Mythes et réalités

  • Quelques études ont documenté les mythes les plus fréquents dans la population concernant les agressions sexuelles1. L’adhésion pour une personne ou une société à des mythes sur les agressions sexuelles a des conséquences, dont notamment :
    • Pour une personne :
      • être moins encline à identifier un scénario comme étant une situation d’agression sexuelle, même si cette situation rencontre les critères légaux d’une agression sexuelle;
      • être plus susceptible d’avoir une perception négative des victimes d’agression sexuelle ; et
      • être plus à même de décourager une victime d’agression sexuelle à porter plainte.
    • Pour les décideurs :
      • peut les amener à créer des législations inappropriées.
  • L’information transmise dans les médias a donc avantage à être exempte de ces mythes, qui peuvent parfois être diffusés de façon subtile, entre autres par l’emphase sur certains éléments d’une situation d’agression sexuelle, par le choix des mots ou par une interprétation erronée. Voici plusieurs mythes et fausses croyances sur les agressions sexuelles qui ont été confrontés à la réalité :

Mythe : L’agression sexuelle est une problématique grave mais qui touche peu de personnes

En 2006, une étude effectuée auprès d’un échantillon représentatif de la population adulte québécoise a montré qu’environ un homme sur 10 (9,6 %) et près d’une femme sur quatre (22 %) rapportaient avoir été victime d’au moins une agression sexuelle avec contact avant l’âge de 18 ans, représentant 16 % de la population québécoise2. Ces taux sont comparables à ceux d’études nord-américaines3,4.

Pour les adultes, les données de l’Enquête sociale générale (ESG) de 2009 ont permis d’estimer que 677 000 Canadiens de 15 ans et plus avaient été victimes au moins une fois d’agression sexuelle (dont 472 000 étaient des femmes), et ce, uniquement au cours de l’année précédant l’Enquête, correspondant à un taux de 24 incidents d’agression sexuelle par 1 000 habitants de 15 ans et plus5.

Mythe : Les enfants qui sont victimes d’agression sexuelle auront à porter toute leur vie les séquelles de ce traumatisme

Il est vrai qu’un nombre important d’études a montré la grande diversité des conséquences que peuvent toujours présenter à l’âge adulte les personnes ayant été victimes d’agression sexuelle dans l’enfance, et ce, dans plusieurs sphères de fonctionnement. Les conséquences de l’agression sexuelle pendant l’enfance peuvent en effet perdurer, mais aussi évoluer vers d’autres formes à l’âge adulte, pouvant aussi affecter les sphères conjugale et parentale6.

Toutefois, il faut savoir qu’un certain nombre de victimes d’agression sexuelle dans l’enfance présentent, une fois devenues adultes, peu de séquelles. D’ailleurs, parce qu’ils présentent des facteurs de protection les aidant à composer avec le traumatisme subi (ex. compétences personnelles, stratégies pour composer avec le traumatisme, relation de qualité avec le parent, soutien de l’entourage), une proportion considérable d’enfants ne présenteraient pas de séquelles à un niveau pouvant avoir un impact sur leur fonctionnement au moment de leur évaluation par des professionnels7.

Plusieurs experts sont d’avis que le soutien positif offert par les parents à l’enfant victime d’agression sexuelle constituerait la condition la plus importante pour favoriser l’adaptation de l’enfant et réduire les risques de développer des symptômes, et ce, indépendamment des caractéristiques de l’agression vécue. Le soutien inclut notamment le fait de croire l’enfant et la réaction de soutien suite au dévoilement8,9.

Mythe : Plusieurs enfants inventent des histoires d’agression sexuelle car plusieurs accusations se concluent par un acquittement

Le nombre de cas de fausses allégations d’agression sexuelle envers des enfants serait inférieur au nombre de cas d’enfants qui ne dévoilent pas leur agression ou qui mentent en disant ne pas avoir été agressés. En fait, les fausses allégations fabriquées intentionnellement par l’enfant seraient très rares10. Pour plus d’informations, consultez la fiche thématique sur les fausses allégations d’agression sexuelle chez les enfants.

De plus, il faut savoir que dans toute poursuite criminelle, le fardeau de produire une preuve hors de tout doute raisonnable incombe au procureur aux poursuites criminelles et pénales. L’accusé n’a pas à faire la preuve qu’il est innocent11. Ainsi, un acquittement ne signifie pas nécessairement qu’aucun crime n’a été commis et que la victime a fait de fausses allégations d’agression sexuelle. Un tel verdict peut résulter d’un doute raisonnable soulevé envers la culpabilité de l’accusé, même si la victime a été jugée crédible.

Mythe : Les personnes qui commettent des agressions sexuelles envers des enfants sont des pédophiles

En effet, un agresseur sexuel d’enfants peut rencontrer ou non les critères diagnostiques de la pédophilie. Le terme pédophile correspond au diagnostic de pédophilie pouvant être posé par un professionnel habileté à le faire chez un individu de 16 ans et plus ayant une attirance sexuelle, exclusive ou non, envers des enfants pré-pubères (habituellement moins de 13 ans) et rencontrant un ensemble de critères13.

Les agresseurs sexuels d’enfants constituent un groupe hétérogène d’individus. Il est reconnu que les personnes qui agressent sexuellement des mineurs peuvent être des hommes ou des femmes; hétérosexuels, homosexuels ou bisexuels; en couple ou célibataire; de tout groupe ethnique; ou de statuts socio-économique variés12.

Mythe : Un individu peut avoir une relation sexuelle avec une personne intoxiquée à l’alcool sans être accusé d’agression sexuelle

Le consentement est l’accord volontaire de toute personne qui participe à une activité sexuelle et doit se manifester clairement par les paroles ou le comportement. Une personne ne peut donner son consentement, notamment si elle est incapable de le formuler (handicap, intoxication), s’il est donné par abus de confiance, de pouvoir ou d’autorité (ex. sous menace), s’il est donné par une personne en situation de dépendance, ou s’il est donné par une personne de moins de 16 ans, sauf dans les cas d'exception spécifiquement prévus. De plus, il doit être exprimé personnellement; le consentement d'un tiers n'étant pas valide.

À noter que le simple fait pour la personne accusée d’agression sexuelle d'affirmer qu’elle croyait que la personne avait donné son consentement ne constitue pas une preuve suffisante pour soulever la défense de croyance au consentement.

Mythe : Un adulte qui soupçonne qu’un enfant a été victime d’une agression sexuelle devrait le questionner à ce sujet

En évitant certaines phrases, l’adulte peut cependant faire part à l’enfant de ce qu’il observe, par exemple des changements de comportements, et se montrer ouvert et disponible. S’il reçoit des confidences laissant croire à une situation d’agression sexuelle actuelle ou passée ou qu’il a des raisons de croire que la sécurité ou le développement de l’enfant est compromis, l’adulte doit signaler la situation au Directeur de la protection de la jeunesse. Il n’est pas nécessaire d’en être certain pour faire un signalement. L’adulte qui a des doutes sur la véracité des allégations d’agression sexuelle d’un enfant ne doit pas enquêter pour obtenir plus d’informations avant de signaler. Il n’a pas la responsabilité de valider les informations qu’il possède, mais de les signaler.

Mythe : Des prédispositions biologiques rendent les hommes plus à risque d’agresser sexuellement puisqu’ils ont un plus grand besoin d’assouvir leurs pulsions sexuelles

La grande diversité des comportements d’agression sexuelle, et les différentes motivations qui y sont sous-jacentes, ne permettent pas de décrire un profil type de l’agresseur sexuel. Les hommes qui commettent des agressions sexuelles à l’endroit de femmes adultes sont majoritairement motivés par un désir de pouvoir et de contrôle plutôt que par une motivation de nature sexuelle, et ce, plus particulièrement dans les cas d’agression sexuelle en contexte conjugal et d’agression sexuelle commise par une connaissance14.

De même, une forte majorité (entre 70 % et 80 %) des délits sexuels envers des enfants seraient prémédités, allant à l’encontre de la thèse des pulsions et du manque de contrôle des agresseurs sexuels d’enfants12.

Enfin, on estime que les femmes seraient responsables d’environ 5 % de toutes les agressions sexuelles commises15.

Mythe : Les garçons qui ont été victimes d’agression sexuelle dans l’enfance commettront des agressions sexuelles à l’âge adulte

Il existe une croyance tenace dans la population à l’effet que la plupart des agresseurs sexuels ont eux-mêmes été victimes d’agression sexuelle dans l’enfance, et donc, que les garçons victimes d’agression sexuelle dans l’enfance sont susceptibles de devenir agresseurs sexuels à leur tour. Cette croyance entretient l’idée qu’il existe un cycle victime-agresseur. Les données actuelles suggèrent que la victimisation sexuelle dans l’enfance serait plus présente chez les agresseurs sexuels que parmi la population générale. Toutefois, la majorité des victimes d’agression sexuelle dans l’enfance ne deviendront pas des agresseurs sexuels. Un passé de victimisation sexuelle semble un facteur de risque parmi d’autres pour agresser sexuellement et apparaît insuffisant pour expliquer la majorité des cas d’agression sexuelle. Le fait d’avoir été agressé sexuellement dans l’enfance n’apparait ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour agresser sexuellement16.

Compte tenu du risque de stigmatisation pour un enfant lorsque l’on prétend qu’une victime d’agression sexuelle puisse devenir agresseur sexuel à son tour, il convient d’aborder le cycle victime-agresseur avec prudence.

Les facteurs qui amènent une personne à commettre des agressions sexuelles sont multiples3. Des facteurs personnels et familiaux ont été identifiés comme augmentant les risques qu’un enfant victime d’agression sexuelle commette à son tour des agressions sexuelles et suggèrent que les enfants ayant reçu des services spécialisés en lien avec les agressions sexuelles qu’ils ont subies et ceux bénéficiant d’un soutien adéquat de leur entourage seraient moins à risques de développer des comportements d’agression sexuelle.

Mythe : La plupart des agresseurs sexuels sont des prédateurs, mentalement perturbés et peu réhabilitables

L’usage, à tort, du terme prédateur sexuel peut faussement laisser croire que la plupart des agressions sexuelles sont commises par des inconnus qui recherchent et choisissent leur victime de manière aléatoire, alors que dans les faits, c’est le cas d’une très faible proportion des agresseurs sexuels. En fait, les agressions sexuelles envers les mineurs sont presque toujours commises par des personnes connues de la victime, incluant des membres de la famille et des personnes mineures (Consultez la section Statistiques pour en savoir plus sur l’ampleur et les caractéristiques des agressions sexuelles).

De plus, même si plusieurs personnes ayant commis une agression sexuelle sont plus susceptibles de présenter un ensemble de difficultés personnelles et relationnelles, incluant les problèmes de santé mentale comme la dépression, un problème d’anxiété ou un trouble de personnalité, la plupart d’entre-elles sont des personnes qui fonctionnent normalement en société.

Finalement, il demeure difficile d’établir le taux de récidive des agresseurs sexuels, notamment dû au fait qu’un grand nombre d’infractions ne sont pas déclarées aux services policiers. Plusieurs études ont toutefois évalué que moins du quart des agresseurs sexuels avaient récidivé après une période de 15 ans. Les études démontrent que le fait de suivre un traitement réduirait le risque de récidive d’un agresseur sexuel.

Dernière mise à jour : octobre 2016

Références

  1. Pour une recension, voir : Lonsway, K.A. et Fitzgerald, L.F. (1994). Rape myths. In Review. Psychology of Women Quarterly, 18(2), 133-321.
  2. Tourigny, M., Hébert, M., Joly, J., Cyr, M. et Baril, K. (2008). Prevalence and co-occurrence of violence against children in the Quebec population. Australian and New Zealand journal of public health, 32 (4), 331-335.
  3. Tourigny, M. et Baril, K. (2011). Les agressions sexuelles durant l’enfance : Ampleur et facteurs de risque. Dans M. Hébert, M. Cyr, et M. Tourigny (dir.), L’agression sexuelle envers les enfants Tome 1 (pp.7-42). Québec: Presses de l’Université du Québec.
  4. Gorey, K. M. et Leslie, D. R. (1997). The prevalence of child sexual abuse: Integrative review adjustment for potential response and measurement biases. Child Abuse & Neglect, 21(4), 391-398.
  5. Statistique Canada. (2010). La victimisation criminelle au Canada, 2009. S. Perreault et S. Brennan. Juristat, 85-002-X.
  6. Cyr, M. et Payer, M. (2011). Les interventions curatives auprès des adultes ayant été victimes d’agression sexuelle pendant leur enfance. Dans M. Hébert, M. Cyr, et M. Tourigny (dir.), L’agression sexuelle envers les enfants Tome 1 (pp. 303-332). Québec: Presses de l’Université du Québec.
  7. Thibodeau, C. et Lavoie, F. (2012). Influence d’une agression sexuelle vécue pendant l’enfance sur la santé physique à l’âge adulte. Dans M. Hébert, M. Cyr, et M. Tourigny (dir.), L’agression sexuelle envers les enfants Tome 2 (pp. 225-258). Québec: Presses de l’Université du Québec.
  8. Hébert, M. (2011). Les profils et l’évaluation des enfants victimes d’agression sexuelle. Dans M. Hébert, M. Cyr, et M. Tourigny (dir.), L’agression sexuelle envers les enfants Tome 1 (pp.149-204). Québec: Presses de l’Université du Québec.
  9. Wolfe, V. V. (2007). Child sexual abuse.Dans E. J. Mash et R. A. Barkley (Dir.), An assessment of childhood disorders (4e éd.) (pp. 685-748), New York : Guilford Press. Québec:Ministère de la santé et des services sociaux.
  10. Voir : Trocmé, N. et Bala, N. (2005). False allegations of abuse and neglect when parents separate. Child Abuse & Neglect, 29(12), 1333-1345, dans Cyr, M. et Bruneau, G (2012). Les fausses allégations d’agression sexuelle chez les enfants. Trousse média sur les agressions sexuelles.
  11. Charte canadienne des droits et libertés. Annexe B, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982.
  12. Hall, R.C.W. et Hall, R.C.W. (2009). A profile of pedophilia: Definition, characteristics of offenders, recidivism, treatment outcomes, and forensir issues. Focus : The journal of lifelong learning in psychiatry, 7(4), 522-537.
  13. American Psychiatric Association (2000). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed., text revision). Washignton, DC : Author.
  14. Robertiello, G. et Terry, K.J. (2007). Can we profile sex offenders? A review of sex offenders typologies, Aggression and Violent Behavior, 12, 508-518.
  15. Voir fiche thématique sur l’agression sexuelle commise par les femmes.
  16. Whitaker, D. J., Le, B., Hanson, R. K., Baker, C. K., McMahon, P. M., Ryan, G., et al. (2008). Risk factors for the perpetration of child sexual abuse : A review and meta-analysis. Child Abuse & Nelgect, 32, 529-548.