Les personnes originaires de pays où le VIH est endémique*
La situation des Québécois d’origine haïtienne (QOH)
Qui sont-ils?1,2
- Le terme « Québécois d’origine haïtienne » (QOH) est utilisé pour définir toute personne qui s’identifie comme étant d’origine haïtienne, née en Haïti ou dont l’un des parents est né en Haïti.
- Il est difficile d’évaluer avec précision le nombre de QOH au sein de la province puisque le terme QOH implique une identité socioculturelle qui n’est pas partagée par l’ensemble de la communauté haïtienne vivant au Québec.
- Au Québec, en 2006, 91 435 personnes, tous âges confondus, se sont déclarées d'origine ethnique haïtienne. Pour 80,3 % de ces personnes, soit 74 945 individus, il s'agit d'une origine unique (haïtienne) et non multiple (ex. : Haïtien/Français).
- Parmi l’ensemble des QOH, 70,7 % des personnes âgées de 15 ans et plus sont de première génération, c'est-à-dire nées à l'étranger (en Haïti pour la plupart) et 26,4 % sont de deuxième génération, c'est-à-dire nées ici, mais dont l’un des parents est né à l'étranger.
Où sont-ils?1,3
- La majorité des QOH (61 395 personnes) âgés de 0 à 44 ans habitent la région administrative de Montréal. Le deuxième lieu où l’on retrouve cette population en grand nombre est la région de Laval qui compte 12 250 QOH.
- Les principaux arrondissements de la ville de Montréal où habitent les QOH sont ceux de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension (19,9 %), de Montréal-Nord (19,4 %) et de Rivière-des-Prairies-Pointes-aux-Trembles (16,0 %).
- De plus en plus de QOH vivent à l’extérieur de Montréal, mais leur nombre demeure peu élevé. Par exemple, 8 710 QOH habitent le Centre-du-Québec, 1 685 demeurent en Outaouais, 1 105 dans la région de la Capitale-Nationale et 405 en Estrie.
Quel est leur état de santé au regard des ITSS?
VIH 4,5,6,7,8,9,10
En Haïti :
- La prévalence du VIH chez les adultes de 15 à 49 ans pour l’année 2009 a été estimée à 1,9 %, soit plus de 120 000 personnes vivant avec le VIH.
- Les femmes âgées de 15 ans et plus vivant avec le VIH sont à elles seules plus de 67 000.
- Le nombre d’enfants rendus orphelins par le sida qui sont âgés de 0 à 17 ans s’élève quant à lui à près de 93 000.
- Le sida demeure l’une des principales causes de décès avec près de 7 100 personnes décédées en 2009.
Au Québec :
- Parmi les 6 352 cas de VIH rapportés d’avril 2002 à décembre 2010, 497 (8,0 %) étaient des personnes d’origine haïtienne, soit 243 hommes et 254 femmes.
- Au Québec, sur les 318 nouveaux cas diagnostiqués en 2010, 44 personnes étaient d’origine haïtienne.
- Les données montréalaises font état qu’un nouveau diagnostic de VIH sur cinq toucherait une personne qui provient d’un pays où le VIH est endémique, notamment les Caraïbes, incluant Haïti ainsi que l’Afrique subsaharienne.
Quels sont leurs comportements à risque5,6,7,9,11,12,13
Rappelons que peu de données épidémiologiques existent sur les Québécois d’origine haïtienne (OQH) en matière de comportements à risque liés aux ITSS.
L’enquête épidémiologique menée à Montréal auprès de 789 individus de cette population a révélé que le principal comportement à risque demeure les relations sexuelles non protégées.
- Fréquence de l’utilisation du préservatif
Chez les adultes QOH, plus de la moitié (57,3 %) disent ne pas avoir toujours utilisé un condom avec leur(s) partenaire(s) occasionnel(s) au cours des 12 mois précédant l’étude.
Chez les jeunes QOH, c’est près de la moitié (47,5 %) des répondants qui ont déclaré ne pas toujours utiliser le condom avec leur(s) partenaire(s) occasionnel(s) au cours des 12 mois précédant l’étude.
- Multipartenariat**
Parmi les adultes QOH enquêtés et ayant déjà eu des relations sexuelles dans leur vie, près du tiers (33,0 %) des femmes et plus de la moitié (53,8 %) des hommes ont déclaré avoir eu plus d’un partenaire sexuel au cours des 12 mois précédant l’enquête.
Chez les jeunes QOH ayant déjà eu des relations sexuelles dans leur vie, près des deux tiers (61,5 %) des femmes et plus des trois quarts (88,1 %) des hommes ont déclaré avoir eu plus d’un partenaire sexuel au cours des 12 mois précédant l’enquête.
- Ne pas se sentir concerné
Plusieurs personnes de la communauté haïtienne stipulent, à tort, que seulement certains individus ayant des comportements très précis peuvent contracter le VIH (HARSAH, travailleurs du sexe, personnes qui enfreignent le « code moral », etc.)
- Stigmatisation / peur / discrimination
Au Québec et dans le reste du Canada, les QOH peuvent vivre plusieurs discriminations basées sur le racisme, l'appartenance religieuse, le statut d'immigration ou encore sur leur l’orientation sexuelle. Cette situation peut influencer le fait de se sentir concerné par le VIH tout en encourageant le déni et la peur d’être séropositif, car un tel diagnostic ajouterait à leurs yeux un élément de plus à la stigmatisation et à la discrimination déjà vécues.
- Croyances religieuses et influences culturelles
Plusieurs valeurs ou attitudes peuvent influencer la prise de risques, notamment l’inégalité des genres qui accorde peu de pouvoir décisionnel à certaines femmes QOH, surtout dans la sphère sexuelle.
L’information juste liée à l’univers de la sexualité demeure peu accessible pour plusieurs QOH, tous âges et sexes confondus, puisque c’est un sujet dont on parle peu, par crainte de jugement.
L’homophobie ou le déni de l’homosexualité dans la communauté haïtienne empêche les personnes d’orientation homosexuelle de se manifester et les rendent, ainsi que leurs partenaires sexuel-le-s, plus vulnérables.
La place de la spiritualité, notamment la place accordée au vaudou, influence également les rapports homme/femme, la sexualité et la représentation de la maladie (VIH/sida ou autre).
- L’impact de l’immigration
Pour certains nouveaux immigrants, il est difficile de comprendre les normes et les pratiques culturelles du Canada ou du moins de s’y adapter à court terme. Ces gens vivent donc souvent des chocs post-traumatiques qui rendent la prévention du VIH/sida à un niveau inférieur de priorité.
- Voyages fréquents dans le pays d’origine14
Certains QOH font des voyages fréquents en Haïti, se confrontant ainsi à certaines situations à risque dans un pays où l'infection du VIH est endémique. Ainsi, infectés à l’étranger, puis de retour au Québec, ils mettent à risque leur conjoint laissé au Québec.
La situation particulière des femmes QOH5,6,10,11,13
Ajoutés à la susceptibilité biologique au VIH/sida chez les femmes (muqueuses des parois vaginales très sensibles), des aspects socioéconomiques et culturels (inégalité des genres) sont associés à la prise de risques chez certaines femmes QOH.
Comment adapter les services et soins de santé qui sont offerts aux Québécois d’origine haïtienne?7,9,12
En vue d’offrir des services et soins de santé adaptés aux QOH, il est d’abord nécessaire de :
- Prendre conscience des mythes et des préjugés individuels et collectifs véhiculés envers les Québécois d’origine haïtienne;
- Développer un accueil chaleureux et respectueux lors des consultations. Cet accueil doit être sensible à la peur, à l’isolement, à la stigmatisation et à la discrimination liés au VIH/sida, tous des sentiments pouvant être amplifiés chez les QOH par un manque d’accès aux services d’information, de prévention, de soins et de soutien;
- Intégrer les dimensions culturelles durant les interventions (valeurs, croyances religieuses, etc.) tout en évitant la généralisation rapide et abusive à l’ensemble des QOH;
- Identifier et répertorier des ressources communautaires et institutionnelles qui répondent déjà à la population QOH en intégrant les dimensions culturelles qui leur sont propres.
Quelles actions en réseau peuvent être développées pour mieux aider les QOH?6,12,15
Les actions qui suivent constituent d’intéressants premiers pas d’intervention en réseaux pour mieux desservir les populations originaires des pays où le VIH est endémique :
- Mobiliser la communauté haïtienne (leaders communautaires, chefs religieux, personnalités sportives, jeunes, adultes) afin d’accroître la sensibilisation à l’infection par le VIH (information sur les facteurs de risque et de protection, éradication des mythes et des attitudes racistes, réponse à la stigmatisation, à la peur, au déni, à l’homophobie, puis reconnaissance et visibilité des personnes vivant avec le VIH au sein de cette communauté, etc.);
- Renforcer l’engagement des leaders et chefs spirituels dans les activités de mobilisation, de prévention et de promotion en reconnaissant leurs qualités de dirigeants et en respectant leurs valeurs;
- Développer une vision commune d’une stratégie visant la réduction des risques en allant au-delà des valeurs religieuses d’abstinence et de fidélité (intégrer au discours l’utilisation du préservatif, la diminution du nombre de partenaires, etc.);
- Augmenter la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des programmes et services liés au VIH et au sida pour la communauté haïtienne en intégrant ce sujet de manière transversale afin de répondre à l’ensemble des déterminants sociaux de la santé (pauvreté, accès au travail, logement abordable et salubre, etc.);
- Développer des programmes de prévention des ITSS et du VIH/SIDA ciblant particulièrement les hommes hétérosexuels afin d’améliorer et renforcer leurs rôles en tant que partenaires sexuels, conjoints et pères de famille (le machisme et l’inégalité des rôles de genre les rendent ainsi que leurs partenaires particulièrement vulnérables au VIH).
Pour en savoir plus
Un répertoire d’outils spécifiques à la communauté haïtienne a été développé. Ce répertoire s’intitule « Trousse d’outils pour la prévention et le soutien auprès des Québécois d’origine haïtienne : intégrer les dimensions culturelles dans l’intervention face au VIH et aux autres infections transmissibles sexuellement et par le sang (Lépine, 2008). Il est disponible pour consultation à :
- GAP-VIES (Groupe d’action pour la prévention de la transmission et l’éradication du sida);
- CSSS de Montréal qui interviennent auprès des QOH;
- COCQ-sida;
- Direction de la santé publique de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal.
* Le terme épidémiologique « personnes provenant de pays où le VIH est endémique » renvoie à une population qui est principalement composée de personnes noires de descendance africaine et caribéenne. Les données de recensement au Canada démontrent une croissance accrue de la population noire comparativement à la population générale. Les populations noires se retrouvent surtout dans les plus grandes provinces du Canada (Ontario et Québec) ainsi que dans les grands centres urbains du pays.
** Nous entendons par « multipartenariat » le fait d'avoir plus d'un-e partenaire sexuel-le durant une période déterminée. Il est démontré que dans la communauté haïtienne, certains hommes, en plus d'avoir une partenaire régulière, ont plusieurs autres partenaires sexuelles.
Références
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- Population selon certaines origines ethniques, par province et territoire (recensement 2006). Accessible à l’adresse suivante : www40.statcan.ca/l02/cst01/demo26f-fra.htm [Consulté le 12 novembre 2011]
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