Résultats de surveillance de la maladie de Lyme : année 2020

La maladie de Lyme est à déclaration obligatoire au Québec depuis 2003. Les cas sont déclarés par les médecins cliniciens et les laboratoires aux autorités de santé publique de leur région qui procèdent aux enquêtes épidémiologiques pour recueillir différentes informations, dont le lieu probable d’exposition et le type de cas (probable ou confirmé).

Surveillance humaine

En 2020, 274 cas de maladie de Lyme ont été déclarés aux autorités de santé publique en date du 17 décembre 20201, dont 250 cas confirmés ou probables acquis au Québec et 24 cas acquis hors Québec ou dont le lieu d’acquisition était inconnu (Figure 1). Le faible nombre de cas acquis hors Québec (par comparaison aux années précédentes) peut s’expliquer par la diminution des déplacements en dehors de la province due à la pandémie de la COVID-19.

Parmi les 250 cas confirmés ou probables de maladie de Lyme, 52 % étaient des hommes, 22 % avaient moins de 15 ans et près de 40 % avaient 60 ans et plus. L’ensemble de ces cas ont été déclarés dans sept régions sociosanitaires (RSS) du Québec pour un taux d’incidence standardisé de 2,7/100 000 personnes-années (p.a) (Tableau 1). L’Estrie demeure la RSS la plus touchée par la maladie de Lyme rapportant près de 63 % de l’ensemble des cas et un taux d’incidence standardisé 10 fois plus élevé que le taux de la province. Similaire aux années précédentes, la majorité des cas (90 %) acquis en Estrie sont survenus dans les deux territoires du Réseau local de services (RLS) de la Pommeraie et de la Haute-Yamaska.

1 Suite au contexte exceptionnel de cette année (COVID-19 et changement du système informatique de saisie des données), l’extraction des données des cas de maladie de Lyme a été réalisée trois mois plus tôt que la date habituelle, soit le 1er avril. Par conséquent, elle ne tient pas compte des épisodes déclarés ainsi que des enquêtes réalisées après cette date.

Diminution du nombre de cas : explications possibles

Le nombre de cas rapporté en 2020 était plus faible par comparaison à 2019 (n = 381). Un ensemble de facteurs peut expliquer cette diminution :

  • La différence dans la date d’extraction des données au cours des deux années (1er avril 2020 pour les données de 2019 et 17 décembre 2020 pour celles de 2020), pourrait en partie expliquer la différence dans le nombre de cas. En effet, en 2019, près de 11 % des cas de maladie de Lyme ont été saisis dans le fichier MADO entre le 18 décembre 2019 et le 1er avril 2020.
  • Le contexte de la pandémie de la COVID-19 a pu également occasionner des retards dans les enquêtes épidémiologiques et la saisie des cas de maladie de Lyme par les Directions de santé publique surchargées.
  • Une diminution des consultations médicales et une augmentation de la télémédecine pourraient avoir entraîné une diminution des diagnostics.
  • L’été 2020 a été caractérisé par des périodes de sècheresses et de vagues de chaleur importantes, ce qui pourrait avoir réduit l’abondance et l’activité des tiques dans certaines zones, et par conséquent, l’exposition aux piqûres de tiques.

Figure 1 – Nombre annuel de cas de maladie de Lyme déclarés, selon le lieu d’acquisition (Québec vs hors Québec) et taux d’incidence (pour les cas acquis au Québec), Québec, 2004 – 2020

 

Tableau 1 – Nombre de cas de la maladie de Lyme et taux d’incidence selon la RSS d’acquisition probable, Québec, 2020

Région sociosanitaire d'acquisition Nombre de cas total Nombre
de cas confirmés1
Nombre
de cas probables1
Taux d’incidence2
/100 000 personnes-année
Mauricie et Centre-du-Québec 3 3 0 0,48 (0,06-1,78)
Estrie 157 81 76 27,10 (22,70-32,10)
Outaouais 6 4 2 1,10 (0,30-2,84)
Laval 2 1 1 0,43 (0,05-1,57)
Lanaudière 2 1 1 0,21 (0,005-1,16)
Laurentides 2 2 0 0,18 (0,004-0,98)
Montérégie 64 14 50 4,00 (3,05-5,15)
Autre3 6 4 2 -
Inconnue 8 5 3 -
Total 250 115 135 2,75 (2,41-3,12)

1 Les définitions de « cas confirmé » et « cas probable » de la maladie de Lyme peuvent être consultées dans le recueil des définitions nosologiques du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.
2 Le taux d'incidence par RSS est calculé en excluant les cas acquis à l'extérieur de leur RSS de résidence (n = 34).
3 Pour ces 6 cas, il y a plus d'une RSS possible d'acquisition de la maladie de Lyme, incluant l'Estrie, la Montérégie et l'Outaouais.
Sources : Direction de la vigie sanitaire, MSSS. Extraction MADO en date du 27 avril 2020; MSSS, estimations et projections démographiques basées sur le recensement de 2011
.

Surveillance acarologique

Surveillance acarologique passive

La surveillance acarologique passive est réalisée par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) qui reçoit et identifie les tiques collectées sur des humains ou des animaux et soumises volontairement par les médecins et vétérinaires. Les tiques Ixodes scapularis (I. scapularis) sont par la suite envoyées au Laboratoire national de microbiologie (LNM) pour vérifier la présence de Borrelia burgdorferi (Bb) et d’autres pathogènes.

En 2020, le LSPQ a reçu 1 302 tiques, dont 1 056 (81 %) étaient des I. scapularis. Parmi les 1 032 I. scapularis acquises au Québec, 1 015 (98 %) avaient été trouvées sur une personne, et 17 (2 %) sur un animal (principalement chien) (Tableau 2). La majorité des I. scapularis (95 %) étaient des adultes, 4 % des nymphes et 9 tiques avec stade inconnu. Toutes les nymphes étaient d’origine humaine. Parmi les 707 tiques testées pour la présence de pathogènes, 19 % étaient positives pour Bb (19 % pour les adultes et 10 % pour les nymphes).

Les I. scapularis provenaient de toutes les régions du Québec, sauf du Nord-du-Québec et du Nunavik. L’Estrie, suivi par l’Outaouais et la Mauricie-et-Centre-du-Québec ont rapporté près de 44 % de l’ensemble des I. scapularis collectées en surveillance passive (60 % de l’ensemble des tiques dont la RSS d’origine est connue) (Figure 2 et tableau 2).

Comme pour le nombre de cas humain, le nombre d’I. scapularis soumises en surveillance passive a baissé de  42 % par comparaison à 2019 (n = 1 778 tiques acquises au Québec). De même, la proportion de tiques positives est passée de 24 % en 2019 à 19 % en 2020.

Tableau 2 – Caractéristiques des Ixodes scapularis prélevées sur des humains ou des animaux et soumises en surveillance passive au LSPQ, Québec, 2020

RSS d'origine des tiques1

Nombre d’I. scapularis
selon l’origine

Nombre d’I. scapularis
selon le stade2

Nombre 
d’I. scapularis positives à
B. burgdorferi
(Nombre testées)3

Nombre de soumissions multiples4
d’I. scapularis

 

Humain5

Animal6

Adulte

Nymphe

Humain

Animal

 

Bas-Saint-Laurent

16

2

17

0

3 (14)

1 (2)

0

Saguenay–Lac-Saint-Jean

21

2

23

0

4 (20)

1 (2)

0

Capitale-Nationale

52

-

51

0

10 (46)

-

0

Mauricie et Centre-du-Québec

102

-

97

4

11 (92)

-

1

Estrie

214

-

200

13

43 (200)

-

1

Montréal

22

-

22

0

6 (18)

-

0

Outaouais

132

-

128

3

20 (115)

-

2

Abitibi-Témiscamingue

0

6

6

0

0

1 (6)

0

Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

2

7

9

0

1 (2)

1 (7)

0

Chaudière-Appalaches

44

0

43

1

4 (41)

-

2

Côte-Nord 3 0 3 0 0 (2) - 0

Laval

13

-

13

0

1 (11)

-

1

Lanaudière

24

-

22

1

6 (20)

-

0

Laurentides

36

-

33

2

4 (32)

-

0

Montérégie

75

-

68

7

12 (64)

-

0

Inconnue7 259 0 242 15 3 (13)   5

Total

1 015

17

977

46

128 (690)

4 (17)

12

1 La RSS d’origine des tiques est déterminée lorsque la personne ou l’animal piqué ne s’est pas déplacé en dehors de sa RSS de résidence dans les deux semaines précédant le retrait de la tique.
2 Neuf tiques soumises dans les RSS de Bas-Saint-Laurent, Capitale-Nationale, Mauricie, Estrie, Outaouais, Lanaudière et Laurentides avec stade inconnu.
3 Les tiques trop détériorées ou conservées de façon inadéquate ne sont pas testées pour la présence de pathogènes (n = 79). Le % de tiques infectées est calculé par rapport au nombre de tiques testées.
4 Une soumission multiple correspond à une soumission où il y a plus d’une tique sur le même animal ou humain.
5 La surveillance des tiques d’origine humaine a cessé dans certains secteurs de l’Estrie et de la Montérégie depuis juin 2014. Certains laboratoires de ces secteurs n’ont pas adhéré à cette demande et continuent de soumettre des tiques au LSPQ (Maladie de Lyme – Analyse des tiques, LSPQ).
6 Afin d’optimiser les avantages de chaque mode de surveillance et de respecter les capacités des laboratoires, la surveillance acarologique passive d’origine animale a été arrêtée dans les dix RSS où la surveillance active est effectuée (Maladie de Lyme – Analyse des tiques, LSPQ).
7 La RSS d’origine de la tique est inconnue lorsqu’un déplacement de la personne ou de l’animal piqué a eu lieu en dehors de sa RSS de résidence dans les deux semaines précédant le retrait de la tique ou lorsque la RSS de résidence est inconnue.
Source : LSPQ et LNM, 2020

Figure 2 – Nombre d’I. scapularis d’origine humaine soumises en surveillance passive par RSS d'origine des tiques et proportion de tiques positives pour Borrelia burgdorferi (Bb), Québec, 2020

 

Surveillance acarologique active

La surveillance acarologique active consiste à collecter des tiques dans l’environnement en utilisant la méthode de la flanelle, entre mai et août. Les sites où les collectes de tiques ont lieu sont sélectionnés au printemps par le groupe d’experts de l’INSPQ sur les maladies transmises par les tiques et une équipe de l’Université de Montréal. Cette dernière coordonne les activités de terrain dans les sites d’échantillonnage identifiés. Comme pour la surveillance passive, les tiques sont envoyées et identifiées (espèce, stade) au LSPQ, puis les I. scapularis sont envoyées au LNM pour vérifier la présence de Bb et d’autres pathogènes.

En 2020, la surveillance active a été effectuée dans dix RSS avec 46 sites visités, répartis dans 38 municipalités. Les sites ont été échantillonnés 1 à 2 fois au cours de l’été pour un total de 70 visites. Ce nombre représente une réduction de 40 % en comparaison à 2019, où 117 visites avaient pu être complétées. Cette réduction s’explique par les contraintes techniques liées au contexte de la COVID-19. Par contre, grâce à une collaboration avec le Conseil de la Nation huronne-wendat qui effectue de la surveillance active sur un vaste territoire avec le même protocole de collecte de tiques, 36 sites ont pu être ajoutés aux efforts de collecte du programme de surveillance, pour un total de 120 visites sur 82 sites dans douze RSS (Tableau 3).

Pour l’ensemble des sites échantillonnés (n=82), 251 tiques I. scapularis ont été collectées (140 larves, 53 nymphes et 58 adultes) dans 25 des sites échantillonnés et provenant de 9/12 RSS (Tableau 3). Plus du tiers des tiques testées (nymphes et adultes) pour la détection de pathogènes étaient positives à Bb (40/110). La majorité des tiques positives sont des adultes.

Tableau 3 – Nombre de sites échantillonnés et nombre total de tiques Ixodes scapularis collectées en surveillance acarologique active et dans le cadre de projets selon la RSS, Québec, 2020

RSS

Nombre de sites avec I. scapularis (Nombre de sites visités)

Nombre de Larves1

Nombre de nymphes2

(positives pour B. burgdorferi)

Nombre d'adultes2

(positives pour B. burgdorferi)

Saguenay-Lac-Saint-Jean

0 (2)

0

0

0

Bas-Saint-Laurent 0 (4) 0 0 0

Capitale-Nationale

3 (16)

0

1 (0)

2 (0)

Mauricie et Centre-du-Québec

0 (4)

0

0

0

Estrie

4 (9)

9

15 (0)

3 (1)

Montréal

4 (4)

2

10 (3)

27 (18)

Outaouais

2 (6)

90

7 (0)

10 (4)

Chaudière-Appalaches

3 (18)

1

2 (0)

2 (2)

Laval

2 (3)

1

1 (0)

3 (3)

Lanaudière

1 (5)

20

4 (3)

3 (2)

Laurentides

2 (5)

0

5 (0)

2 (0)

Montérégie

4 (6)

17

8 (1)

6 (3)

Total

25 (82)

140

53 (7)

58 (33)

1 Les larves ne sont pas testées pour la présence d’agents pathogènes.
2 Toutes les nymphes et tous les adultes ont été testés pour Bb, à l'exception d'une nymphe.
Source : INSPQ/Université de Montréal/LSPQ/LNM, Conseil de la Nation huronne-wendat.

Autres agents pathogènes transmis par les tiques

Les autres maladies transmises par les tiques et à déclaration obligatoire au Québec sont la babésiose, l’encéphalite de Powassan et l’anaplasmose. En 2020, quatre cas humains d’anaplasmose ont été rapportés. Les données disponibles en date d’extraction (31 mai 2021) ne peuvent confirmer si l’acquisition a eu lieu au Québec. Aucun cas de babésiose ou d’encéphalite de Powassan n’a été déclaré.

D’autres agents pathogènes sont également recherchés dans les tiques collectées par la surveillance acarologique (passive et active). Parmi les tiques collectées en surveillance passive et active, 10 étaient positives pour Anaplasma phagocytophilum, 5 pour Borrelia miyamotoi et 1 pour le virus de Powassan (Tableau 4). Il s’agit d’une première détection d’I. scapularis positive au virus de Powassan par la surveillance active au Québec.

Tableau 4 – Nombre total de tiques Ixodes scapularis positives aux agents pathogènes recherchés et collectées en surveillance acarologique passive et active, Québec, 2020

Agents pathogènes recherchés Nombre d'I. Scapularis infectées Localisation (RSS)
Anaplasma phagocytophilum 10 Saguenay-Lac-Saint-Jean, Capitale-Nationale, Mauricie et Centre-du-Québec et Estrie
Borrelia miyamotoi 5 Estrie, Gaspésie et Chaudière-Appalaches
Virus de Powassan1 1 Chaudière-Appalaches
Babesia microti 0  

1 Seules les tiques collectées en surveillance active sont testées au LNM pour la détection de ce virus.
Source : Données de surveillance acarologique passive et active de maladie de Lyme.

Intégration des données de surveillance

Niveaux de risque des municipalités du Québec

Les données de surveillance humaine et acarologique recueillies chaque année permettent de déterminer le niveau de risque d’acquisition de la maladie de Lyme pour les municipalités du Québec. Des données issues de projets utilisant le même protocole de collecte de tiques sont également utilisées pour déterminer les niveaux de risque. Les critères des niveaux de risque ont été définis par le groupe d’experts sur la maladie de Lyme (INSPQ, 2019) et sont précisés sur le site web de l’INSPQ.

En 2020, 123 municipalités répondent au niveau de « risque présent », 86 au niveau de « risque significatif » et une municipalité est divisée en niveau de risque présent et significatif. Certaines municipalités ont vu leur niveau de risque changer par rapport à 2019 :

  • 20 sont devenues à risque présent, réparties dans les RSS Capitale-Nationale, Mauricie et Centre-du-Québec, Estrie, Montréal, Outaouais, Chaudière-Appalaches, Laurentides et Montérégie ;
  • 14 sont devenues à risque significatif, réparties dans les RSS Mauricie-et-Centre-du-Québec, Estrie, Montréal, Outaouais et Lanaudière. Les RSS de Montréal et de Lanaudière ont enregistré une première zone à risque significatif.

À noter que les municipalités de la RSS de Montréal ont été regroupées sur la base des Réseaux territoriaux de service (RTS) afin de mieux représenter le risque d’acquisition de la maladie de Lyme sur l’île de Montréal. Ainsi, 1/5 RTS de l’île de Montréal est devenu à risque significatif.

Pour plus de détails sur les municipalités et leurs niveaux de risque, consulter la :

Recommandation pour la prophylaxie postexposition (PPE)

Les données de surveillance humaine et acarologique recueillies chaque année permettent également d’identifier les territoires de Centre local de services communautaires (CLSC) visés par l’application de la PPE selon les critères d’accès à la PPE définis par le groupe d’experts sur la maladie de Lyme (INSPQ, 2017).

En 2020, cinq nouveaux territoires de CLSC (en Estrie, Montréal, Outaouais et Lanaudière) s’ajoutent à la liste pour la recommandation de la PPE par rapport à 2019. La liste des territoires de CLSC est disponible sur la page web du MSSS et mise à jour chaque année.

Source : INSPQ/UdeM/LSPQ/LNM, CNHW


AUTEUR
Comité scientifique sur les zoonoses et l’adaptation aux changements climatiques

Najwa Ouhoummane, Ph. D., INSPQ
Roxane Pelletier, D.M.V., M. Sc., INSPQ
Karine Thivierge, Ph. D., LSPQ, INSPQ
Stéphanie Jodoin, M. Sc., MSSS

AVEC LA COLLABORATION DE
Marion Ripoche, Ph. D., INSPQ
Anne Kimpton, M. Sc., chef d’unité, INSPQ
Colette Gaulin, MD, M. Sc., MSSS
Eveline Toth, M. Sc., MSSS
Marie-Andrée Leblanc, B. Sc. Inf., MSSS

REMERCIEMENTS
Sincères remerciements à Ariane Dumas, Camille Guillot et Patrick Leighton (UdeM), Robbin Lindsay (LNM), Philippe Berthiaume (CNHW), le Canadian Lyme Disease research network, Matthieu Tandonnet (BIESP, INSPQ), Geneviève Germain et le Groupe d'experts sur les maladies transmises par les tiques de l’INSPQ.

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