Veille analytique en santé cognitive, juin 2021

Pour ce numéro, l’équipe Vieillissement en santé a surtout repéré des interventions promouvant la participation sociale, notamment par le biais d’un programme de mentorat intergénérationnel ou d’une campagne de communication pour réduire la stigmatisation selon l’âge (âgisme). L’équipe a également résumé les résultats d’une étude québécoise identifiant et priorisant les besoins des personnes aînées en matière de participation sociale en milieu rural. Enfin, des interventions utilisant les technologies numériques sont abordées : elles peuvent, plus spécialement, être mises en œuvre en respectant les consignes de distanciation physique, tant que celles-ci resteront en vigueur.

Participation sociale

L’accès au transport et à l’information pourrait favoriser la participation sociale des personnes aînées résidant en milieu rural

Contexte

Des interventions visant la participation sociale des personnes aînées dans les communautés rurales sont actuellement menées par divers acteurs à travers le Canada. Comme les interventions sur les facteurs environnementaux peuvent avoir un impact plus important sur la participation sociale que celles qui visent les facteurs individuels, il est important d’identifier les facteurs environnementaux qui facilitent ou entravent les activités sociales dans les communautés rurales. Peu d’études à ce sujet ont été menées auprès de personnes aînées vivant en milieu rural.

Objectifs

Cette recherche-action se donnait pour objectif d’identifier et de prioriser les besoins en matière de participation sociale des personnes aînées vivant dans une municipalité régionale de comté (MRC) des Cantons-de-l’Est au Québec, Canada.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Le projet a impliqué 136 acteurs, incluant des personnes aînées, des intervenants et des membres de la communauté issus de différents milieux. Il était basé sur un partenariat solide avec la communauté.

Les données recueillies ont permis d’identifier trois catégories de facteurs pouvant faciliter ou entraver la participation sociale des personnes aînées :

  • Les facteurs personnels, parmi lesquels le désir et les intérêts en matière d’activités sociales;
  • Les facteurs liés à l’environnement bâti comme la disponibilité et l’accessibilité des infrastructures et des lieux de rencontre;
  • Les facteurs liés à l’environnement social tels que l’organisation et la diffusion d’informations concernant le transport, les activités et les opportunités offertes.

En considérant l’ensemble des résultats, les besoins en transport et en informations des personnes aînées vivant dans les MRC rurales ont été fortement priorisés par les participants.

Limites

L’étude n’a concerné qu’une seule MRC. Comme les besoins en matière de participation sociale peuvent varier d’une communauté à l’autre ou au fil du temps, les résultats peuvent ne pas être directement applicables à une autre région. Des facteurs contextuels sont à considérer, comme la taille, l’emplacement, la composition démographique, la capacité à obtenir des investissements et le leadership.

Levasseur, M., S. Routhier, I. Clapperton, C. Doré et F. Gallagher (7 novembre 2020). « Social participation needs of older adults living in a rural regional county municipality: toward reducing situations of isolation and vulnerability », BMC Geriatrics, vol. 20, no 1, p. 456.

Une formation pour devenir mentor auprès des jeunes peut offrir l’opportunité aux aînés de continuer à apprendre et à être actif mentalement et socialement

Contexte

La participation à une formation pour devenir mentor et agir comme tel auprès des personnes plus jeunes peut être une chance de continuer à apprendre et à être actif tout au long de la vie, et ce, même à un âge avancé. Les programmes de mentorat intergénérationnels s’inscrivent bien dans le paradigme du vieillissement actif, les personnes aînées y étant abordées pour leur contribution potentielle au développement de la société, grâce au partage de leurs connaissances et de leur expérience.

Objectifs

L’étude de cas menée dans cinq pays d’Europe présente un programme de mentorat intergénérationnel. Ce programme avait pour but de soutenir le vieillissement actif chez les adultes âgés de 55 ans et plus, ainsi que le transfert de leurs compétences entrepreneuriales auprès de jeunes de 18 à 29 ans présentant une certaine vulnérabilité à l’exclusion sociale.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’article rapporte les résultats de la phase pilote du projet qui visait à apprécier les retombées du programme dans trois pays (Allemagne, Italie, Slovénie).

Le programme reposait sur deux piliers : 1) une formation de seize heures offerte aux entrepreneurs pour développer leurs compétences de mentorat et; 2) le mentorat des jeunes par les nouveaux mentors. Les jeunes rencontraient les mentors environ une fois par semaine pour une durée de deux heures.

Les résultats de l’évaluation suggèrent que la formation de seize heures a permis aux participants aînés d’améliorer leur capacité à surmonter les défis rencontrés lors des sessions de mentorat avec les jeunes (19/41 mentors). Dans les trois pays, le sentiment d’être utile aux jeunes est le bénéfice le plus souvent mentionné par les mentors (36/41 mentors). Le second bénéfice est un sentiment de bien-être général, rapporté par tous les participants aînés allemands et italiens (31/41 mentors). Le contact régulier et constant entre les mentors et les jeunes ressort comme l’un des principaux points forts de ce programme intergénérationnel.

Selon les chercheurs, les syndicats, les associations bénévoles de personnes âgées, les entreprises, les organisations d’éducation des adultes, les universités et les écoles secondaires devraient faire de ce type de programme une partie intégrante de leurs activités.

Limites

Une méthode d’échantillonnage non probabiliste par choix a été adoptée, comportant le risque d’une faible représentativité de l’ensemble de la population. De plus, l’objectif prévu de quinze mentors et quinze jeunes par pays a été presque atteint pour les mentors (41), mais pas pour les jeunes (33) en raison de difficultés rencontrées lors de la phase de recrutement. Il n’a pas été possible de dégager des résultats statistiquement significatifs de l’analyse des données.

Santini, S., B. Baschiera et M. Socci (2020). « Older Adult Entrepreneurs as Mentors of Young People Neither in Employment nor Education and Training (NEETs). Evidences from Multi-Country Intergenerational Learning Program », Educational Gerontology, vol. 46, no 3, p. 97‑116.

Les campagnes visant à contrecarrer l’âgisme peuvent contribuer à développer des normes sociales favorables aux personnes aînées

Contexte

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’âgisme comme l’existence de préjugés, de stéréotypes ou de discrimination à l’égard des personnes en raison de leur âge. Bien qu’il se manifeste le plus souvent à un âge avancé, l’âgisme peut toucher des personnes à tous les stades de la vie et avoir un impact négatif sur la santé. Il peut affecter les relations entre les personnes en freinant l’insertion sociale et nuire à la formation de relations significatives entre différents groupes générationnels. Dans son Rapport mondial sur l’âgisme, l’OMS rapporte un effet observable allant de faible à moyen sur les attitudes envers le vieillissement et les personnes âgées, y compris sur les stéréotypes et les préjugés, pour les interventions éducatives visant à réduire l’âgisme.

Objectif

Ce rapport a été produit dans le cadre de la Campagne mondiale de lutte contre l’âgisme (OMS) afin d’inspirer et de soutenir le développement de futures campagnes qui peuvent aider à changer les discours négatifs sur le vieillissement et les adultes aînés. Il présente un aperçu des pratiques actuelles ainsi que des suggestions pour développer et mettre en œuvre de futures campagnes aux niveaux local, national et régional.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les chercheurs ont étudié six campagnes locales (dont une à Toronto et une à Gatineau) et trois campagnes nationales ou régionales. En se basant sur l’analyse documentaire du matériel utilisé, des entretiens individuels et des discussions de groupe avec des personnes impliquées dans ces campagnes, ils ont dégagé les meilleures pratiques à développer pour favoriser le succès de campagnes futures. Celles-ci s’articulent autour de cinq thèmes clés :

  • Utiliser la recherche tout au long de la campagne;
  • Favoriser l’engagement de la communauté par l’intégration de plusieurs points de vue;
  • Planifier stratégiquement en modélisant les processus de changement et en faisant participer les principaux décideurs et partenaires;
  • Mettre en œuvre des activités qui privilégient l’éducation sur un mode engagé et interactif, ainsi que le contact intergénérationnel;
  • Communiquer efficacement en utilisant des messages et des images simples et équilibrés et en choisissant les plateformes de diffusion les plus appropriées selon les publics cibles.

En plus de proposer plusieurs exemples pratiques, des outils ont été conçus dans le cadre de l’initiative plus large dans lequel s’inscrit ce rapport. Ces outils fournissent les ressources nécessaires pour s’informer sur l’âgisme, ouvrir un espace de discussion sur ce sujet au sein des communautés, organiser des événements pour sensibiliser l’opinion publique et communiquer des messages par le biais des médias sociaux.

Limites

Le document ne fournit pas d’information sur la manière dont les cas ont été repérés puis sélectionnés. Un nombre plus élevé de cas analysés par l’entremise de cette étude aurait certainement donné accès à des connaissances utiles pour soutenir plus concrètement l’implantation de ce type de campagne dans les régions.

Organisation mondiale de la santé (2020). Campaigning to tackle ageism: Current practices and suggestions for moving forward [en ligne].

L’utilisation des technologies numériques peut réduire l’isolement des personnes aînées dans le contexte de la pandémie de COVID-19

Contexte

Au cours des derniers mois, l’application des mesures sanitaires pour contrer la pandémie de COVID-19 a constitué un obstacle aux interactions et à la prestation de services sociaux dans les communautés. Dans ce contexte, l’utilisation des technologies numériques a été importante pour le maintien des liens sociaux et de certains services. Certaines interventions basées sur ces technologies sont conçues tout particulièrement en considérant les besoins, intérêts et préférences des personnes aînées. Puisqu’il s’agit d’un champ d’études et d’interventions en plein développement, il peut être opportun d’en suivre les tendances, notamment concernant l’efficacité des interventions à promouvoir la participation sociale.

Objectifs

Cette revue systématique se donnait pour objectif d’examiner les tendances de développement et l’efficacité d’interventions numériques spécifiquement dédiées aux personnes âgées de 60 ans ou plus. Les chercheurs ont analysé 23 études portant sur des interventions numériques conçues afin de réduire la solitude et l’isolement social dans ce groupe d’âge.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les chercheurs rapportent les constats suivants :

  • La tendance actuelle des interventions qui sont dédiées aux personnes aînées est centrée sur l’utilisation des plateformes sociales en ligne;
  • Les interventions émergentes intègrent de plus en plus de multiples composantes, favorisant la participation sociale, mais aussi, entre autres, l’activité physique, la nutrition et le sommeil;
  • Les personnes aînées utilisent davantage les technologies numériques qu’avant et présenteraient une attitude positive envers celles-ci.

Les plateformes Internet permettant de communiquer avec les autres peuvent contribuer à limiter l’isolement social et la solitude. Elles peuvent être utilisées pour favoriser un vieillissement actif et sain, promouvoir la participation sociale et la santé cognitive.

Limites

L’hétérogénéité des interventions étudiées a rendu les comparaisons difficiles. Il est alors plus risqué d’en tirer des conclusions fermes. Par conséquent, les résultats doivent être interprétés avec prudence. D’autres études sont nécessaires pour examiner l’efficacité des interventions basées sur les technologies numériques, incluant davantage d’essais randomisés avec des échantillons à grande échelle.

Choi, H. K., et S. H. Lee (7 mars 2021). « Trends and Effectiveness of ICT Interventions for the Elderly to Reduce Loneliness: A Systematic Review », Healthcare (Basel, Switzerland), vol. 9, no 3.

Mode de vie physiquement actif

L’utilisation des technologies numériques peut encourager l’adoption d’un mode de vie actif dans le contexte de la pandémie de COVID-19

Contexte

La génération actuelle et les générations ultérieures qui atteindront le début de la vieillesse (établi à 50 ans et plus selon l’OMS) utilisent et utiliseront de plus en plus les technologies numériques. Parmi les interventions destinées à promouvoir un mode de vie actif, celles qui intègrent les technologies numériques font l’objet d’une attention croissante en raison du rôle central de ces technologies dans les sociétés actuelles et de leur capacité à favoriser l’autonomie des personnes.

Objectifs

Les principaux objectifs de cette revue systématique étaient : 1) de résumer les données probantes disponibles sur l’efficacité des interventions utilisant les technologies numériques pour promouvoir la santé des populations âgées de 50 ans et plus et; 2) d’explorer comment des interventions spécifiques peuvent être mises en œuvre pour avoir un impact positif sur le vieillissement en santé.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les quatorze interventions examinées reposaient principalement sur l’utilisation des dispositifs technologiques suivants : ordinateurs, tablettes ou téléphones portables. Elles requéraient une connexion Internet. La plupart visaient à offrir un suivi, de la formation ou de la supervision et étaient focalisées sur l’atteinte de résultats en matière d’activité physique. Trois d’entre elles visaient plusieurs dimensions, telles que les connexions sociales, la modification du mode de vie ou la fonction cognitive.

Les résultats montrent les effets positifs des interventions utilisant les technologies numériques pour promouvoir des comportements favorables à la santé. Les chercheurs notent, par exemple, une motivation accrue à faire de l’activité physique, un changement de comportement facilité, de même qu’une amélioration des connaissances et du bien-être psychologique. La fourniture d’informations était souvent au cœur des interventions. Les interventions ciblant l’activité physique présentent un effet allant de faible à moyen.

Les chercheurs soulignent l’importance de prendre en compte les facteurs liés à l’adoption des technologies par les personnes aînées, comme l’intérêt et la maîtrise des technologies numériques. Ils soulèvent aussi la question de l’accès à Internet ainsi que celle des différences dans les usages qu’en font les personnes âgées, auxquelles il faut être attentif pour éviter de renforcer les inégalités sociales existantes.

Limites

La plupart des études primaires incluses dans cette revue étaient de qualité modérée, en raison notamment de la petite taille de leur échantillon, des composantes multiples et de la courte durée des interventions. Les participants représentaient un large éventail d’âge (50 ans et plus), certaines interventions pourraient donc ne pas être applicables à tous les groupes d’âge.

Buyl, R., I. Beogo, M. Fobelets, C. Deletroz, P. Van Landuyt, S. Dequanter, E. Gorus, A. Bourbonnais, A. Giguère, K. Lechasseur et M.-P. Gagnon (3 juin 2020). « e-Health interventions for healthy aging: a systematic review », Systematic Reviews, vol. 9, no 1, p. 128.


Équipe Vieillissement en santé

Annie Gauthier, conseillère scientifique spécialisée
Mathieu-Joël Gervais, conseiller scientifique spécialisé
André Tourigny, médecin-conseil, spécialiste en santé publique et médecine préventive

Sous la coordination de Chantal Blouin, chef d’unité scientifique

Unité Habitudes de vie/Municipalités en santé
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en santé cognitive.