Réduction du risque de transmission du VIH avec les traitements antirétroviraux (ARV) : étude Partner

Cet été, le Journal of the American Medical Association (JAMA) publiait un article sur les résultats de l’étude européenne Partner, une cohorte prospective observationnelle. Cette étude a pour objectif de mesurer le taux de transmission du VIH dans des couples stables hétérosexuels et HARSAH sérodifférents qui ont des relations sexuelles non protégées. Depuis septembre 2010, 1 166 couples ont été suivis dans l’étude à partir de 75 sites cliniques à travers 14 pays européens pour un total de 22 000 relations sexuelles non protégées analysées chez les couples HARSAH et de 36 000 chez les couples hétérosexuels.

Pour participer à cette étude, les partenaires devaient être âgés de plus de 18 ans, avoir des relations sexuelles non protégées dans le mois qui précédait l’étude et envisager d’avoir des activités sexuelles dans les mois qui suivent. Le partenaire séropositif devait être sous traitement antirétroviral et maintenir sa charge virale sous les 200 copies/ml. Le partenaire séronégatif devait connaître le statut sérologique positif de son partenaire.

En 2016, aucune transmission entre les partenaires de couple n’a été observée chez les 888 couples hétérosexuels et 340 couples homosexuels participant à l’étude (IC 95 % : 0,30 /100 couple-année de suivi), et ce même si 6 % de l’échantillon a contracté une ITSS pendant l’étude; 11 partenaires séronégatifs ont contracté le VIH pendant l’étude, mais l’infection n’était pas liée à l’infection de leur partenaire selon les analyses phylogénétiques.  

Alors que les résultats préliminaires de l’étude publiés en 20141 ne montraient déjà aucune transmission du VIH, les résultats publiés en 2016 renforcent le constat que la thérapie antirétrovirale est un outil important dans la prévention du VIH en maintenant une charge virale suffisamment basse pour réduire la transmission de l’infection. Toutefois, les auteurs précisent que les données sont à titre indicatif pour guider la prise de décision sur une base individuelle (de couple) chez les couples hétérosexuels. L’étude doit se poursuivre afin d’obtenir davantage de données chez les couples HARSAH. Ils ne peuvent non plus estimer le risque pour les couples récents (<6 mois).

Un éditorial sur cet article publié dans la même revue souligne le potentiel des antirétroviraux dans la prévention de la transmission du VIH, mais nous met en garde de tirer des conclusions hâtives de l’étude Partner. La biologie de la transmission du VIH est complexe et le risque zéro ne peut être garanti. L’étude Partner a un faible poids statistique. Les intervalles de confiance sont très grands. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles elle se poursuit. L’étude n’est non plus représentative de la population puisqu’elle se déroule qu’avec des couples stables qui reçoivent des soins, un dépistage et un traitement des ITSS sur une base régulière, ce qui n’est pas nécessairement la norme. Néanmoins, la prise d’antirétroviraux permet d’atteindre une charge virale indétectable qui réduit considérablement le risque de transmission du VIH.

En 2013, l’INSPQ publiait un consensus d'experts sur la charge virale et le risque de transmission du VIH dans le même sens, dans lequel les experts du Comité sur les ITSS statuaient qu’une charge virale indétectable (inférieure à 40 copies/ml ou sous le seuil minimal de quantification des trousses en vigueur au Québec) atteinte habituellement après 16 à 24 semaines de traitement et maintenue pendant au moins 6 mois et sur 2 mesures consécutives grâce à une thérapie ARV efficace, réduit le risque de transmission du VIH lors des relations sexuelles vaginales chez les couples hétérosexuels. Le risque lors des relations sexuelles vaginales non protégées par un condom passe alors d’un niveau élevé à un niveau négligeable ou très faible (II). Au regard de la méthodologie des études recensées et de leurs résultats, ce constat s’applique uniquement si les conditions suivantes sont remplies et respectées :

  • charge virale indétectable et maintenue pendant au moins 6 mois et sur 2 mesures consécutives, grâce à une thérapie ARV;
  • adhésion au traitement d’au moins 95 %;
  • partenaire stable et exclusif;
  • absence confirmée d’ITSS chez les deux partenaires;
  • suivi médical intensif aux 3 à 4 mois incluant une mesure de la charge virale et un dépistage des ITSS pour la PVVIH et un dépistage des ITSS, incluant le VIH, pour le partenaire séronégatif;
  • counseling approprié régulier pour les deux partenaires portant sur les conditions énumérées ci-haut et sur la réduction des risques, incluant l’utilisation adéquate du condom.

Si l’une de ces conditions n’est pas respectée, le risque pourrait tout de même être moindre, mais les données probantes actuellement disponibles ne permettent pas de l’estimer. Pour toute personne vivant avec le VIH (PVVIH), le counseling doit aussi aborder d’autres éléments, dont la sensibilisation aux aspects légaux, la contraception et l’immunisation.

Cette évaluation du risque est similaire pour les relations sexuelles orales et anales, mais elle est basée sur des estimations mathématiques et non des données probantes.

Par ailleurs, les experts précisent que le risque zéro ne peut être garanti.

1 Présentés à la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI 2014).

Références :

  1. Rodger, A.J., Cambiano, V., Bruun, T., et coll. 2016. Sexual activity without condoms and risk of HIV Transmission in Serodifferent Couples when the HIV-Positive Partner is Using Suppressive Antiretroviral Therapy, JAMA, vol 316, no2, pp. 171-181
  2. Daar, E.S. et Corado, K. 2016. Condomless Sex with Virologically Suppressed HIV-Infected Individuals; How Safe Is It?, JAMA, vol 316, no 2, pp.149-151.
Rédigé par
Marie-Claude Drouin - Unité ITSS
Date de publication
26 septembre 2016