Veille scientifique : lutte contre le tabagisme, volume 15, numéro 3, octobre 2025
Dans ce numéro de veille scientifique de l’équipe tabagisme de l’INSPQ :
- Estimation des impacts à long terme d’une politique de génération sans fumée au Canada
- L’efficacité du programme scolaire OurFutures Vaping pour la prévention de l’usage de la cigarette électronique chez les élèves australiens
- Messages efficaces de prévention de l’usage de la cigarette électronique chez les 10-24 ans : une revue de la portée
- Les interdictions de vente des liquides aromatisés réduisent la prévalence du vapotage de nicotine chez les jeunes adultes
- Nouvelles recommandations canadiennes sur les interventions de cessation tabagique pour les adultes
Dans cette veille, l’équipe tabagisme sélectionne et résume les publications scientifiques récentes qu’elle juge les plus pertinentes au travail des acteurs du réseau de santé publique œuvrant dans le domaine de la lutte contre le tabagisme.
Estimation des impacts à long terme d’une politique de génération sans fumée au Canada
Contexte
Santé Canada a fixé à moins de 5 % la cible à atteindre en 2035 en ce qui concerne la prévalence du tabagisme au pays. La stratégie canadienne de lutte contre le tabagisme vise à la fois à favoriser le renoncement au tabac chez les fumeurs et à prévenir l’initiation à l’usage du tabac chez les non-fumeurs, particulièrement chez les adolescents et les jeunes adultes. Bien que la vente de produits du tabac aux mineurs soit interdite au Québec depuis 1993, et que le tabagisme ait graduellement diminué dans les dernières décennies, on constatait encore en 2023 que 3 % des adolescents de 15-17 ans, 7 % des jeunes adultes de 18-19 ans et 11 % des 20‑24 ans avaient fait usage de la cigarette au cours du mois précédent (Lasnier et Montreuil, 2025).
L’établissement d’une politique de génération sans fumée, qui interdirait la vente de produits du tabac aux personnes nées après une date prédéterminée, a été considéré par la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni afin d’accélérer la réduction du tabagisme à l’intérieur de leurs frontières. Cette mesure correspond à hausser d’un an, chaque année, l’âge légal pour pouvoir se procurer des produits du tabac.
Objectif
Dans l’objectif d’évaluer les possibles effets d’une politique de génération sans fumée au Canada, l’auteur de l’étude a adapté un modèle de Markov déjà existant pour déterminer l’impact de la politique. Cet impact a été analysé en fonction de l’espérance de vie, des années de vie ajustées en fonction de la qualité, des coûts de soins de santé associés au tabagisme, des sommes recueillies par la taxation des ventes de produits du tabac, et du produit intérieur brut (PIB) canadien. Il a été supposé que la mesure aurait été mise en place le 1er janvier 2025.
L’approche employée pour modéliser l’initiation au tabagisme, le renoncement au tabac, ainsi que les rechutes chez la population canadienne âgée de 15 ans et plus se base sur la transition entre quatre différents statuts tabagiques : non-fumeur à vie, fumeur actuel, ancien fumeur, personne décédée. Le modèle prédit, à intervalles de six mois, la proportion de personnes de chaque cohorte se retrouvant dans chacun des quatre statuts.
Deux scénarios ont été considérés dans les projections, soit un premier postulant l’instauration d’une politique de génération sans fumée en date du 1er janvier 2025, qui interdit la vente de produits du tabac à quiconque né après 2009, et un second correspondant au statu quo. L’auteur a considéré que la politique ne serait pas nécessairement respectée parfaitement en raison de l’existence d’un marché illicite, mais plutôt à 90 %.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
- Après 50 ans, la politique de génération sans fumée entraînerait au Canada un gain de 476 814 années de vie ajustées en fonction de la qualité, ainsi que des réductions de 2,3 milliards de dollars en coûts de soins de santé. Une telle mesure priverait le gouvernement fédéral de 7,4 milliards de dollars en taxes sur le tabac, et entraînerait une diminution de 3,1 milliards de dollars du PIB en raison de la réduction des activités de l’industrie du tabac.
- Considérant qu’il est estimé qu’une année de vie ajustée en fonction de la qualité vaut au moins 17 147 dollars, la valeur combinée des bénéfices de santé obtenus et des coûts de soins de santé évités surpasserait la somme totale des pertes financières encourues par la politique (réduction du PIB et des revenus tirés des taxes sur le tabac).
- Le modèle prédit que la proportion de décès prématurés (avant 75 ans) causés par des maladies associées au tabagisme (cancer du poumon, bronchopneumopathie chronique obstructive, maladie coronarienne, accident vasculaire cérébral) chez une cohorte de Canadiens âgés de 15 ans et plus passerait de 20,2 % à 19,3 % à la suite de l’instauration d’une politique de génération sans fumée, soit une réduction relative de 4,6 %.
- Selon les analyses, la cible de prévalence du tabagisme fixée à moins de 5 % par le gouvernement canadien pourrait être atteinte en 2035 si la politique de génération sans fumée était mise en place. Sans l’ajout de cette politique, la cible serait atteinte cinq ans plus tard, en 2040.
Selon l’auteur, les résultats des analyses effectuées indiquent que l’imposition d’une politique de génération sans fumée entraînerait des bénéfices substantiels sur l’état de santé de la population canadienne, ainsi qu’une réduction des coûts de soins de santé attribuables au tabagisme. L’ensemble de ces gains financiers est plus important que les pertes associées à une diminution du PIB et des taxes prélevées sur les ventes de produits du tabac.
Il doit être considéré que l’étude est basée sur l’hypothèse que les taux d’initiation et de renoncement au tabagisme demeureront stables au cours des prochaines décennies. Si les taux d’initiation au tabagisme devaient décliner dans les prochaines années sans qu’une politique de génération sans fumée soit en vigueur, les bénéfices découlant de son éventuelle adoption seraient moindres. Mentionnons également que les analyses ne tiennent pas compte de l’effet potentiel d’autres politiques de lutte contre le tabagisme (rehaussement de l’âge légal pour se procurer du tabac, restriction de l’accès aux produits de vapotage, réduction du contenu en nicotine des produits du tabac, augmentation de la taxation des produits du tabac, restrictions supplémentaires de l’usage du tabac dans les lieux publics).
Coyle D. Implementing a smoke-free generation policy for Canada: estimates of the long-term impacts. Health Promot Chronic Dis Prev Can 2025;45(1):39-53.
L’efficacité du programme scolaire OurFutures Vaping pour la prévention de l’usage de la cigarette électronique chez les élèves australiens
Contexte
Dans plusieurs pays développés, l’usage de la cigarette électronique est en hausse chez les adolescentes et adolescents. Les risques reliés à l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes, particulièrement la dépendance à la nicotine, constituent un enjeu de santé publique. Différentes mesures pour limiter l’accès des jeunes aux produits de vapotage sont déployées, mais des interventions préventives axées sur l’éducation et le développement de compétences demeurent essentielles et complémentaires. La présente étude évalue le programme universel OurFutures Vaping, qui s’appuie sur la prévention de la consommation d’autres substances (ex. : alcool) et qui a démontré son efficacité en contexte scolaire. Conçu en cohérence avec le programme d’éducation australien et la Stratégie nationale australienne en matière de drogues (National Drug Strategy), OurFutures Vaping est basé sur des stratégies de réduction de la demande et sur une approche globale de prévention, visant à retarder l’initiation et à réduire l’usage de la cigarette électronique et ses méfaits (harm reduction). Le programme comporte quatre leçons données en classe, prenant la forme de capsules animées accompagnées de questionnaires et d’activités de réflexion. Les capsules et activités ont pour objectif d’améliorer les connaissances sur le vapotage et les compétences socioémotionnelles, comme la gestion des influences sociales et l’affirmation de soi.
Objectif
Un essai contrôlé randomisé par grappes a été réalisé afin d’évaluer l’efficacité de OurFutures Vaping à prévenir l’usage de la cigarette électronique sur une période de 12 mois, à réduire son usage courant (dans les 30 jours précédents), et à améliorer les connaissances liées à la cigarette électronique et au tabac. Quarante écoles indépendantes (privées ou non gouvernementales) ont été réparties au hasard entre le programme OurFutures Vaping (groupe d’intervention, constitué de 20 écoles, 2 449 élèves) et le programme régulier d’éducation à la santé (groupe de comparaison, constitué de 20 écoles, 2 708 élèves). Les analyses portent sur les données recueillies en 2023-2024 auprès d’élèves de 1re et 2e année du secondaire (âgés de 12 à 14 ans).
Qu’est-ce qu’on y apprend?
- Lors du suivi à six mois, la probabilité d’usage au cours des 30 jours précédents avait diminué de 68 % chez les élèves ayant reçu l’intervention comparativement à ceux ayant suivi les cours réguliers d’éducation à la santé (RC : 0,32 [IC 95 % : 0,11–0,94]). Cependant, aucune différence significative n’était enregistrée entre les élèves des deux groupes au suivi de 12 mois (RC : 0,40 [IC 95 % : 0,15–1,07]);
- Lors du suivi à 12 mois, les analyses montrent une diminution de 65 % de la probabilité d’usage de la cigarette électronique au cours des 12 derniers mois chez les élèves ayant reçu l’intervention comparativement au groupe de comparaison (RC : 0,35 [IC 95 % : 0,18‑0,66]);
- Le programme OurFutures Vaping, par ailleurs perçu favorablement par une majorité d’élèves et de membres du personnel enseignant, est associé à de meilleurs scores de connaissances sur le tabac et la cigarette électronique chez les élèves en ayant bénéficié que chez les élèves ayant suivi les cours réguliers d’éducation à la santé.
Le programme OurFutures Vaping représente un exemple d’intervention basée sur des stratégies de réduction de la demande et une approche globale de prévention visant à la fois la prévention de l’initiation et la réduction de l’usage de la cigarette électronique et de ses méfaits. Certaines limites doivent être mentionnées, notamment que les mesures de l’usage de la cigarette électronique étaient autorapportées et potentiellement sujettes à un biais de désirabilité sociale ou de rappel. Comme l’étude a été menée dans des écoles de milieux favorisés économiquement, il est possible que l’efficacité du programme dans des milieux plus défavorisés, où la prévalence de l’usage de la cigarette électronique est plus élevée dans le contexte australien, s’avère différente. Il doit finalement être considéré que la période de suivi établie pour l’étude, d’une durée de 12 mois, ne permet pas d’évaluer la mesure dans laquelle les acquis obtenus par les élèves se maintiennent à plus long terme.
Gardner LA, Newton NC, Rowe A-L, O’Dean S, Teesson M, Hides L et al. A The OurFutures Vaping eHealth intervention to prevent e-cigarette use among adolescent students in Australia: a cluster randomised controlled trial. Lancet Public Health 2025;10(8):e682-e692.
Messages efficaces de prévention de l’usage de la cigarette électronique chez les 10-24 ans : une revue de la portée
Contexte
Les campagnes de communication en santé, qui visent à rejoindre leur public cible par la dissémination de messages persuasifs, ont démontré leur efficacité pour prévenir le tabagisme chez les jeunes. Cependant, dans cette même population, leurs effets sur l’usage de la cigarette électronique demeurent incertains. En outre, les données probantes sur les caractéristiques des messages efficaces de prévention, de même que les assises théoriques qui permettraient de comprendre leur influence sur les attitudes et les comportements des jeunes envers la cigarette électronique, n’ont pas fait l’objet d’une synthèse exhaustive.
Objectif
Une revue de la portée a été réalisée dans le but d’évaluer l’état actuel des connaissances sur les messages utilisés dans les campagnes de prévention de l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes de 10 à 24 ans. Elle vise à identifier les caractéristiques générales des études existantes, le contenu (thèmes et stratégies) et l’efficacité des messages de prévention étudiés, ainsi que les lacunes dans la littérature publiée sur le sujet.
Trente études parues de 2016 à 2023 sont incluses dans cette revue. La majorité d’entre elles ont été réalisées aux États-Unis (28 études), avec des échantillons allant de 27 à 6 427 participantes et participants. Douze d’entre elles portent sur des adolescentes et adolescents de 10 à 18 ans, neuf sur des jeunes adultes de 18 à 24 ans, et neuf sur ces deux groupes d’âge. Vingt études sont de nature quantitatives, huit sont qualitatives et deux utilisent une approche mixte. Les devis de recherche incluent des enquêtes transversales, des études expérimentales en ligne et des groupes de discussion. Les types de messages analysés comprennent des textes seuls (14 études), des combinaisons de textes et d’images (huit études), des contenus vidéo (huit études), et des images seules (une étude). Le nombre de messages testés varie considérablement, allant de quelques messages à 960 éléments distincts.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Une analyse descriptive qualitative des 30 études a permis de dégager trois thèmes centraux dans la conception des messages de prévention à l’intention des jeunes de 10 à 24 ans. Ces thèmes fournissent des pistes pour l’élaboration du contenu, le choix du format de présentation et la différenciation des publics cibles.
- Contenu des messages : présenter les risques liés à l’utilisation de la cigarette électronique
- Souligner les effets négatifs de la cigarette électronique sur la santé physique et mentale des jeunes est l’approche la plus efficace pour augmenter la perception du risque et diminuer l’intention d’utiliser la cigarette électronique;
- Mettre de l’avant les risques sociaux (image sociale, relations interpersonnelles) peut être convaincant pour certains jeunes;
- Dénoncer les pratiques de marketing de l’industrie de la cigarette électronique s’avère inefficace pour en réduire l’usage.
- Format de présentation : favoriser les approches narratives, visuelles et interactives
- L’utilisation de récits avec des personnages captivants favorise l’empathie et l’identification, facilitant ainsi la réception et la compréhension des messages;
- Des représentations visuelles marquantes (images, vidéos et avertissements graphiques) des dangers pour la santé captent l’attention, renforcent la perception des risques et réduisent l’intention d’usage de la cigarette électronique;
- L’intégration d’éléments interactifs, tels que des quiz et des mini-jeux, peut accroître l’engagement et la rétention d’information.
- Différentiation du public cible : adapter les messages aux caractéristiques des populations ciblées
- Selon l’âge : les plus jeunes préfèrent les formats de type dessin animé, tandis que les plus âgés réagissent mieux aux messages portés par des célébrités;
- Selon le statut d’usage : les jeunes qui utilisent la cigarette électronique sont plus sensibles aux messages valorisant les bénéfices de l’arrêt, tandis que ceux qui ne l’utilisent pas réagissent davantage aux messages axés sur les risques.
- Selon le genre : les garçons sont plus réceptifs aux messages portant sur les risques sociaux, tandis que les filles réagissent mieux aux contenus traitant des méfaits physiques.
L’interprétation des résultats de cette revue de la portée doit tenir compte d’un certain nombre de limites. Il doit tout d’abord être considéré que la revue de la portée, contrairement à la revue systématique, n’évalue pas la qualité méthodologique des études recensées. Il est ainsi possible que le retrait d’études de plus faible qualité entraînerait l’obtention de résultats différents. L’équipe de recherche a également noté une forte hétérogénéité entre les études sur le plan des caractéristiques des participantes et participants, des types de messages étudiés et des mesures effectuées, ce qui a empêché la conduite d’une synthèse quantitative. Comme plusieurs études se référaient aux perceptions des jeunes plutôt qu’à des mesures d’usage de la cigarette électronique pour évaluer l’efficacité du message, les résultats tendent à refléter leurs impressions plutôt que les effets réels sur les comportements.
Mentionnons finalement que la compréhension des mécanismes par lesquels les messages influencent les attitudes et les comportements des jeunes est limitée par le faible ancrage théorique des études considérées dans la revue. Ceci suggère la nécessité d’approfondir les perspectives théoriques des interventions pour être en mesure de mieux les tester dans un cadre empirique.
Chen Y, Liu H, Liu S, Xu J, Yu X, Cai Y et al. Evidence synthesis of effective e-cigarette prevention messages for adolescents and young adults: a scoping review. Tob Induc Dis 2025;23(July):111.
Les interdictions de vente des liquides aromatisés réduisent la prévalence du vapotage de nicotine chez les jeunes adultes
Contexte
La prévalence d’usage de cigarettes électroniques (aussi appelé produits de vapotage) est particulièrement élevée chez les jeunes adultes comparativement aux adultes plus âgés. Les saveurs des liquides de vapotage jouent un rôle important dans l’attrait de ces produits, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes qui sont curieux à l’égard des saveurs et qui ont l’impression que les produits aromatisés sont moins nocifs que ceux à saveur de tabac. Certains états américains ont interdit la vente de liquides aromatisés de vapotage, dans la foulée de l’interdiction de vente de tabac aromatisé et de la hausse de l’âge légal à 21 ans. Pour éviter de confondre les effets de ces mesures, la présente étude a porté sur les adultes âgés de 21 ans et plus.
Objectif
Afin de déterminer si une interdiction de vente de liquides aromatisés de vapotage adoptée au niveau de l’état a un effet sur la prévalence du vapotage, l’équipe de recherche a analysé les données de l’étude longitudinale représentative américaine Population Assessment of Tobacco and Health (PATH) recueillies aux cycles 5 (décembre 2018 à novembre 2019) et 7 (janvier 2022 à avril 2023). Les données recueillies auprès de 17 121 personnes âgées de 21 ans et plus au cycle 5 ont été analysées à partir de modèles de régression logistiques hiérarchiques à deux niveaux. De manière similaire à l’approche de la différence dans les différences, l’usage de produits de vapotage chez des participants avant et après l’entrée en vigueur de la politique interdisant les liquides aromatisés de vapotage a été comparé à l’usage chez des participants résidant dans des états où les saveurs n’ont pas été interdites.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Six états américains ont interdit la vente de liquides aromatisés de vapotage de novembre 2019 à juin 2020 : Maryland, Massachusetts, New Jersey, New York, Rhode Island et Utah. Ces états pouvaient avoir exempté le menthol ou permettre la vente de liquides aromatisés dans les boutiques spécialisées seulement.
Les résultats indiquent une diminution significative de la probabilité d’usage de produits de vapotage au cours des 30 jours précédents parmi les participants âgés de 21 à 24 ans qui résidaient dans un état ayant interdit la vente de liquides aromatisés de vapotage (Rapport de cotes ajusté [RCA] : 0,59 [IC 95 % : 0,36–0,97]), comparativement aux participants du même âge résidant dans d’autres états. Ce changement significatif à la suite de l’entrée en vigueur d’une interdiction de vente de liquides aromatisés n’était pas observé pour les autres groupes d’âge. Chez les participants âgés de 25 à 29 ans, un changement similaire était observé pour l’usage établi de produit de vapotage1.
Le type d’analyse statistique utilisé constitue une force considérable de cette étude. Parmi les limites, l’équipe de recherche mentionne n’avoir pas pu tenir compte des impacts de la pandémie de COVID-19, arrivée entre les deux cycles d’intérêt analysés par cette étude, ni de l’influence de variables autre que les politiques publiques pouvant expliquer la diminution du vapotage (santé mentale, exposition aux médias sociaux, accès au soutien au renoncement, et intentions d’arrêter de vapoter). Les impacts de politiques locales n’ont pas non plus été pris en compte.
Kingsbury JH, Parks MJ, Kimmel HL, Aboaziza E, Blanco C, Compton WM. The effects of state-level flavored electronic cigarette restrictions on adult tobacco use using multilevel modeling: findings from the PATH study waves 5 & 7 (2018-2023). Nicotine Tob Res 2025;ntaf187.
1 Tel que défini par l’équipe de recherche, l’usage établi de produits de vapotage implique un épisode d’usage régulier au cours de la vie ainsi qu’un usage actuel quotidien ou occasionnel.
Nouvelles recommandations canadiennes sur les interventions de cessation tabagique pour les adultes
Contexte
Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP) s’est penché sur les données probantes récentes permettant de formuler des recommandations concernant les interventions de cessation tabagique pour les adultes qui fument des cigarettes de tabac. Ce groupe est un comité indépendant composé de professionnelles et professionnels de la santé et de scientifiques qui formulent des recommandations en matière de prévention primaire et secondaire dans le contexte des soins primaires. Les travaux du GECSSP s’adressent aux prestataires de soins primaires (médecins, infirmières, etc.), mais peuvent être utilisés hors des milieux cliniques de première ligne. Les recommandations ne concernent pas les femmes enceintes ou qui allaitent, le GECSSP n’ayant pas évalué l’innocuité des interventions pour ces clientèles. Un groupe de travail composé de cinq membres du GECSSP a élaboré les présentes recommandations. Le document a été publié en français et en anglais.
Objectif
À partir de 22 revues systématiques Cochrane portant sur des interventions comportementales, des pharmacothérapies, une combinaison des deux, et d’autres types d’intervention, les autrices et auteurs ont identifié l’ampleur des bienfaits comparativement aux soins usuels ou à l’absence d’intervention, et établi un degré de certitude des bienfaits estimés. En ce qui concerne le rôle de la cigarette électronique comme moyen pour cesser de fumer, une revue systématique portant sur 17 essais contrôlés randomisés et une étude de cohorte ont été comparées à une revue systématique dynamique de Cochrane publiée en janvier 2025. Ce guide de pratique clinique a été élaboré selon la méthode GRADE.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Les autrices et auteurs préconisent une approche visant à offrir aux adultes qui fument un menu d’options démontrées efficaces, et invitent les prestataires de soins à partager la prise de décision avec leur patientèle, afin de trouver le meilleur choix en fonction des données probantes, mais aussi des valeurs et des préférences des fumeuses et fumeurs.
La première recommandation, considérée forte et dont le degré de certitude des bienfaits estimés est élevé, consiste à connaître le statut tabagique de la patientèle. Les autrices et auteurs recommandent que toute personne qui fume des cigarettes de tabac soit incitée à arrêter de fumer et se voie proposer une ou plusieurs interventions de cessation tabagique démontrées efficaces.
Plusieurs interventions déjà mises de l’avant continuent de faire l’objet de recommandations fortes. C’est le cas des conseils offerts par les prestataires de soins primaires, du counseling individuel ou de groupe offert par une personne-conseil formée en cessation tabagique, des interventions par textos, de la pharmacothérapie (thérapie de remplacement de la nicotine, bupropion et varénicline), d’une combinaison d’interventions comportementales et pharmacologiques et des outils d’autoassistance (personnalisés ou non, avec ou sans contact). La cytisine s’ajoute aux méthodes fortement recommandées.
Les autrices et auteurs suggèrent de ne pas utiliser la cigarette électronique, avec ou sans nicotine, à des fins de cessation tabagique, sauf dans certaines circonstances (recommandation conditionnelle, faible degré de certitude). Ces circonstances peuvent être, par exemple, lorsqu’une fumeuse ou un fumeur a essayé d’autres interventions sans succès ou exprime une forte préférence pour cette méthode. Les personnes qui s’engagent dans cette voie devraient être informées des incertitudes qui persistent à l’égard de la cigarette électronique, telles que l’absence de produits de vapotage approuvés pour la cessation tabagique au Canada, l’absence de données sur l’innocuité à long terme et le maintien potentiel de la dépendance à la nicotine.
Dans le cadre de sa démarche d’évaluation, le GECSSP ne s’est pas seulement penché sur l’efficacité des interventions; il a également pris en considération les méfaits des interventions, le coût des traitements pour les fumeuses et fumeurs, la faisabilité, l’acceptabilité et l’équité, ainsi que le coût de renonciation (dans le cas, par exemple, de personnes qui utiliseraient une intervention dont l’efficacité n’est pas démontrée). De plus, les autrices et auteurs ont comparé leurs recommandations avec celles d’autres guides de pratique clinique canadiens et internationaux, comme CAN-ADAPTT (2011), NICE (2025), USPSTF (2021), RACGP (2021), HASF (2022) et l’OMS (2024).
Thombs B, Traversy G, Reynolds D, Lang E, Groulx S, Wilson B, pour le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs. Recommandations sur les interventions de cessation tabagique pour les adultes au Canada. CMAJ 2025;197:E874-E892.
Rédacteurs
Benoit Lasnier, conseiller scientifique
Marianne Dubé, assistante de recherche professionnelle
Caroline Braën-Boucher, conseillère scientifique
Hélène Arguin, conseillère scientifique
Annie Montreuil, conseillère scientifique spécialisée
Équipe tabagisme
Direction du développement des individus et des communautés
Coordonnateur
Benoit Lasnier, conseiller scientifique
Direction du développement des individus et des communautés
Réviseurs
Olivier Bellefleur, chef d’unité Produits et substances psychoactives
Johanne Laguë, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive
Direction du développement des individus et des communautés
Révision linguistique
Sarah Mei Lapierre, agente administrative
Direction du développement des individus et des communautés
Ce document est disponible intégralement en format électronique (PDF) sur le site Web de l’Institut national de santé publique du Québec au : http://www.inspq.qc.ca.
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