Le Fibroscan® : un outil précieux pour la prise en charge des personnes infectées par le virus de l’hépatite C

Au Québec, 1 116 cas d’hépatite C ont été déclarés en 2014, ce nombre venant accroître le bassin de personnes infectées, estimé entre 40 et 70 000. Une fois le virus contracté, une fibrose hépatique va se développer, de gravité variable selon les individus. En l’absence de traitement, 10 à 40 % des sujets infectés progresseront vers une cirrhose du foie et son risque de complications. La cirrhose post-virale C est la première cause de greffe hépatique et de cancer du foie au Canada. Il est estimé que le nombre de cancers du foie et le taux de mortalité d’origine hépatique au Canada augmenteront entre 2013 et 2035 de 205 % et 160 % respectivement.

Face à ces données alarmantes, nous disposons des avancées thérapeutiques majeures depuis l’avènement en 2011 des premiers agents antiviraux directs. Les combinaisons antivirales Harvoni® et Holkira Pak®, indiquées pour le traitement des infections à VHC de génotype 1 majoritaire au Québec, permettent d’éliminer définitivement le virus chez 95 % des sujets, y compris chez des sujets cirrhotiques. Ces traitements de 2 à 6 mois ne comportent plus d’interféron pégylé et sont extrêmement bien tolérés. Ils sont remboursés au Québec depuis juillet 2015 pour les patients les plus sévèrement atteints. En raison de leur coût très élevé, un élargissement progressif des indications a été échelonné sur six années et priorisé en fonction de la sévérité de la maladie et de la présence de cofacteurs de fibrose.

La détermination du stade de fibrose hépatique est donc essentielle chez les personnes porteuses du VHC. Elle permet d’identifier les sujets au stade de cirrhose qui nécessiteront un suivi spécifique notamment le dépistage du carcinome hépatocellulaire. Elle permet d’évaluer l’indication d’un traitement antiviral C et son urgence, les sujets au stade de fibrose sévère ou de cirrhose étant les plus à risque de complications à court terme. 

Le développement de méthodes non invasives de détermination de la fibrose a considérablement simplifié la prise en charge des patients. La biopsie hépatique n’est plus le « gold standard » de l’évaluation. Les scores biologiques de fibrose sont calculés à partir de marqueurs dont le taux sérique s’élève ou s’abaisse selon le stade de fibrose. Les scores APRI et Fib-4 utilisent des marqueurs indirects disponibles en routine et reposent sur une formule de calcul simple. Ils sont moins performants que des tests de seconde génération, mais gratuits. 

La mesure de l’élasticité hépatique par Fibroscan®, Echosens, repose sur une méthode d’élastographie impulsionnelle à vibration contrôlée VCTE™. Plus un milieu est dur, plus son élasticité est élevée. L’élasticité est corrélée à la fibrose hépatique. Dans une sonde positionnée à la surface de la peau, un vibreur génère une onde de basse fréquence. La vitesse de propagation de l’onde dans le foie est mesurée : plus le foie est dur, plus la propagation de l’onde est rapide, plus l’élasticité est élevée.

Outre son caractère non invasif, cette technique a l’avantage de durer moins de 5 minutes, d’être peu coûteuse et reproductible. Le patient doit être à jeun depuis au moins 2 heures. Un Fibroscan® doit idéalement être réalisé par un médecin formé à sa technique qui s’assure de la validité de l’examen et de l’absence de facteurs confondants pouvant augmenter l’élasticité (hépatite aiguë, congestion, etc.) et qui interprète les résultats dans le contexte clinico-biologique du patient. 

La performance diagnostique du Fibroscan® est excellente pour le diagnostic de cirrhose, en particulier pour l’exclure. Elle est moindre pour celui de fibrose modérée. La combinaison avec une autre méthode non invasive, idéalement un score de fibrose, est alors recommandée. En cas de discordance significative entre les résultats, on peut répéter les examens avant de procéder à une biopsie.

Le Fibroscan® est ainsi un outil précieux tout à la fois de dépistage (des sujets cirrhotiques), décisionnel (de traitement antiviral), mais également de monitorage, l’élasticité hépatique ayant une valeur prédictive élevée du risque de complications en particulier chez les sujets cirrhotiques. La performance du Fibroscan® est largement validée et son utilisation est recommandée dans les lignes directrices canadiennes sur l’hépatite C de l'Association canadienne pour l'étude du foie (ACEF), par l’American association for the study of liver diseases (AASLD) et par l’European association for the study of the liver (EASL).

Malheureusement, l’accès au Fibroscan® reste difficile au Québec avec seulement 9 appareils réservés à quelques centres spécialisés. Le modèle portatif aisément transportable pourrait être particulièrement intéressant pour rejoindre des clientèles vulnérables difficiles d’accès et pour les régions éloignées.

Il est primordial de faciliter, partout au Québec, l’accès au Fibroscan® et de former des médecins à cette technique afin de dépister le plus rapidement possible les sujets cirrhotiques à risque de complications à brève échéance et de bénéficier au maximum de l’efficacité des nouveaux traitements. 

 

Rédigé par
Dre Claire Wartelle-Bladou. hépatologue, CHUM et médecin-consultant, INSPQ
Publication date: 21 juillet 2016