Comprendre les compétences collectives

La diversité et la complexité des défis rencontrés à travers les activités de prévention, de dépistage, de traitement et de suivi des ITSS auprès des populations vulnérables signifient qu’il ne suffit plus d’adopter des approches basées seulement sur les compétences individuelles des intervenants ou des gestionnaires. La caractéristique fondamentale de l’approche populationnelle est précisément sa dimension collective. Bien que le système de la santé et des services sociaux soit formé d’acteurs affichant des profils différents (formations professionnelles distinctes, domaines de spécialisation variés, expériences particulières), leur complémentarité représente l’essence même de ses compétences en tant qu’institution.

Agencement des forces

Le meilleur moyen de répondre aux besoins du terrain est de tirer profit des spécificités individuelles de chacun. Cependant, c’est en combinant les forces respectives dans un effort commun que de nouveaux sommets peuvent être atteints et non en se développant chacun pour soi. Que l’on pense aux plus grands groupes de musique ou aux meilleures équipes sportives, ce sont leurs compétences collectives qui leur ont permis d’atteindre le succès.

Similairement, la qualité première d’un système de santé et services sociaux se trouve dans son habilité à combiner efficacement les compétences qu’il détient afin de produire un résultat qui n’aurait pu être atteint si celles-ci avaient été déployées de manière isolée.

Cette perspective met en lumière un important défi de gestion associé à la mise en réseau d’une grande variété d’acteurs et à leurs contributions spécialisées devant maintenant être canalisées vers le développement de compétences collectives visant l’atteinte d’un but commun.

4 ingrédients de base

Une compétence collective se résume à quatre éléments essentiels :

  1. un cadre de référence commun
  2. un langage partagé
  3. une mémoire collective
  4. un engagement subjectif.

Ceux-ci sont présentés dans la Figure 1 – Les éléments essentiels d’une compétence collective

1. Cadre de référence commun

Le cadre de référence commun se rapporte à la conception commune du ou des besoin(s) à combler par la mise en réseau des acteurs et permet de dégager du sens à un niveau collectif par rapport aux situations rencontrées. Cela comprend aussi la compréhension de l’influence du rôle que chacun joue ainsi que de leur interdépendance.

2. Langage partagé

Partager un langage repose sur l’identification de points de référence collectifs qui permettent aux acteurs provenant d’espaces cognitifs différents de communiquer facilement. Ceux-ci peuvent représenter des analogies, des métaphores, des données statistiques, tout comme des éléments du non-verbal.

3. Mémoire collective

La mémoire collective se rapporte à la nature des routines, interactions, méthodes, normes et procédures mémorisées par les acteurs ou documentées de façon explicite. Autrement dit, simplement par le fait de partager des idées, croyances, connaissances et expériences, les membres d’un réseau établissent une mémoire collective qui est détenue par le groupe lui-même et qui se veut habilitante. Ainsi, un nouvel arrivant ne pourrait a priori détenir cette dernière. Un défi intéressant de perpétuation de cette mémoire émane ici puisque notre réalité se compose de plusieurs changements de responsabilités.

4. Engagement subjectif

Un engagement subjectif symbolise l’établissement de comportements de coopération et l’organisation de collaborations interdisciplinaires, interdépartementales et/ou inter-organisationnelles. La compétence collective ne peut émerger sans qu’il n’existe de coopération et de synergie entre les différents acteurs. La contribution de chacun est alors bien acceptée et met l’accent sur la solidarité collective ainsi que sur la conscientisation aux enjeux respectifs dans le cadre de la réalisation d‘une mission commune.

Une réalité dynamique

L’apprentissage collectif qui s’ensuit permet de faire évoluer ces quatre éléments au gré des besoins du terrain et des transformations souhaitées dans les pratiques. En effet, une compétence collective n’est pas statique, mais dynamique. Ce dynamisme d’une compétence collective signifie qu’un réseau doit demeurer flexible, c’est-à-dire être en mesure d’intégrer des nouvelles expertises ou de reconfigurer les arrangements en place. Nous y reviendrons.

Rédigé par
Jean-François Harvey, doctorant, HEC
Date de publication : 14 mars 2012