Veille analytique en périnatalité, avril 2021

Les articles présentés dans ce bulletin de veille analytique abordent différents aspects de la santé en contexte périnatal et de petite enfance.

Programmes, services et interventions

Ontario – Pratiques d’alimentation des nourrissons et utilisation des services de soutien à l’allaitement chez des participantes au Programme canadien de nutrition prénatale

Contexte

Les données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes 2017-2018 indiquent que 91 % des nouvelles mères initient l’allaitement, mais que seulement 34 % pratiquent l’allaitement exclusif pendant les six premiers mois de vie de l’enfant. Divers facteurs de vulnérabilité sont associés à une plus courte durée d’allaitement exclusif, tels que le faible revenu, un faible niveau d’éducation ou encore un statut d’insécurité alimentaire.

Le Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP), offert dans plus de 240 sites répartis au Canada, pourrait constituer une avenue intéressante pour soutenir les femmes plus vulnérables dans leur allaitement. Cependant, peu de données existent quant aux pratiques d’alimentation des nourrissons chez les femmes participant à ce programme et aucun cadre de référence n’a été établi pour y intégrer un service de soutien à l’allaitement.

Objectif et méthode

Un service de soutien à l’allaitement a été intégré au PCPN offert au site Parkdale Parents’ Primary Prevention Project, à Toronto. Le service, accessible à toutes les participantes au PCPN de ce site, inclut l’offre de matériel utile pour l’allaitement et les soins de l’enfant, la possibilité de recevoir la visite d’une consultante en lactation (IBCLC) et la remise d’un tire-lait électrique. Cette étude prospective avait pour objectif de décrire les pratiques d’alimentation des nourrissons chez les participantes au PCPN de ce site, notamment en lien avec les caractéristiques sociodémographiques maternelles et leur statut d’insécurité alimentaire, ainsi que leur utilisation du service de soutien à l’allaitement.

Toutes les participantes au PCPN du site étaient éligibles à l’étude et, au total, 199 femmes y ont participé. Les données sociodémographiques ont été auto rapportées deux semaines après l’accouchement, le Module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages (à 18 items) a été administré à six mois postpartum et les pratiques d’alimentation des nourrissons ont été évaluées par téléphone ou en personne à deux semaines puis à deux, quatre et six mois postpartum. Les données concernant l’utilisation du service ont été extraites du registre électronique du programme.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Concernant les pratiques d’alimentation des nourrissons :

  • Toutes les femmes ayant participé à l’étude ont initié l’allaitement et 84 % d’entre elles ont poursuivi l’allaitement jusqu’à six mois;
  • Respectivement 50 % et 26 % allaitaient exclusivement à quatre mois et à six mois;
  • Les femmes en situation d’insécurité alimentaire étaient significativement plus nombreuses à rapporter ne pas allaiter à six mois;
  • Un niveau d’éducation secondaire ou inférieur a été associé à un plus faible taux d’allaitement jusqu’à six mois;
  • 60 % des femmes ont indiqué que leur enfant a reçu de la préparation commerciale pour nourrisson à l’hôpital, suite à l’accouchement;
  • De deux semaines à six mois postpartum, entre 76 % et 88 % des femmes qui allaitaient fournissaient une supplémentation en vitamine D à leur nourrisson;
  • L’introduction des solides a été faite avant six mois chez 52 % des nourrissons, la plupart du temps à quatre ou cinq mois.

Concernant l’utilisation des services :

  • Une forte majorité des femmes ont utilisé le service de soutien à l’allaitement, notamment :
    • 75 % ont reçu au moins une visite d’une IBCLC;
    • 95 % ayant reçu la visite d’une IBCLC ont reçu un tire-lait;
    • Le nombre de jours médian avant de recevoir une première visite d’une IBCLC était de cinq, après l’accouchement;
    • Respectivement 35 %, 34 % et 6 % des participantes ont reçu une, deux et trois visites.

Selon les auteurs, ces résultats mettent en lumière la possibilité d’intégrer des services de soutien à l’allaitement au sein du PCNP, avec une forte participation des bénéficiaires et un taux élevé d’allaitement jusqu’à six mois.

Limites

Les auteurs rapportent plusieurs limites inhérentes à cette étude. En raison de la faible variabilité dans l’utilisation du service et dans les pratiques d’allaitement, il était impossible d’évaluer les associations entre l’utilisation du service et les pratiques d’allaitement ou encore de réaliser des analyses de régression multivariée avec les caractéristiques sociodémographiques des participantes. Il était également impossible d’analyser l’association entre l’ethnicité et les pratiques d’allaitement à cause des caractéristiques de l’échantillon. Finalement, les résultats sont spécifiques à ce site du PCNP, on ne connait pas les caractéristiques des femmes ayant choisi de ne pas participer à l’étude et il est impossible d’éliminer un potentiel biais de désirabilité sociale dans les réponses rapportées par les participantes.

Francis, J., Mildon, A., Stewart, S., Underhill, B., Ismail, S., Di Ruggiero, E., Tarasuk, V., Sellen, D. W., & O’Connor, D. L. (2021). Breastfeeding rates are high in a prenatal community support program targeting vulnerable women and offering enhanced postnatal lactation support : A prospective cohort study. International Journal for Equity in Health, 20(1), 71.


Habitudes de vie

Canada – Consommation de cannabis avant et pendant la grossesse suite à sa légalisation

Contexte

Avant sa légalisation, le cannabis était la substance « illicite » la plus consommée pendant la grossesse. En octobre 2018, le Canada a rendu légal l’usage non médical du cannabis. Cette légalisation est susceptible d’être associée à une augmentation de son usage. Jusqu’à présent, dans le contexte canadien, on ne dispose pas de données sur les effets de la légalisation du cannabis sur sa consommation pendant la grossesse.

Objectif et méthode

Cette étude observationnelle exploratoire avait pour but de comparer le taux de consommation de cannabis, de tabac, d’alcool et de drogues illicites avant et après la légalisation du cannabis, pendant la grossesse et la période préconceptionnelle.

Deux échantillons de convenance ont été constitués, respectivement avant la légalisation (entre mai et octobre 2018, n = 494) et après la légalisation (entre juillet 2019 et mai 2020, n = 325). Toutes les femmes enceintes, quel que soit l’âge gestationnel, âgées d’au moins 19 ans et résidant en Colombie-Britannique étaient éligibles. Les participantes ont été approchées par différentes voies, notamment à travers la distribution de documents de recrutement dans les maternités ou via les réseaux sociaux.

Les données de consommation ont été recueillies à l’aide du questionnaire utilisé dans le cadre de l’enquête canadienne sur l’expérience de la maternité. Les participantes ont rapporté leur consommation des différentes substances à deux périodes : pendant et avant la grossesse (3 mois avant la grossesse ou avant la prise de connaissance de la grossesse). Des informations sur les caractéristiques individuelles, obstétricales et psychosociales des femmes ont également été récoltées. Pour chaque période, des analyses multivariées (modèles de régression logistique) ont été réalisées pour comparer le risque de consommation des différentes substances avant et après la légalisation.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Trois principaux constats émergent de cette étude :

  • Le taux de consommation de cannabis avant la grossesse a augmenté significativement après la légalisation. En effet, avant la légalisation, 11,74 % des femmes enceintes déclaraient en avoir consommé au cours des trois mois ayant précédé la grossesse. Cette proportion passe à 19,38 % après la légalisation. L’analyse multivariée montre (après ajustements pour différents facteurs) que les femmes du groupe post-légalisation ont 71 % plus de risque de consommer du cannabis avant la grossesse que celles du groupe pré-légalisation.
  • Le taux de consommation de cannabis pendant la grossesse a augmenté entre les périodes pré et post légalisation, passant de 3,64 % à 4,62 %, mais cette différence est non significative.
  • Les taux de consommation de tabac, d’alcool et de drogues illicites ne diffèrent pas significativement avant ou après la légalisation du cannabis.

Limites

Plusieurs limites sont mentionnées par les auteurs. La faible taille de l’échantillon limite la puissance statistique des analyses. L’échantillonnage de convenance n’assure pas une représentativité de la population des femmes enceintes résidant en Colombie-Britannique. Un biais de mémorisation quant à la consommation autorapportée de cannabis avant la grossesse n’est pas à exclure.

Par ailleurs, il convient de noter qu’il s’agit d’une étude exploratoire. D’autres études, utilisant des devis méthodologiques plus robustes, sont nécessaires pour mieux évaluer l’impact de la légalisation sur la consommation du cannabis avant et pendant la grossesse.

Bayrampour, H., & Asim, A. (2021). Cannabis use during the preconception period and pregnancy after legalization. Journal of Obstetrics and Gynaecology Canada.


Danemark – Exposition aux écrans et technoférence, une étude longitudinale chez les enfants de moins d’un an

Contexte

Les appareils de technologie mobile, comme le téléphone intelligent, font désormais partie de l’environnement de la majorité de la population, incluant les parents. Ainsi, les jeunes enfants peuvent être exposés très tôt à leur usage, directement ou indirectement, en plus de côtoyer d’autres types d’écrans, tels que la télévision. La recherche démontre qu’une exposition ou une utilisation prolongée des écrans pourrait entrainer des effets néfastes sur le développement de l’enfant. Par ailleurs, des études suggèrent que l’utilisation parentale des technologies mobiles en présence des enfants pourrait causer une interruption dans l’interaction parent-enfant, un phénomène appelé technoférence.

Objectif et méthode

Cette étude longitudinale faite auprès de 1580 danoises primipares et leur enfant poursuivait deux objectifs :

  1. Examiner le profil d’exposition quotidienne aux écrans des enfants de moins d’un an, ainsi que la fréquence de la technoférence avec la mère;
  2. Examiner l’association entre ces phénomènes et l’âge de la mère, son niveau d’éducation et son statut socioéconomique.

Les données ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire, à quatre moments durant la première année de l’enfant, soit à deux, quatre, sept et onze mois. Les mères devaient indiquer le nombre de minutes que leur enfant passait quotidiennement devant un écran (téléphone, tablette, télévision, ou autre type d’écran) dans une journée habituelle. La fréquence quotidienne de la technoférence était également rapportée et correspondait au nombre de fois où l’interaction entre la mère et l’enfant était interrompue par l’usage maternel d’un écran. Les données sociodémographiques ont été colligées à deux mois.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Chez les enfants âgés de moins d’un an :

  • Le temps quotidien moyen passé devant un écran varie entre 6,05 et 17,40 minutes. On observe une corrélation positive entre l’âge de l’enfant et l’exposition, et ce, à tous les temps de mesure. En d’autres termes, plus l’enfant vieillit, plus la durée d’exposition augmente.
  • La fréquence de la technoférence varie en moyenne de 4,76 à 5,75 épisodes quotidiens. L’augmentation est significative de deux à quatre mois, et de quatre à sept mois. Entre sept et onze mois, on observe plutôt une baisse significative du nombre d’épisodes. Les auteurs expliquent ce résultat par le retour de la mère sur le marché du travail, ce qui peut entraîner une diminution du temps passé avec son enfant.
  • Des trois variables sociodémographiques mesurées, seul le niveau d’éducation est corrélé négativement avec la durée d’exposition quotidienne des enfants aux écrans. Aucune variable n’est corrélée avec la fréquence de la technoférence.

Limites

La durée d’exposition dépend de l’estimation des mères et pourrait être sur ou sous-estimée dans certains cas. De même, la compréhension des situations de technoférence n’est peut-être pas la même pour toutes les mères, ce qui pourrait mener à certaines omissions. L’échantillon n’est pas représentatif de la population danoise quant au niveau d’éducation et à l’origine ethnique. Finalement, l’étude porte uniquement sur les mères.

Krogh, M. T., Egmose, I., Stuart, A. C., Madsen, E. B., Haase, T. W., & Væver, M. S. (2021). A longitudinal examination of daily amounts of screen time and technoference in infants aged 2–11 months and associations with maternal sociodemographic factors.


Santé mentale

États-Unis – Sources de stress, stratégies d’adaptation et ressources pendant la période périnatale en contexte de COVID-19

Contexte

La pandémie de COVID-19 a provoqué un stress psychologique et économique important chez un grand nombre de femmes enceintes ou en période post-partum. Ceci peut causer des effets délétères sur la santé maternelle et infantile.

Objectif et méthode

Cette étude transversale visait à mieux connaitre les sources de stress, les stratégies d’adaptation et les ressources nécessaires pour faire face au stress en lien avec la pandémie de COVID-19 chez les femmes enceintes ou en période post-partum, aux États-Unis. Pour ce faire, une méthodologie mixte combinant la collecte de données quantitatives et qualitatives a été utilisée.

Les médias sociaux et une plateforme de recherche ont servi au recrutement des participantes. Un total de 162 femmes âgées de 18 ans ou plus, parlant anglais, enceintes (125) ou en post-partum (37) entre le 1er septembre 2019 et le 31 mai 2020, a répondu à un questionnaire en ligne sur les sources de stress et les stratégies d’adaptation utilisées pour faire face à la distanciation sociale, à l’isolement et au stress. De ce total, un sous-groupe de 79 femmes a répondu en ligne à trois questions ouvertes sur les sources de stress et les ressources (matérielles ou non) nécessaires pour y faire face.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Parmi les participantes, 79 % étaient blanches non hispanique; 96 % étaient sur le marché du travail, à la maison ou étudiantes; 96 % avaient une couverture d’assurance; 56 % avaient un revenu familial de plus de 75 000 $ par année; 39 % n’avaient aucun enfant à la maison; et aucune n’était atteinte par la COVID-19.

Sources de stress :

  • 27 % des femmes enceintes de l’échantillon ont rapporté avoir de la difficulté à se procurer des aliments sains en raison des politiques de confinement ou de difficultés financières;
  • 25 % des participantes ont manqué des rendez-vous de suivis de grossesse et 36 % ont eu recours à la télémédecine;
  • Les problèmes financiers touchaient un grand nombre de participantes, les femmes s’identifiant comme hispaniques, noires, asiatiques ou d’ethnicité multiple et les femmes à faible revenu étant plus affectées;
  • 19 % ont eu de la difficulté à trouver des places en service de garde;
  • Pour environ la moitié des participantes ayant répondu aux questions ouvertes, la principale source de stress était la crainte que leur bébé contracte la COVID-19.

Stratégies d’adaptation :

  • Pour s’adapter à la distanciation sociale, à l’isolement ou au stress, 69 % ont cessé d’écouter les bulletins de nouvelles et 62 % ont essayé d’adopter des comportements sains (alimentation saine, activité physique, meilleures habitudes de sommeil, éviter l’alcool et les drogues); 55 % ont tenté de se lier davantage aux autres et 59 % ont pris du temps pour se détendre.
  • Les femmes s’identifiant comme hispaniques, noires, asiatiques ou d’ethnicité multiple et les femmes à faible revenu étaient moins susceptibles d’utiliser l’ensemble de ces stratégies.

Ressources :

  • Selon les participantes aux questions ouvertes, les ressources les plus nécessaires pour faire face au stress de la pandémie étaient d’avoir accès à de l’information sur la COVID-19 et à des soins de santé.

Limites

Quelques limites sont identifiées par les auteurs. De nature transversale, l’étude présente un portrait des sources de stress et des stratégies d’adaptation de femmes en période périnatale à un moment donné de la pandémie. Les éléments étudiés peuvent varier dans le temps en fonction de plusieurs facteurs, dont les mesures de confinement en vigueur selon les états ou l’accès aux ressources. De plus, l’étude est limitée aux États-Unis.

Barbosa-Leiker, C., Smith, C. L., Crespi, E. J., Brooks, O., Burduli, E., Ranjo, S., Carty, C. L., Hebert, L. E., Waters, S. F., & Gartstein, M. A. (2021). Stressors, coping, and resources needed during the COVID-19 pandemic in a sample of perinatal women. BMC Pregnancy and Childbirth, 21(1), 171.


Rédacteurs

Élise Jalbert-Arsenault
Danielle Landry
Andréane Melançon
Mamadou Mouctar Sow

Révision
Johanne Laguë, MD, adjointe à la programmation scientifique et à la qualité

Sous la coordination de
Roseline Olivier-Pilon, Chef d’unité scientifique

Mise en page
Marie-Cloé Lépine

Équipe Périnatalité, petite enfance et santé reproductive
Unité Stratégies préventives et parcours de vie
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en périnatalité.