Ampleur de la violence conjugale
La prévalence de la violence conjugale au sein d’une population est difficile à évaluer. Ni les données policières, ni les enquêtes populationnelles ne parviennent à rendre compte de toute l’ampleur du problème.
Données policières – Canada
Tous les ans, Statistique Canada publie les données de violence conjugale déclarée par la police de chaque province à partir des données du Programme uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire (DUC 2).
Statistiques sur la criminalité entre partenaires intimes
Qu’est-ce que la criminalité entre partenaires intimes ?
- Elle désigne des « actes de violence commis entre partenaires intimes qui ont été signalés aux services de police au Canada ». La violence entre partenaires intime réfère à des événements dont la victime est âgée entre 15 ans et 89 ans et dont l’auteur présumé est un conjoint (de fait ou marié), un ex-conjoint (séparé, divorcé ou ex-conjoint de fait) ou un partenaire amoureux 5. Les partenaires intimes de même sexe sont inclus dans les statistiques.
Quelles sont les infractions criminelles considérées?
- Les voies de fait, le harcèlement criminel, les menaces, les vols qualifiés, les agressions sexuelles, les homicides, les tentatives de meurtre, les enlèvements et les séquestrations et, depuis 2008, les propos indécents au téléphone et les appels téléphoniques harcelants, et l’intimidation 5.
- Au Canada, en 2016, 40 577 victimes de crimes commis par un conjoint ou un ex-conjoint ont été rapportées aux services de police. Parmi les victimes, on comptait 31 798 femmes (78 %) et 8 779 hommes (22 %) 11. Source: DUC 2 - Statistique Canada.
- Au Canada, en 2016, 51 189 victimes de crimes entre partenaires amoureux ou ex-partenaires amoureux ont été rapportées aux services de police. Parmi les victimes, on comptait 40 608 femmes (79 %) et 10 581 hommes (21 %)11. Source : DUC 2 - Statistique Canada.
Données policières – Québec
Tous les ans, le ministère de la Sécurité publique du Québec (MSP) publie les statistiques de la criminalité commise en contexte conjugal. Les données sont compilées à partir du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l’affaire (DUC 2).
Statistiques de la criminalité commise dans un contexte conjugal au Québec
Qu’est-ce qu’une infraction commise en contexte conjugal?
- Une infraction contre la personne dont la victime est âgée de 12 ans et plus et dont l’auteur présumé est son conjoint, son ex-conjoint, son ami intime ou son ex-ami intime.
Quelles sont les infractions considérées?
- Homicide, tentative de meurtre, voies de fait, agression sexuelle, enlèvement, séquestration, harcèlement criminel, menaces, appels téléphoniques indécents ou harassants, intimidation.
- Au Québec, en 2015, 19 406 personnes ont été victimes de crimes contre la personne commis dans un contexte conjugal. Ces crimes ont fait 15 131 victimes féminines (78 %) et 4 275 victimes masculines (22 %) 7. Source: DUC 2 - MSP
- Au Québec, en 2015, les femmes composent la totalité ou presque des victimes d’homicides (72,7 %), d’enlèvements (100 %), de séquestration (97,0 %) et d’agressions sexuelles (97,4 %) commis par un conjoint ou un ex-conjoint 7. Source : DUC 2 - MSP
- Au Québec, en 2015, les auteurs présumés de violence conjugale étaient des hommes 8 fois sur 10 (80 %) 7. Source: DUC 2 - MSP
Enquêtes populationnelles
Mesure de la violence conjugale au moyen de l’Enquête sociale générale
Tous les cinq ans, Statistique Canada mène le cycle sur la victimisation dans le cadre de l’Enquête sociale générale (ESG). Le plus récent cycle de l’Enquête portant sur la victimisation a été réalisé en 2014. Les 11 questions servant à mesurer la violence conjugale (physique ou sexuelle) s’adressaient à tous les répondants de 15 ans et plus qui sont « mariés, vivant en union libre et séparés ou divorcés d’un conjoint marié ou de fait et qui étaient entrés en contact avec leur ex-partenaire au cours des cinq années précédentes (…)» 1. Ces questions sont tirées de l’Enquête sur la violence envers les femmes de 1993, qui elles, s’inspiraient des items du Conflict Tactics Scale (CTS). Les actes violents documentés dans cette enquête sont les suivants : menacer de violence; pousser, empoigner ou bousculer; gifler; frapper à coups de pied ou de poing; mordre; frapper; battre; étrangler; menacer à l’aide d’une arme à feu ou d’un couteau; ou forcer à se livrer à une activité sexuelle. Il est à noter que des questions sur la violence psychologique et l’exploitation financière font également partie de l’Enquête, mais celles-ci n’entrent pas dans le calcul global du taux de victimes de violence conjugale1. Puisque les données de l’Enquête sociale générale sont colligées directement auprès des victimes, on parle de violence conjugale autodéclarée, ce qui la distingue de la violence conjugale rapportée aux autorités policières.
- Une proportion similaire de Canadiennes (3,5 %) et de Canadiens (4,2 %) déclarent avoir été victimes de violence physique ou sexuelle infligée par un conjoint actuel ou ancien entre 2009 et 2014. Les femmes rapportent cependant une violence plus grave et causant plus souvent des blessures1. Source: ESG 2014
- Les Canadiennes (13,8 %) sont légèrement plus susceptibles de rapporter avoir été victimes de violence physique ou sexuelle infligée par un ex-conjoint entre 2009 et 2014 que les Canadiens (12,4 %)1. Source: ESG 2014
- Trois pour cent des Québécoises et des Québécois (3,5 %) déclarent avoir été victimes de violence physique ou sexuelle infligée par un conjoint actuel ou ancien entre 2009 et 20141. Source: ESG 2014
La théorie de la symétrie de la violence conjugale
Les données d’ enquêtes populationnelles sur la violence conjugale réalisées avec l’instrument de mesure Conflict Tactics Scale - CTS, ou à partir d’instruments s’en inspirant, ont soulevé le thème de la symétrie de la violence conjugale 3. Cette théorie soutient que les femmes sont aussi violentes que les hommes envers un partenaire dans le couple, puisque ces enquêtes ont fait état de taux de victimisation dans un contexte conjugal similaires entre les deux sexes (ex. National Family Violence Surveys, 1975, 1985). Or, les données des enquêtes réalisées avec le CTS ou un instrument semblable diffèrent des données provenant des services sociaux et de sources policières, lesquelles montrent que les femmes sont davantage victimes de violence conjugale, incluant dans les cas d’ homicides conjugaux. À l’origine, le CTS a été développé pour documenter la violence et les conflits au sein des familles. Dans le CTS, la victimisation dans le couple est mesurée par le fait de rapporter avoir subi au moins un incident de violence physique ou sexuelle sur une période donnée, ce qui ne permet pas de connaître la fréquence, la gravité et les conséquences de la violence subie 3,8. Malgré son utilisation dans plusieurs enquêtes, le CTS mesure la prévalence de la violence conjugale d’une manière qui ne fait pas consensus chez les chercheurs dans le domaine de la violence conjugale. Les principales critiques soulevées eu égard aux résultats du CTS concernent la sous-déclaration des comportements violents subis par les femmes, les limites de l’échantillonnage de la population à l’étude, mais aussi l’absence de considérations pour le contexte, les motivations et les conséquences de la violence rapportée 2. Par exemple, cet instrument ne tient pas compte du contexte de l'incident violent (auto-défense, résistance violente, contrôle, domination, etc.) et exclut la violence psychologique 3, 8, 9 . Selon certains auteurs, cette façon de mesurer la prévalence de la violence expliquerait les taux similaires de victimisation entre les hommes et les femmes. Toutefois, les experts qui critiquent la théorie de la symétrie de la violence dans le couple reconnaissent que les femmes peuvent effectivement exercer de la violence envers leur conjoint, mais insistent sur l'importance de demeurer vigilants quant à la définition de la violence qui sous-tend cette théorie, et par le fait même, quant à l'interprétation qui peut être faite de ces données d'enquêtes 3.
Gravité de la violence conjugale
- Entre 2004 et 2014, parmi les victimes de violence physique ou sexuelle, davantage de femmes que d’hommes ont rapporté des incidents de violence conjugale grave. Ces différences entre les hommes et les femmes sont significatives et demeurent dans le temps 1, 4, 6, 10.
Gravité des incidents de violence conjugale | 2004 | 2009 | 2014 | |||
---|---|---|---|---|---|---|
Hommes | Femmes | Hommes | Femmes | Hommes | Femmes | |
A subi 11 incidents et plus | 11 % | 21 % | 7 % | 20 % | 17 % | |
A été agressé(e) sexuellement, battu(e), étranglé(e), menacé(e) avec une arme à feu ou un couteau | 16 % | 39 % | 10 % | 34 % | 16 % | 34 % |
A été blessé(e) physiquement | 19 % | 44 % | 18 % | 42 % | 24 % | 40 % |
Source : ESG 1999, 2004, 2009, 2014
- Dans l’Enquête sociale générale de 2014, 17 % des Canadiens ont déclaré être victimes de violence chronique (11 incidents ou plus de violence)1. Source : ESG 2014
- Dans l’Enquête sociale générale de 2014, près de la moitié des répondants victimes de violence conjugale au cours des cinq dernières années ont rapporté un seul incident 1. Source : ESG 2014
- Dans l’Enquête sociale générale de 2009, les victimes féminines de violence conjugale étaient trois fois plus susceptibles que les victimes masculines de craindre pour leur vie (33 % contre 5 %) 6. Source : ESG 2009
- Dans l’Enquête sociale générale de 2014, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes (34 % des femmes et 16 % des hommes) de rapporter les formes les plus graves de violence (avoir été agressées sexuellement, battues, étranglées, menacées avec une arme à feu ou un couteau)1. Source : ESG 2014
- Dans l’Enquête sociale générale de 2014, les hommes étaient plus susceptibles que les femmes (35 % des hommes et 10 % des femmes) de rapporter les formes les moins sévères de violence (avoir reçu des coups de pied, s’être fait mordre ou s’être fait frapper avec un objet)1. Source : ESG 2014
Dernière mise à jour : Avril 2018
- Burczycka, M. (2016). « Tendances en matière de violence conjugale autodéclarée au Canada, 2014 ». Dans La violence familiale au Canada : un profil statistique 2014 (p. 3‑21). Ottawa, Ontario : Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada.
- Dragiewick, M. (2010). Conflict Tactics Scale (CTS/CTS2), dans Encyclopedia of Victimology and Crime Prevention, vol. 1., Thousand Oaks: Sage Publications.
- Damant, D. et Guay, F. (2005). La question de la symétrie dans les enquêtes sur la violence dans le couple et les relations amoureuses. Canadian review of sociology and anthropology, 42(2), 125-144.
- Statistique Canada (2005). La violence familiale au Canada : un profil statistique 2005. Ottawa : Statistique Canada.
- Beaupré, P. (2015). La violence entre partenaires intimes. Dans Statistique Canada (Ed.), La violence familiale au Canada: un profil statistique 2013 (pp. 24-45). Ottawa : Centre canadien de la statistique juridique.
- Hotton Mahony, T. (2011). Les femmes et le système de justice pénale. Femmes au Canada: rapport statistique fondé sur le sexe, 6e édition, Ottawa : Statistique Canada.
- Ministère de la Sécurité publique (2017). Les infractions contre la personne commises en contexte conjugal au Québec en 2015. Québec : Direction de la prévention et de l’organisation policière, Ministère de la Sécurité publique.
- DeKeseredy, W. S. et Schwarz, M. D. (2003). Backlash and Whiplash: A Critique of Statistics Canada's 1999 General Social Survey on Victimization. Online Journal of Justice Studies, 1(1). Récupéré le 25 octobre 2005, de sisyphe.org/article.php3?id_article=1689
- Brodeur, N. (2003). Le discours des défenseurs des droits des hommes sur la violence conjugale : une analyse critique. Service social, 50(1), 145-173.
- Statistique Canada (2000). La violence familiale au Canada: un profil statistique 2000. Ottawa : Statistique Canada.
- Burczycka, M. (2018). « Affaires de violence entre partenaires intimes déclarées par la police ». Dans La violence familiale au Canada : un profil statistique 2016 (p. 63-77). Ottawa : Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada.