Veille analytique en périnatalité, juin 2022

Les articles présentés dans ce bulletin de veille analytique abordent différents aspects de la santé en contexte périnatal et de petite enfance.

Programmes, services et interventions

États-Unis — Effets des programmes en petite enfance sur la réduction de la judiciarisation juvénile

Contexte

Les évènements impliquant les jeunes et le système judiciaire, comme les interpellations ou les arrestations policières, entraînent des coûts humains et financiers importants. Le petit poids à la naissance est l’un des facteurs de risque dans les comportements de délinquance observée à l’adolescence.
Plusieurs recherches ont démontré que certains programmes mis en place durant la petite enfance favorisent la diminution à long terme des risques de judiciarisation juvénile. Le programme Infant Health and Development Program (IHDP) vise à améliorer le développement des enfants de faible poids à la naissance et nés prématurément. Le programme comporte des visites à domicile hebdomadaires de 0 à 1 an de vie de l’enfant, puis toutes les deux semaines de 2 à 3 ans, un programme éducatif de haute qualité dans un centre de la petite enfance (5 jours par semaine de 2 à 3 ans de vie de l’enfant) et des groupes de discussion pour les parents.

Objectif et méthode

Cette étude visait à évaluer les effets du programme IHDP sur les risques de judiciarisation juvénile et l’apport significatif de deux de ses composantes, soit les visites à domicile et le programme éducatif. Les auteurs ont utilisé les données de 705 enfants nés prématurément et avec un petit poids de naissance. La première collecte avait lieu à 40 semaines d’âge gestationnel, puis s’est répétée à 1, 2, 3, 5, 8 et 18 ans.

Les enfants et leur famille étaient répartis aléatoirement dans le groupe contrôle ou dans le groupe intervention. Tous les enfants recevaient un examen pédiatrique à 3 ans, et les familles étaient dirigées vers des services communautaires lorsque nécessaire. Les familles participant à l’intervention IHDP, mais pas celles du groupe contrôle, pouvaient bénéficier de visites à domicile et du programme éducatif de haute qualité.

Les chercheurs ont calculé, pour chaque enfant, le nombre de visites à domicile reçues, ainsi que le nombre de jours de fréquentation du programme préscolaire. Ils ont également mesuré, comme variables dépendantes dichotomiques, l’expérience vécue par ces enfants avec le système judiciaire jusqu’à l’âge de 18 ans, soit : 1) avoir été questionné par la police; 2) avoir été arrêté par la police; et 3) avoir vécu un séjour en prison ou en centre de détention juvénile.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Plusieurs associations significatives sont observées entre la participation au programme IHDP, ou à l’une ou l’autre de ses composantes, et la diminution de la judiciarisation juvénile.

Concernant les effets du programme :

  • Les garçons dont les familles ont bénéficié du programme ont 57 % moins de risque d’avoir été arrêtés par la police que les garçons du groupe contrôle. Une telle association n’est pas observée chez les filles ni lorsque les deux sexes sont combinés.

Concernant les effets de chacune des composantes :

  • La participation au programme éducatif de qualité diminue le risque d’avoir été questionné par la police, lorsque les résultats des garçons et des filles sont combinés. Chaque mois supplémentaire de service réduit ce risque de 3 %.
  • Seulement chez les garçons, chaque mois supplémentaire d’éducation préscolaire et de visite à domicile réduit de 4 % chacun le risque d’avoir été arrêté par la police.

Ces résultats suggèrent que les impacts d’interventions précoces comme les visites à domicile, combinées à une éducation préscolaire de qualité, peuvent perdurer dans le temps et diminuer les risques de judiciarisation juvénile chez des enfants présentant des facteurs de risque comme le petit poids à la naissance.

Limites

Les auteurs soulignent deux limites principales à leur étude. Dans un premier temps, les méthodes statistiques et l’approche utilisée ne permettent pas d’établir une relation de cause à effet. Deuxièmement, et malgré le fait que le nombre de participants à 18 ans soit similaire dans les deux groupes, les mécanismes d’attrition pourraient avoir différé entre le groupe intervention et le groupe contrôle, ce qui aurait pu entraîner de légers biais dans les résultats.

Petitclerc, A., & Brooks-Gunn, J. (2022). Home Visiting and Early Childhood Education for Reducing Justice System Involvement. Prevention Science.

Australie — Changements dans les soins pré- et périnataux entraînés par la pandémie de COVID-19 : aspects positifs perçus par les femmes

Contexte

Partout dans le mode, la pandémie de COVID-19 a entraîné des changements nombreux et rapides dans les soins apportés aux femmes enceintes et offerts dans les maternités afin de prévenir les infections. Plusieurs études ont rapporté les effets négatifs de ces changements. Il existe cependant peu d’études sur les impacts positifs.

Objectif et méthode

La présente étude visait à mieux comprendre les effets positifs des changements entraînés par la COVID-19, en Australie, tant dans les soins prénataux que dans ceux entourant la naissance, du point de vue des femmes. Pour ce faire, une analyse de contenu a été réalisée à partir des réponses aux questions ouvertes de l’enquête australienne Birth in the time of COVID-19.

Les participantes à l’enquête devaient être des adultes vivant en Australie, avoir accouché à partir de mars 2020, pouvoir écrire et parler l’anglais et être en mesure de répondre au questionnaire d’enquête en ligne. Les questions ciblées insistaient sur les expériences positives liées aux changements dans les soins en raison de la pandémie, et les réponses qui n’en rapportaient aucune n’ont pas été considérées dans l’analyse de contenu. Au total, 1676 réponses ont été retenues : 635 réponses de femmes enceintes et 1021 réponses de femmes en postpartum.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les aspects positifs entraînés par la COVID-19 ont été regroupés en deux grandes catégories, selon qu’ils ont été liés aux soins ou au contexte.

Facteurs positifs liés aux soins :

Appréciation de certains changements obligatoires dans les politiques de soins :

  • Diminution du nombre de visiteurs à la suite de la naissance, favorisant ainsi l’attachement et l’allaitement (facteur positif ayant été rapporté par le plus grand nombre de femmes en postpartum);
  • Meilleur accès à des téléservices et ressources de santé en mode virtuel, comme des cours de préparation à l’accouchement ou des lignes de soutien (facteur positif rapporté le plus souvent par les femmes enceintes et deuxième facteur rapporté le plus fréquemment par les femmes en postpartum).

Appréciation et meilleur accès à certains modèles de soins spécifiques :

  • Offre d’une alternative (glucose sanguin à jeun) au test de tolérance au glucose traditionnel;
  • Continuité des soins et du personnel soignant;
  • Possibilité de choisir d’accoucher à la maison et d’avoir une sage-femme au privé.

Facteurs positifs liés au contexte :

Facteurs liés à un meilleur soutien :

  • Meilleur soutien du partenaire qui travaillait à domicile;
  • Personnel de la santé attentionné et offrant du soutien;
  • Personnel de la santé plus attentif aux enjeux de santé mentale.

Facteurs apaisants :

  • Possibilité pour plusieurs femmes de travailler à domicile;
  • Meilleure attention aux mesures d’hygiène chez l’ensemble de la population.

Limites

Les auteures mentionnent plusieurs limites, notamment : l’absence de données démographiques sur les participantes; le fait qu’on ne sache pas si elles étaient primipares ou multipares ou que l’enquête ait inclus uniquement des femmes anglophones. Par ailleurs, les auteurs signalent que les questions posées visaient à cibler les expériences positives, ce qui a pu entraîner un biais, les participantes ayant peut-être modifié leurs réponses afin de mieux les adapter aux questions. 

Kluwgant, D., Homer, C., & Dahlen, H. (2022). « Never let a good crisis go to waste » : Positives from disrupted maternity care in Australia during COVID-19. Midwifery, 110, 103340.  

Inégalités sociales de santé

États-Unis — Initiation à l’allaitement différenciée selon l’ethnicité chez les mères participant au programme WIC

Contexte

Depuis 2014, les États-Unis atteignent leur objectif national d’initiation à l’allaitement, avec un taux de 81,9 %. Il existe cependant des disparités dans le taux d’initiation à l’allaitement et, de ce fait, l’atteinte de cet objectif diffère selon l’appartenance ethnique des mères. Selon les auteurs, la classification fédérale de la race et de l’ethnicité serait toutefois problématique puisqu’elle amalgame sous le libellé de « Black American » tant les Afro-Américains que les populations noires issues de l’immigration. En raison de ce manque de précision, des interventions pourraient mal cibler les populations et des opportunités d’augmenter les taux d’allaitement pourraient être perdues.

Objectif et méthode

L’objectif de cette étude était de quantifier les différences dans les taux d’initiation à l’allaitement entre les différentes populations ethniques et raciales. Pour l’exercice, les auteurs ont catégorisé les femmes noires n’étant pas d’origine hispanique et parlant anglais comme « Afro-Américaines », et les femmes noires qui n’étaient pas d’origine hispanique et qui parlaient une autre langue que l’anglais à la maison ont été classifiées sous la catégorie « personnes noires issues de l’immigration ».

Les données de l’étude sont tirées de rencontres de routines effectuées dans le cadre du Special Supplemental Nutrition Program for Women, Infants and Children (WIC) dans le district de Colombia aux États-Unis. Les données de 38 142 femmes primipares ayant accouché d’un seul bébé, entre 2007 et 2019, ont été analysées.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Au sein de cet échantillon, composé de femmes afro-américaines (74,8 %), hispaniques (16,9 %), noires issues de l’immigration (6,0 %) et blanches non hispaniques, le taux moyen d’initiation à l’allaitement est de 48,6 %.
  • Le taux d’initiation à l’allaitement est le plus élevé chez les femmes d’origine hispanique (77,7 %), suivies des femmes noires issues de l’immigration (69,6 %), puis chez les femmes blanches non hispaniques (60,9 %) et finalement, chez les femmes afro-américaines (39,9 %).
  • Comparativement aux femmes afro-américaines, les femmes d’origine hispanique ont 5,8 fois plus de chance et les femmes noires issues de l’immigration 2,7 fois plus de chance d’initier l’allaitement.
  • Une augmentation significative du taux d’initiation à l’allaitement est observée entre 2007 et 2019. Toutefois, les disparités entre les groupes ethniques et raciaux persistent et les femmes afro-américaines présentent chaque année le plus faible taux d’initiation à l’allaitement.

La différence dans les taux d’initiation à l’allaitement est importante, notamment entre les femmes afro-américaines et les femmes noires issues de l’immigration. Selon les auteurs, une distinction dans la classification pourrait être pertinente afin de mieux cibler les interventions et les politiques pour améliorer les taux d’allaitement.

Limites

Les auteurs évoquent certaines limites à cette étude. Un biais lié à l’autodéclaration est à considérer puisque les femmes allaitantes recevaient une aide alimentaire supplémentaire alors que les femmes qui n’allaitaient pas recevaient des bons pour les préparations commerciales pour nourrissons. Finalement, utiliser la langue parlée à la maison pour distinguer la population noire issue de l’immigration peut avoir mené à une sous-estimation de cette population, puisque les immigrantes noires peuvent provenir de pays où l’anglais est parlé.

Roess, A. A., Robert, R. C., Kuehn, D., Ume, N., Ericson, B., Woody, E., Vinjamuri, S., & Thompson, P. (2022). Disparities in Breastfeeding Initiation Among African American and Black Immigrant WIC Recipients in the District of Columbia, 2007–2019. American Journal of Public Health, 112(4), 671‑674.


Habitudes de vie

Québec — 1000 jours pour savourer la vie de la Fondation Olo : évaluation des effets sur les comportements alimentaires des familles

Contexte

Depuis 1991, l’intervention Olo consistait en un suivi nutritionnel, qui incluait la remise de coupons pour des aliments (œufs, lait, jus d’orange1) et de suppléments de vitamines et de minéraux, auprès des femmes enceintes vivant sous le seuil de faible revenu. En 2013, la Fondation Olo a déployé une intervention élargie, dans tous les établissements membres, qui visait le développement des habiletés alimentaires et l’adoption de saines habitudes alimentaires par les familles.

L’intervention, sous l’intitulé « 1000 jours pour savourer la vie  »2, ciblait trois comportements : bien manger, cuisiner à la maison et manger en famille. Cette intervention incluait, en plus des activités déjà en place, un suivi prolongé jusqu’aux deux ans de l’enfant, et l’accès à des rencontres de groupes et à une diversité d’outils développés pour les parents vulnérables (recettes, outil de planification des repas, assiette pour enfant, pot de lait, livres).

Objectif et méthode

L’intervention a fait l’objet d’une évaluation des processus, de son implantation et de ses effets sur les comportements alimentaires des familles. Ce résumé se concentre sur l’évaluation des effets de l’intervention chez les participantes à « 1000 jours », notamment sur l’adoption des trois comportements ciblés (c.-à-d. : bien manger, cuisiner et manger en famille).

Trois sondages téléphoniques ont été réalisés entre décembre 2016 et mars 2018, auprès de 430 femmes enceintes admises à l’intervention Olo, dans 31 établissements répartis partout au Québec. Ces sondages avaient lieu lors de leur inscription à Olo (T0), 10 à 11 mois plus tard (T1), et 24 mois après le premier appel (T2). Les sondages incluaient, entre autres, des questions sur les caractéristiques sociodémographiques des participantes et sur plusieurs variables associées aux trois comportements ciblés. Les effets ont été estimés par la comparaison des réponses des participantes entre T0 et T2.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les femmes démarraient leur participation à l’intervention « 1000 jours » en moyenne à leur 20e semaine de grossesse. Un peu plus d’une femme sur trois (37 %) bénéficiait également d’un suivi SIPPE3, 26 % sont nées à l’extérieur du pays, 67 % vivent en couple et 72 % des ménages incluaient un enfant de moins de 18 ans, avant la grossesse en cours.

Parmi les participantes, 94 % estiment qu’une épicerie, un supermarché ou tout autre type de commerce offrant des légumes et des fruits sont accessibles à une distance raisonnable de leur domicile. Or, une mesure objective indique plutôt que 40 % n’ont aucun accès à l’un de ces commerces dans un rayon de 1000 m du domicile.

L’évaluation des trois comportements alimentaires ciblés entre T0 et T2 révèle qu’après 24 mois dans l’intervention, les participantes ont :

  • grignoté moins souvent entre les repas;
  • mangé moins souvent la même chose plusieurs jours de suite (indicateur de la monotonie alimentaire);
  • consommé plus souvent des légumes;
  • préparé plus souvent une liste d’épicerie;
  • pris plus souvent le repas en famille.

Cependant, elles ont également :

  • sauté plus souvent des repas et, conséquemment, mangé moins de repas par jour;
  • consommé moins souvent des fruits, des produits laitiers et des produits céréaliers.

Bien qu’aucun profil général de participantes n’ait pu être associé à l’ensemble des comportements évalués, certaines caractéristiques sont associées à des effets particuliers :

  • La présence d’enfants dans le ménage est associée à la préparation d’une liste d’épicerie, au nombre de repas pris par jour et à la diversification de l’alimentation;
  • L’augmentation du nombre de repas en famille est plus importante chez les mères sans conjoint et chez les mères primipares;
  • Les femmes immigrantes sont plus nombreuses à avoir adopté la prise de trois repas par jour, mais aussi à avoir diminué leur consommation de produits laitiers;
  • L’accessibilité perçue ou objective à un commerce alimentaire est associée à une augmentation de la consommation de légumes et fruits.

Selon les auteurs, malgré quelques constats plus surprenants, l’amélioration générale des comportements alimentaires observée dans cette évaluation est encourageante et invite à poursuivre les efforts d’implantation de l’intervention « 1000 jours » au sein des établissements membres.

Limites

Les auteurs soulignent plusieurs limites à cette évaluation, dont celle, majeure, de ne pas avoir de groupe témoin permettant d’attribuer les effets observés à la seule intervention « 1000 jours ». Les changements de comportements observés pourraient donc être dus à d’autres facteurs sans lien direct avec l’intervention, dont la grossesse des participantes en elle-même.

Par ailleurs, la collecte de données a été menée par sondage téléphonique, ouvrant la porte à de possibles biais de mémoire et de désirabilité sociale. L’intervention n’a pas été implantée de manière équivalente d’un établissement à l’autre. Finalement, les participantes à l’évaluation n’étaient pas tout à fait représentatives de la clientèle Olo dans son ensemble, en étant plus instruites, proportionnellement plus nombreuses à être immigrantes récentes et moins nombreuses à bénéficier du programme SIPPE.

Leclerc, B.-S., Mahmoudi, L., Noun, M., Roy, M.-J., & Mefrouche, R. (2020). Évaluation de l’approche « 1000 jours pour savourer la vie » de la Fondation Olo (116 p.). Centre de recherche et de partage des savoirs InterActions, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal.

Revue systématique — Les effets de l’exposition prénatale au tabac sur le développement langagier

Contexte

Plusieurs données probantes montrent que la consommation de tabac durant la grossesse peut causer des effets négatifs sur la santé de la mère et du fœtus. Notamment, l’exposition anténatale aux composés chimiques du tabac peut influencer le développement cognitif de l’enfant, dont l’acquisition du langage.

Objectif et méthode

La méthode de revue systématique a été choisie par les auteurs pour explorer le lien entre la consommation de tabac chez la mère ou l’exposition anténatale au tabac et le développement du langage pendant la petite enfance. Les articles publiés entre 2000 et 2020 ont été examinés.

La recherche documentaire s’est appuyée sur deux stratégies, soit la consultation de deux bases de données bibliographiques et le repérage d’articles pertinents dans les listes de références d’articles déjà identifiés. Quatre critères ont servi à la sélection des articles : les études devaient : 1) être réalisées chez les humains; 2) examiner l’exposition prénatale au tabac ou à la nicotine; 3) inclure une mesure de la nicotine pendant la grossesse ou à six mois (maximum) en postpartum; 4) inclure une mesure spécifique du langage (ex. : quotient verbal, compréhension du langage, mémoire verbale, fluidité verbale, développement langagier). La qualité scientifique des articles inclus dans la revue systématique a été évaluée.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

La majorité des études (13/14, 93 %) incluses dans la revue indiquent un lien significatif entre l’exposition prénatale au tabac et une performance langagière réduite chez les enfants en bas âges. Plus précisément :

  • Huit des treize études rapportent un lien direct et significatif entre l’exposition prénatale au tabac et une performance langagière réduite chez les enfants en bas âges.
  • Cinq des treize études rapportent un lien indirect et significatif entre l’exposition prénatale au tabac et une performance langagière réduite chez les enfants en bas âges. Dans ces études, une partie de l’effet de l’exposition prénatale au tabac sur la performance langagière des enfants est expliquée par le quotient intellectuel, le statut socioéconomique et l’âge de la mère.

Limites

Les auteurs relèvent trois limites principales à leur revue systématique. Ils indiquent que leur revue n’incluait que les articles dont le texte entier était disponible en ligne et rédigé en anglais, de telle sorte que des études pertinentes à l’analyse ont peut-être été omises. Ils soulignent aussi comme troisième limite que seulement deux bases de données bibliographiques ont été consultées.

Peixinho, J., Toseeb, U., Mountford, H. S., Bermudez, I., & Newbury, D. F. (2022). The effects of prenatal smoke exposure on language development—a systematic reviewInfant and Child Development, e2331. 


Santé mentale

Revue systématique et méta-analyse — Promouvoir la santé mentale des parents ayant de jeunes enfants à l’aide d’interventions de cybersanté

Contexte

La cybersanté est un domaine émergeant axé sur la prestation de services et d’information sur la santé à partir du Web, d’appareils mobiles ou de la téléconsultation. Des interventions en cybersanté fondées sur des données probantes ont été développées pour la prévention et le traitement de la dépression et de l’anxiété, souvent avec des impacts importants sur la clientèle desservie. Ces résultats prometteurs mettent en évidence le grand potentiel des interventions en cybersanté, en particulier à la suite des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale des parents ayant de jeunes enfants.

Objectif et méthode

La présente étude est une revue systématique et une méta-analyse sur l’efficacité des interventions en cybersanté pour promouvoir la santé mentale chez les parents ayant de jeunes enfants (1 à 5 ans). Plus précisément, l’étude a pour objectifs : (1) d’analyser l’effet des interventions en cybersanté sur le stress et les problèmes de santé mentale des parents, tel que les symptômes d’anxiété et de dépression, et (2) d’identifier les facteurs qui modèrent l’ampleur de ces effets. Les facteurs modérateurs étudiés comprennent les caractéristiques sociodémographiques des parents, les caractéristiques de l’intervention, ainsi que la qualité des études.

Une recherche dans cinq bases de données a été menée, depuis leur date de création jusqu’en juillet 2020. Les essais (avec groupe de contrôle ou non) ont été inclus dans la revue s’ils rapportaient l’évaluation d’une intervention en cybersanté, et des résultats en lien avec le stress ou les problèmes de santé mentale, soit par autodéclaration ou par diagnostic clinique, chez des parents ayant des enfants âgés de 1 à 5 ans. Les études retenues ont été soumises à une évaluation de la qualité. La méta-analyse des données a été menée à partir d’un modèle à effets aléatoires. Pour quantifier l’effet de l’intervention sur le stress et les problèmes de santé mentale des parents, les différences des moyennes standardisées (DMS)4 ont été agrégées. Des métarégressions ont été utilisées pour tester le rôle des facteurs modérateurs.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Au total, 38 études (N = 4 360 parents) documentant 34 différentes interventions provenant de 13 pays (47,4 % des États-Unis) ont été incluses dans la revue systématique et méta-analyse.

  • Les interventions en cybersanté sont associées à une meilleure santé mentale chez les parents (DMS global = 0,368);
  • Ces interventions ont un effet moyen sur les symptômes d’anxiété (DMS = 0,533), ainsi qu’un effet faible à moyen sur les symptômes de dépression (DMS = 0,379) et sur le stress parental (DMS = 0,341);
  • Les caractéristiques sociodémographiques des parents et les caractéristiques de l’intervention ne semblent pas affecter l’efficacité des interventions selon les analyses.

Compte tenu de leur efficacité, les auteurs suggèrent l’intégration des interventions en cybersanté dans les services de première ligne pour soutenir les parents qui souffrent de stress de niveau faible à modéré ou de problèmes de santé mentale. Des services plus intensifs peuvent être ajoutés aux services de base (par exemple, la thérapie en présentiel, l’orientation vers un psychiatre), lorsque nécessaire.

Limites

Les auteurs identifient certaines limites à cette étude. Tout d’abord, il est impossible de tirer des conclusions sur l’efficacité des interventions en cybersanté à long terme sur la santé mentale des parents puisque seulement des données pré- et post-intervention sont disponibles. De plus, les résultats des études se limitent à l’autodéclaration par les parents de symptômes associés à des problèmes de santé mentale. Les études incluses ciblaient uniquement les parents âgés de 18 ans ou plus. La majorité des études comportent une proportion importante de participants d’origine européenne, limitant ainsi la généralisation des résultats à d’autres groupes ethniques. Enfin, les auteurs suggèrent la possibilité d’un biais de publication.

MacKinnon, A. L., Silang, K., Penner, K., Zalewski, M., Tomfohr-Madsen, L., & Roos, L. E. (2022). Promoting Mental Health in Parents of Young Children Using eHealth Interventions: A Systematic Review and Meta-analysis


Parentalité

Portugal — Liens entre les aptitudes d’autocompassion des mères en postpartum et l’attachement mère-enfant : une étude longitudinale en période de pandémie de COVID-19

Contexte

Durant la pandémie de COVID-19, les stratégies de mitigation du risque de contagion (ex. : restriction des visites en milieu obstétrical, distanciation sociale, mesures d’isolement) ont pu avoir un impact négatif sur l’ajustement psychologique des mères en postpartum et sur l’attachement mère-enfant. Plusieurs études réalisées durant cette période ont d’ailleurs relevé une augmentation des symptômes de stress, d’anxiété et de dépression, pouvant s’étendre à 82,5 % des femmes pendant la grossesse et le postpartum. Il est reconnu que l’attachement affectueux d’une mère à son enfant diminue le risque de stress parental et de psychopathologie chez l’enfant. L’autocompassion5 réduit, pour sa part, le stress parental et augmente la parentalité consciente6 qui, elle-même, améliore les habiletés parentales et l’attachement avec l’enfant.

Objectif et méthode

L’objectif de cette étude était d’analyser longitudinalement l’association entre l’autocompassion et l’attachement mère-enfant, et d’explorer le rôle médiateur de la parentalité consciente et du stress parental dans cette association.

Les participantes à cette étude étaient des mères portugaises de plus de 18 ans, ayant au moins un enfant de 0 à 12 mois. Elles ont été recrutées en ligne, à partir d’une page Facebook et de forums sur la parentalité et la santé mentale. La première collecte de données (T1) a été réalisée entre le 30 avril et le 21 mai 2020, en période de restrictions majeures en raison de la COVID-19; la seconde collecte de données (T2) a été faite entre le 25 juin et le 22 juillet 2020, lors du retour à une vie normale. Tous les questionnaires utilisés avaient déjà été validés. En plus des comparaisons faites entre T1 et T2, un modèle statistique a été développé pour prédire l’attachement mère-enfant à T2.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Sur un échantillon de 567 mères ayant participé à T1, 125 ont complété l’étude à T2. Les mères ayant participé à T2 avaient un niveau d’éducation et un revenu plus élevés, ainsi qu’un niveau d’autocompassion et un attachement mère-enfant plus faibles que les non-participantes.

On a trouvé des symptômes cliniquement significatifs d’anxiété et/ou de dépression chez 29,6 % des mères à T1 et chez 27,2 % à T2. Un niveau d’éducation élevé de la mère était associé à un stress parental plus élevé et à des niveaux plus faibles de parentalité consciente et d’attachement mère‑enfant. Une parité élevée était également associée à un attachement mère-enfant réduit. Tant à T1 qu’à T2 :

  • le niveau d’autocompassion était associé à un niveau plus élevé d’attachement mère-enfant et de parentalité consciente, et à des niveaux plus faibles de stress parental et de symptômes anxieux et dépressifs;
  • le niveau de parentalité consciente était associé à un niveau plus élevé d’attachement mère-enfant ainsi qu’à des niveaux plus faibles de stress parental et de symptômes anxieux et dépressifs;
  • le stress parental était associé à un niveau plus élevé de symptômes anxieux et dépressifs, et à un niveau plus faible d’attachement mère-enfant;
  • les symptômes anxieux et dépressifs étaient associés à un niveau plus faible d’attachement mère-enfant.

Globalement, un niveau plus élevé d’autocompassion à T1 prédisait un attachement mère-enfant plus fort à T2, et cette relation était médiée par un niveau plus élevé de parentalité consciente et un niveau plus faible de stress parental (tous deux évalués à T1). Ces résultats soulignent la pertinence de l’autocompassion des mères pour établir l’attachement mère-enfant dans la période postpartum, pendant la pandémie de COVID-19, et le rôle important de la parentalité consciente et du stress parental dans la détermination de cet attachement.

Limites

Les auteurs soulignent plusieurs limites à cette étude. D’abord, les mesures à deux points dans le temps plutôt qu’à de multiples moments ne permettaient pas de statuer sur un lien de causalité entre les mesures. Le recrutement par Internet pouvait être une source de biais de sélection et l’utilisation de questionnaires autoadministrés pouvait générer un biais de désirabilité sociale. La généralisation des résultats est limitée par le niveau d’éducation et de revenu élevés des mères. De plus, plusieurs variables (ex. : tempérament de l’enfant) n’ont pas été contrôlées et l’étude n’incluait pas les pères.

Fernandes, D. V., Canavarro, M. C., & Moreira, H. (2022). Self-compassion and mindful parenting among postpartum mothers during the COVID-19 pandemic: The role of depressive and anxious symptoms. Current Psychology.

Revue systématique et méta-analyse — Effet du contact peau à peau père-enfant après la naissance

Contexte

La lumière, le bruit et les procédures médicales réalisées dans les départements de soins néonataux augmentent le stress des nouveau-nés, comme en témoignent des mesures physiologiques (ex. : sécrétion de cortisol) et comportementales (ex. : pleurs). Des études ont montré que le contact peau à peau des parents contribue à réduire ce stress, particulièrement chez les enfants nés prématurément. Les résultats des études sur l’effet du contact peau à peau des pères pendant la période suivant immédiatement la naissance sont toutefois mitigés.

Objectif et méthode

Cette étude avait comme objectif de déterminer les effets du contact peau à peau père-enfant à la fois chez les pères et chez les enfants, et ce, au regard de certains indicateurs physiologiques et comportementaux de stress. Pour ce faire, une revue systématique de la littérature et une méta-analyse ont été réalisées.

Sept essais randomisés contrôlés ont été retenus, portant sur un ensemble de 560 participants. Quatre de ces essais ont pu faire l’objet de la méta-analyse. Quatre études avaient pour groupe de comparaison des mères offrant un contact peau à peau à leur nouveau-né. Deux études portaient sur des enfants nés à terme, et cinq sur des enfants nés prématurément (28 à 36 semaines de grossesse).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • L’effet du contact peau à peau est le même pour les pères et les mères, quant aux taux de cortisol et d’ocytocine secrétés dans la salive, et en ce qui concerne le niveau d’anxiété autorapporté pendant la période de contact;
  • L’effet du contact peau à peau sur le niveau de sécrétion de cortisol dans la salive des bébés prématurés est le même, pendant la période de contact, que celui-ci ait lieu avec la mère ou avec le père;
  • Les bébés nés à terme et bénéficiant du contact peau à peau avec leur père pleurent moins longtemps que ceux qui sont placés dans un incubateur ou un lit de nouveau-né.

À la lumière de ces résultats, les auteurs suggèrent que le même mécanisme de régulation du stress opère pendant le contact peau à peau de l’enfant avec sa mère et avec son père. Ainsi, les parents offrant ce contact à leur enfant favoriseraient chez celui-ci la sécrétion d’ocytocine, qui entraînerait une sécrétion de la même hormone chez eux par effet de synchronie physiologique. Le contact peau à peau des pères avec le nouveau-né pourrait donc être bénéfique, particulièrement chez les enfants prématurés ou chez les enfants qui sont séparés de leur mère à la naissance pour des raisons médicales ou culturelles.

Limites

Les auteurs mentionnent quatre limites : 1) seulement quatre études ont pu être incluses dans la méta-analyse, ce qui limite la généralisation possible des résultats; 2) le nombre d’études évaluant les indicateurs biologiques et comportementaux de stress en lien avec le contact peau à peau des pères est limité; 3) toutes les études incluent des données recueillies dans un seul site, ce qui peut encore une fois réduire le potentiel de généralisation; 4) seulement les études publiées en anglais et en chinois ont été retenues, ce qui a pu réduire le nombre d’études disponibles.

Kuo, S.-F., Chen, I.-H., Chen, S.-R., Chen, K.-H., & Fernandez, R. S. (2022). The Effect of Paternal Skin-to-Skin Care: A Systematic Review and Meta-analysis of Randomized Control Trials. Advances in Neonatal Care, 22(1), E22.


Rédacteurs

Stephani Arulthas
Emilie Audy
Marie-Ève Bergeron-Gaudin
Édith Guilbert
Élise Jalbert-Arsenault
Danielle Landry
Andréane Melançon
Louise Pouliot

Sous la coordination de
Julie Laforest, chef d’unité scientifique

Révision
Sophie Michel

Équipe Périnatalité, petite enfance et santé reproductive
Unité Stratégies préventives et parcours de vie
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en périnatalité.

  1. Le jus d’orange a été remplacé en 2019 par des légumes surgelés.
  2. Ci-après « 1000 jours ».
  3. Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance.
  4. Une DMS positive indique soit une diminution plus importante des symptômes chez le groupe intervention comparativement au groupe de contrôle, ou encore une diminution significative des symptômes entre pré- et post-intervention. La DMS peut être interprétée comme une taille d’effet petite (≈ 0,20), moyenne (≈ 0,50) ou grande (≈ 0,80).
  5. Autocompassion : aptitude à faire preuve de bienveillance envers sa souffrance, à l’accueillir plutôt que de l’éviter et à la relativiser.         
  6. Parentalité consciente : ensemble de compétences ou de pratiques parentales qui étend le concept de la pleine conscience au contexte des relations parents-enfants. La pleine conscience est une pratique consistant à prêter attention au moment présent, c’est-à-dire à nos pensées, à nos émotions et à nos sensations corporelles, sans les qualifier de « bonnes » ou « mauvaises ».