L’adaptation à la parentalité est influencée par plusieurs facteurs, dont les caractéristiques des parents, la relation avec l’autre parent, le soutien social, les caractéristiques de l’enfant et la situation socioéconomique5,20,27,44–46.
Elle peut néanmoins être facilitée par différentes stratégies, et ce, dès la période prénatale2,27. Ces stratégies seront présentées dans cette section.
Informer les parents des défis de la parentalité
L’expérience de la parentalité est souvent fort différente de ce que les parents avaient imaginé lors de la grossesse2,22. Dans les premières semaines suivant la naissance de l’enfant, les parents ressentent de la surprise, de la confusion et de la joie au sujet de l’enfant, mais aussi une certaine pression en raison des nombreuses tâches et responsabilités à assumer47. Les parents doivent être informés que la période d’adaptation peut être longue22.
Au Québec, en 2015, la majorité des parents interrogés par l’Enquête sur l’expérience parentale (83 %) exprimaient avoir eu besoin d’information pour leur enfant, particulièrement sur la grossesse et l’accouchement (34 %), l’allaitement (33 %), l’alimentation (31 %), les maladies et les soins de l’enfant (36 %) ainsi que le développement physique et la croissance (28 %)26.
Les intervenants et professionnels de la santé peuvent présenter aux futurs parents des informations sur divers aspects du rôle de parent. Des échanges sur ces thèmes peuvent grandement contribuer à prendre en compte les préoccupations des nouveaux parents et à les aider à se former des attentes réalistes sur la parentalité2,20,27,44. Il est possible de présenter ces sujets de plusieurs façons, par exemple à l’aide d’une courte vidéo ou en invitant de nouveaux parents à venir témoigner de leurs expériences.
Voici des exemples de sujets qui sont d’intérêt selon Delmore-Ko et coll.2:
- Les soins à l’enfant, le plaisir de le voir grandir et le développement d’un lien affectif avec lui. Selon les besoins des parents, il peut être utile de les renvoyer au guide Mieux vivre avec notre enfant, plus précisément aux sections portant sur les caractéristiques du nouveau-né, le sommeil, l’alimentation, les problèmes de santé courants, la sécurité, etc. Il peut même être utile de faire des démonstrations de soins (ex. : emmailloter le bébé, donner le bain, changer la couche, faire faire le rot, attacher le bébé dans son siège d’auto).
- Les tâches liées à la maisonnée sont plus grandes après l’arrivée du bébé (ex. : lavage, ménage), et les parents disposent de moins de temps pour les faire. Il peut être utile pour les parents de se projeter, de faire des listes et d’envisager qui pourra assumer ces tâches pendant quelque temps.
- Les exigences physiques et émotionnelles associées au rôle de parent peuvent être sous-estimées48,49. Il peut être utile de prévoir des temps de répit ou des personnes qui viendront prendre le relais à certains moments.
Les inquiétudes des parents peuvent être nombreuses. Elles sont souvent liées aux finances, à la santé du bébé, aux conséquences sur la relation de couple, à la capacité des conjoints de remplir leur rôle de parent et à l’influence de la société sur l’enfant. En parler avec d’autres parents ou avec des professionnels de la santé doit être un comportement encouragé.
Préparer les parents aux pleurs du bébé
Beaucoup de parents ne s’attendent pas nécessairement à ce que leur bébé pleure pendant de longues heures sans qu’ils réussissent à l’apaiser rapidement. Préparer les parents à cette éventualité, dès la période prénatale, s’avère d’une grande utilité50. Les pleurs du bébé, surtout lorsqu’ils sont intenses ou incessants peuvent avoir un impact sur le sentiment de compétence parentale et les cognitions51. Certains parents, à bout de ressources en viennent à secouer un bébé pour qu’il cesse de pleurer. Les bébés secoués peuvent vivre avec des séquelles importantes, alors que d’autres peuvent en mourir52.
Les pleurs du bébé sont un moyen de communication pour exprimer la faim, la soif, l’inconfort, la douleur, l’ennui, etc. Un bébé en bonne santé et ayant un développement normal, qu’il soit allaité ou nourri au biberon va s’exprimer ainsi. Cependant, les bébés sont tous différents : certains pleurent peu alors que d’autres peuvent pleurer plusieurs heures par jour53,54.
Les pleurs considérés comme normaux présentent les caractéristiques suivantes53–60 :
- La quantité de pleurs quotidiens augmente à partir de la deuxième semaine de vie, culmine autour de 6 à 8 semaines, pour ensuite diminuer significativement et se stabiliser vers 4 à 5 mois. Ces observations se réfèrent à ce que certains appellent la courbe normale des pleurs57.
- Les crises de pleurs, pendant les premiers mois de vie, durent plus longtemps qu’à n’importe quel autre âge : elles peuvent durer de 30 à 40 minutes en moyenne, et parfois de une à deux heures.
- Les pleurs prédominent en fin d’après-midi et dans la soirée, ce qui est encore plus marqué au moment du pic de 6 à 8 semaines.
- Les pleurs peuvent être imprévisibles et, en ce sens, ils débutent et s’arrêtent sans que les parents comprennent nécessairement la cause des pleurs et ce qui a apaisé leur bébé.
- Les bébés sont parfois inconsolables, et ce, malgré des soins parentaux et un environnement adéquat.
- Le visage et l’attitude du bébé qui pleure peuvent donner l’impression qu’il est souffrant. Cependant, il faut garder en tête que le bébé qui pleure ne ressent pas nécessairement de la douleur.
Que faire quand bébé pleure?
Lorsque le bébé pleure, les parents peuvent d’abord procéder à quelques vérifications d’usage comme s’assurer que le bébé n’a pas faim, n’a ni chaud ni froid, n’a pas besoin de faire un rot, n’a pas besoin de faire changer sa couche et n’a pas de fièvre.
Ensuite, les parents peuvent tenter d’apaiser le bébé par différents moyens :
- le prendre dans leurs bras (on ne peut pas gâter un bébé en le prenant dans les bras);
- le mettre peau à peau;
- le couvrir à l’aide d’une couverture douce;
- diminuer l’intensité de la lumière;
- lui parler, lui chanter une chanson ou mettre de la musique douce;
- le bercer doucement;
- le changer de position;
- le promener dans un porte-bébé, dans une poussette ou en voiture;
- lui donner un bain.
Une stratégie d’apaisement qui a réussi une fois peut s’avérer inefficace une autre fois. Cela dit, il demeure important d’encourager les parents à aller voir le bébé lorsqu’il pleure. De plus, il faut recommander aux parents de confier le bébé à une autre personne avant d’atteindre leurs limites et d’être à bout de patience.
Que faire quand bébé n’arrête pas de pleurer?
Il peut arriver que rien ne fonctionne, même si un parent a tout essayé pour apaiser un bébé qui pleure. Les pleurs inconsolables peuvent engendrer plusieurs émotions chez ceux qui s’occupent d’un bébé, comme l’inquiétude, l’incompréhension, l’impatience, l’impuissance, le découragement, le sentiment d’incompétence, la frustration, l’exaspération, la détresse ou la colère. Ces émotions sont tout à fait normales.
Si un parent se sent épuisé ou croit qu’il risque de perdre le contrôle, il est important qu’il confie le bébé à l’autre parent. Si ce parent est seul, plusieurs solutions sont possibles :
- Mettre le bébé dans un endroit sécuritaire (ex. : le lit du bébé), fermer la porte et s’éloigner de la pièce quelques instants. Il est plus important de se calmer que de calmer les pleurs du bébé. Aller voir le bébé aux dix minutes pour s’assurer qu’il est toujours en sécurité. Attendre d’être à nouveau calme pour reprendre le bébé dans ses bras.
- Appeler un ami, un membre de la famille, un voisin, quelqu’un de confiance, le service Info-Santé 811 qui permet de consulter une infirmière ou un infirmier ou la Ligne Parents au 1 -800 -361-5085 (disponible 24 h/24, 7 j/7, service gratuit et confidentiel).
Quand s’inquiéter des pleurs?
Si le nourrisson pleure ou s’agite plus de trois heures par jour, pendant plusieurs jours, il est également possible qu’il soit souffrant. De façon générale, les pleurs qui doivent alerter les parents sont accompagnés d’autres signes. Les parents doivent consulter un professionnel de la santé (Info-Santé 811*, clinique sans rendez-vous, urgence), dans les plus brefs délais si :
- bébé ne se conduit pas comme à l’habitude, ne mange pas ou ne dort pas;
- bébé fait de la fièvre;
- bébé vomit, a la diarrhée ou a du sang dans ses selles;
- bébé pourrait s’être fait mal à cause d’une chute ou d’une blessure;
- un parent craint de blesser son bébé.
* le service Info-Santé 811 est très utile car il permet une évaluation téléphonique réalisée par une infirmière ou un infirmier afin de confirmer ou pas la nécessité de consulter rapidement.
Aborder l'importance de développer un lien affectif avec l’enfant
Développer un lien affectif avec l’enfant durant la grossesse et consolider ce lien après la naissance est très important. Ce lien affectif permet à l’enfant d’avoir les bases de sécurité requises pour se développer pleinement.
Pendant la grossesse et lors de l’accouchement
La relation entre un parent et son enfant commence à se développer bien avant la naissance de l’enfant61. Au cours de la grossesse et parfois même avant, les futures mères et les futurs pères se construisent progressivement une représentation de l’enfant à naître et développent un lien avec l’enfant en lui parlant ou en touchant le ventre de la mère62,63.
Le désir du couple d’établir un lien avec le bébé64 et de rendre sa présence concrète se fait aussi, pour la majorité, par l’achat de biens nécessaires aux soins de base, par la préparation de la chambre de l’enfant, par le choix d’un prénom ou d’un surnom et par des lectures sur le développement de l’enfant65.
Certains pères peuvent se sentir éloignés ou distants de l’expérience de grossesse (comme des spectateurs ou des étrangers), spécialement pendant le premier trimestre, car ils ressentent moins la présence de l’enfant à naître63,66,67. Le lien affectif des futurs pères avec l’enfant à naître s’accroît généralement au deuxième trimestre parce que la grossesse devient plus évidente dans le corps de leur conjointe63. Pour les partenaires, le travail et l’accouchement représentent des occasions de donner à leur conjointe du soutien physique et émotionnel (voir fiche Travail et accouchement : composer avec la douleur)68. Il est démontré que la participation des pères pendant ces moments facilite le processus même de l’accouchement, augmente leur confiance en soi et celle de leur conjointe68, renforce la relation de couple et le lien avec l’enfant à naître21.
Après la naissance
Dès les premiers moments suivant l’accouchement, le nourrisson reconnaît et préfère les signaux, les sons, les visages et les gestes de ses parents. Grâce à des soins constants, chaleureux et adéquats, l’enfant développera un attachement solide à ses parents, et cette relation constituera la base de son développement futur69.
Dès la naissance, les parents peuvent consolider le lien avec leur enfant grâce au contact peau à peau ainsi qu’à la cohabitation qui débutent en milieu hospitalier ou à la maison de naissance et qui se poursuit au retour à la maison70,71. En effet, il est démontré que les contacts peau à peau entre la mère et son bébé ont des effets positifs sur l’allaitement. Les bébés portés en peau à peau sont plus nombreux à être allaités, et le sont plus longtemps. Le contact peau à peau avec l’un ou l’autre des parents exerce aussi une influence positive sur les comportements affectifs du parent envers son enfant (ex. : sourire à l’enfant, le caresser, l’embrasser). Dans les premières semaines et les premiers mois de vie, les contacts peau à peau permettent à l’enfant de découvrir le monde dans un contexte de sécurité. Pour plus de détails sur la méthode peau à peau, consulter la section « Ressources et liens utiles ».
Enfin, une relation de qualité se développe au fur et à mesure que le parent passe du temps avec son bébé, lui parle doucement, lui prodigue des soins physiques et comprend ce que le bébé tente de lui communiquer et ce qui l’apaise lorsqu’il pleure21.
Encourager les parents à adopter de nouvelles stratégies dans leur couple
Pendant la grossesse, les couples peuvent discuter de leurs craintes respectives quant à la parentalité et explorer les stratégies qu’ils envisagent pour se préparer aux défis d’être parents. Car une fois l’enfant né, le couple est souvent moins disponible pour faire les changements requis64. Les deux parents sont souvent préoccupés par les soins à l’enfant, les tâches domestiques qui augmentent, le temps et l’intimité qui diminuent pour le couple ou encore les revenus qui peuvent être amoindris pendant le congé parental72.
Pour se préparer à cette période d’adaptation, les partenaires pourraient revoir, optimiser ou ajuster :
- leurs mécanismes de communication3,14;
- leurs stratégies de résolution de conflits3;
- la répartition des tâches3,36,38;
Une bonne communication entre les partenaires est déterminante pour l’adaptation d’un couple à l’arrivée d’un enfant. En effet, les études montrent qu’un style de communication positif contribue à la satisfaction conjugale durant cette période14,73. Les partenaires ont avantage à favoriser des échanges fréquents, chaleureux et ouverts73. Ils peuvent échanger sur leurs attentes et sur leurs perceptions quant à leurs nouveaux rôles74.
Un couple qui éprouve des difficultés à gérer des conflits, que ce soit avant ou après la naissance de l’enfant, peut avoir besoin de consulter des ressources spécialisées (ex. : psychologue, travailleuse sociale, infirmière) pour développer cette habileté essentielle au maintien d’une relation conjugale satisfaisante et d’un milieu familial favorable au développement de l’enfant66.
Encourager les parents à solliciter leur réseau
L’arrivée d’un nouvel enfant nécessite que les parents prennent appui sur autrui. Ils peuvent trouver de l’aide dans leur famille d’origine (parents, frères, sœurs, cousins, cousines, etc.), chez leurs amis, auprès des intervenants ou des professionnels du réseau de la santé et des services sociaux, et auprès d’organismes communautaires tels que les maisons des familles et les centres de ressources en périnatalité.
La mobilisation du réseau de soutien est une stratégie qui facilite grandement l’adaptation des nouveaux parents. Ce soutien se définit par un échange interpersonnel qui implique une dimension affective (ex. : expression d’amour, d’affection, de solidarité) et une dimension instrumentale (ex. : offrir des biens, des services, de l’argent ou de l’aide dans les tâches)75.
Un réseau social, lorsqu’il est soutenant peut avoir un effet bénéfique sur la qualité de l’interaction parent-enfant, le fonctionnement familial, la santé mentale des parents et l’utilisation de pratiques parentales adéquates75. Le fait de savoir qu’on peut compter sur un réseau de soutien social est l’un des éléments protecteurs de la santé mentale des mères76 et des pères68, et est lié à une plus faible détresse psychologique chez le couple six mois après la naissance de l’enfant77.
À l’inverse, l’isolement social et l’absence de réseaux d’entraide sont des éléments qui constituent d’importants facteurs de risque pour le développement des enfants75.
Différentes stratégies peuvent être proposées aux futurs parents afin qu’ils bénéficient du soutien de leur réseau social, institutionnel et communautaire.
Un réseau social
Il est bénéfique pour les parents d’échanger avec leur entourage, leur famille ou leurs amis sur les préoccupations et les questions qu’apporte la venue de l’enfant. Chez les femmes, le fait d’avoir des modèles de mères expérimentées dans leur entourage ou d’avoir accès au soutien de leur propre mère ou belle-mère peut contribuer à diminuer le stress dans les premiers mois avec l’enfant22,78. Les pères ont eux aussi besoin de modèles masculins, car le rôle de père a beaucoup évolué au cours des dernières décennies23. Lors de la transition à la parentalité, plusieurs nouveaux parents ont d’ailleurs tendance à se rapprocher des membres de leur famille79.
Le réseau institutionnel et communautaire
Avoir recours à un ou une professionnelle impliquée dans le suivi de grossesse p. ex. infirmière, sage-femme, médecin ou intervenante sociale, permet aux parents de réfléchir aux stratégies à mettre en place pour faire face aux difficultés qui peuvent émerger après la naissance de l’enfant2. Une bonne stratégie est de préparer une liste de services et de ressources (numéros de téléphone, sites Internet) pour savoir où se référer en cas de besoin. Les professionnels contribuent de manière significative à l’adaptation des mères (80).
Il est reconnu que le soutien formel des intervenants et le soutien informel du réseau social pendant la grossesse, l’accouchement et au retour à la maison peuvent faciliter l’adaptation des pères23. Le besoin de soutien au rôle de père est d’ailleurs l’une des dimensions de la Politique de périnatalité du Québec81.
Certains parents peuvent être désireux de participer à des rencontres avec d’autres parents pour partager leurs préoccupations68,82. Les rencontres prénatales constituent une première opportunité en ce sens. Certains groupes ou organismes communautaires, dont les maisons des familles ou les centres de ressources périnatales, rassemblent les parents pour discuter de différents thèmes, comme l’allaitement, le massage pour bébé, le portage, l’alimentation ou le développement des enfants. Les centres récréatifs de loisirs de la plupart des municipalités ou arrondissements offrent aussi des activités qui permettent de bouger et de briser l’isolement.