selon un curriculum dédié. Les participantes dans le groupe contrôle ont reçu de la documentation par la poste sur le développement de l’enfant et sur les pratiques parentales.

Quatre variables ont été étudiées dans cette étude, soit la sensibilité parentale, la confiance maternelle, la compréhension qu’a le parent de son enfant et les comportements d’extériorisation chez l’enfant. Les variables ont été étudiées à trois temps : en début de l’intervention (T1), immédiatement post-intervention (T2) et six mois après l’intervention (T3).

L’analyse primaire a été réalisée pour les groupes d’intervention et contrôle. Des analyses secondaires ont également été réalisées, selon le niveau de détresse psychologique des mères.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Les participantes du groupe d’intervention ont obtenu des scores significativement plus élevés concernant la sensibilité parentale et la compréhension de son enfant, aux temps T2 et T3, comparativement aux mères du groupe contrôle.
  • Les participantes du groupe d’intervention ont obtenu des scores significativement inférieurs pour les comportements d’extériorisation chez l’enfant au temps T3, comparativement aux femmes du groupe contrôle.
  • Enfin, l’intervention PFR a eu des effets plus importants sur la sensibilité parentale au temps T3 pour les participantes ayant un niveau élevé de détresse psychologique, comparativement à leurs homologues ayant un niveau faible de détresse psychologique.

Ainsi, les auteurs suggèrent que l’intervention PFR peut améliorer la relation parent-enfant en contexte périnatal auprès des mères de jeunes enfants vivant de la détresse psychologique.

Limites

Les auteurs identifient deux limites à cette étude. Tout d’abord, aucune mesure observationnelle du comportement de l’enfant n’a été utilisée. Ensuite, les auteurs soulignent que l’homogénéité de l’échantillon limite la généralisabilité des résultats.

Oxford, M. L., Hash, J. B., Lohr, M. J., Fleming, C. B., Dow-Smith, C. et Spieker, S. J. (2023). What works for whom? Mother's psychological distress as a moderator of the effectiveness of a home visiting intervention. Infant Mental Health Journal, 00, 1– 18. https://doi.org/10.1002/imhj.22050


États-Unis — Efficacité d’une intervention basée sur la mentalisation conçue spécifiquement pour les mères présentant un trouble de dépendance à une ou plusieurs substances

Contexte

La mentalisation est un processus par lequel nous interprétons le sens des actes des autres et de soi-même en termes d’états mentaux et d’intentionnalité. Lorsque nous sommes en présence d’une autre personne, nous nous représentons de façon cognitive, émotionnelle et même de manière somatique le lien relationnel que nous avons avec cette personne.

La capacité des mères à prodiguer des soins ajustés aux besoins de leur enfant tend à être plus appauvrie lorsqu’elles présentent un trouble de dépendance. De manière générale, les modèles traditionnels de traitement des dépendances aux substances ne considèrent pas les défis de la parentalité dans ce contexte. Cela constitue un enjeu puisque prodiguer des soins sensibles aux besoins de l’enfant est un prédicteur clé de leur développement, et encore davantage que ne l’est l’exposition prénatale à des substances. Les auteurs postulent qu’une plus grande capacité des mères aux prises avec un trouble de dépendance à la mentalisation de leur relation avec leur enfant serait susceptible d’améliorer leurs pratiques parentales et la qualité du lien avec leur enfant.

Objectif et méthodes

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’efficacité en milieu communautaire de l’intervention Mothering from the Inside Out (MIO), basée sur la mentalisation, à partir d’un essai randomisé. Une intervention de type psychoéducative (PE) a servi de comparaison dans l’évaluation de l’efficacité. Les deux interventions comprenaient 12 séances hebdomadaires consécutives de 60 minutes. Vingt‑deux conseiller(ère)s en dépendances ont été affecté(e)s à l’une des deux interventions (MOI c. PE) auprès de 94 mères inscrites à un traitement en dépendance et prenant soin d’un enfant âgé de 11 à 60 mois.

Les auteurs émettaient les hypothèses que les mères ayant participé à l’intervention MIO comparativement à l’intervention PE démontreraient une plus grande amélioration : a) dans leur capacité de mentalisation, b) de sensibilité dans les soins, c) dans la qualité des interactions avec leur enfant, et d) dans la qualité du lien d’attachement mère-enfant. Les auteurs émettaient comme autres hypothèses que les mères ayant participé à l’intervention MIO comparativement à l’intervention PE démontreraient une réduction plus importante : a) de leur détresse psychiatrique, b) de leurs symptômes de dépression, et c) de leur utilisation de substance entre le moment de leur entrée dans le traitement et le suivi post-traitement à 12 semaines.

Le Parental Reflective Functionning Questionnaire (PRFQ), le Curisosité Box Paradigm (CBP), le Strange Situation Procedure (SSP), le Beck Depression Inventory (BDI), le Brief Symptom Inventory (BSI), et un outil clinique maison, ont servi de mesures respectives de la capacité de mentalisation du parent, de la qualité des interactions parent-enfant, du niveau d’attachement sécurisé de l’enfant, des symptômes de dépression, des symptômes psychiatriques, et de l’utilisation de substance. La collecte des données a été menée du mois de janvier 2015 à décembre 2019.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Chez les mères ayant reçu l’intervention basée sur la mentalisation comparativement à celles ayant reçu l’intervention psychoéducative, on observe :

  • Une baisse dans leur capacité de mentalisation (résultat contraire aux effets attendus);
  • Une baisse de leurs symptômes de dépression (résultat dans le sens des effets attendus);
  • Une baisse de leurs symptômes psychiatriques (résultat dans le sens des effets attendus);
  • Une augmentation sur une seule dimension de la qualité de l’interaction mère-enfant (résultat marginal quant aux effets attendus).

Antérieurement, cette intervention, lorsque dispensée par des cliniciens-chercheurs, avait démontré des effets positifs sur la capacité de mentalisation des mères, sur les pratiques parentales des mères, ainsi que sur le niveau d’attachement sécurisé des enfants. L’essai de l’intervention en milieu communautaire n’a pas montré les mêmes effets.

Limites

Les auteurs relèvent que la taille de l’échantillon de participantes n’était peut-être pas suffisante pour bien détecter les effets de l’intervention. Celle-ci n’a peut-être pas été dispensée avec suffisamment de constance et de consistance par les conseillers en dépendance en raison de leur expérience limitée dans la dispensation d’interventions dédiées aux enfants et aux familles. Les mesures de la mentalisation et de la qualité de la relation parent-enfant étaient potentiellement non optimales pour mesurer ces deux construits.

Lowell, A. F., DeCoste, C., Dalton, R., Dias, H., Borelli, J. L., Martino, S., McMahon, T. J. et Suchman, N. E. (2023). Mothering from the Inside Out: Results of a community-based randomized efficacy trial testing a mentalization-based parenting intervention for mothers with addictions. Infant Mental Health Journal, 44, 142– 165. https://doi.org/10.1002/imhj.22043.

Habitudes de vie

Revue systématique —L’impact de la pandémie de COVID-19 sur la vaccination de routine pour les femmes enceintes et les enfants à l’échelle mondiale

Contexte

La vaccination systématique des femmes enceintes et des enfants est un mécanisme efficace pour diminuer la morbidité et la mortalité de ces populations. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) les programmes de vaccinations de routine permettent une planification fiable, opportune et durable de l’administration des vaccins, tant pour les personnes qui les administrent que pour celles qui les reçoivent, afin de garantir que chaque individu soit immunisé contre des maladies évitables. Le maintien de la couverture vaccinale est essentiel pour protéger les populations vulnérables et éviter des crises sanitaires. Toute diminution dans la couverture vaccinale représente un enjeu de santé publique; elle met à risque les individus vulnérables en les privant de l’immunité collective et induit des pressions supplémentaires sur les systèmes de santé.

Objectif et méthode

Cette revue avait pour objectif de comprendre l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les vaccinations de routine chez les femmes enceintes et les enfants de 0 à 5 ans. La couverture vaccinale, l’accès aux services de vaccination et la confiance envers la vaccination ont été examinés à l’échelle internationale et depuis le début de la pandémie.

Plusieurs bases de données ont été consultées pour effectuer une revue systématique des études quantitatives et mixtes. Trente études ont été incluses, dont vingt menées dans des pays à revenu élevé, sept dans des pays à faible revenu et trois études régionales. Vingt-neuf études portaient sur les vaccins de routine pour les enfants et deux études sur la vaccination pour les femmes enceintes. Une synthèse narrative des études sélectionnées a été réalisée. Selon le pays, les maladies visées et les vaccins inclus peuvent être différents.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • La pandémie de COVID-19 a entraîné une diminution de la couverture vaccinale chez les femmes enceintes et les enfants de 0 à 5 ans (jusqu’à -79 %) et cela, dans tous les contextes étudiés et pour tous les vaccins. Cette diminution ainsi que la faible couverture vaccinale préexistante dans les pays à faible revenu ont causé une accentuation des inégalités mondiales.
  • Bien qu’il manque de recherches sur la vaccination des femmes enceintes, celles existantes indiquent qu’il y a lieu de s’inquiéter (p. ex., baisse de la couverture vaccinale contre la coqueluche).
  • Bien que les différents pays aient poursuivi leurs calendriers de vaccination, tous les parents n’étaient pas au courant. Ce constat suggère l’importance d’envoyer des messages de santé publique clairs et de réfléchir à une allocation efficace des ressources.
  • Dans l’ensemble, il y a eu une diminution et des perturbations des services de vaccination par rapport à la période prépandémique à l’échelle internationale, ce qui a eu un impact sur l’accès aux services de vaccination :
    • Des réductions des heures d’activité et une augmentation de la durée des consultations liées aux services de vaccination ont été démontrées.
    • Des problèmes logistiques (p. ex., manque d’équipement de protection personnel, des perturbations à la chaîne d’approvisionnement en vaccins) ont également contribué à une baisse des taux de vaccination.
    • Les résultats suggèrent que les services de vaccination privés ou autofinancés ont connu des baisses plus importantes comparativement aux services publics.
    • Les services de proximité ont été affectés de manière disproportionnée par rapport aux autres services, notamment en raison de la pénurie de personnel.
  • Les changements au niveau de la confiance vis-à-vis des vaccins et des services de vaccination sont variables et non concluants.

Limites

Les auteurs soulignent qu’un seul chercheur a effectué la sélection d’articles et l’extraction de données. Afin de minimiser cette limitation, les cas incertains ont été discutés avec d’autres chercheurs expérimentés. Les études qualitatives n’ont pas été considérées dans cette revue. Quatre études identifiées lors de la recherche documentaire initiale n’étaient pas accessibles et deux études n’étaient pas traduites en anglais, ce qui a empêché leur inclusion et peut entraîner des limites sur le plan des données probantes disponibles.

Yunusa, A., Cabral, C. et Anderson, E. (2022) The impact of the Covid-19 pandemic on the uptake of routine maternal and infant vaccines globally: A systematic review. PLOS Glob Public Health 2(10): e0000628. https://doi.org/10.1371/journal.pgph.0000628

Santé pendant la grossesse

Revue intégrative — Expériences parentales de grossesse suite à une perte périnatale

Contexte

La perte périnatale est définie comme la perte d’une grossesse à tout moment avant ou pendant la naissance, ou le décès d’un nouveau-né au cours du premier mois de vie. Elle comprend la fausse couche (perte d’une grossesse avant 24 semaines de gestation), la mortinaissance (perte d’une grossesse après 24 semaines de gestation) et le décès néonatal (mort d’un nourrisson au cours des 28 premiers jours de vie). Quelles que soient les circonstances ou la durée de gestation, une perte périnatale peut être dévastatrice pour les parents et avoir un impact négatif sur les grossesses subséquentes.

Objectif et méthodes

L’objectif de cette revue intégrative de la littérature était d’explorer les expériences des parents en matière de grossesse suite à une perte périnatale antérieure afin d’aider les sages-femmes et les autres professionnels de la santé concernés à leur fournir un soutien et des soins optimaux. Pour ce faire, des recherches systématiques sur le sujet ont été effectuées dans sept bases de données électroniques, afin d’identifier des études primaires, révisées par les pairs et publiées en anglais du 1er janvier 2009 au 27 janvier 2023. À la suite d’un processus de tri standardisé, sept publications (quatre études qualitatives et trois études quantitatives) ont été jugées conformes aux critères de sélection et ont été incluses dans la revue. Une analyse thématique du contenu a été réalisée en extrayant les résultats pertinents de chacune des études, qui ont été réalisées en Turquie (une étude), au Royaume-Uni (trois études), au Canada (deux études) et en France (une étude).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

À la suite de l’analyse de contenu des sept études, deux thèmes ont été identifiés :

  1. Les besoins psychosociaux des parents endeuillés et les défis rencontrés;
  2. Le besoin de soins spécialisés et de soutien.

Au sujet des besoins psychosociaux et des défis rencontrés par les parents endeuillés, les études démontraient que :

  • Les symptômes de deuil complexe (comme la dépression et l’anxiété) étaient plus fréquents chez les femmes ayant des antécédents de perte périnatale;
  • L’anxiété était associée à un sentiment d’incertitude quant au bien-être de l’enfant lors de la grossesse suivante et à la crainte d’une perte récurrente, qui pouvait se poursuivre après la naissance de l’enfant;
  • Des inquiétudes sur la manière dont l’anxiété des parents pouvait affecter la relation avec leur enfant subséquent ou le bien-être de ce dernier étaient présentes;
  • Des disparités existaient entre les hommes et les femmes dans le processus de deuil et les façons d’y faire face. Certains parents trouvaient que leur relation de couple était renforcée lorsque la perte était vécue ensemble;
  • Certains hommes estimaient que leur deuil était moindre que celui de leur partenaire;
  • Des difficultés liées au lien d’attachement prénatal et à l’attachement pendant la grossesse suivante survenaient;
  • Le deuil pouvait se poursuivre pendant la grossesse suivante et persister au-delà et après la naissance de l’enfant;
  • Une culpabilité était ressentie par les femmes qui s’efforçaient de profiter de leur nouvelle grossesse tout en honorant la perte de leur bébé précédent.

Quant au besoin de soins spécialisés et de soutien pour les parents endeuillés pendant la grossesse suivant une perte périnatale, les résultats suggéraient : 

  • Le besoin de conseils médicaux plus pratiques sur la manière de se préparer physiquement à une grossesse subséquente;
  • L’importance d’un partage d’informations (p. ex., la cause de la perte périnatale) et d’un soutien émotionnel de la part des professionnels de la santé, des groupes de pairs et des partenaires pour fournir une réassurance et faire face à des émotions complexes;
  • La demande pour une surveillance accrue pendant la grossesse et un accès à des soins obstétricaux spécialisés;
  • La grande appréciation, par les parents, d’un suivi par des professionnels de la santé confiants et compétents, qui prodiguent des soins avec compassion. À l’inverse, l’absence de professionnels de la santé sensibles et compétents aggrave les émotions négatives complexes ressenties et rend encore plus difficile la transition vers la parentalité pour les parents endeuillés lors d’une grossesse ultérieure;
  • Que des opinions sociétales peu encourageantes et un manque de sensibilisation à l’importance de la perte périnatale entravaient l’adaptation des parents endeuillés à une grossesse subséquente.

En résumé, cette étude démontre que les parents qui expérimentent une grossesse à la suite d’une perte périnatale sont confrontés à des défis psychosociaux complexes, et ont besoin de soutien et de soins spécialisés. Selon les auteurs, le nombre d’études disponibles sur le sujet étant très limité, la poursuite des recherches s’avère essentielle.

Donegan, G., Noonan, M. et Bradshaw, C. Parents experiences of pregnancy following perinatal loss: An integrative review. Midwifery. Juin 2023;121:103673.

Développement de l'enfant

Canada — Liens entre le temps d’écran des jeunes enfants et leurs capacités de régulation émotionnelle en temps de COVID-19

Contexte

Le développement social et émotionnel des jeunes enfants, et plus précisément la capacité à réguler les émotions négatives comme la colère et la frustration, est une compétence associée entre autres à la socialisation et à la préparation à l’école. Plusieurs facteurs documentés influencent la régulation des émotions, et des hypothèses sont émises quant à une association entre l’usage des écrans et le développement de cette capacité. D’une part, l’usage des écrans laisserait moins de temps aux activités et aux interactions sociales qui favorisent l’apprentissage de la régulation des émotions. D’autre part, les jeunes enfants qui démontrent plus souvent des émotions négatives comme la colère et la frustration seraient plus à risque d’être exposés aux écrans. La situation pandémique ayant pu augmenter le temps d’utilisation des écrans chez les jeunes enfants, il est important d’en examiner les effets sur leurs capacités de régulation de la colère et de la frustration, ainsi que la direction de l’association s’il y a lieu.

Objectif et méthode

Cette étude longitudinale auprès de jeunes enfants examinait si le temps d’usage des écrans à 3,5 ans prédit l’expression de la colère et de la frustration à 4,5 ans, et inversement. L’hypothèse des auteurs était qu’il existe une association bidirectionnelle entre les deux variables.

L’échantillon était composé de 315 enfants canadiens, un sous-échantillon d’une étude longitudinale portant sur l’usage des médias pendant la pandémie de COVID-19. Deux temps de mesure ont été considérés : une première collecte de données a eu lieu au printemps 2020, lorsque les enfants avaient en moyenne 3,5 ans, et une deuxième un an plus tard. À chaque temps de mesure, les habitudes et la durée d’usage des écrans par les enfants étaient rapportées par le parent, ainsi que ses comportements de colère et de frustration. Le stress parental, la durée de sommeil de l’enfant ainsi que des données sociodémographiques comme le revenu du ménage ont également été colligés.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’hypothèse des auteurs a été partiellement supportée.

  • Les données révèlent un lien entre le temps d’écran et la régulation des émotions de colère et de frustration, mais cette association serait unidirectionnelle plutôt que bidirectionnelle. Plus la durée de l’usage des écrans à 3,5 ans augmente, plus l’enfant aurait une propension à la colère et à la frustration un an plus tard.
  • Le degré d’expression de ces émotions négatives à 3,5 ans ne serait pas prédicteur de la durée d’usage des écrans à 4,5 ans.
  • Le stress parental, la durée du sommeil de l’enfant, le niveau d’éducation des parents, leur statut matrimonial, ainsi que le revenu du ménage seraient des variables associées avec le temps d’écran et l’expression des émotions de colère et de frustration.
  • En raison de la portée de la régulation des émotions pour la trajectoire de vie de l’enfant, les chercheurs soulignent l’importance d’informer les parents et de les aider dans l’encadrement de l’usage des écrans de leurs tout-petits.

Limites

Quatre limites de l’étude sont évoquées par les auteurs. D’abord, les données s’appuient uniquement sur la perception du parent. L’échantillon plutôt homogène pourrait limiter la généralisation des résultats. Le degré d’isolement social et d’autres variables en lien avec l’apprentissage de la régulation des émotions n’ont pas été mesurés. Enfin, les auteurs mentionnent que les modalités d’usage des écrans, comme le type de contenu, n’ont pas été pris en compte.

Fitzpatrick, C., Binet, M.-A., Harvey, E., Barr, R., Couture, M. et Garon-Carrier, G. (2023). Preschooler screen time and temperamental anger/frustration during the COVID-19 pandemic. Pediatric Research. https://doi.org/10.1038/s41390-023-02485-6.

Parentalité

États-Unis – La santé mentale des parents d’enfants de 0 à 5 ans pendant la pandémie de COVID-19

Contexte

Des difficultés sur le plan de la santé mentale chez les parents d’enfants de 0 à 5 ans constituent un facteur de risque pour les tout-petits de présenter des problèmes de développement, notamment sur le plan des émotions et des comportements. Les facteurs de risque socioéconomiques, psychologiques et familiaux de présenter des difficultés sur le plan de la santé mentale chez les parents de jeunes enfants sont connus. Toutefois, les études sur ces facteurs sont principalement menées chez des populations à risque. Le contexte de la pandémie de COVID-19 ayant introduit plusieurs nouveaux facteurs de risque sur le plan de la santé mentale chez les parents d’enfants de 0 à 5 ans, il représente une occasion d’analyser plus finement les trajectoires de santé mentale d’une population hétérogène de parents. Plus précisément, il permet d’observer la relation entre des facteurs de risque préexistants à la COVID-19 (p. ex., être monoparental, avoir un faible revenu) et l’ajout de facteurs de risque propres au contexte de la pandémie (p. ex., anxiété liée au contexte général, perte d’accès aux services de garde).   

Objectif et méthodes

Cette étude longitudinale américaine avait pour objectif d’établir diverses trajectoires observables en lien avec la santé mentale des parents, en contexte de COVID-19. L’hypothèse était que le cumul des facteurs de risque pré-COVID-19 serait associé à une trajectoire de santé mentale marquée par la présence importante de difficultés sur le plan de la santé mentale, qui augmenteraient dans le temps. L’étude visait ultimement à identifier, parmi les facteurs de risque propres à la COVID-19, ceux qui étaient associés aux trajectoires de santé mentale plus problématiques.

La période de COVID-19 considérée s’échelonne d’avril à novembre 2020. Les données ont été recueillies par sondage. Cinq temps de mesure ont été considérés pour l’analyse. L’échantillon de 8390 familles était un échantillon de convenance, mais un effort a été fait afin que des familles de différents profils culturels et celles à faible revenu soient représentées. Un sous-échantillon de 3085 familles ayant fourni des données à au moins trois temps de mesure a été considéré pour l’analyse, de manière à réduire l’impact des données manquantes de l’échantillon initial. Deux outils de mesure ont été utilisés. D’une part, un outil d’autoévaluation de la santé mentale portant sur la dépression, l’anxiété, le stress et la solitude a été administré; la santé mentale prépandémie a été évaluée rétrospectivement. D’autre part, un questionnaire a permis de recueillir les données sur les facteurs de risque présents avant et pendant la COVID-19.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • En moyenne, les parents d’enfants de 0 à 5 ans ont vécu une augmentation des difficultés sur le plan de la santé mentale durant la pandémie de COVID-19.
  • Quatre trajectoires de santé mentale ressortent de l’analyse : 1) les parents qui ont présenté peu de difficultés sur le plan de la santé mentale, de façon stable dans le temps (72,29 % de l’échantillon); 2) les parents dont les difficultés sur le plan de la santé mentale ont connu une augmentation (15,75 %); 3) les parents dont les difficultés sur le plan de la santé mentale ont été importantes de façon chronique (10,02 %) et 4) les parents qui ont vu leurs difficultés sur le plan de la santé mentale diminuer (1,95 %).
  • Les facteurs de risque pré-COVID-19 sont plus nombreux chez les parents qui ont des difficultés importantes sur le plan de la santé mentale de façon chronique que chez ceux connaissant une augmentation de ces difficultés pendant la période analysée.
  • Les facteurs de risque pré-COVID-19 sont plus nombreux chez les parents qui ont connu une augmentation des difficultés sur le plan de la santé mentale que chez les parents ayant présenté peu de ces difficultés, de façon stable.
  • La pression financière est associée à une trajectoire en augmentation des difficultés sur le plan de la santé mentale, qu’elle soit en lien ou non avec une diminution du travail ou une perte d’emploi.
  • La perte d’accès à un service de garde est également associée à une trajectoire en augmentation des difficultés.
  • L’augmentation des conflits familiaux, quant à elle, est associée à la fois à la trajectoire en augmentation des difficultés et des difficultés importantes de façon chronique.
  • Le manque d’accès aux soins de santé n’est pas associé à une trajectoire plutôt qu’à une autre. En d’autres mots, ce facteur de risque ne semble pas lié de façon significative à plus ou moins de difficultés sur le plan de la santé mentale.

Limites

Les auteurs mentionnent certaines limites : 1) la mesure de la santé mentale n’inclut pas tous les indicateurs possibles de cet aspect de la santé, comme la consommation de substances et les idées suicidaires, ou encore les antécédents de trouble de santé mentale; 2) l’étude s’appuie sur un échantillon de convenance, ce qui réduit le potentiel de généralisation; 3) les répondants sont majoritairement des mères, ce qui diminue la généralisation possible aux pères; 4) les méthodes d’analyse person-oriented comme celles utilisées dans cette étude sous-tendent des limites en elles-mêmes, comme celles d’induire des trajectoires qui pourraient ne pas se maintenir à plus long terme. Par exemple, la trajectoire des difficultés en augmentation pourrait en fait se stabiliser dans le temps et rejoindre celle des difficultés importantes de façon chronique.

Zalewski, M., Liu, S., Gunnar, M., Lengua, L. J., et Fisher, P. A. (2023). Mental-health trajectories of U.S. parents with young children during the COVID-19 pandemic: A universal introduction of risk. Clinical Psychological Science, 11(1), 183‑196. https://doi.org/10.1177/21677026221083275

Rédacteurs

Hélène Arguin
Stéphani Arulthas
Émilie Audy
Marie-Ève Bergeron-Gaudin
Liliana Gomez-Cardona
Andréane Melançon
Louise Pouliott

Sous la coordination de
Julie Laforest, chef d’unité scientifique

Mise en page
Marie-Cloé Lépine

Équipe Périnatalité, petite enfance et santé reproductive
Unité Santé et bien-être des populations
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en périnatalité.