Uranium

Description

L’uranium naturel est un élément radioactif très répandu dans la nature. On le retrouve notamment dans les granites ainsi que dans d’autres gisements minéraux. Il est formé d’un mélange de trois radionucléides 238U, 235U et 234U qui sont présents respectivement dans une proportion de 99,2 %, 0,72 % et 0,006 %. Par unité de poids, la radioactivité de 238U est 17 000 fois plus petite que celle de 235U qui est 6 000 fois moins radioactif que 234U (California Environmental Protection Agency, 2001). Les rayonnements émis par l’uranium sont principalement de type alpha. La demi-vie de 238U est de 4,5 x 109 années, celle de 235U est de 7,1 x 108 années alors que celle de 234U est de 2,5 x 105 années (United States Environmental Protection Agency, 2000c).

L’uranium peut présenter plusieurs états d’oxydation (+2, +3, +4, +5, +6). La forme hexavalente (+6) est cependant la plus stable et a tendance à se lier à l’oxygène pour former l’ion uranyle (UO22+) (Organisation mondiale de la Santé, 2000). Dans les eaux souterraines, l’uranium se présente généralement à l’état tétravalent alors que dans les eaux de surface, l’état hexavalent prédomine (Ribera et al., 1996). Une des particularités de l’uranium en tant qu’élément radioactif tient au fait que sa toxicité chimique est supérieure à sa toxicité radiologique (Santé Canada, 1998). C’est pourquoi les normes et recommandations de qualité d’eau à son sujet découlent du risque associé à sa toxicité chimique.

Sources et niveaux environnementaux

Sources

La présence d’uranium dans l’eau s’explique principalement par le lessivage de dépôts phosphatés, de résidus miniers et de fertilisants à base de phosphate provenant des terres agricoles (California Environmental Protection Agency, 2001; Pontius, 2000).

Concentrations dans l’eau potable

La teneur naturelle d’uranium dans l’eau de consommation est influencée par plusieurs facteurs tels que la concentration d’uranium dans l’aquifère, la pression partielle de CO2, la présence d’oxygène et d’agents complexants dans l’aquifère, le pH de même que la nature du contact entre le minerai d’uranium et l’eau (California Environmental Protection Agency, 2001; Pontius, 2000). On constate également que certains facteurs physico-chimiques, tels que les conditions d’oxydo-réduction, influencent l’abondance relative des différents isotopes de l’uranium lorsqu’il est présent dans l’eau (California Environmental Protection Agency, 2001; Pontius, 2000).

Au Québec, les concentrations d’uranium mesurées dans les réseaux de distribution d’eau potable sont, dans la très grande majorité des cas, inférieures à 5 μg/l. En fait, des niveaux d’uranium supérieurs à 20 μg/l (norme québécoise) ont été observés dans moins de 1 % des prélèvements effectués entre 1995 et 2000, dans les réseaux de distribution surveillés dans le cadre du Règlement sur l’eau potable (Ministère de l'Environnement du Québec, 2002). En ce qui concerne les eaux souterraines, des teneurs importantes ont notamment été mesurées au Québec, dans la réserve de Kitigan Zibi, en Outaouais. Une campagne d’échantillonnage a montré que des 331 puits échantillonnés, 57 présentaient une concentration d’uranium supérieure à 20 μg/l dont 10 avaient une concentration de plus de 100 μg/l. La valeur observée la plus élevée était de 1418 μg/l (Santé Canada, 1998). Plus récemment, dans la région d’Oka, des prélèvements d’eau provenant de 57 puits domestiques ont révélé des concentrations d’uranium allant jusqu’à 66 μg/l et dépassant 20 μg/l dans environ 25 % des cas (Savard et al., 1999).

Bien que les données concernant les teneurs d’uranium dans les eaux souterraines soient incomplètes, il semble que les concentrations pourraient varier dans le temps (Nova Scotia Environment and Labour, 2002; Santé Canada, 1998).

Exposition de la population

L’exposition de la population à l’uranium provient principalement des aliments. Elle peut aussi provenir de l’eau potable et de l’air. La présence d’uranium a été détectée dans une variété de denrées alimentaires. Les concentrations les plus importantes ont été mesurées dans les crustacés et les mollusques (World Health Organization, 1998). L’apport provenant de l’eau est généralement faible sauf si les concentrations d’uranium dans les approvisionnements en eau sont élevées. Lors d’une étude canadienne, on a estimé que l’apport d’uranium provenant de l’eau potable variait entre 1 et 9 % lorsque la teneur en uranium de l’eau était de 0,02 μg/l. Cependant, pour des concentrations d’uranium qui variaient entre 2 et 780 μg/l, l’apport provenant de l’eau potable représentait de 31 à 98 % de l’apport quotidien total (Limson Zamora et al., 1998). Finalement, compte tenu des faibles concentrations d’uranium mesurées dans l’air, ce dernier ne constitue généralement pas une source d’exposition significative, excepté dans le cas d’activités minières ou d’exposition professionnelle (California Environmental Protection Agency, 2001; Pontius, 2000). Santé Canada a estimé à 2,6 μg l’apport quotidien total d’uranium pour un adulte; environ 77 % (2,0 μg) proviendrait des aliments alors que le reste serait attribuable à l’eau (0,6 μg) (Santé Canada, 1999).

Voies d'absorption

Les individus qui utilisent de l’eau contenant de l’uranium sont exposés à cet élément principalement par ingestion (voir section pharmacocinétique). Par ailleurs, il n’existe pas d’étude chez l’humain ou chez l’animal où l’on ait mesuré l’absorption cutanée. Il pourrait cependant y avoir une absorption transcutanée puisque des effets toxiques ont été observés lorsque différents sels d’uranium ont été appliqués sur la peau de rats dans une émulsion vaseline-eau. Les doses administrées étaient, par contre, supérieures à celles pouvant résulter d’une exposition par l’eau potable (plus faible dose 500 mg/kg). L’inhalation ne semble pas une voie importante d’exposition (California Environmental Protection Agency, 2001).

Pharmacocinétique et métabolisme

L’absorption gastro-intestinale de l’uranium est généralement faible, le plus souvent inférieure à 5 %. Elle peut varier en fonction de la solubilité des sels (Agency for Toxic Substances and Disease Registry, 1999). À partir d’une revue exhaustive des données existantes (Leggett et Harrison, 1995) il a été estimé que l’absorption gastro-intestinale de l’uranium était de l’ordre de 1 à 1,5 % mais des variations de 0,1 à 6 % ont également été observées. Dans une étude canadienne où l’on a mesuré l’ingestion (aliments et eau) et l’excrétion de l’uranium chez 50 volontaires, on a observé des pourcentages d’absorption allant de 0,1 à 6 % avec une valeur médiane de 0,9 %. Soixante-dix-huit pour cent (78 %) des sujets avaient un taux d’absorption inférieur à 2 % (Limson Zamora et al., 2002).

Une fois absorbée, 75 % de la dose d’uranium se retrouvera dans le plasma et les tissus mous et 15 % dans les os (Limson Zamora et al., 2002). Dans les os, l’uranium aura un comportement semblable à celui du calcium. Dans un premier temps, l’uranium se déposera à la surface des os avec une affinité toute particulière pour les aires de croissance et diffusera par la suite à tout le volume osseux où il sera emmagasiné. Lors d’une exposition chronique, le tissus osseux pourra contenir 66 à 75 % de la charge corporelle en uranium (Leggett, 1994; Wrenn et al., 1985). Au niveau des tissus mous, des analyses réalisées chez l’humain lors d’autopsies ont révélé des concentrations élevées d’uranium dans les poumons, les reins et le foie (California Environmental Protection Agency, 2001). Lors d’études expérimentales chez l’humain, les deux tiers de l’uranium injecté se retrouvaient dans l’urine après 24 heures et, dans les 3 à 4 jours suivants, un autre 10 % pouvait s’y retrouver (Leggett, 1994).

Données toxicologiques et épidémiologiques

Intoxication aiguë

Une insuffisance rénale aiguë ayant nécessité une dialyse, accompagnée d’anémie, de rhabdomyolyse, de myocardite, de dysfonction hépatique et d’un iléus paralytique, a été observée après l’ingestion volontaire chez l’humain de 15 g d’acétate d’uranium, soit l’équivalent de 9,2 g d’uranium. L’atteinte rénale était encore présente 6 mois après l’événement (Pavlakis et al., 1996).

Effets sur la reproduction et le développement

Des effets sur la reproduction ont été observés lorsque l’uranium a été administré à des animaux de laboratoire. Le dihydrate d’acétate d’uranyle administré à des souris gestantes (6e -15e jours) a provoqué une baisse du poids et de la longueur du foetus ainsi que certaines malformations (ex. fentes palatines) et une réduction de l’ossification (plus faible dose avec effet nocif observé ou LOAEL 2,8 mg/kg). Lorsque administré à des souris des deux sexes avant l’accouplement et aux femelles pendant la gestation et l’allaitement, le dihydrate d’uranyle a provoqué une augmentation des résorptions fétales, une augmentation de la létalité à la naissance et pendant la période de lactation ainsi qu’une diminution de la croissance et du développement des jeunes (dose sans effet nocif observé ou NOAEL 2,8 mg/kg). Chez des souris mâles, le dihydrate d’acétate d’uranyle a provoqué des effets au niveau des testicules (vacuolisation des cellules de Leydig) à la dose de 80 mg/kg (Domingo, 2001; Santé Canada, 1999).

Intoxication chronique

Des études épidémiologiques ont permis d’observer les effets d’une exposition à l’uranium par l’eau potable. Des modifications des indicateurs de toxicité rénale ont été observées lors de ces études mais aucune atteinte rénale irréversible n’a été rapportée.

Ainsi, dans une étude réalisée dans trois municipalités de la Saskatchewan (concentrations moyennes dans l’eau de 0,71 μg/l, 19,6 μg/l et 14,7 μg/l), une association statistiquement significative a été observée entre l’albumine urinaire et l’exposition à l’uranium (concentration dans l’eau, années d’exposition, quantité d’eau consommée) (Mao et al., 1995).

Limson Zamora et ses collaborateurs (Limson Zamora et al., 1998) ont comparé l’excrétion de bioindicateurs de la fonction rénale chez une population de la Nouvelle-Écosse dont les concentrations d’uranium dans les puits privés variaient de 2 à 781 μg/l, à une population faiblement exposée (< 1 μg/l). L’excrétion de glucose était significativement différente entre les deux groupes. De plus, les concentrations urinaires de β2-microglobuline, de phosphatase alcaline et de glucose étaient positivement corrélées avec l’apport en uranium. Ces résultats laissent supposer un effet tubulaire pour l’uranium.

Dans l’étude réalisée par Santé Canada (Santé Canada, 1998) dans la réserve de Kitigan Zibi, une corrélation positive a été observée entre l’excrétion urinaire d’uranium et des bioindicateurs d’atteinte tubulaire : volume urinaire, densité urinaire, gamma-glutamyl transférase et β2-microglobuline.

Plus récemment, une étude finlandaise a permis d’observer des effets tubulaires associés à la présence d’uranium dans l’eau potable. Les concentrations variaient de 0,001 à 1920 μg/l avec une médiane de 28 μg/l. La concentration urinaire d’uranium était significativement associée à l’augmentation de la fraction excrétée de calcium et de phosphate. Aussi, une augmentation statistiquement significative de la fraction excrétée de phosphate était observée dans le groupe le plus exposé (concentration d’uranium dans l’eau > 300 μg/l) mais aucun niveau sans effet n’a été établi (Kurttio et al., 2002).

Les effets rénaux de l’uranium sont appuyés par des études animales. Ainsi, dans une étude d’une durée de 91 jours, réalisée chez le rat Sprague-Dawley, des changements histopathologiques ont été notés tant au niveau glomérulaire que tubulaire. Le LOAEL déterminé pour cette étude était de 60 μg/kg pour les rats mâles et de 90 μg/kg pour les rats femelles (Gilman et al., 1998).

Effets cancérigènes

Les études épidémiologiques sont considérées inadéquates pour évaluer le risque cancérigène associé à l’uranium dans l’eau potable. L’uranium a cependant été classé comme cancérigène chez l’humain par l’agence de protection de l’environnement des États-Unis (US EPA) car il émet des radiations alpha dont le pouvoir cancérigène est bien établi. L’uranium, tout comme le radium, s’accumule dans les os et des ostéosarcomes peuvent résulter de l’ingestion de radium. L’exposition aux radiations alpha peut induire des ostéosarcomes et la désintégration des noyaux d’uranium et de radium produit ces radiations (United States Environmental Protection Agency, 2000c; United States Environmental Protection Agency, 1991).

Des tumeurs malignes ont été provoquées chez la souris à la suite d’une injection de 232U et de 233U, mais elles n’ont pas été observées à la suite d’une injection d’uranium naturel. Chez le rat, l’administration d’uranium enrichi a induit des ostéosarcomes (United States Environmental Protection Agency, 2000c; United States Environmental Protection Agency, 1991).

Groupes vulnérables

L’âge, l’état nutritionnel, l’état de santé, le bagage génétique de même que l’exposition simultanée à d’autres contaminants environnementaux pourraient réduire la capacité de détoxification, diminuer l’excrétion d’uranium ou encore compromettre certaines fonctions rénales. Les effets toxiques de l’uranium pourraient donc affecter plus particulièrement les personnes souffrant de dysfonctionnement rénal de même que les personnes aux prises avec des ulcères d’estomac, ceux-ci absorbant plus facilement certains métaux toxiques que la population en général (Agency for Toxic Substances and Disease Registry, 1999)

Interactions avec d'autres substances

Aucune information n’a été répertoriée concernant l’influence d’autres substances sur la toxicité de l’uranium. Il est cependant possible qu’une exposition simultanée à d’autres métaux lourds reconnus pour leur néphrotoxicité (comme le plomb et le cadmium), puisse avoir un effet additif sur la toxicité de l’uranium (Agency for Toxic Substances and Disease Registry, 1999).

Dosage biologique

L’exposition à l’uranium est généralement évaluée à partir d’un échantillon d’urine de 24 heures, bien que ce soit également possible de le faire à partir d’un échantillon de selles ou de sang et, plus rarement, d’os ou de tissus mous (Agency for Toxic Substances and Disease Registry, 1999). La concentration d’uranium dans un échantillon d’urine représente une mesure spécifique de la quantité d’uranium qui atteint le rein et constitue, par le fait même, l’indicateur le plus direct de l’exposition du rein à l’uranium (Santé Canada, 1998). Cependant, le dosage de l’uranium n’est pas une analyse réalisée de façon courante dans les laboratoires de biochimie.

Aussi, comme l’exposition à l’uranium se manifeste par des effets infracliniques au niveau rénal, l’utilisation d’indicateurs de la fonction rénale peut également s’avérer utile. Cependant, ces indicateurs sont généralement utilisés lors d’études épidémiologiques et l’interprétation des résultats est plus difficile d’un point de vue individuel. Lors d’une étude portant sur l’exposition chronique à l’uranium par l’eau de consommation on a utilisé un certain nombre d’indicateurs de la fonction rénale [glucose, créatine, protéines totales, β2-microglobuline (BMG)] de même que des marqueurs de toxicité cellulaire [phosphatase alcaline (ALP), γ-glutamyl transférase (GGT), lactase déshydrogénase (LDH), N-acétyl-β-D-glucosaminidase (NAG)] afin de déterminer les principaux effets de l’uranium sur la fonction rénale ainsi que le site spécifique de ces effets. Les résultats de l’étude ont permis d’associer les teneurs urinaires en glucose, en BMG et en ALP à une exposition chronique à l’uranium et d’identifier le tubule rénal proximal comme étant le site spécifique de la dysfonction rénale (Limson Zamora et al., 1998). Santé Canada, dans son étude portant sur l’évaluation des effets de l’uranium sur la fonction rénale dans la communauté de Kitigan Zibi, a utilisé sensiblement les mêmes indicateurs. On a pu observer une corrélation significative entre l’excrétion urinaire d’uranium et la BMG. Il en est de même pour la GGT, mais pas pour le glucose (Santé Canada, 1998). Les biomarqueurs utilisés dans ces études sont considérés comme des indicateurs précoces de légères modifications physiologiques de la fonction rénale et n’indiquent pas de dysfonctionnement ou d’atteinte rénale définitive. Ces modifications sont réversibles à l’arrêt de l’exposition.

Méthode analytique, limite de détection et seuil de quantification

La méthode analytique utilisée par le Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ) pour doser l’uranium dans l’eau est la spectrométrie au plasma d’argon. La limite de détection de cette méthode est de 0,005 mg/l alors que le seuil de quantification est de 0,015 mg/l (Centre d'expertise en analyse environnementale du Québec, 1997).

Mesures de contrôle disponibles

Mesures communautaires

Les techniques de traitement pour éliminer l’uranium présent dans l’eau potable sont nombreuses et diversifiées. Parmi celles-ci, on retrouve la coagulation conventionnelle, l’adoucissement à la chaux, les résines échangeuses d’ions et l’osmose inverse (United States Environmental Protection Agency, 2000a; Santé Canada, 1999; World Health Organization, 1998).

Mesures individuelles

Les systèmes de traitement qui utilisent une résine échangeuse d’ions ou l’osmose inverse sont reconnus pour être efficaces dans l’enlèvement de l’uranium dans l’eau de consommation (United States Environmental Protection Agency, 2000a). Santé Canada recommande, aux consommateurs qui désirent se procurer de tels appareils, l’achat d'un dispositif de traitement de l’eau certifié conforme à une des normes de rendement en matière de santé ANSI/NSF (Santé Canada, 2003).

Dans le cas particulier de la réserve de Kitigan Zibi, un système de traitement de l’eau avec résine échangeuse d’ions a été installé dans 17 résidences dont l’eau présentait des concentrations d’uranium supérieures à 100 μg/l. Le système a permis de réduire la teneur en uranium en deçà de 10 μg/l (Guy et Zikovsky, 1999). Bien que l’on ait observé une accumulation d’uranium et d’autres éléments radioactifs sur la résine, il est peu probable que les résidents soient exposés à des niveaux qui excèdent la limite permise (500 milliards). Néanmoins, l’accès au système de traitement devrait être limité (Guy et Zikovsky, 1999).

Normes et recommandations

Norme québécoise

La norme prévue par le Règlement sur la qualité de l’eau potable en ce qui concerne l’uranium est de 20 μg/l (annexe I du règlement) (Gouvernement du Québec, 2001).

Pour les systèmes de distribution qui alimentent plus de 20 personnes, le règlement prévoit le prélèvement annuellement d’au moins un échantillon des eaux distribuées entre le 1er juillet et le 1er octobre (article 14). Cet échantillon doit être prélevé dans la partie centrale du système de distribution (article 16), au robinet, après avoir laissé couler l’eau pendant au moins cinq minutes (article 11, 2e alinéa). De plus, l’eau ne doit pas avoir subi de traitement par le biais d’un dispositif individuel (article 11, 2e alinéa).

Recommandation canadienne

La concentration maximale acceptable provisoire (CMAP) d’uranium dans l’eau, recommandée par Santé Canada est de 20 μg/l (Santé Canada, 2002). Au moment d’écrire ces lignes, la documentation à l’appui de cette nouvelle recommandation n’était toujours pas disponible.

Cependant le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable a présenté, en janvier 1999, un document pour consultation publique qui propose une recommandation de 10 μg/l. Cette recommandation repose sur des données plus récentes obtenues lors d’une étude de toxicité subchronique d’une durée de 91 jours réalisée chez le rat (Gilman et al., 1998). Lors de cette étude, on a déterminé la plus faible dose provoquant des lésions dégénératives du tubule rénal contourné proximal (60 μg/kg de poids corporel par jour) à laquelle on a appliqué un facteur d’incertitude de 100 (variation intra et interspécifique) pour obtenir l’apport quotidien tolérable. Aucun facteur d’incertitude n’a été retenu ni pour la durée de l’étude, ni pour l’utilisation d’un LOAEL. Pour le calcul de la concentration maximale acceptable recommandée (CMAR) on a donc considéré un apport quotidien tolérable de 0,6 μg/kg de poids corporel par jour, un poids corporel de 70 kg, une contribution attribuable à l’eau potable de 35 % et une consommation d’eau quotidienne de 1,5 l/j.

Norme américaine

La norme américaine pour l’uranium est de 30 μg/l (United States Environmental Protection Agency, 2000a). Cette norme a aussi été élaborée pour prévenir les effets néphrotoxiques.

En avril 2000, l’US EPA avait proposé une valeur de 20 μg/l calculée à partir d’une dose de référence (Rfd) de 0,6 μg/kg/j. Cette Rfd dérive du LOAEL de 60 μg/kg/j déterminé dans l’étude de Gilman (Gilman et al., 1998) auquel on avait appliqué un facteur d’incertitude de 100 (3 pour l’extrapolation de l’animal à l’humain, 10 pour les différences intraespèces, 1 pour l’utilisation d’une étude subchronique et 3 pour l’utilisation d’un LOAEL). En considérant un poids corporel moyen de 70 kg, une proportion attribuable à l’eau potable de 80 % et une consommation d’eau de 2 l/j, une norme de 20 μg/l avait été proposée. (United States Environmental Protection Agency, 2000b). Lors de l’adoption du règlement final en décembre 2000, cette norme est passée de 20 μg/l à 30 μg/l pour des raisons économiques. L’agence américaine considère qu’il n’y a pas de différence notable au niveau des effets sur la santé entre 20 et 30 μg/l. (United States Environmental Protection Agency, 2000a).

Bien que la norme soit basée sur la toxicité rénale, l’US EPA a également calculé un risque cancérigène pour l’uranium. À la fin des années 90, l’US EPA a raffiné son modèle d’évaluation de risque pour les radionucléides en y intégrant, entre autres, les données des études épidémiologiques récentes (dont celles réalisées pour les cancers des survivants de la bombe A) et les données de consommation d’eau et de toxicocinétique spécifiques à différentes classes d’âges. Le risque de cancer estimé pour une concentration de 20 μg/l était de l’ordre de 5 x 10-5 (United States Environmental Protection Agency, 2000b; United States Environmental Protection Agency, 2000c). Pour des concentrations de 30 μg/l, le risque cancérigène est estimé à moins d’un cas de cancer par 10 000 de population (United States Environmental Protection Agency, 2000a).

Critère de l’OMS

La valeur guide retenue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est de 2 μg/l. Il s’agit toutefois d’une valeur provisoire (World Health Organization, 1998). Cette valeur guide est basée sur la toxicité chimique de l’uranium compte tenu du nombre restreint de données disponibles en regard de la cancérogénicité de ce contaminant, tant chez l’humain que chez l’animal.

La dose journalière tolérable (DJT) a été calculée en utilisant la dose minimale ayant un effet indésirable observé (DMEIO), dose à laquelle on a appliqué un facteur d’incertitude de 100 qui prend en considération la variation intra et interspécifique. La DMEIO retenue (60 μg/kg de poids corporel par jour) est identique à celle utilisée par Santé Canada dans son processus de révision (Gilman et al., 1998). La valeur guide a donc été calculée en considérant une DJT de 0,6 μg/kg poids corporel par jour, un poids corporel moyen pour un adulte de 60 kg, une proportion de l’apport quotidien total attribuable à l’eau potable de 10 % et une consommation moyenne quotidienne de 2 litres d’eau (World Health Organization, 1998). Cette valeur est considérée provisoire notamment à cause de la difficulté d’atteinte d’un tel niveau avec les techniques de traitement disponibles. Elle est également considérée provisoire compte tenu des limites que comportent les études clés (relation dose-réponse) et l’insuffisance d’information sur le degré et la sévérité des effets.

Tableau 1 Résumé des normes et recommandations

Norme québécoise Recommandation canadienne Norme américaine Critère de l’OMS
20 μg/l 20 μg/l* 30 μg/l 2 μg/l*

* Valeur provisoire

Références

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  28. United States Environmental Protection Agency (2000c), Technical support document for the radionuclides notice of data availability; draft, Accessible à: www.epa.gov/safewater/rads/tsd.pdf, Consulté en: October 2002.
  29. World Health Organization (1998), Uranium, In Guidelines for drinking-water quality ; Addendum to Volume 2 - Health criteria and other supporting information Geneva, pp. 81-94.
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Fiche rédigée par Karine Chaussé, Denise Phaneuf et les membres du groupe scientifique sur l’eau de l'Institut national de santé publique du Québec

Mise à jour : juillet 2003