Prévenir la violence sexuelle : stratégies visant l’environnement socioculturel

Les inégalités entre les hommes et les femmes, c’est-à-dire les inégalités de genre, sont l’une des causes profondes des violences faites aux filles et aux femmes à travers le monde, incluant la violence sexuelle1. Dans les régions ou les pays qui en présentent un niveau plus élevé, les filles et les femmes ont un risque encore plus accru de subir de la violence sexuelle au cours de leur vie2–4. À l’inverse, l’égalité de genre a un effet positif sur la santé de la population et est associée à moins de violence entre partenaires intimes, qu’elle soit de nature sexuelle ou non5.

Les inégalités de genre peuvent influencer la situation socioéconomique et les conditions de vie, surtout celles des filles et des femmes. Elles façonnent aussi certaines normes sociales, comme celles qui banalisent la violence sexuelle ou qui valorisent les rôles de genre traditionnels et les stéréotypes sexuels et sexistes1,6. Ces normes ont le potentiel d’influencer les attitudes et les croyances de la population sur la violence sexuelle, qui peuvent ensuite se traduire par des comportements, incluant des gestes de violence1.

Environnement socioculturel : exemples de facteurs et stratégies préventives

Exemples de facteurs liés à l’environnement socioculturel

Facteurs qui favorisent la violence

  • Inégalités de genre
  • Discriminations basées sur le sexe, le genre, l’ethnicité, la situation de handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, etc.
  • Normes sur les rôles de genre traditionnels
  • Stéréotypes sexuels et sexistes
  • Normes, attitudes et croyances soutenant la violence sexuelle
  • Climat de tolérance à la violence sexuelle dans les milieux de travail et d’enseignement

Facteurs qui contribuent à réduire la violence

  • Égalité des genres
  • Normes et valeurs non violentes

Modification des normes sociales et promotion de l’égalité des genres

Sur le plan sociétal, le changement des normes sociales et culturelles qui soutiennent la violence est l’une des sept grandes stratégies recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour prévenir la violence sous toutes ses formes7. En effet, l’adhésion à certaines normes accroit les risques de violence commise envers les filles et les femmes, autant à l’échelle individuelle que populationnelle. On retrouve par exemple les normes qui soutiennent ou banalisent la violence sexuelle, les mythes sur la violence sexuelle, les rôles de genre traditionnels, les stéréotypes sexuels et sexistes et les inégalités de genre2,3,8–17. À l’inverse, d’autres promeuvent plutôt l’égalité, le respect et les comportements pacifiques7,18,19. L’adhésion à des normes et des valeurs non violentes et l’égalité des genres peuvent ainsi protéger contre la violence sexuelle8,18–20.

L’ensemble de ces normes peuvent être présentes et véhiculées dans différents environnements et milieux de vie notamment dans les médias, le milieu familial, le milieu d’enseignement, le milieu de travail ou dans le milieu judiciaire8. Par exemple, dans les milieux d’enseignement ou de travail, un climat de tolérance au harcèlement ou à la violence ou une culture valorisant une rivalité agressive et une dominance sur les autres peuvent augmenter les risques de violence sexuelle, incluant le harcèlement sexuel21,22.

Pour faire évoluer les normes sociales dans l’ensemble des milieux de vie, plusieurs stratégies peuvent être mises en place. Les campagnes de sensibilisation et une couverture médiatique adéquate de la violence sexuelle sont des exemples de stratégies soutenues par diverses organisations et études évaluatives.

Campagnes de sensibilisation

Les campagnes de sensibilisation ont souvent pour but de diffuser de l’information sur un sujet à un large public, par la télévision, la radio ou les réseaux sociaux. Elles visent parfois à influencer les normes sociales, en encourageant par exemple les relations égalitaires et l’adoption de comportements pacifiques et sains23. Considérant leur portée populationnelle, leurs effets sont difficiles à mesurer24–26.

En matière de violence sexuelle, les campagnes visent à contrer les stéréotypes sexuels et sexistes, à corriger certaines croyances erronées de la population sur cette violence et à diminuer la tolérance à l’égard de la violence sexuelle, qui sont des facteurs associés à la violence sexuelle9,14,15,23,26,27. Elles peuvent aussi encourager à poser des gestes pour prévenir la violence sexuelle ou à soutenir une personne victime26. L’information transmise peut être des exemples de manifestations ou de conséquences de la violence sexuelle, des façons de soutenir les personnes victimes ou d’intervenir en tant que témoin ou des ressources d’aide24.

Certaines campagnes de sensibilisation ciblent des contextes plus à risque de violence sexuelle, comme les campus universitaires et les bars28–31. Elles se présentent souvent sous forme de courts messages ou de scénarios diffusés sur des affiches dans ces milieux ou sur les médias sociaux. De manière générale, ces campagnes améliorent les connaissances sur la violence sexuelle des personnes qui les consultent et réduisent, dans certains cas, leur tolérance à l’égard de certains gestes de violence sexuelle. Malgré tout, elles ne réussissent pas à changer leurs comportements28–31.

Médias et couverture médiatique de la violence sexuelle

Les médias sont fréquemment appelés à couvrir la violence sexuelle dans les journaux numériques ou papiers, à la radio ou à la télévision, souvent par la couverture de cas judiciarisés d’agressions sexuelles ou d’autres infractions sexuelles. Par la manière dont l’information sur ces cas est diffusée, les médias peuvent informer la population sur la problématique de la violence sexuelle et influencer ses croyances et ses attitudes sur le sujet. Ils ont aussi le potentiel de refléter les normes sociales portant sur la violence sexuelle et de les influencer32,33.

Une stratégie soutenue par nombre d’organisations, dont l’OMS, pour agir sur ces normes sociales est d’ailleurs de favoriser un traitement médiatique adéquat de la violence sexuelle par les journalistes ou par toute personne intervenant dans les médias et dans l’espace public. Pour traiter adéquatement de cette violence, les médias peuvent présenter son ampleur, les facteurs et les conséquences qui y sont associés, ce qui peut contribuer à sensibiliser la population. Diffuser des ressources d’aide est une autre pratique journalistique bénéfique et recommandée, car elle encourage les personnes qui en ressentent le besoin à aller à chercher de l’aide32,34–36. À l’échelle populationnelle, une couverture adéquate de la violence sexuelle a aussi le potentiel d’influencer l’évolution des politiques publiques et de la législation sur les questions liées aux inégalités des genres et à la violence sexuelle33.

Les pratiques journalistiques qui facilitent un traitement médiatique adéquat de la violence sexuelle sont d’ailleurs présentées dans nombre de guides, de rapports ou de pages web à l’intention des médias36.

Références

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Rédaction : Maude Lachapelle, conseillère scientifique, INSPQ 
Collaboration : Anne-Sophie Ponsot, conseillère scientifique, INSPQ 
Révision externe : Larissa Ouedraogo, M.Sc., agente de planification, de programmation et de recherche, direction régionale de santé publique, CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal 
Geneviève Paquette, Ph. D., professeure titulaire, département de psychoéducation, Université de Sherbrooke 
Jacinthe Dion, Ph. D., professeure, département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières

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