Veille analytique : Jeux de hasard et d’argent, avril 2025, vol. 1, n° 2

Dans cette veille, l’équipe de rédaction sélectionne et résume les publications scientifiques récentes jugées les plus pertinentes au travail des acteurs du réseau de santé publique œuvrant dans le domaine des jeux de hasard et d’argent (JHA).

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Résumés d'articles

Les parieurs sur les jeux vidéo de compétition : un profil de joueurs distinct? 

Mise en contexte

La pratique compétitive de jeux vidéo se déroulant dans un environnement virtuel  - aussi connue sous le nom de e-sport 1 connait un engouement sans précédent. En parallèle, les paris portant spécifiquement sur la pratique de ces jeux gagnent aussi en importance. À ce jour, peu de travaux scientifiques ont porté spécifiquement sur les paris et les parieurs s’intéressant à la pratique de cette forme de jeu. 

Objectif et méthode

Cette recension systématique avait pour principaux objectifs de mieux comprendre les caractéristiques des joueurs se livrant aux paris sur les jeux vidéo de compétition, ainsi que d’examiner le lien entre l’engagement à titre de spectateur de cette forme de jeu et la pratique de jeux vidéo. Les lignes directrices ROBUST ont été utilisées afin d’évaluer les risques de biais dans les études s’appuyant sur des données d’enquêtes ou de sondages.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Trente études ont été retenues, 9 issues des États-Unis, 7 d’Australie et le reste provenant de différents pays à travers le monde. Toutes les publications ont eu recours à un devis transversal. Dans les études pour lesquelles l’évaluation a été possible (soit 26/30), les biais les plus fréquemment repérés sont ceux liés au cadre d’échantillonnage et au recrutement des participants.

Les principaux résultats montrent que :

  • En comparaison avec les autres types de joueurs, ceux qui se livrent à des paris sur des jeux vidéo de compétition sont plus susceptibles d’être d’origine ethnique autre que caucasienne (n=5). Ils tendent aussi à être plus jeunes (n=5), voire, à ne pas avoir atteint l’âge légal pour participer à des JHA.
  • Dans plusieurs études, la majorité (plus de 60%) de ces parieurs est de sexe masculin.
  • Les parieurs sur les jeux vidéo de compétition présentent plus de symptômes associés au jeu pathologique (tel qu’évalué par les échelles de mesure de l’usage problématique de jeux) ou subissent un plus grand nombre de préjudices associés à ce type de pari que les participants des groupes témoin, incluant ceux se livrant aux paris sportifs (n=13).
  • Lorsque comparés avec d’autres types de joueurs, ceux pariant sur des jeux de compétition sont plus susceptibles de s’engager dans une plus grande diversité de JHA (n=5).
  • Des associations positives sont rapportées entre la pratique de jeux vidéo de compétition (en tant que joueur ou spectateur), celle de jeux vidéo et le fait se livrer à des paris sur les jeux vidéo de compétition (n=7).

Conclusion

La mise en évidence du profil distinct des joueurs se livrant aux paris sur les jeux vidéo de compétition est le principal apport de cette synthèse. Plusieurs pistes pour des travaux futurs sont mis en exergue par les auteurs, dont la nécessité d’accroître la recherche visant à soutenir les décideurs dans l’adoption de modalités d’encadrement spécifiques pour cette forme de JHA, notamment dans une optique de protection des jeunes. Le besoin d’accroître les connaissances pour mettre en place des interventions préventives pour réduire les méfaits associés à ces JHA, est aussi soulevé. 

1 Bien que ce terme soit souvent employé en français et tel que soulignée dans une publication de l’INSPQ, ce terme suggère que cette pratique puisse être considérée comme un sport. Cette proposition ne fait cependant pas consensus dans la littérature, tant scientifique que grise (Caron, 2023). En ce sens, l’expression « jeu vidéo de compétition » sera utilisée dans ce résumé, de sorte à plutôt mettre en lumière les attributs de cette pratique, soit le jeu vidéo et la compétition
 

Référence du document cité : Caron, M. (2023). Pratique du jeu vidéo de compétition et santé des adolescents et des jeunes adultes. Québec : Institut national de santé publique du Québec.  
 

Mangat, H. S., Griffiths, M. D., Yu, S. M., Felvinczi, K., Ngetich, R. K., Demetrovics, Z., & Czakó, A. (2024). Understanding esports-related betting and gambling: a systematic review of the literature. Journal of gambling studies40(2), 893-914. 


L’impact de la publicité pour les jeux de hasard et d'argent liée aux sports sur les comportements de jeu : une revue systématique 

Mise en contexte

Plusieurs travaux ont mis en évidence que l’exposition à la publicité liée aux JHA peut modifier les comportements ou intentions des individus de participer à ceux-ci. Peu de recensions des écrits ont cependant porté spécifiquement sur les effets de la publicité en lien avec les JHA dans le contexte spécifique des évènements sportifs. 

Objectif et méthode

Cette revue systématique visait à mieux comprendre la relation entre la publicité des JHA associée aux évènements sportifs et les comportements de jeu. Ces comportements font référence à la pratique (incluant l’intention de pratiquer) de toute forme de JHA découlant de l’exposition à de la publicité promouvant les paris, un évènement ou un produit sportif. Les formes de publicités considérées sont celles de type « traditionnel » (télévision, radio) et la publicité numérique (en ligne, médias sociaux). Elles réfèrent aussi, entres autres choses, aux commandites, aux affichages et à l’envoi de courriels ou de textos. 

L’exposition à ces formes de publicités a été principalement mesurée de manière indirecte (p.ex. exposition autodéclarée lors d’enquêtes). La qualité des études a été évaluée avec le Mixed Methods Appraisal Tool (MMAT).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Vingt-deux études ont été retenues : 16 en Australie, 3 au Royaume-Uni, 1 en Espagne et 1 en Nouvelle-Zélande. La majorité d’entre elles était de nature observationnelle (n=18) et recourait à un devis transversal (n=15). Les participants étaient principalement des joueurs à risque et des adultes (n=19). En ce qui a trait à la qualité des études, l’hétérogénéité des mesures employées et le fait que la majorité soient des études observationnelles, sont parmi les principales faiblesses relevées par les auteurs.

Les principaux résultats indiquent que l’exposition aux publicités des JHA dans les évènements ou paris sportifs, notamment lorsqu’elle est fréquente, est associée à :

  • Une augmentation de la fréquence (perçue et réelle) de participation à des JHA, ainsi que de l’intention de jouer (n=6);
  • Des dépenses accrues consacrées à ces jeux (n=3);
  • Des comportements de JHA non planifiés (n=2). 

Les résultats montrent aussi que :

  • L’association entre les comportements de JHA et l’exposition à la publicité est plus marquée chez les joueurs à haut risque (tel que mesuré par des échelles cliniques), déjà vulnérables aux préjudices liés à ces jeux.
  • Les jeunes adultes à risque élevé de préjudices liés aux JHA seraient particulièrement influencés par la publicité numérique et celle diffusée lors des événements sportifs.
  • La messagerie directe (textos, courriels) constituerait un incitatif à miser ou à parier davantage.
  • L’exposition à la publicité numérique, notamment sur les réseaux sociaux, augmenterait les paris en les présentant comme une forme de jeu peu risquée.
  • Les incitatifs telles les offres de paris gratuits amèneraient les joueurs à s’engager davantage dans des pratiques de jeu plus à risque (p.ex. : parier des montants plus élevés).

Conclusion

Selon les auteurs, les modalités d’encadrement peu restrictives actuellement en place dans nombre de juridictions en ce qui concerne la publicité des JHA associée aux évènements sportifs peuvent contribuer à accroitre les préjudices associés à la participation aux JHA. Cependant, de leur point de vue, des études supplémentaires basées sur des devis expérimentaux et des suivis longitudinaux, ainsi que l’utilisation d’outils de mesures standardisés pour mesurer de manière plus uniforme les comportements de jeux, sont nécessaires afin de renforcer les données probantes. 

McGrane, E., Pryce, R., Field, M., Gu, S., Moore, E. C., & Goyder, E. (2025). What is the impact of sports‐related gambling advertising on gambling behaviour? A systematic review. Addiction. 


Les préjudices vécus par les proches de personnes qui participent à des JHA :  une étude de la portée

Contexte

La participation aux JHA peut porter préjudice à la personne qui s’y engage, mais aussi à son entourage. Une approche de santé publique globale, qui vise le développement d’interventions efficaces, gagne ainsi à prendre en compte la manière dont l’entourage des joueurs vit, perçoit, et réagit à la pratique des JHA de ceux-ci. Dans le cadre du présent article, ces préjudices font référence à : toute conséquence négative initiale ou exacerbée due à une participation au JHA qui entraîne une diminution de la santé ou du bien-être d’une personne, d’une unité familiale, d’une communauté ou d’une population.

Objectif et méthode

Cette étude de la portée avait pour objectif  de brosser un portrait de l’étendue, la gamme et la nature des publications portant sur les préjudices vécus par les proches des personnes participant à des JHA. Le présent article synthétise les résultats quant à la prévalence, aux caractéristiques sociodémographiques et aux préjudices subis par les proches de personnes qui participent à des JHA. Documenter l’ampleur et les types de préjudices subis, la concordance entre les préjudices signalés par les joueurs et par leurs proches, ainsi que le fardeau de ces préjudices, fait également partie des objectifs poursuivis

Les auteurs ont utilisé la taxonomie complète des préjudices liés au jeu de Langham et coll. (2016), qui prend en compte 7 types de préjudices (p.ex. : préjudice financier, détresse émotionnelle ou psychologique, diminution de la santé, engagement dans des activités criminelles).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Cette étude de la portée prend en compte des publications réalisées entre janvier 2000 et avril 2024. Elle inclut 121 études, dont 88 portent minimalement sur un des aspects suivants : la prévalence (n=12), les profils sociodémographiques (n=8), les profils des jeux (n=5) et les préjudices (n=87). Les études sont en majorité transversales (n=39), qualitatives (n=26) et à méthodes mixtes (n=10). Elles ont été menées dans 19 pays différents, principalement l’Australie (n=30), le Canada (n=13), la Finlande (n=7), la Nouvelle-Zélande (n= 5) et la Suède (n=5).

 Les principaux résultats montrent que : 

  • Entre 4,5 % et 21,2 % de la population générale adulte a estimée être touchée par la pratique des JHA d’un joueur de leur entourage (n=10).
  • Le pourcentage des personnes touchées par la pratique des JHA d’un proche varie entre 7,0 % et 20,6 % chez les femmes et entre 4,0 % et 21,8 % chez les hommes (n=6).
  • Les proches du joueur affectés ont des taux de jeu plus élevés que les proches non-affectés. Le statut d’ami proche affecté est associé à la participation au jeu l’année précédente (n=3).
  • En ce qui a traits aux préjudices :
    • Le nombre de préjudice signalé par les proches du joueur varie entre un (24,3 % à 25,2 %) et quatre ou plus (4,9 % à 12,5 %) (n=3).
    • Les préjudices subis les plus courants sont ceux émotionnels, suivi des préjudices relationnels et financiers (n=4).
    • Une forte concordance existe entre les types de préjudices rapportés par les joueurs et ceux rapportés par leurs proches. Cette similitude n’est pas observée pour le nombre de préjudices ni pour le nombre de personnes affecté (n=2)
    • Le jeu problématique réduirait la qualité de vie (abandon de la relation conjugale, état de santé) des proches affectés de 10% à 36% comparativement à la population générale (n=2).

Conclusion

Les auteurs soulignent des résultats mitigés pour les profils sociodémographiques, sauf en ce qui a trait au sexe. Des travaux futurs devraient permettre de documenter plus en profondeur les caractéristiques sociodémographiques des proches de l’entourage des personnes qui pratiquent les JHA. 

Référence du document cité : Langham, E., Thorne, H., Browne, M., Donaldson, P., Rose, J., Rockloff, M. (2016) Understanding gambling related harm: A proposed definition, conceptual framework, and taxonomy of harms. BMC Public Health, 16, p. 80.

Dowling, N. A., Hawker, C. O., Merkouris, S. S., Rodda, S. N., & Hodgins, D. C. (2025). Addressing gambling harm to affected others: A scoping review (Part I: Prevalence, socio-demographic profiles, and harm). Clinical Psychology Review, 102542.


Le montant à gagner dans les loteries à lot progressif : un effet différent sur les dépenses selon le niveau socioéconomique des joueurs?   

Contexte

Dans un tirage à lot progressif (Lotto 649, Lotto Max, etc.), le montant à gagner (taille du lot) s’accumule et augmente au fil des tirages tant et aussi longtemps que celui-ci n’a pas été réclamé par le gagnant. L’effet du tirage à lot progressif réfère à l’augmentation de revenus découlant de la vente de billets de loterie ou à l’accroissement de l’engagement des joueurs au fur et à mesure que la taille du lot augmente.

Objectifs et méthode

La présente étude poursuivait trois objectifs : 1) tester si la taille du lot exerce un effet différent selon le niveau socioéconomique des joueurs; 2) déterminer si le revenu et le niveau d’éducation prédisent de manière distincte les ventes des billets de loterie; 3) examiner si la taille du lot dans les loteries à tirage progressif affecte les ventes d’autres types de loteries, et, en lien avec ce qui précède : 4)  comprendre si la taille du lot suit une logique de substitution (moins de ventes de billets pour les loteries à prix fixe quand la montant à gagner des loteries à tirage progressif est élevé) ou de complémentarité (hausse des ventes lorsque le lot à gagner est élevé). 

Les analyses ont porté sur les ventes de trois loteries à tirage progressif (soit Lotto 649, Lotto Max et Lottario) effectuées à Toronto entre 2012 et 2015. Les données ont été regroupées en fonction des niveaux de défavorisation des quartiers, établis selon les codes postaux. Des régressions linéaires à effets mixtes ont été faites pour analyser les habitudes d’achats de billets de ces loteries dans différents quartiers. 

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les principaux résultats montrent que : 

  • Les ventes augmentent au fur et à mesure que le montant à gagner est élevé et ce, pour les trois loteries à lot progressif considérées.
  • Les ventes de billets de loterie à lot progressif par habitant tendent à être plus élevées dans les quartiers plus défavorisés. Toutefois, lorsque le montant à gagner est plus important, cette surreprésentation des dépenses en billets de loterie dans ces quartiers est atténuée.
  • Les personnes vivant dans des quartiers plus favorisés sont légèrement plus sensibles à l’augmentation de la taille du lot que celles qui vivent dans les plus défavorisés. Cela signifie que dans ces premiers milieux, le montant à gagner serait un incitatif à l’achat de billets de loterie à lot progressif davantage que dans les milieux plus défavorisés.
  • L’augmentation des ventes de billets à lot progressif n’a pas diminué les ventes des billets de loterie à lot fixe, indiquant ainsi que ces deux types de loteries sont complémentaires. 

Conclusion

L’étude, qui couvre la période de 2012 à 2015, n’a pas pris en compte les JHA en ligne, qui sont devenus populaires pendant cette période. À cet égard, les auteurs suggèrent que, étant donné que la participation aux JHA en ligne est influencée par les mêmes facteurs socioéconomiques, les résultats observés pourraient également s’appliquer à cette forme de jeu, suggérant ainsi de reproduire cette étude afin de valider une telle hypothèse.

Fu, H. N., Li, A., Otto, A. R., & Clark, L. (2025). Socioeconomic correlates of the lottery rollover effect in Toronto, Canada. Addiction Research & Theory33(1), 19-28. 

Rédacteurs

Jacinthe Brisson, conseillère scientifique 
Dieynaba Diallo, conseillère scientifique 
Liliana Gomez, conseillère scientifique spécialisée 
Isidora Janezic, conseillère scientifique spécialisée 
Direction du développement des individus et des communautés

Sous la coordination de  
Olivier Bellefleur, chef d’unité Produits et substances psychoactives
Direction du développement des individus et des communautés

Avec la collaboration de 
Fanny Lemétayer, conseillère scientifique 
Direction du développement des individus et des communautés 
Magaly Brodeur, professeure faculté de médecine et des sciences de la santé Université de Sherbrooke

Réviseure 
Johanne Laguë, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive 
Direction du développement des individus et des communautés

Révision linguistique 
Marie-Cloé Lépine, agente administrative
Direction du développement des individus et des communautés

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