Caractéristiques d’une épidémie de syphilis à San Francisco chez les HARSAH
Karine Blouin vous propose un article sur les caractéristiques d’une épidémie de syphilis à San Francisco chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.
Epidemiologic characteristics of an ongoing syphilis epidemic among men who have sex with men, San Francisco
Bernstein K.T., Stephens S.C., Strona F.V., Kohn R.P., Philip S.S. | Paru en janvier 2013 dans Sexually Transmitted Diseases
L’augmentation du nombre de cas de syphilis primaire et secondaire (P & S) observée à la fin des années 1990 était principalement associée à une hausse de la transmission chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), en particulier ceux infectés par le VIH et qui rencontraient leurs partenaires sexuels par le biais d’Internet. Au cours des dix dernières années, la ville de San Francisco a développé des projets et services visant à réduire la fréquence de la syphilis P & S parmi les HARSAH, dont le service en ligne de notification des partenaires, le service en ligne de dépistage et des campagnes de marketing social. Malgré ces interventions et une diminution observée entre 2003 et 2007, le nombre de cas déclarés de syphilis P & S augmente de nouveau en 2007. L’objectif de l’étude était d’explorer les caractéristiques des différentes phases épidémiques des cas de syphilis P & S déclarés entre 2001 et 2011 à San Francisco afin de mieux connaitre les facteurs associés à la diminution et à la résurgence de cette infection.
Méthodologie
Les enquêtes épidémiologiques comportaient une entrevue avec la personne infectée, l’identification des partenaires sexuels exposés et la vérification qu’un traitement approprié avait bien été reçu. Les périodes épidémiques ont été déterminées par l’analyse de la courbe et des points d’inflexion, c'est-à-dire les points où la trajectoire de l’épidémie change. La comparaison des caractéristiques épidémiologiques des trois différentes périodes épidémiques a été effectuée à l’aide de tests statistiques.
Principaux résultats
La période 1 est caractérisée par une augmentation rapide du nombre de cas déclarés, la période 2 par une diminution progressive et la période 3 par une résurgence. Environ 85 % des cas déclarés ont été enquêtés lors de chacune des périodes épidémiques.
En comparaison avec ceux de la période 1, les cas de la période 2 sont plus susceptibles d’avoir rencontré leurs partenaires sexuels par le biais d’Internet et moins susceptibles d’avoir rencontré leurs partenaires sexuels dans des saunas et des sexclubs. Ils sont également moins susceptibles d’avoir eu des relations sexuelles avec des partenaires féminines lors de la période infectieuse. Toutefois, les deux groupes présentent le même bilan quant au nombre moyen de partenaires sexuels déclarés lors de la période infectieuse.
Les cas de la période 3 par rapport à ceux de la période 2 sont en moyenne plus âgés et plus susceptibles d’avoir des antécédents de syphilis, de résider dans le voisinage du quartier gai, de déclarer l’usage de drogues par injection, ou par un autre mode, et d’avoir rencontré leurs partenaires sexuels à l’aide d’Internet. Les cas de la période 3 sont également moins susceptibles d’être caucasiens et d’avoir rencontré leurs partenaires sexuels dans des saunas et dessexclubs. Les deux groupes présentent le même bilan quant au nombre moyen de partenaires sexuels déclarés lors de la période infectieuse.
Comparés à ceux de la période 1, les cas de la période 3 sont en moyenne plus âgés et plus susceptibles d’être des HARSAH, d’avoir contracté la syphilis à de multiples reprises (24,9 % comparativement à 6,6 %, p<0,01), d’avoir rencontré leurs partenaires sexuels par l’intermédiaire d’Internet et de déclarer des partenaires hors de la ville de San Francisco. Les cas de la période 3 sont par ailleurs moins susceptibles que les cas de la période 1 d’avoir rencontré leurs partenaires sexuels dans des saunas et des sexclubs, d’avoir eu des relations sexuelles avec des partenaires féminines et d’avoir eu plus de 6 partenaires sexuels masculins lors de la période infectieuse.
Discussion
Lors de la récente période de résurgence, la proportion de cas déclarés ayant présenté des épisodes multiples de syphilis était significativement plus élevée que lors de la précédente période de croissance. Ceci suggère qu’un petit groupe d’individus ayant des infections à répétition serait responsable du maintien de la transmission. Des méthodes permettant d’identifier ces individus et de réduire, par conséquent, les cas de réinfection pourraient avoir des effets bénéfiques sur l’épidémie.
L’utilisation d’Internet pour la rencontre de partenaires sexuels est en croissance depuis 2002 (près de la moitié des cas l’ont rapporté lors de la période 3). Au-delà des services de notification des partenaires et des campagnes de prévention dans les médias sociaux, il serait opportun d’utiliser Internet et les nouvelles technologies de l’information pour le contrôle de la syphilis infectieuse.
Une proportion non négligeable de cas ont déclaré avoir eu des partenaires sexuels hors de la juridiction de San Francisco. L’efficacité des interventions ciblant la ville de San Francisco pourrait donc être limitée. Il serait sans doute pertinent de créer des activités regroupant plusieurs juridictions en matière de prévention et de contrôle, en particulier autour des grands centres urbains.